Chapitre 9 : Tout déconstruire
HOLA !
Bon les lecteurs d'O&P, vous êtes remis? ça va? (spoilez rien sur cette histoire).
Comment vous allez bien sinon? La rentrée s'est bien déroulée ? ça pique pas trop de retourner en cours ? (Moi j'avoue ça pique d'aller taffer, surtout que je suis à une heure de chez moi).
La citation a un lien lointain mais je l'aime beaucoup et voilà !
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Nous sommes tous frères sous la peau, et j'aimerais écorcher l'humanité pour le prouver.
- Ayn Rand
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Chapitre 9 : Tout déconstruire.
Lundi 8 octobre 1990
Week-end dans la tour. Echecs avec Bérénice. Battue par Bérénice. Franchement c'est elle qui devrait jouer la reine sur l'échiquier.
Voilà tout ce que m'inspire mon week-end. En fait si je pense à autre chose je me jette de la Tour alors on va être sage et penser qu'à Noël Bérénice a besoin d'un nouvel échiquier parce que chez celui de grand-père les sortilèges commencent à s'user. Elle est impressionnante quand elle joue aux échecs. J'ai toujours été bonne – papa m'a appris sur ses genoux – mais elle, elle est incroyable. Elle déplace ses pions si vite que tu penses que c'est au hasard, qu'elle va faire une erreur à ne pas observer le plateau pendant deux heures, mais c'est simplement qu'elle sait exactement quoi jouer sur dix coups et soudainement, ton roi se retrouve englué dans la toile tissée par l'araignée. C'est ça, Bérénice c'est la reine des araignées. Je préfère ça à la reine des échecs, ça fait moins classe.
***
-Et n'oubliez pas, la métamorphose humaine en animal est quelque chose de fragile. Vous allez peut-être avoir certaines caractéristiques de l'animal en question mais rien ne vaut une transformation complète en Animagus pour réellement faire illusion. Pour les métamorphoses, il y aura toujours un défaut de confection qui vous trahira. Jamais un humain ne saurait marcher comme un chat ... (La cloche retentit, stoppant net la tirade de McGonagall que les élèves étaient soigneusement en train de griffonner). Très bien, dépêchez-vous de noter le devoir de la semaine prochaine et vous pouvez y aller.
La professeure s'en retourna à son bureau d'un pas raide. Mais Minerva McGonagall avait sans cesse l'air raide – difficile de l'imaginer sous la démarche souple d'un chat ... Charlie poussa cette réflexion de côté pour ranger ses affaires. A côté de lui, Farhan loucha sur le parchemin qu'il enroulait, vide de toutes notes quand lui était encore penché sur les siennes pour constituer un cours complet.
-Un jour, je te laisserais te débrouiller tout seul, persiffla-t-il, exaspéré.
-Jamais, tu as trop de bonté en toi.
Sans pouvoir s'en empêcher, Charlie jeta un coup d'œil derrière son épaule vers la table vide de Joséphine. Elle était pourtant venue, mais pour s'installer avec pour seul matériel sa baguette magique quand le cours de McGonagall était essentiellement théorique. Au bout de trois sollicitations, la directrice de Gryffondor l'avait sommé de quitter la classe, et la jeune fille s'était fait une joie de lui obéir sans un mot ni un regard pour personne. Simplement le fracas d'une porte claquée qui avait fait tremblé l'être de Charlie.
Puis son regard dévissa sur une autre personne, généralement assez lente à ranger ses affaires en raison de sa capacité à toujours discuter. La chevelure blonde vénitienne de Lauren était repérable entre mille : elle était plongée dans une conversation animée avec son frère jumeau Aidan McColley. D'ici à ce qu'elle l'achève, il avait largement le temps de se préparer psychologiquement ... Mais McGonagall le priva de cela en venant de planter devant son bureau.
-Je peux vous dire un mot, Weasley ? (Son regard vert se baissa sur Farhan, toujours occupée à prendre des notes) Pendant que O'Neil finit de copier son cours ...
-Je me dépêche professeur, assura-t-il en replaçant ses lunettes sur son nez.
-Prenez votre temps, je sais très bien que vous copiez pour deux. Weasley ?
