Epilogue : Au nom de l'amitié
Ladies, gentleman et no-binary people,
Le moment fatidique est arrivé.
Je lui livre l'épilogue de La dernière page.
Honnêtement, je ne suis pas sûre de réaliser la portée de ce que je poste. Que après ce sera fini des fanfictions de Perripuce. Pardon, la phrase doit vous déprimer, mais je la goûte pour voir si je l'aime ou pas.
Allons, cessons d'être dans le mélodramatique ! Vous êtes là pour lire? Alors je vais pour laisser lire ! Comme la dernière image de cette histoire, il m'est venu ... très facilement. A partir d'un simple événement inscrit noir sur blanc dans Harry Potter à l'école des sorciers ...
Mais je ne vous en dit pas plus : je vous laisse profiter ! Bonne lecture les enfants et on se retrouve après pour ... LE BILAAAAAAN.
***
Parmi les choses dont la sagesse se munit en vue de la félicité de la vie tout entière, de beaucoup la plus importante est la possession de l'amitié.
- Epicure
***
Epilogue : Au nom de l'amitié
Dix mois plus tard ...
Enveloppée par la nuit, Nymphadora Tonks frissonnait sur son balai.
Pourtant, l'air était doux en cette fin avril, mais le ciel déjà noir lorsqu'ils s'étaient envolés de Londres était à présent tapissé d'une couche non-négligeable de nuage, rendant l'atmosphère encore plus sombres, plus inquiétante, plus étouffante. Ou alors était-ce l'émanation de son propre stress qui lui comprimait la poitrine ? Le souffle bloqué au cœur de ses poumons, elle contempla la pénombre béante face à elle, uniquement éclairé de taches orangées qui se reflétait dans un miroir étendu à leur pied. Il lui fallut encore quelques minutes à fixer le paysage à s'en dessécher les yeux pour que se découpe dans l'obscurité les contours flous d'un château dont les pointes des tours perçaient les nuages.
Poudlard.
Loin de l'emplir de nostalgie, la vision du vieux château l'écrasait presque.
Je n'en reviens pas d'être apprentie-Auror depuis six mois et de déjà mettre en péril mon rêve.
La colère bouillonnait presque dans ses veines et elle sentit un drôle de picotement lui parcourir la peau, signe que la magie ancrée dans sa chair se réveillait, prête à modifier ses traits. Elle ferma les yeux, coupant le contact avec son angoisse et inspira profondément. Elle avait détesté son reflet dans la fenêtre de la boutique de Farhan lorsque ses cheveux s'étaient teintés de noir, mais il y avait une raison très prosaïque. Elle voulait se fondre dans la nuit, mais pour autant la couleur la révulsait. Le noir, c'était la couleur du rien. Noirs. Black. Un frisson de dégoût lui parcourut l'échine.
-Hé, souffla une voix non loin.
Les doigts de Tonks se crispèrent sur son manche lorsqu'elle baissa les yeux sur Lauren, en vol stationnaire un peu plus bas. Encore plus bas, au niveau du sol, Farhan et Joséphine étaient carrément descendus de son balai pour attendre devant les grilles ancestrales du château. Enveloppés dans leurs capes, ils étaient des ombres dans la pelouse, au contraire de l'immense silhouette qui cheminait jusqu'eux à l'intérieur de l'enceinte. Tonks poussa un grognement sourd dans son col remonté sur son nez qu'elle avait rendu pointu pour l'occasion – et sûre de ne pas être reconnue.
-Pas trop tôt, Hagrid.
-Je rêve, il pleure ?
En effet, de sa position pourtant haute, Tonks percevait des lourds sanglots qui roulaient dans l'air comme le tonnerre. Incapable d'avoir de la compassion, contrairement à Farhan qui lui donnait des tapes maladroites sur l'endroit le plus haut qu'il pouvait atteindre – la hanche, visiblement – elle poussa un profond soupir et se prit le visage entre les mains.
-Bon sang, O'Neil, mais grouille ! Je n'en reviens pas, je n'en reviens pas qu'on soit obligés de faire ça ...
-Ne m'en parle pas, j'ai failli m'en rendre malade, avoua Lauren du bout des lèvres. Je te jure que dès qu'on arrive en Roumanie, je vais faire une scène à Charlie qu'il n'est pas près d'oublier.
Tonks sourit timidement, assez réjouie par la perspective, mais n'eut pas le temps de lui répondre. Du sol, Joséphine leur faisait de grands signes pendants que les grilles s'ouvraient en grand. Silencieuses comme des ombres, elles filèrent droit. L'air lui piqua les joues pendant que Tonks reprenait de la hauteur pour éviter d'être vue par l'une des fenêtres qui brillaient telles des centaines de phares dans la nuit. Le col remonté sur son nez, elle retenait son souffle, comme si Dumbledore depuis la tour la plus haute pouvait l'entendre et découvrir qu'elle mettait déjà la belle carrière qu'il avait amorcé en joignant à son dossier une chaude lettre de recommandation. Le cœur de Tonks se serra et l'espace d'un instant elle eut la sensation de trahir l'éminent directeur. Mais très vite la tour d'Astronomie fut en vie et ses remords furent balayé par une profonde conviction. Sa loyauté envers Dumbledore, très bien ... mais son attachement à Charlie Weasley prévalait quelque peu.
Qu'est-ce qu'elle ne ferait pas au nom de l'amitié ?
Un sifflement déchira son tympan et elle vit Joséphine la dépasser. Elle jeta un petit regard derrière son épaule, avec un sourire en coin qui disait clairement « je t'ai eue », avant qu'elle ne se couche presque sur son balai pour prendre de la vitesse. Tonks secoua la tête, désabusée et accéléra également pour se porter à la hauteur de la jeune femme. La tresse à moitié défaite de Joséphine trainait derrière elle comme la queue d'une comète.
-On fait la course pour être la première à la tour, Abbot ? la tenta-t-elle avec un sourire de défi.
-Non ! fusa la voix de Farhan derrière elle. Mais ça ne va pas ?
-Taisez-vous ! supplia Lauren en écho.
