*Sélenne.* Service.
La salle est calme, les clients se font encore rares à ce moment de la soirée. J'écoute les directives de Krystal qui est responsable de la salle pour cette nuit. Gentille fille mais pas mon style. Trop maquillée, ayant une préférence pour les micro-jupes, excessivement libre de ses charmes. C'est une "ancienne", pas vieille non mais elle a déjà monté les niveaux dans la hiérarchie. Comment ? En donnant de sa personne, il me semble. Elle a été serveuse puis "entraîneuse". Elle connaît les ficelles du métier et sait très bien quand ouvrir sa jolie bouche rouge ou la fermer et détourner les yeux. Il faut dire que les 7 Péchés Capitaux sont l'antre de la mafia russe. Trop en savoir peut vite devenir embarrassant ou même dangereux.
Elle assigne le boulot aux barmans puis passent aux serveuses.
- Donc toi, tu travailles devant, des tables une à vingt, désigne-t-elle à une autre fille.
Elle surveille les tables, note sûrement les habitués, les mecs déjà trop bruyants et soupire. Krystal continue et chaque fille ayant ses assignations s'en va sans demander son reste. Semblant soulagée de je ne sais quoi.
- Toi, la nouvelle, m'interpelle-t-elle en me fixant.
- Oui ?
- Tu iras dans la zone des tables privatisées. Ne me fais pas regretter ma décision.
- Pourquoi ? J'ai bien travaillé la semaine passée non ?
Elle me scrute et détaille ma tenue.
- Oui, à part ton problème d'équilibre sur talons.
Elle se moque mais comment tenir sur ses trucs sans se fouler une cheville. Encore plus, après huit heures de service dessus et un plateau chargé à ras bord. Si elle y arrive, eh bien moi je n'en suis pas encore là.
- Désolée mais je ne suis pas Superwoman, il me faut encore un peu d'entrainement pour tenir sur ces instruments de torture.
Je hausse les épaules, totalement indifférente.
- Bon la comique, un peu de sérieux. Ta zone n'est pas de tout repos. Tu vas servir le Boss et je ne veux pas de conneries.
Ah ! Super ! J'attends de l'approcher depuis mon arrivée. Malgré le fait que je sois la sœur de son comptable, je n'ai pas eu de facilités. Pas de passe-droit, pas de tapis rouge. Enfin, je ne m'y attendais pas non plus. Le boulot est crevant, je reviens à l'appartement tellement sur les rotules que je ne sais rien faire d'autres que de m'écrouler et de dormir.
Je n'ai pas eu l'occasion d'approcher Yourenev. Le seul qui a des contacts avec le personnel est Youri, le lieutenant du russe. Lui aussi est de cette partie du monde, une vraie armoire à glace qui n'a sûrement jamais appris à sourire. Et pas très causant non plus. Il m'a posé quelques questions quand Elias m'a accompagné pour me faire embaucher. Il n'avait aucune expression sur son visage et ses yeux froids ont réussis l'exploit de me glacer et surtout de me faire fermer ma grande bouche. Après l'entretien, j'ai juste eu le temps de l'entendre parler avec mon frère. Il se moquait de lui, affirmant que j'allais apporter plus de problèmes qu'un chien dans un jeu de quilles. Quel mufle.
Richard me téléphone tous les matins à heure régulière pour avoir mon rapport. Il s'énerve déjà après seulement une semaine que je n'ai pas encore d'infos. Mais comment entrer dans l'entourage de Yourenev ? C'est le boss, il a une blonde à son bras, un bras-droit, des hommes de mains et un va-et-vient de personnes qui lui sont redevable. Je n'ai rien pour l'intéresser. Pas de moyen financier, pas de statut social. Et surtout aucune lueur de début d'idée. Et puis Anton n'est pas arrivé en haut de la chaîne alimentaire en se laissant approcher en seulement une semaine par une inconnue... quel con ce Richard !