D'un mouvement sec de la tête, elle lui indiqua son bureau et Charlie la suivit, un nœud dans le ventre. Il se sentait rarement inférieur à ses semblables mais McGonagall faisait naître chez lui un mélange de crainte et d'admiration qui la plaçait sur une sorte d'intimidant piédestal. Grande, digne, un chignon toujours noir malgré les années qui passaient, elle était le socle de la Maison Gryffondor. Elle tria quelques-uns de ses papiers avant d'entonner dans un murmure sévère :
-O'Neil ne devrait pas copier pour deux. Il a ses propres difficultés à gérer dans ma matière, Weasley. Cette entente était efficace pour les BUSE mais cette fois nous sommes en ASPIC. Il va falloir mieux équilibrer votre temps.
-Navrée professeur ... mais avec les entrainements ...
-Qui sont d'après Lauren McColley passés à presque tous les jours, le coupa McGonagall en plantant son regard vert sur lui. Ne vous méprenez pas, Weasley : vous êtes incroyablement doué et je souhaite ardemment gagner la coupe après les humiliations que nous avons subi ces dernières années. Mais je serais une professeure indigne si pour cela je vous laissais faire passer le Quidditch avant votre avenir et votre réussite scolaire, ainsi que celle de vos coéquipiers. Les résultats de vos frères n'étaient déjà pas fameux l'année dernière : je doute qu'ils arrivent à suivre les cours correctement avec le rythme que vous leur imposez.
Charlie sentit son estomac se contracter face à la honte et la culpabilité qui déferlait en lui. Il n'avait écouté que sa volonté de fuite en accélérant ainsi la cadence des entrainements, ainsi que sa volonté de former une équipe prête pour Serpentard. Il était vrai que Lauren et Polly avaient protesté mais cela avait été compensé largement par l'enthousiasme de ses frères et d'Olivier ainsi que par les progrès manifestes d'Angelina de séance en séance.
-J'ajoute même que les Capitaines adverses ont commencé à se plaindre de ne pas pouvoir réserver le terrain donc vous mettez à mal l'équité sportive, ajouta McGonagall. Il va falloir que cela cesse, Weasley. Arrêtez de rattraper vos doutes par cet entrainement assidu et faites-vous confiance.
Il n'y avait pas particulièrement de sévérité dans le ton de McGonagall et peut-être même percevait-il un soupçon de compassion. Mais c'était pire que tout. S'il commençait même à décevoir la femme qui lui avait confiance depuis sa deuxième année pour mener Gryffondor à la gloire en tant qu'Attrapeur, Capitaine et préfet, il aurait tout perdu.
-Je suis désolé, professeur ... je vais essayer de rééquilibrer les choses. Je me suis laissé emporter par mon élan.
McGonagall le considéra quelques secondes par-dessus ses lunettes rectangulaires. Son regard se glissa rapidement vers le fond de la salle avant de revenir sur Charlie avec un peu plus de gravité.
-Et quoiqu'il se passe avec Miss Abbot, réglez-le vite. Oh, Weasley, souffla-t-elle quand les yeux de Charlie s'écarquillèrent. Nous professeurs ne sommes pas aveugles. Alors ce n'est pas dans notre devoir de régler vos problèmes, en revanche ça l'est de vous indiquer qu'ils doivent vitre trouver une solution. Pour l'un comme pour l'autre.
Elle lui tapota l'épaule, la commissure des lèvres relevés en un sourire teinté de sollicitude.
-Ce sera tout, Weasley. Bonne chance pour la suite, et ramenez-moi cette coupe.
Charlie hocha la tête, un peu sonné par la dernière recommandation émanant de sa sèche professeur de Métamorphose. Il avait toujours eu un lien particulier avec McGonagall en raison de leur étroite collaboration pour la Maison Gryffondor, mais jamais il ne s'était attendu à ce qu'elle commente sa vie amoureuse. L'idée alluma une certaine angoisse en lui et il se dépêcha de rejoindre Farhan qui rangeait enfin ses affaires, ses lunettes de vue toujours sur le nez.
-Tu avais raison, l'heure est grave, annonça-t-il de but en blanc. McGonagall en personne m'a parlé de Jo ...
-Quoi ? Tu es sûr que tu as bien entendu ?
Charlie hocha la tête avec sérieux et Farhan poussa un soupir en repoussant ses lunettes dans ses cheveux.
-S'il faut que McGonagall te le dise pour que tu réalises ...
-Du coup on va voir Lauren maintenant.
-Quoi ? Mais elle est déjà partie avec ... Charles !