Joséphine roula les yeux, mais elle décéléra docilement, contrairement à Tonks qui fendit la nuit jusqu'au sommet de la Tour d'Astronomie. Sur les hauteurs, l'air était infiniment plus froid et posa un pied sur les antiques dalles, à la fois soulagée que le vent ne fouette plus son visage, mais surtout étrangement heureuse d'avoir atterrie avant Joséphine Abbot. Elle aurait voulu se retourner et observer avec délectation le spectacle du dépit de Joséphine, mais lorsqu'elle leva les yeux, elle aperçut deux élèves qui la fixaient avec de grands yeux, figés comme des statues de sel. Une fille aux cheveux broussailleux et désordonnés enveloppée dans sa cape, et un garçon à lunette dont les yeux verts étincelants brillaient dans la pénombre. Ses cheveux si sombres qu'ils se fondaient dans la nuit recouvraient son front. Entre eux, sur le sol, était posé une malle. Elle paraissait tout ce qu'il y avait de plus ordinaire ... jusqu'à ce qu'à l'intérieur quelque chose s'agite et la fasse tanguer sur les dalles.
Oh Merlin. Il est dedans.
Les deux élèves lui jetèrent un regard si inquiet que le cœur de Tonks s'en serra. Ils étaient si jeunes ... qu'est-ce qui était passé dans la tête de Hagrid pour leur confier ce genre de tâche ? Les mettre dans la confidence d'un acte illégal ? Faire peser sur ce poids sur des enfants ? L'injustice de la chose la révulsait et elle s'avança vers eux avec un souvenir avenant.
-Ne vous en faites pas, on va vous débarrasser de cette chose, leur promit-t-elle. On est là pour ça ...
-Vous êtes les amis de Ron ? demanda Farhan qui avait atterri près d'elle.
Joséphine, en toute diva qu'elle était, s'était perchée sur le muret de pierre qui les séparait du vide. Lauren, penchée sur son sac à dos, en sortait liens, chaines et harnais qu'ils avaient emportés avec eux et entreprenait déjà de relier leurs balais ensemble. Face à Farhan, la fille hocha la tête. Malgré son visage rougeaud après avoir sans doute trainer la lourde malle derrière elle, elle paraissait déterminée.
-Oui, c'est ça. Je suis Hermione, et lui c'est Harry.
-Enchantés, Hermione et Harry, répondit Farhan avec douceur. Merci d'avoir monté le dragon jusque là ... C'était vraiment très courageux, vous n'étiez pas obligés de le faire ...
-On s'était dit qu'on serait quand même plus discrets que Hagrid, fit valoir Harry avec une certaine gêne.
Joséphine se fendit d'un petit ricanement et Tonks eut brusquement une envie soudaine de la pousser dans le vide. Mais si jamais elle se fendait d'un tel geste, elle risquait de perdre Farhan à jamais, alors elle se contenta d'un regard irrité sur la jeune fille.
-Hé, la funambulise ? Tu ne veux pas nous aider ? On a un dragon à transporter en Roumanie.
-Tiens, les chaînes pour l'enfermer, lança Lauren.
D'un geste théâtrale teinté de cliquetis, elle lui présenta lesdites chaînes auxquelles Joséphine accorda un long regard de défiance.
-Ne pensez pas que je ne vois pas à travers votre plan, vous voulez que ce soit sur moi que se déchaine le feu du dragon.
-Non, rétorqua Tonks avec un sourire caustique. Notre plan c'était de toi t'envelopper dans ces chaines et de te livrer comme ça à Charlie.
-Oh je te jure, soupira Farhan, exaspéré. Lauren, donne-moi les chaînes.
Avant même que Lauren n'esquisse un geste, Farhan les saisit et sans la moindre hésitation, s'accroupit au niveau de la malle qui remuait toujours sur le sol. A présent jaillissait depuis l'intérieur des bruits de déchirure et des petits cris aigus qui hérissaient l'échine de Tonks. Un peu inquiète à l'idée d'être découverte à cause des vagissements d'un dragon, elle s'éloigna quelque peu, baguette en main, à l'affut du moindre murmure qui pourrait trahir une présence.
-On l'a déjà bien enfermé, assura Hermione, presque vexée. J'ai même lancé un sort à la malle pour qu'elle ne s'ouvre pas ...
-On n'en doute pas, mais on va quand même doubler, voire tripler les protections. On ne voudrait pas que le dragon s'échappe en plein vol ...
-Vous avez croisé quelqu'un en montant ici ? interrogea Tonks en s'efforçant de ne pas laisser paraître sa nervosité.
Les deux enfants échangèrent un regard. Tonks peina à interpréter l'étincelle qui faisait pétiller leurs prunelles. L'appréhension ? La ... joie ?
-McGonagall, avoua Harry après quelques secondes de silence.
Ils interrompirent tous leur tâche pour les dévisager, horrifiés. Hermione se mit à secouer les mains pour les rassurer, et à leur plus grande surprise, un immense sourire se dessina sur son visage :
-Non, non, tout va bien ! Elle nous a justement rendu service, un garçon de Serpentard nous suivait, et elle l'a repéré ... (Le sourire se teinta d'une joie sauvage). Et elle l'a collé !
-Merveilleux, maugréa Joséphine, une main sur le cœur. Mais faites attentions à vos fesses en redescendant. Parfois, McGonagall a un drôle d'humour pour les retenues ...
Elle baissa les yeux sur Tonks. Si le contact promettait d'un prime abord d'être un long regard chargé de dépit, tels des miroirs, des sourires complices ourlèrent leurs lèvres. Pour que personne ne puisse le percevoir, Tonks se détourna et continua de scruter le couloir sombre. Pendant plusieurs interminables minutes, elle fut à l'affut du moindre son qui ne venait pas de son groupe qui s'évertuait à harnacher la malle à leurs quatre balais avec l'aide des deux enfants. Lorsqu'une main s'abattit sur son épaule, elle fit un tel bond qu'elle écrasa le pied du pauvre Farhan qui s'était approché d'elle. Etouffant un cri pour n'alerter personne, il se mit à sautiller sur un pied, les dents enfoncés dans la lèvre inférieure.
