*Sélenne.* Retrouvailles.
- Hello frérot, ma voix est faible, un peu tremblante.
- Sélenne, c'est toi ?
La surprise et l'incrédulité se font entendre dans le timbre rauque d'Elias. Il inspire fortement.
- Oui, salut.
Que pourrais-je dire d'autre ? Je suis mal à l'aise à un point.
- Bon Dieu ! Mais... mais... ça fait...
- Je sais, plus de cinq ans. C'est long...
Là, je dis n'importe quoi, quelle connerie de sortir ça.
- Long ! Long ? Tu te fous de ma gueule ? Oui, ça fait un putain de temps que tu as disparu !
Il est furax, le son augmente au fur et à mesure. Je comprends, je serais à sa place que je réagirais pareil.
- J'ai coupé les ponts avec toi, je sais, c'est..., je soupire, c'était cruel. Mais je voudrais...
J'hésite sur la formulation, comment lui dire que les fédéraux ne m'ont pas laissé le choix, que je devais le renier, l'éloigner.
- Je ne supportais pas que tu me voies là-bas, je reprends vite avant de perdre tout courage.
- Tu as refusé catégoriquement toutes mes tentatives pour rester près de toi et pour te soutenir. Bon sang ! Tu... tu peux imaginer ce que j'ai ressenti quand tu m'as blacklisté ? Refusé mes visites ?
- Je ne voulais pas que tu me voies comme ça ! je m'énerve à mon tour.
- Et le téléphone ? Les lettres ? C'est pour les chiens ? Tu ne les as pas ouvertes, pas une seule ! Toutes me sont revenues non décachetées !
Ah ! Je ne pouvais pas lui répondre. Vu que je n'étais plus en taule. Mais les lettres, ils auraient pu faire en sorte de me les transmettre et j'aurais trouvé une solution. Même si un supérieur avait lu par-dessus mon épaule en même temps.
La colère qui vit en sourdine depuis longtemps en moi remonte à la surface. Aucune compassion de leur part, ces fédéraux n'ont rien d'humain. Je ne compte pas pour eux, je suis un numéro, ou pire un moyen d'arriver à leur fin sans état d'âme, mes sentiments n'ont aucune valeur à leurs yeux.
Si je pouvais, je laisserais tout tomber, je m'enfuirais et je préviendrais mon frère et son patron. Mais il n'y a aucun doute que je suis surveillée étroitement. Déjà par cette enflure de Richard.
Je ne voulais pas le faire souffrir ni lui mentir. Ni par le passé ni maintenant. Une boule d'amertume et de rage face à notre destin me tord le ventre.
- Je suis désolée...
Je ne peux que murmurer, une larme coule sur ma joue, elle me chatouille et me gêne. Je renifle et la chasse du dos de la main. Si je commence à pleurer, je n'arriverai plus à m'arrêter.
Il souffle, crache une bordée de jurons et me raccroche au nez. Non, merde ! Pas ça !
Il est furax, ne veux pas entendre mes excuses. Bien que ce fût à prévoir, la douleur qui me traverse est foudroyante. Son rejet, ... Je comprends ce qu'il a dû ressentir face à mon silence. Mes doigts tremblent au point que je dois m'y reprendre à trois fois pour relancer l'appel. Les sonneries dans le vide me stressent.
Allez, réponds, ne me fais pas ça ! J'ai besoin de toi et si tu savais comme toi aussi tu as besoin de moi. Ton avenir dépend que tu décroches. Je ne veux pas que tu te retrouves en taule.
Je me ronge l'ongle du pouce en priant et en envoyant des ondes positives à travers le réseau téléphonique.
- Allez Elias ! je murmure le cœur écrasé dans ma poitrine.
Il palpite douloureusement et ma gorge est si serrée que j'ai du mal à respirer.
Brusquement, il décroche et le soulagement me submerge. Les larmes coulent, je les frotte vivement et prends une grande respiration.
- Merci, ... merci de me donner une chance.
- Non, pas moyen, je... Tu m'as blessé Sélenne. J'ai besoin de temps.
La tonalité résonne à nouveau. Il a encore coupé la communication. Je laisse ma tête retomber contre le dossier de mon siège et ferme les yeux. Une migraine pointe derrière mes paupières et agresse mes tempes.
Un rire sarcastique derrière moi me donne envie de vomir. Rick se moque. Il a évidemment espionné ma conversation. Quelle enflure celui-là !
- Quoi ?
Je ne le regarde même pas, pas envie de souffrir plus.
- Ce n'est pas l'amour fou dans ta famille !
- Tu pensais que ce serait aussi facile de reprendre contact après autant de temps ? Moi, je ne me faisais pas d'illusions. Mon frère à raison d'être en colère.
- Oh, le pauvre, répond-il la voix dégoulinante de sarcasme. La vie est dure pour un mafieux.
- Je t'interdis de parler de lui comme ça !
- Tu n'en as pas le pouvoir. Recommence et mets-y plus de conviction.
Rick pose une fesse sur mon bureau et croise les bras dans l'attente que je lui obéisse directement.
- Non, je vais laisser couler et tenter ma chance ce soir. Et maintenant casse-toi de là, j'ai du boulot, je dois terminer mes recherches sur les Mexicains.
Il jette un œil aux écrans multiples de mon pc et fronce les sourcils.