Charlie avait fait prestement volte-face, obligeant Farhan à récupérer maladroitement ce qui restait de ses affaires pour le suivre dans les couloirs. Ses yeux parcoururent la foule qui se répandait dans le château en cette fin de journée jusqu'à ce qu'ils tombent sur une paire de chevelure d'un blond tirant outrageusement vers le roux – un véritable roux qui ne s'assumait pas ...
-McColley ! cria Charlie.
Le frère et la sœur se retournèrent, interloqués de voir surgir devant eux le Capitaine de Gryffondor d'un pas décidé, Farhan quelques mètres derrière lui à ranger ses parchemins dans son sac, une plume dans la bouche.
-Lequel ? dirent-t-ils en chœur avec un identique sourire.
-Lady McColley, précisa Charlie en parvenant à leur hauteur. Quoique ...
Il hésita quelques secondes en observant Aidan et son badge de Capitaine de Serdaigle. Il appréciait grandement le Batteur, son charisme, qu'il continue de supporter Joséphine dans son équipe malgré son caractère. De là à l'avantager ? Il repensa à sa conversation avec McGonagall et finit par céder :
-J'avais une séance ce soir mais ... Vous pouvez la prendre.
Aidan écarquilla les yeux.
-Vraiment ?
-Non mais ça ne va pas, s'énerva Lauren, incrédule. C'est mon jumeau mais on ne lui fait pas de fleur, on l'écrase !
-Trop tard ! décréta Aidan en levant une main. Proposition jetée, proposition acceptée ! Merci Weasley !
Et il s'en fut dans les couloirs en courant, et beugla à une quatrième année d'aller se changer pour l'entrainement avant de disparaître. Lauren le regarda faire, l'air singulièrement irritée par la chose, avant de jeter un regard aigu à Charlie.
-Tu es trop gentil pour ton propre bien, Weasley. Ce n'est pas avec de la gentillesse qu'on va enfin gagner la Coupe des Quatre Maisons.
-Je ne vais pas me dénaturer pour le Quidditch, McColley. Bon, ce n'est pas le sujet. Tu as une minute ?
-Une heure, rectifia Farhan en arrivant derrière lui.
Lauren les observa longuement l'un et l'autre, les paupières plissées par la suspicion. Avec ses cheveux aux reflets roux, ses tâches de rousseurs et son accent de Galway, elle était presque le prototype de l'Irlandaise et le revendiquait avec un trèfle vert cousu sur son sac. Même Farhan ne faisait pas preuve d'un tel patriotisme envers sa terre d'adoption. Un lent sourire finit par s'étirer sur ses lèvres fines.
-Vous venez enfin me dire que vous officialisez, c'est ça ?
Charlie sentit son visage s'empourprer et évita soigneusement de tourner le regard sur Farhan. Voilà pourquoi il avait hésité tout le week-end à s'abandonner aux lumières de Lauren McColley : depuis son coming-out l'année dernière, elle prenait un malin plaisir à prospecter sur l'orientation sexuelle refoulée de de ses camarades et était persuadée qu'avec leur affinité, Farhan et Charlie était un couple qui ne s'assumait pas. Peut-être aurait-il dû aller la voir sans son meilleur ami ... que la situation aurait été moins pénible ... Mais la vérité, c'était qu'il avait besoin de son calme, de sa façon de garder un cap et il lui prouva une nouvelle fois en se plantant devant la jeune fille, les bras croisés sur sa poitrine.
-Ecoute, on veut parler sérieusement alors est-ce que tu pourrais ravaler ton sarcasme et écouter ? Dans un lieu tranquille, de préférence.
-Oh, laissa échapper Lauren, visiblement troublée par son sérieux. Euh ... Bah écoutez il faut beau, pour une fois, on va se promener au lac ?
Charlie accepta la proposition avec un immense soulagement. Il ne se voyait pas s'enfermer et tourner comme un lion en cage face à toutes les questions qui le déchiraient de l'intérieur. Et par le caleçon de Merlin, quelle question ...