-Oh par Merlin je suis désolée !
-C'est ça, haleta Farhan en frottant sa chaussure. J'espère que tu ne vas pas nous emmener en Islande plutôt qu'en Roumanie ...
Le visage de Tonks s'échauffa à la pique et coula un regard vers Lauren qui vérifiait consciencieusement l'attache de chacun de leur balai à la malle qui remuait de plus belle. A ses côtés, Joséphine agitait la baguette et faisait apparaître bulle de protection sur bulle de protection qui éclairait son visage ainsi que ceux des deux enfants fascinés par chacun de ses gestes. La pression referma sa cage thoracique sur son cœur et Farhan, remarquant son embarras, s'empressa de faire machine arrière :
-Je plaisante, Tonks ! Ne stresse pas, on a tout étudié chez moi, c'est toi qui as tracé toutes les routes, déterminé chaque repère, chaque point d'arrêt ... Tu as été formidable, je sais que tu nous amèneras à bon port.
-Oui, je sais, je sais, murmura nerveusement Tonks. Mais Joséphine vole mieux que moi, peut-être qu'elle pourrait ...
-Jo va passer la nuit à chercher les constellations dans le ciel et à regarder la forme des nuages. Elle, elle ne va pas nous mener en Islande mais nous faire faire des zig-zags à travers l'Europe. Non, Tonks. C'est toi qui vas nous mener en Roumanie.
Tonks exhala un petit soupir et hocha résolument la tête, incertaine malgré tout. Il fallait dire que le début de sa formation avait passablement ébranlée sa confiance en elle. Elle qui était arrivée rayonnante et toute fière d'avoir été accepté dans cette formation d'élite s'était vue renvoyée systématiquement à sa chevelure rose et une fois les premières maladresses mises en évidence ... Alors lorsque, une fois l'itinéraire fini, ils avaient tous décrété qu'elle prendrait la tête de la formation qui les mènerait en Roumanie, elle avait senti une main invisible remuer ses toutes nouvelles angoisses. Même la confiance débordante dans les yeux de Farhan ne suffisait pas à la tranquilliser.
-Bien, murmura-t-elle, indisposée. Bien ... dépêchons-nous, alors. Avant que McGonagall ne revienne et que je fasse officiellement une croix sur ma carrière d'Auror.
Sans attendre Farhan, elle avança sur la corniche où le dragon était à présent si cadenassé que la malle frémissait à peine. Elle passa devant son balai et tendit fermement la main.
-Debout !
Le balai sauta immédiatement dans sa main avec une vivacité qui la rassura grandement. La célérité de l'action arracha un « Whao » à Hermione et un léger sourire s'étira sur les lèvres de Tonks.
-Bon, merci beaucoup à vous d'avoir pris tous ses risques pour sortir le dragon d'ici. Vous pouvez aller vous recoucher, on prend le relai dans l'illégalité.
-Profitez bien de la liberté, plaisanta Lauren en enfourchant son balai.
-Et faites attention à Peeves en retournant dans la Tour de Gryffondor, ajouta Farhan.
-Merci à vous, lança Harry, l'air soulagé de la mission se finisse pour lui. Faites attention à lui ... il s'appelle Norbert.
La précision lui avait échappé autant qu'elle paraissait avoir une importance capitale. Ses joues rosirent lorsque les regards se plantèrent sur lui et d'un geste nerveux, il ramena ses mèches noires de jais sur son front.
-C'est Hagrid qui l'a appelé comme ça, précisa-t-il.
-Evidemment ..., commença Joséphine avec un semblant de rictus.
Tonks lui planta son coude dans les côtes et Farhan profita que sa pique s'étouffe dans un cri de protestation pour garantir aux enfants :
-On prendra soin de lui. Croyez-moi, on l'amène à la meilleure personne capable de s'occuper de lui dans les meilleures conditions ...
Ils échangèrent des regards complices et nostalgiques et Tonks eut l'absolue certitude qu'ils avaient tous imprimé dans leur esprit un souvenir où Charlie volait sur un hippogriffe avec un rire euphorique, ou s'occupant d'une salamandre avec une attention débordante, ou un mot ou une dispute qu'ils avaient eu à son égard pour le forcer à embrasser son destin.
Ce fut avec ces images réconfortantes en tête qu'ils s'envolèrent dans le ciel écossais, accompagné par les signes de main d'Harry et d'Hermione qui s'effacèrent rapidement dans la nuit. Le vent qui sifflait à leurs oreilles masquait les grincements des chaînes mais chacun avait un regard pour la malle qui pendant entre eux et dont le poids se faisait ressentir. En tête de formation, Tonks avait à moitié les yeux rivés sur la boussole solidement attachée à son balai. Dans sa tête, les cartes défilaient, et une ligne claire reliait des points invisibles, des repères qu'elle s'était donnée. Pas besoin de prendre de risque et de traverser les îles britanniques et d'être repéré. Direction le sud-est et la mer du nord. Elle coula un regard à sa droite où Farhan accrochait solidement son balai, perché dans une position très académique qui trahissait son manque d'entrainement. Mais il était assez solide en vol pour envisager une traversée de plusieurs milliers de kilomètres. Pour Charlie.
-Prêt à retrouver ton âme sœur ? lança Tonks, amusée.
-Prêt à me geler pendant deux nuits, surtout ! Je sens déjà plus mes doigts ...
-Et toi, Tonks ? s'écria Joséphine de l'arrière de la formation. Il est encore temps de poser pied à terre ... Dernière occasion ...
Tonks faillit se retourner pour dévisager la jeune fille, à moitié vexée qu'elle la pense capable de se défiler maintenant, avant de percevoir la sincère sollicitude dans sa voix. Mais surtout, son regard fut happé par autre chose, difficilement perceptible si on n'avait pas l'œil ... Fort heureusement, Tonks l'avait. Elle n'avait aucune coordination et un rapport à l'espace assez douteux, mais sa vision fonctionnait parfaitement et elle put voir que sous eux, la terre silencieuse s'effaçait au profit de flots noirs et vrombissant. Seule l'écume de mer, blanche et éclatante, ressortait dans la pénombre telles des étoiles marines. Une voie lactée parsemée sur l'eau. Son souffle se bloqua dans ses poumons. Elle était là, la limite. Celle qui la faisait passer à la totale illégalité en faisant sortir clandestinement un dragon des îles britanniques.