- Tu as trouvé quelque chose ?
- Il semblerait qu'ils aient toujours une avance sur nous. Comme si quelqu'un les informait de nos descentes et nos infos. Dès que l'on a un indic prêt à témoigner, il se fait descendre ou il devient muet. Ils menacent leurs familles ou pire enlèvent un enfant ou la femme du témoin. Ils ont une taupe, voilà ce que je pense.
Je me frotte les paupières et me redresse. Pendant un instant, mon collègue semble troublé. Puis son visage se lisse et plus aucune expression ne transparaît.
- Tu en as déjà parlé au Directeur Martinez ?
- Je dois faire mon rapport avant ce soir. Mais je n'ai pas encore trouvé l'identité du traître.
- N'oublie pas que ta priorité, c'est ton frère et Yourenev.
- Je n'aime pas ne pas finir un job.
Je suis persévérante et un peu butée aussi. J'aime relever les défis qui me donnent du mal. Bon, mon frère disait : obstinée et entêtée, mais moi je trouve que je suis juste déterminée et curieuse.
Mon vis à vis s'éloigne puis revient et empoigne durement mon épaule. Se penchant, il me souffle à l'oreille et me met vraiment mal à l'aise.
- Un conseil... laisse tomber, il ne te reste que quelques jours. Tu devrais te concentrer sur la mission russe.
Il sort du bureau sur un regard appuyé. Il me fout la trouille ce mec et je suis obligée de bosser avec lui. Je hausse mentalement les épaules et plonge dans les données. Ce qui peut me permettre de ne pas réfléchir à mon avenir et à ma vie merdique, est ma priorité.
En plus, ce gang Mexicain doit être démantelé. Ils n'ont aucun respect pour la vie. Ils tuent, se vengent, enlèvent et torturent. Sans distinction. Homme, femme, enfant. Les photos dans le dossier m'ont retourné l'estomac et j'ai eu du mal à dormir. La vente d'organes est un trafic lucratif, plus peut-être que la drogue. Même ce Yourenev ne doit pas être pire qu'eux.
Je lance des recherches et programme un ver qui va tourner dans les softwares de notre réseau. Il ne va pas attaquer, non, juste surveiller et donner l'alerte dès que notre traître enverra des infos via son mail. Qu'il ouvre des dossiers sur les mexicains, qu'il ait une accréditation ou non, je le chope. Bien sûr, certains pourraient être innocents mais ce sera déjà un premier tri. Un virus pour attraper une saleté de pourri.
Il est dix-huit heures quand je retente ma chance avec Elias. Il décroche assez vite à mon soulagement.
- S'il te plaît ! Ecoute-moi, je supplie avant qu'il ne prenne la parole. Pardon. Je ne voulais pas te faire du mal. J'ai besoin de toi... de te voir. Elias ... S'il te plaît.
Après un blanc qui me met les nerfs à rude épreuve, il me demande :
- Ok,... Tu es sortie depuis quand ?
Il suppose que j'ai eu une remise de peine et que je suis libérée. Normal vu que je ne l'ai jamais appelé pendant toute ma pseudo incarcération.
- Ce matin.
- Et tu as trouvé mon numéro ?
Bonne question, je dois improviser.
- Ah... eh bien, je sais toujours utiliser un ordinateur. Retrouver ta trace n'était pas si difficile.
- Toi ! Tu sors de prison pour piratage et tu recommences direct.
Il se marre, mais je vois qu'il est fier de sa petite sœur. Sa voix s'est réchauffée et il est plus détendu.
- Hmm...
- T'inquiète, je ne te balancerai pas.
- Merci, je grogne.
- Donc, tu as besoin de moi ?
- Comment ? Je n'ai pas le droit de téléphoner sans avoir d'idées derrière la tête ? Je pourrais juste vouloir savoir comment tu vas, je m'exclame faussement choquée.
- C'est ça, sœurette ! Je te connais encore, ose dire que tu n'as pas quelque chose à me demander.
- Pfff...
Il a deviné comme d'habitude.
- Tu as un endroit où dormir ? Il te faut un job ?
- Oui, ce serait un premier pas. Mon agent de probation à l'air d'un parfait salopard, tu n'as pas idée. Pas commode, une vraie tête de con.
Le ton de ma voix dépeint parfaitement mon avis sur Richard, je ne dois pas jouer la comédie sur ce point-là au moins.
- Je m'en occuperai s'il le faut, ne te fais pas de soucis.
- Merci, je lui réponds.
J'ai l'impression de me répéter. Et de ne pas savoir utiliser d'autres mots, ne m'aide pas. Il aurait le droit légitime d'être furieux, mais la première chose qu'il fait est de me proposer son soutien. C'est mon frère, mais j'en suis surprise. Je pensais qu'il serait plus rancunier. D'un côté, il me rassure sur le fait qu'il m'aime toujours, mais d'un autre, il me met devant le fait accompli. Je vais renouer avec lui pour infiltrer cette association de mafieux pour laquelle il bosse et éventuellement le faire tomber lui aussi.
- Je t'envoie une adresse d'un appartement déjà meublé, que je connais et qui est libre, je t'y retrouve dans deux heures.
- Merci Elias.
- De rien, mais... ne me fais plus jamais le coup de disparaître sans nouvelles. Compris !
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