Il se passa une main sur le visage en suivant Lauren et Farhan dans la cour du château avant de bifurquer vers le parc. S'il devait être parfaitement honnête, l'hypothèse qu'il n'aime pas les femmes s'était insinué dans son esprit dès les premiers moments d'affinité avec Joséphine mais chaque fois qu'il sentait son cœur battre à son rire ou son sourire, les doutes s'étaient effacés. Mais maintenant que la bonne humeur de sa petite-amie s'était tarie, l'idée en avait profité pour grignoter la place, de plus en plus prégnante, de plus en plus dérangeante. Non réellement, il s'était senti sale et anormal à songer une chose pareille ... Un homme aimait une femme, c'était ainsi qu'il avait appris. C'était de cette seule union que pouvait jaillir la vie ... un symbole fort non ? Quand Lauren avait officialisé sa relation avec une de leur camarade plus âgée l'année dernière, il se souvenait avoir accepté par indulgence, sans réellement comprendre leur attirance réciproque. Alors était-ce vraiment ça ? Il espérait de tout cœur que non, mais cela valait la peine que Lauren l'aide à invalider cette hypothèse.
Ils finirent par atteindre le lac en silence : Lauren et Farhan s'assirent sur des rochers quand Charlie retira ses chaussures et chaussettes pour mettre les pieds dans l'eau. Il sélectionna des galets plats, préférant se concentrer sur cette tâche que sur ce qu'il allait dire. Derrière lui, il sentait les deux Gryffondor le couver du regard.
-Bien, finit par lancer Lauren d'un ton résolu. Pourquoi vous avez besoin de moi si ce n'est pas pour officialiser votre relation ?
Incapable de trouver une bonne façon d'approcher les choses, Charlie se contenta de faire son premier ricochet. Fort heureusement, Farhan était un véritable fil d'Ariane : c'était lui qui trouvait les chemins dans les plus sombres labyrinthes. Joséphine avait ce côté-là aussi. Lorsqu'un problème ne semblait pas avoir de solution, elle avait l'esprit assez ouvert et tordu pour en trouver une, même la plus impensable. Peut-être que son cerveau était justement en train de se torturer pour en trouver une pour eux, mais Charlie se doutait qu'il allait dans la mauvaise direction ...
-Tu peux nous dire comment tu as compris que tu aimais les filles ?
Charlie ne vit pas la réaction de Lauren mais il entendit distinctement son rire.
-Ah ça ! Peut-être quand je me suis rendu compte que les garçons ça bave et c'est obsédé par la poitrine ?
-Ça fait plaisir ...
-Bon d'accord, pas tous. Mais sérieux quand vous êtes en groupes, vous êtes tout simplement imbuvables. Les potes de mon frère, je les claquerais contre un mur ! Vous ça va, c'est vrai. Tu étais un ange avec Alice et Charlie a une patience aussi infinie qu'incompréhensible avec Abbot.
Charlie lui jeta un petit regard et remarqua que ses yeux verts s'étaient plantés sur lui, intrigués. Elle s'était assise en tailleurs sur son rocher et tirait sans cesse sur sa jupe pour ne pas découvrir ses cuisses. Malgré un soleil qui brillait, octobre avait apporté avec lui un vent qui l'obligea à attacher ses cheveux en un chignon au-dessus de sa tête.
-Pourquoi, tu te poses des questions, Weasley ? Abbot est à ce point chiante que tu te sens obligé de remettre en cause ton amour pour les filles ?
-Alors je n'y connais rien, mais je suis positivement sûr que ça ne se passe pas comme ça, douta Farhan, dubitatif.
Lauren eut un sourire appréciateur.
-Bien deviné, O'Neil. Evidemment que ce n'est pas comme ça que ça se passe. Ce n'est pas quelque chose qu'on choisit d'être, c'est quelque chose qu'on est. Ça m'a pris quelques mois pour ne serait-ce que comprendre ça ...
Elle s'interrompit, songeuse, comme si elle repensait à toutes les réflexions qui l'avait amené à conclure qu'elle aimait les filles. Farhan tenta d'intercepter le regard de Charlie mais celui-ci fit de nouveau volte-face pour lancer un ricochet sur la surface lisse du Lac Noir. Il fit trois bonds avant de s'enfoncer dans l'eau avec un « plouf ! » sonore. Devant son mutisme, Lauren finit par s'agacer :
-Bon, ça me ferait un véritable plaisir de t'aider Weasley mais à un moment il va falloir que tu parles. Farhan ne peut pas toujours tout faire à ta place. Balance.