Tout se déroula l'espace d'un battement de cœur. Non, malgré les risques, malgré la chartre qu'elle avait signée en entrant chez les Aurors, Tonks ne décéléra pas. Elle quitta la terre pour la mer, sans hésiter, parce qu'au fond de ce son cœur, elle savait que ce qui était juste n'était pas toujours gravé dans les lois.
Et Tonks avait toujours préféré écouter son cœur que sa tête.
***
Ils volèrent deux nuits durant, pour plus de discrétion, à travers la mer et la terre.
Une escale dans la campagne allemande sous les tentes ne suffit pas réellement à les reposer : la lumière perçait la toile, Lauren avait pris toute la place dans leur lit et Tonks était presque persuadée que les ronflements sonores qu'elle avait perçus émanaient de Joséphine Abbot. Laquelle devenait insupportable en vol. Frustrée d'être strictement rattachée à la formation, notamment par la chaine qui retenait la malle, elle se permettait parfois des petits écarts, des petites courbes qui désarçonnait tout le monde. Il avait bien fallu que Farhan manque de tomber de son balai pour qu'elle cesse. Lauren de son côté se plaignait des courbatures après des heures passés crispés sur un balai, réclamait des pauses, mais Tonks ne variait pas, ni pour libérer Joséphine, ni pour le confort de Lauren. C'était dangereux, et elle avait un cap à tenir, une mission à accomplir. Les yeux rivés sur sa boussole et l'esprit empli de ses cartes, elle fendait la nuit en trainant derrière elle des âmes ronchonnantes et un dragon clandestin. De plus la chance était avec eux : non seulement la nuit les enveloppait, mais en plus le deuxième jour, les nuages tapissaient les cieux pour les masquer de la plus efficace des manières aux yeux des moldus. Par-dessus cette couche vaporeuse, l'air était plus froid, l'oxygène plus rare, mais la lune éclairait leur vol de sa lueur bienveillante.
-On est bientôt arrivé ? geignit Lauren avant de consulter sa montre. Ça fait plus de sept heures qu'on vol !
-On en a tous marre, Lauren, tiens bon ! râla Farhan.
-On vient de passer le dernier point de repère ! annonça Tonks. Je crois même qu'on est dans le ciel roumain !
Un grand soupir de contentement accueillit la nouvelle et pour être certaine de ses dires, Tonks fit plonger la formation pour passer la couche de nuage qui, de toute manière, commençait à se clairsemer à l'approche des montagnes. Leurs pointes visibles de loin avaient paru de bon augure à Tonks et une fois le dernier repère passé, elle avait infléchi la direction en suivant strictement sa boussole. « A l'est toute », avait écrit Charlie. Tonks était un bon petit soldat. A l'est toute.
Ils n'étaient plus enveloppés par la nuit, mais par les montagnes qui, à chaque mile parcouru, prenait en prestance et en hauteur. Dans le ciel la pénombre se déchirait et les imposantes pentes qui les dissimulaient étaient auréolées par l'aube timide. Tonks observa sa boussole, nerveuse. Ils étaient justement censés arrivé avec l'aurore dans la réserve roumaine mais lorsqu'elle scrutait la vallée elle ne voyait que l'herbe émeraude sous les vents et les taches blanches de quelques moutons. Ou bien était-ce des chèvres ? Le doute lui compressa la poitrine.
-Abbot ? Tu peux vérifier les cartes ?
-Je te jure si tu nous as perdu, Nymphadora ...
-Oh toi quand on va descendre de ce balai ... !
-Les filles ! persiffla Farhan.
-Quoi ? s'agaça Tonks, irritée. C'est elle qui ...
-La ferme ! Regardez ! Et par pitié, taisez-vous !
Un brin de panique était venu sous-tendre sa voix et obligea Tonks à ravaler toutes ses remarques acerbes envers Joséphine Abbot. De nouveau tendue, elle regarda dans la direction que Farhan pointait nerveusement. D'abord, elle ne vit rien d'autre que la vallée et le vent incessant sur l'herbe. Mais bientôt elle réalisa que ce n'était pas la brise qui occasionnait les mouvements. Ni l'herbe qui les exécutait. Non, c'était une peau écailleuse qui se mouvait à chaque pas, des ailes repliées qui frémissaient contre le corps ... Les yeux de Tonks s'écarquillèrent en prenant conscience de ce qu'elle avait sous les yeux, cette longue silhouette qui serpentait dans la vallée jusqu'à ce qu'enfin elle perçoive la tête flaquée de deux cornes et d'un œil orange étincelant, une seconde avant qu'elle ne se fende d'un mouvement vif, si vif que Tonks ne perçut pas tout. En revanche, elle entendit le bêlement d'agonie qui résonna sur les parois rocheuses et la tâche blanche qui se tenait une seconde plus tôt sous eux avait disparu.
-Oh par Merlin, murmura-t-elle, saisie.
-Mais ... il est ... énorme ! laissa échapper Lauren.
-Regardez !
Tonks suivit le cri de Joséphine si vivement que ses cervicales protestèrent. Et sa bouche s'ouvrit d'ébahissement lorsqu'au-dessus d'elle le ciel indigo fut recouvert par un ventre d'une blancheur éclatante et des ailes de cuir à l'envergure si large elles faisaient un pont sur la vallée entre deux sommets. Tonks observa le long corps reptilien qui les surplombait, à peine consciente du cœur qui battait la chamade dans sa poitrine. Tout à sa contemplation, fascinée, elle ne vit pas que les ailes immenses exécutaient un geste et d'un coup formidable, elles fouettèrent l'air pour que la majestueuse créature s'élève par-dessus les montagnes. Le mouvement déclencha des vents si violents sur eux qu'ils furent tous désarçonnés sur leurs balais. Farhan se coucha dessus, tremblant, Lauren poussa un cri de panique et la toute fine Joséphine passa même par-dessus son manche et se rattrapa in extremis.