Krystal me pousse au niveau de l'épaule et je reprends pied dans la réalité. Je n'ai pas écouté ses recommandations. Merde !
- Tu vas te retrouver dehors plus vite que ton ombre si tu n'es pas concentrée. Il exige du silence, de la rapidité et pas d'erreur.
Je hoche la tête et essaie de faire bonne figure.
- Tu le sers en premier, dès qu'il est dans la salle, le barman te préparera sa boisson. Tu laisses tomber tes clients et tu y vas. Pas de regards aguicheurs, pas de blabla, et SURTOUT, insiste-t-elle, ne jamais te mêler de la conversation. Tu n'écoutes pas et tu ne retiens rien de ce que tu entends !
Je lui mime une fermeture de tirette au niveau de ma bouche et je jette la clé imaginaire derrière mon épaule. Ma supérieure lève les yeux au ciel et continue son laïus.
- Fais la maline mais ce n'est pas parce que tu es la sœur d'Elias que tu ne peux pas disparaître sans trace.
Aïe... Être engagée grâce à un piston familial n'est pas bien vu. Je ne me fais pas d'amis avec ça. Mais bon... je n'arrive jamais à m'intégrer, je devrais le savoir et me faire une raison à force.
- Et s'il veut quelque chose de plus particulier, tu as le choix mais, si tu le repousses, il est bon pour ta santé de mettre des formes à ton refus.
- Heu... le droit de cuissage, c'était au Moyen-Âge, non ?
Elle rit de ma réplique et s'en va en secouant la tête.
Ce qu'elle vient de me dire me trouble. Le Russe est charismatique. Beau et sexy. Sa carrure, mais aussi son aura de danger attirent tous les regards y compris le mien. Il a édicté ses propres lois, et même s'il ne montre ici que son visage civilisé, ses gestes et actions démontrent qu'il règne sur son monde. Obtenir tout sans lever le doigt, cela semble facile mais derrière la façade se trouve celui qui ne pardonne pas, qui tue ou mutile pour se faire obéir.
Je ne devrais pas être fascinée par lui, mais dès qu'il entre dans son domaine, je ne peux, depuis le premier jour où j'ai commencé à travailler ici, m'empêcher de l'espionner, le suivre des yeux et sentir une chaleur ennemie envahir mon corps. Et le fait que je le surveille pour le boulot n'est qu'une excuse pour pouvoir le déshabiller du regard sans remords.
Ma soirée se passe entre les tables, les commandes et les mains baladeuses de pervers. Ma micro-jupe fait son effet et ils ne peuvent pas s'empêcher de toucher. Heureusement le poste de serveuse me permet de dire non, pas comme les filles qui dansent et se déshabillent sur les podiums. Pas le temps de souffler, je parcours des kilomètres et mes cuisses me brûlent.
Le barman me fait des signes frénétiques comme si j'avais fait une erreur monumentale. Je regarde mon plateau, calculant mentalement mes commandes et ce qui me reste dessus. Non, pas de soucis par-là, je hausse les sourcils et lui demande de façon muette "Quoi ?". Il me désigne le fond de la salle et je vois que la table est prise.
Mince ! Je ne les ai pas vus arriver et Anton Yourenev me fixe en tapant des doigts sur la table pour montrer son impatience.
Je traverse la marée humaine pour rejoindre le bar, récupérer le verre et la bouteille de vodka de luxe et fais un demi-tour impeccable sur mes talons. Donc en cas de stress ou de danger, je sais courir sur ces machins, j'en rirais presque si mon cœur n'essayait pas de se barrer au travers de ma poitrine.
Arrivant à La table, je dépose la boisson et la bouteille et me détourne sans oser même m'excuser du retard. Comment se faire remarquer le premier jour ? En faisant attendre celui qu'il ne faut absolument pas énerver. Bien joué Sélenne !
Je m'éloigne avec une pointe douloureuse entre les deux omoplates, le poids de son regard.
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