Charlie soupira et fit sauter la pierre qui lui restait dans sa main. L'eau qui lui arriverait aux chevilles et mouillait le bas de son pantalon lui éclaircissait incroyablement bien les idées, comme la vision des montagnes surplombant la forêt avec majesté. C'était peut-être ce qu'il enviait le plus à la Salle Commune des Serdaigle : cette vue incroyable, sereine, apaisante. Il se gorgea de toute l'humilité que lui apportait la nature, ressentit profondément chaque clapotis de l'eau sur sa peau, chaque caresse du soleil avant de s'en retourner vers Lauren et Farhan et de prendre une place à son tour sur un rocher. La jeune fille le fixait sans aucun jugement mais ce n'était pas pour autant que son regard insistant de le mettait pas mal à l'aise. Et il était toujours incroyablement indisposé par les mots qui se formaient dans sa gorge :
-Pour faire simple, je ne ... ressens absolument rien quand je suis avec elle. Physiquement parlant. Et je ne trouve pas ça normal parce que même si elle a son caractère, je l'aime beaucoup.
-Aimer beaucoup ce n'est pas aimer tout court, fit remarquer Lauren. Mais ... Très bien, je vois. Le problème, c'est un manque de sensation physique ?
Avec beaucoup de difficulté, Charlie hocha la tête tout en prenant soin d'éviter le regard de Farhan. Son ami avait été d'une loyauté et d'une abnégation parfaite jusque là mais il sentait que malgré tout, il ne parvenait pas à comprendre. Sa réponse quand Charlie lui avait demandé si une relation sans intimité était possible : l'idée même avait paru saugrenue à Farhan alors qu'elle faisait sens dans l'esprit de Charlie. Lauren allongea ses jambes devant elle, l'air songeuse.
-Hum. Ça peut être symptomatique de beaucoup de chose ... moi non plus je n'ai jamais ressenti grand-chose avec les garçons – après je ne suis pas allée très loin et puis c'étaient les premières expériences, qui s'y prend bien dès la première fois ... ? (Elle darda sur Farhan un regard peu amène). Toi je parie que tu dois bien t'en sortir. T'as une tête à bien embrasser. Alors que toi (Elle pointa Charlie du doigt). Tu veux que tout soit parfait et tu te mets la pression et du coup, je suis sûre que tu déconnes. Tu es sûr que ce n'est pas ça le problème ?
-Si ce n'était que ça, je ne serais pas venu te voir, rétorqua Charlie, un brin agacé. Je suis venu te voir parce que tu es la seule personne qui peut ... m'ouvrir d'autres perspectives.
Lauren leva les yeux au ciel et tortilla autour de son doigt une mèche qui dépassait de son chignon.
-Hum. Tu sais, quand j'ai compris que j'avais le droit d'aimer des filles, ça a fait sens tout de suite dans ma tête. Depuis que je suis petite, j'ai conscience de ... d'apprécier la beauté purement féminine, d'être bien plus facilement fascinée par le rire d'une fille ou la façon dont elle relève ses cheveux que par le sourire d'un garçon. Je cherchais aussi bien plus la proximité ou l'approbation des filles alors que les garçons je me fichais complétement de ce qu'ils pensaient de moi. Ce sont des petits détails, des automatismes que tu ne remarques pas jusqu'à ce que quelqu'un te mette le nez dessus. Et une fois que c'est fait, tu ne vois que ça. Tu vois quelque chose qui s'en rapproche, Weasley ?
Charlie fouilla dans sa mémoire et en étant parfaitement honnête il put répondre par la négative. Ce n'était pas par son physique que Joséphine l'avait charmé, contrairement à Farhan qui avait fait une fixette sur elle de loin. Et il ne souvenait pas avoir soulevé un détail, une attitude, un geste qui ait attiré son regard chez un garçon. Charlie appréciait les gens pour qu'ils étaient, pas pour ce qu'ils semblaient être. Lauren pinça des lèvres et se pencha un peu sur son rocher pour observer la réaction de Charlie.
-Question hyper indiscrète mais que j'ai absolument besoin de poser. Est-ce que tu te fais des plaisirs solitaires, Weasley ?
-Mais enfin, McColley ! s'indigna Charlie en reculant dans l'eau, acculé par la question. Mais ça va pas ?!
-Hum. (Elle se tourna vers Farhan, dont le regard était rivé sur le Lac). Et toi, O'Neil ?
-Joker, répondit-t-il d'un ton neutre.
-Ça veut dire oui, décréta Lauren avec un grand sourire. Il ne faut pas avoir honte, chacun fait ce qu'il veut avec son corps. Simplement, le fait que tu ne fasses rien est assez symptomatique d'une différence par rapport à tous ces mâles bourrés d'hormone, Weasley.