-Nom d'un farfadet ! éructa-t-elle en se hissant sur son balai, hébétée.
-Chut ! la tança de nouveau Farhan, avant de sortir sa baguette d'une main prudente. Protego !
Une bulle translucide les enveloppa tous, y compris leur chargement illégal et les premiers rayons du soleil firent iriser leur enveloppe de protection. Rassurée par cette mince couche de magie, Tonks fouilla les cieux et retrouva le dragon qui s'élevait toujours plus haut dans les airs pour venir se fondre dans la blancheur de l'aube.
-Bon sang, c'est incroyable, souffla-t-elle, émerveillée. On y est vraiment ...
-Tu vois, je te l'avais dit que tu nous mènerais à bon port, renchérit Farhan, un sourire insensé aux lèvres. Nom d'un dragon Tonks, regarde où on est !
Il désigna d'un large geste la vallée sous eux, le dragon vert qui serpentait toujours sous eux et le blanc qui jouait avec les lueurs de l'aurore. Alors qu'ils s'enfonçaient toujours plus, de nouvelles créatures pointaient le bout de leurs nasaux, dans des cavernes à flanc de montagne où une créature noire comme le charbon se prélassait entortillée sur elle-même ou deux autres qui prirent leur envol depuis le cœur de la vallée pour offrir leurs écailles rouges au soleil. Les sortilèges de dissimulation de Farhan et Joséphine furent efficaces, même s'ils durent faire preuve de souplesse et de vivacité sitôt qu'un dragon s'approchait un peu trop d'eux. Tonks ne savait plus où donner la tête. Elle n'avait plus le moindre regard sur sa boussole et les images féériques avaient remplacé les plans dans sa tête. Allait-elle plein est ? Elle n'en avait plus la moindre idée mais elle s'en fichait. Elle était au beau milieu d'un rêve.
La réponse finit par venir sous la forme de petite silhouette, à peine un point sombre dans ce paysage incroyable. Il fallut qu'elle se rapproche et que Tonks plante ses yeux sur elle pour qu'elle perçoive enfin une chevelure rousse flamboyante dans l'aube. Un immense sourire fendit son visage.
-Charlie !
-Où ça ? s'enquit Joséphine en se tordant le cou.
-A l'est toute !
Un sourire se dessina sur les lèvres écarlates de Joséphine lorsqu'elle aperçut la silhouette massive qui virevoltait vers eux et slalomait entre les dragons en vol. Au regard qu'elle lui lança, Tonks sourit d'un air désabusé. Les étincelles qui pétillaient au fond de ses prunelles étaient une supplique peu subtile.
-Allez, je te libère, annonça-t-elle en feignant un soupir à fendre l'âme. Vole, petit hippogriffe. Et par pitié, fais-toi bouffer par un dragon.
-Qui suis-je pour te décevoir, Nymphadora, rit Joséphine. Bonne chance avec Norbert !
Et sur ce, elle se libéra de la chaine qui la retenait à la malle et prit son envol. Très vite elle dépassa Tonks, monta en piquet, exécuta une boucle par-dessus d'eux avec un rire à en réveiller tous les dragons de la réserve et avec une course pleine d'arabesque dont elle avait le secret, elle rejoignit Charlie Weasley. Repositionnée à la pointe d'un triangle pour pallier l'absence de Joséphine, Tonks les observa tourner l'un autour de l'autre tels des vautours, éviter un dragon avec la vivacité de deux attrapeurs et se prêter à un ballet aérien éclairés divinement par l'aube. Leurs éclats de rire se répercutaient contre les pentes de la montagne. Amusée, Tonks se retourna pour découvrir que sans surprise, Farhan souriait avec tendresse en les observant.
-Grillé !
-Tellement grillé, renchérit Lauren, hilare. Cet air béat !
Farhan ne chercha même pas à les détromper ou à masquer son sourire. En revanche, il fut le premier à percevoir leur comité d'accueil sur une corniche rocheuse et qui leur faisaient de grands signes. Leur point d'arrivée, enfin ... L'étau dans la poitrine de Tonks se desserra à mesure qu'elle s'en approchait et s'envola carrément lorsque la malle râcla le sol. Un soupir s'échappa de ses lèvres lorsqu'elle posa le pied à terre et elle déploya sa maigre carasse endolorie par deux jours de longs voyages.
-Enfin ! clama-t-elle, les bras passé par-dessus sa tête. Oh la la je n'en pouvais plus, j'ai cru que j'allais finir par avoir une crampe aux fesses ...
Un coup de coude de Farhan la força à ravaler ses états d'âmes et elle se rappela qu'elle venait d'atterrir entre trois sorciers, dont une majestueuse sorcière qui gloussa face à sa sortie. Penchée sur la malle, elle jeta un regard pétillant sur Tonks qui s'empourpra immédiatement. Elle porta une main sur sa bouche, embarrassée par sa familiarité mais la sorcière fit un large geste pour balayer sa gêne.
-Oh ma chère ne vous en faites pas, moi j'aurais plus qu'une crampe aux fesses après avoir parcouru tout votre trajet ...
Elle s'écarta de la malle pour laisser faire ses collègues et s'avança vers eux avec un sourire avenant. Elle avait de courts cheveux bruns parcourus de mèches blanches, un visage coupé à la serpe et était vêtu de fripes à moitié brûlées et froissées. Lorsqu'elle tendit la main à Tonks, celle-ci remarqua une fraiche cicatrice sur son poignée, une trace de morsure net qui lui arracha un frisson à l'échine.
-Ladona Macovei, se présenta la sorcière et son accent roumain ressorti franchement. Merci infiniment d'avoir amené le Norvégien à crête ici ... C'est une espèce si rare, nous devons en prendre soin ...
-Je n'irais pas jusqu'à dire que c'était un plaisir, mais je suis heureuse de l'avoir fait.
Elle coula un regard sur le bébé dragon, furieux d'avoir été enfermé deux jours durant, et qui poussait des cris stridents et crachait des flammes maigres autour de lui. Les deux soigneurs avaient sorti leurs baguettes et déployaient des boucliers pour se protéger. Tonks était parfaitement au fait de ce qui aurait pu arriver au pauvre Norbert si c'était le Ministère qui avait mis la main dessus. Ce dragon actuellement inapte pour la vie sauvage aurait été remis dans la nature et s'il avait un jour été un danger pour le secret magique, il aurait purement et simplement été supprimer ... C'était en partie ce qui avait motivé son choix d'entreprendre ce voyage illégal. La Roumanie, c'était la meilleure solution pour tous. Le secret magique comme ce bébé dragon. Une main se posa sur son épaule et elle tourna le visage pour apercevoir Farhan à ses côtés, l'air un brin soucieux.
-Pas trop de remords ?
-Non, promit-t-elle avec un petit sourire. Enfin je suis désolée, je sais que j'ai stressé ... Mais c'était vraiment très dur cette année. Je m'y attendais, mais pas autant ...
Elle dégagea une mèche de son front, gênée de dévoiler cela alors que depuis des mois, elle s'efforçait de garder la face et de maintenir une joie à la hauteur de l'honneur. D'autant que le début d'année civile de Farhan avait été très difficile. Sitôt à la retraite, Nolan était parti en voyage et bien que Joséphine avait fini par investir l'appartement en lieu et place, elle savait qu'être seul dans cette boutique livré à lui-même lui pesait. Elle tapota la main toujours sur son épaule.
-Disons que ... ça fait un bien fou de sortir le nez de la formation. De réaliser que je suis encore capable de quelque chose, que je suis assez audacieuse et organisée pour sortir un dragon des îles britanniques. C'est illégal, et je vais me faire démolir par Maugrey si jamais il l'apprend mais ...
-Je n'en reviens toujours pas que ton maître formateur soit Alastor Maugrey. Genre, Fol Œil en personne.
Le cœur de Tonks se gonfla d'orgueil à l'idée. Elle aussi avait failli défaillir la première fois qu'elle s'était retrouvée face à la légende du bureau. Notamment parce qu'elle était en train de saccager rageusement un cagibi après une énième remarque sur ses cheveux roses ... Mais loin de la punir, Maugrey Fol Œil l'avait pris son aile. De toutes les personnes qu'elle avait côtoyées cette année, il avait été l'unique à la prendre pour ce qu'elle était et non ce qu'elle paraissait être. En outre, l'unique à croire en son potentiel. Et c'était le talisman qui la maintenait à flot depuis tous ces mois. Peu importait les moqueries sur ses maladresses et ses cheveux roses. Alastor Maugrey croyait en elle.
-Je suis privilégiée, je dois être une des dernières qu'il forme ... après c'est la retraite définitive. Le Bureau le pousse vers la sortie ... Je veux dire c'est vrai qu'il parait un peu paranoïaque, si tu savais, dès que je me réveille j'entends « Vigilance constante ! ». Mais il a tellement de vécu, c'est fascinant ! Je ne sais pas qui le remplacera à la formation pour les prochains ...
Un rictus amer retroussa les lèvres de Farhan.
-Tu as de la chance que j'ai des infos de première main ...
-Oh, lâcha Tonks en perdant son sourire. Le père de Joséphine ... ?
-Il veut prendre une retraite anticipée, mais de ce que j'ai compris, ses supérieurs veulent le garder sous la main parce qu'ils sont en manque d'effectif.
-Comment tu sais ça ? Tu lui as parlé, depuis ... ?
-Mon Dieu non ! la coupa brusquement Farhan, presque froidement. Non, non, vraiment pas. Concernant la famille Abbot, je limite mes contacts avec les filles. Mais je ne peux pas les empêcher de parler de leur famille entre elles ...
-Et Jo, ça va avec ses parents ?
Farhan haussa vaguement les épaules.
-Disons qu'on est sur une pente doucement ascendante depuis le mariage d'Ophélia. Ce n'est pas incroyable, mais ils lui envoient des petites attentions. Son père lui a envoyé une belle lettre pour son premier article. Sa mère des fleurs quand elle a emménagé chez moi. Ce sont des petits gestes, mais il en faudra beaucoup d'autres pour que la confiance se rétablisse vraiment...
-Tu m'étonnes ... et ... ?
Tonks n'eut pas le temps de finir sa phrase : Farhan fut brusquement arraché de terre. Elle sentit un couinement monter dans sa gorge, craignant qu'un dragon l'air saisit de ses puissantes griffes, mais c'était pire. C'était Charlie Weasley, qui secouait à présent Farhan dans tous les sens.
-Je n'en reviens pas, non, je n'en reviens vraiment pas que vous êtes vraiment ici ! Oh par Merlin c'est le rêve, quel plaisir ! Je suis si content de te revoir ! Les lettres ça va bien cinq minutes !
-Cinq minutes ? rouspéta Joséphine derrière, une moue aux lèvres. Toutes les semaines, Septimus, toutes les semaines je vois apparaître ton foutu hibou ! Même pas foutu de m'envoyer un dragon.
Charlie lâcha Farhan une seconde pour écarter Joséphine et la faire taire. Farhan retrouva terre, les cheveux ébouriffés et le souffle coupé, mais un immense sourire aux lèvres. Mais Charlie n'avait pas fini le secouer comme un prunier et abattit ses deux mains sur ses épaules, extatique.
-Tu n'as pas changé ! Enfin si tu as un peu arrêté de te raser, mais Jo m'en avait parlé dans une lettre et ...
-C'est quoi ça ?
A la fois interloqué et horrifié, Farhan pointa le bras de Charlie. Tout d'abord, Tonks ne vit que le tee-shirt, cet éternel tee-shirt des Canons de Chudley dont il portait fièrement les couleurs jusqu'en Roumanie, puis en plissa les yeux elle perçut les bandages qui entouraient tout son biceps et d'où émanait des odeurs herbacées. Charlie grimaça et s'efforça d'avoir un haussement d'épaule nonchalant. Lorsqu'il s'éloigna d'un pas, la ceinture qui ceignait sa taille carillonna et Tonks la fixa à la recherche de clochettes. Mais elle vit que n'innombrables pochettes dont dépassait une paire de gant en cuir et sa baguette de sycomore flambant neuve déjà entaillée sur le manche.
-Oh, rien ... juste un petit face à face impromptu avec un Noir des Hébrides. Rien de bien méchant, dans une semaine je n'aurais plus rien. Pitié, n'en parle pas à ma mère quand tu la verras ! Déjà que j'ai eu une brûlure après deux jours, alors que toute ma famille était encore là pour m'aider à emménager, j'ai cru que jamais elle ne prendrait le portoloin du retour ! Mais bon, ça a sacrément impressionné les jumeaux cela dit.
-Oh, Charlie ...
-Et vous, quoi de neuf ? l'interrompit Charlie, par souci d'éloigner les conversations de sa blessure. Lauren, je ne m'attendais pas à ce que t'accepte ! La préfète parfaite, faire quelque chose d'illégal ... Aïe !
Comme promis, Lauren venait d'infliger une grande claque sur le bras sain de Charlie, le feu dans ses yeux verts.
-Espèce de grand crétin ! La première fois que tu nous invites en Roumanie, c'est pour t'amener un dragon clandestinement ? Alors que je travaille à Ste-Mangouste et que Tonks peut se faire virer de sa formation d'Auror ? C'est comme ça tu nous prouves ton amitié Charlie Weasley ? Il manquerait plus que Joséphine en parle dans son journal maintenant qu'elle a le droit de faire des articles !
-Oh puisque tu en parles ... (Joséphine se tourna souplement vers Ladona Macovei). J'adorerai parler avec vous de votre réserve si vous avez un peu de temps ! Je travaille pour La voix du chaudron, un journal britannique ...
-Bon sang, elle ne perd pas de temps, maugréa Tonks, consternée.
Elle savait que les premiers mois de Joséphine dans son journal avaient été frustrant. Elle qui avait espéré pouvoir laisser courir sa plume et sa rage, elle avait été cantonner à des taches de subalterne. Vérifier les sources, relire les articles, voire même faire le café, elle était passé par tous les états sous le surnom peu aimable de « la stagiaire ». Une semaine à se régime et la diva Joséphine avait presque été à deux doigts de démissionner si Farhan ne lui avait pas remis les idées en place. Elle devait apprendre son métier avant de laisser libre court à son talent. Talent qu'elle avait, certes, mais aucune méthode et aucune technique, qu'elle avait peu à peu assimiler en observant son patron Noah Douzebranches. Son premier article parut courant février, sur les manifestations qui avaient eu lieu sur le Chemin de Traverse après la nomination d'une certaine Dolores Ombrage à un haut poste du Ministère, avait agi comme un véritable barrage et depuis le flot ne s'arrêtait plus.
Charlie la considéra, consterné.
-Mais dis-le que tu es plus venue pour la réserve que pour moi !
-Je dirais même plus : je suis venu plus pour ta patronne que pour toi. C'est un déplacement professionnel.
-Clandestin mais professionnel, s'amusa Farhan, désabusé.
-Moi aussi c'est professionnel : on a des dragons sur les îles britanniques, je veux savoir comment les gérer, prétendit Tonks avec un grand sourire.
Charlie tourna enfin les yeux sur elle. Plusieurs fois son regard était passé sur elle sans s'y attarder, comme si elle était un fantôme. Elle comprit pourquoi quand ses yeux s'écarquillèrent et qu'il s'exclama, incrédule :
-Tonks ? Nom d'un dragon, je ne t'avais pas reconnue !
-Oh, comprit-t-elle, penaude. Euh, oui ... j'ai dû un peu me déguiser. J'y suis peut-être allée un peu fort ... Mais tu peux parler, regarde-toi !
Plus elle dévisageait Charlie, moins elle reconnaissait le garçon qui avait fait la gloire de Gryffondor avec ses deux insignes épinglés sur son uniforme. Envolé, l'allure solennelle et inaccessible de la star de Quidditch, la mélancolie parfois perceptible au fond de son regard bleu. Envolée la cravate qui l'étranglait comme ses devoirs et la chemise impeccable qu'il devait rêver de tâcher avec de la bouse de dragon. A présent vêtu de son tee-shirt orange et de simples bottes de cuir qui montaient jusque ses genoux, et débarrassé de tout apparat, Charlie rayonnait simplement. Il épousseta son pantalon tâché de brun et de verts avec un sourire éclatant de bonheur
-Oui, je me suis un peu adapté à la vie locale. Vous m'auriez vu hier, on a dû bouger un nid et j'étais couvert de ... (Il lorgna Joséphine, qui attendait la chute avec délectation). Enfin bref, c'était hier.
Le soleil s'était enfin décidé à pointer son nez et à émerger des cimes des montagnes et donna ses plus belles couleurs aux cheveux roux de Charlie et faisait flamboyer ceux de Lauren. Tonks passa la main dans ses propres cheveux, toujours longs, toujours noirs et avec un certain dégoût elle songea aux portraits et photos qu'elle avait pu voir de Bellatrix Lestrange et songeait que cette longue chevelure d'ébène ne faisait que les rapprocher. Son cuir chevelu chauffa lorsque son pouvoir se mit en marche : entre ses doigts les mèches filèrent, se rétractèrent pour venir effleurer son menton et prirent une jolie teinte proche du blond vénitien de Lauren. Pas le roux éclatant, mais assez solaire pour que la lumière de l'aurore vienne la faire rayonner autant que son sourire. Cette fois, ce fut à la bouche de Ladona Macovei de béer de stupeur.
-Vous êtes ... métamorphomage ?
-Oh ... (Tonks ébouriffa ses mèches fraichement colorées). Pardon, j'oublie souvent que ça peut déstabiliser les gens ...
-Déstabiliser ? Mais ma chère vous êtes prodigieuse ! Vous êtes plus rares qu'un dragon !
Tonks était certaine que ses cheveux rougissaient en même temps que son visage. Le sourire de Ladona Macovei faisait naitre des vagues de chaleur. Merlin qu'elle avait besoin d'un tel sourire débordant de confiance. Oui, elle avait eu terriblement besoin de ce voyage à ce moment de la formation. De cette lumière, de cette bonne humeur, de se remplir cette certitude qu'elle était une personne unique capable de grandes choses. C'était parce qu'elle en était capable qu'elle s'était engagée dans cette voie. Tonks inspira profondément et gonfla ses poumons de cette confiance. Il fallait qu'elle fasse le plein pour survivre aux prochains mois.
Non loin, Charlie avait enroulé ses bras autour des épaules de Farhan et de Lauren, qui avait paru lui pardonner de mauvaise grâce. De toute manière, elle n'avait pas envisagé une seule fois de se retirer de l'opération, malgré ses nombreuses remarques digne de la préfète exemplaire qu'elle avait été toutes ses années. A présent libérée du poids de leur mission, elle souriait largement à Charlie.
-Ce n'est que ma vie amoureuse qui t'intéresse ? riait-t-elle après une question de ce dernier. T'es atroce ! Tu ne pouvais pas me demander « comment ça va à Ste-Mangouste, tu fais des miracles » ? Ou « et ta famille comment ça va ? »
-Ce n'est pas Aidan qui m'intéresse dans l'affaire ...
Lauren lui planta un coude dans les côtes et le cri étouffé de Charlie fut couvert par un éclat de rire.
-Mais arrête ! Il fait amende honorable depuis quelques temps ! Elisa l'a largué, ce n'est pas assez pour toi ?
La rumeur avait failli renverser Tonks pendant l'été alors qu'elle était avec Farhan lors d'une séance de leur stage de potion : Aidan McColley avait entretenu une relation avec la petite sœur de Joséphine pendant quelques semaines. Pris de remord, il avait tout avoué à Elisa à la fin de l'été, qui l'avait quitté sans attendre, trahie. D'après Lauren, Aidan prenait la chose avec spiritualité : table-raz pour lui permettre de devenir un autre homme, un homme peut-être meilleur. Lauren continua de prendre la défense de son frère avec ferveur :
-En plus il m'accompagne dans les bars gays pour que je ne sois pas seule ! Je te jure, il est adorable depuis qu'il est célibataire.
-Quelle bonté d'âme, ironisa Joséphine, nullement impressionnée. Mais j'avoue qu'il y a un côté jouissif à ce qu'il se soit fait larguer par Berry et Elisa. Il aura au moins fallu ça pour qu'il se remette les idées en place ...
-Bérénice aussi ?
Joséphine haussa les épaules et incrusta ses doigts dans sa tresse pour la défaire. Une seconde plus tard, sa longue chevelure de cuivre coulait librement sur ses épaules.
-Je ne sais pas trop, elle ne m'a pas parlé de ça dans ses dernières lettres. Ça a l'air d'être une année assez sportive à Poudlard ...
-Oui, Ron m'a parlé du troll dans les cachots ...
-Et Maya m'a dit qu'il y avait carrément une partie du château qui est interdite, ajouta Farhan, un peu perplexe. Depuis quand ils interdisent autre chose que la Forêt Interdite ?
-Et ça s'est tassé l'histoire du cambriolage à Gringrotts ? demanda Charlie.
Farhan grimaça au souvenir de l'incident cet été qui avait occasionné la perquisition de tous les commerces du Chemin de Traverse ainsi qu'une présence durable d'un contingent d'Auror autour de la banque qui avait dissuadé de nombreux sorciers de s'aventurer sur l'avenue commerçante.
-Oui, ça va mieux, assura Joséphine avec un geste nonchalant de la main. Mais les gobelins sont toujours d'une humeur exécrable, je pense qu'ils sont vexés de ne pas avoir pu ... c'est quoi déjà leur poème ?
-« Voleur tu trouveras en guise de richesse le châtiment de ta propre hardiesse », récita Tonks en hochant la tête. Mais c'est vrai que je trouve qu'il y a une drôle d'ambiance cette année ... Maugrey est tendu depuis la tentative de vol.
-C'est vrai que tu as des informations de première main, s'esclaffa Lauren avant de donner une tape dans l'épaule de Farhan. Allons, ça ne pourra pas être pire que l'année dernière et ce qu'on a subi, non ?
-Oh nom d'un Farfadet, rien ne pourra être pire que ça !
Ils éclatèrent tous de rire face à la référence et les images de l'année éprouvante qu'ils venaient tous de passer défilèrent dans leurs esprits. C'était incroyable qu'ils puissent en rire à présent, alors que l'année avait plutôt été émaillée de crise de nerf et de larme. Mais le résultat des obstacles et des souffrances étaient au-dessus de leurs espérances. Maintenant Joséphine enlaçait Farhan pour l'embrasser face aux montagnes roumaines sur lesquelles Charlie posait un regard amoureux. Maintenant Lauren peignait ses ongles non aux couleurs de l'Irlande mais aux couleurs de l'arc-en-ciel, fière de revendiquée ce qu'elle était, sortie des murs calfeutrés de Poudlard. Maintenant Tonks sentait une foi inébranlable en l'avenir qu'ils représentaient tous. Ils avaient passé le pire : se construire en tant que personne pendant sept ans. Ils avaient tout appris, tout conquis et s'étaient armés pour ce qui les attendait à présent. Sept pages tournées, sept pages noircies dans la douleur mais à présent formait un dessin cohérent dont ils pouvaient tous être fiers.
Maintenant, la vie leur appartenait. Brillante comme l'aube, dangereuse et fascinante comme un dragon, chantante comme les éclats de rire de ses amis. Et pour l'heure, perchée dans la montagne roumaine, c'était tout ce que Tonks avait envie de retenir.
FIN
***
Serions-nous de ceux qui résistent ou bien les moutons d'un troupeau ?
S'il fallait plus que des mots ?
Et si j'étais né en 17 à Leidenstadt,
Sur les ruines d'un champ de bataille
Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens
Si j'avais été Allemand ?
Et qu'on nous épargne à toi et moi si possible très longtemps
D'avoir à choisir un camp ...
- Né e 17 à Leidenstadt
Goldman - Fredericks - Jones
***
(J'espère que l'épilogue vous a plu !
On se retrouve pour le bilan juste après ===>)
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