Farhan jeta un regard oblique à Lauren, sans doute indisposé par cette définition de « mâle bourré d'hormone ». Il se taisait beaucoup et Charlie avait la nette impression qu'il faisait acte de présence pour le soutenir mais qu'en réalité il se constituait une bulle pour échapper à la conversation. Lauren lui donna un coup de poing dans l'épaule.
-Ne te vexe pas O'Neil. C'est juste pour dire que Charlie se distingue de la masse mais ce n'est pas grave.
Elle planta son regard sur Charlie avec un sérieux familier, celui qu'elle abordait pour rappeler que cette année, Gryffondor devait gagner la Coupe des Quatre Maisons ou qu'elle devait absolument bouger l'une de ses rondes de préfète.
-Je ne pense pas que tu sois homosexuel, Charlie.
Aussitôt, Charlie poussa un profond soupir de soulagement. Ce n'était que Lauren, mais ces mots par sa bouche sonnaient comme la vérité divine. Il joint ses deux mains au niveau de la poitrine avant de percevoir la mine décomposée de Lauren devant lui et les grands yeux écarquillés de Farhan. Charlie laissa immédiatement ses bras retomber le long de son corps, penaud.
-OK ça ne doit pas être simple pour toi de te poser cette question, admit Lauren d'un ton pincé. Le grand sportif leader de Gryffondor gay, ce n'est pas intuitif et je ne suis pas sûr que dans ta famille on soit d'une modernité folle. Mais quand même j'apprécierais que tu me respectes en ne montrant pas à quel point tu es soulagé de ne pas être gay.
-Désolé Lauren ... C'est juste ... j'étais en train de remettre en cause absolument tout ce que j'avais appris.
-Et bien tu peux continuer parce que visiblement tu n'as pas appris les bonnes choses, rétorqua Lauren. Moi je trouve que ça aurait été un symbole incroyable que tu sois homosexuel mais maintenant que je te vois comme ça je pense que tu n'aurais pas assumé ... Enfin, je suppose qu'il te faudra quand même du temps.
-Mais alors c'est quoi le problème ?
De nouveau, Lauren se tendit et passa une main sur son visage, l'air dépitée.
-Arrête, s'il te plait, arrête de considérer ça comme un problème ! On a tous été élevé avec des normes stricte : un homme avec une femme, l'homme qui a le rôle dominant dans la sexualité parce que ça va de pair avec sa virilité : c'est complétement faux ! Il faut déconstruire tout ça, et arrêter de songer que chaque autre forme de sexualité est un problème. Je ne suis pas un problème.
Farhan semblait s'être transformer en statue à force de fixer le Lac, les genoux repliés, sa tête soutenue par son poing. Charlie lui, regarda ses pieds, embarrassé par le ton accusateur de Lauren et ce qu'elle dépeignait d'eux. De lui. Les sentiments négatifs qu'il avait pu avoir sur l'hypothèse le concernant n'avait pas à être répercutés sur elle.
-Encore une fois, désolé, s'excusa-t-il. Je vais essayer de mieux m'exprimer ... Du coup, à quoi tu penserais ?
Lauren le toisa, l'air dubitative. De nouveau, elle tira sa jupe sur ses jambes et la lissa du plat de la main.
-Je pensais à l'asexualité, en fait.
-Qu'est-ce que c'est ?
-Ce sont des personnes qui ne prennent aucun plaisir dans l'amour physique. Ils aiment romantiquement, ils ont des sentiments – que ce soit pour des filles ou des garçons – mais ils ne ressentent rien dans la sexualité. Ce n'est pas grave, tu es juste comme ça.
Charlie se reconnut dans chacun des mots que prononçait Lauren, assez estomaqué. Pourquoi personne ne lui avait jamais parlé d'asexualité ? Personne ne t'a jamais parlé d'homosexualité non plus, tu as découvert que ça existait en y étant confronté ici ... Farhan paraissait songer la même chose car il jeta un regard de biais à Lauren.
-C'est un vrai truc, ça ?
-Bien sûr que c'est un vrai truc ! C'est juste que personne ne se renseigne sur les autres formes de sexualité : on s'arrête à la bonne vieille hétérosexualité, le seul exemple que nos parents nous donnent et qui est admis par tout le monde. Il faut fouiller pour voir le panel que la vie a à nous proposer ...
-Et comment tu les connais, du coup ?
Lauren haussa les épaules et tripota son chignon aux reflets roux.
-Sarah est partie de chez elle cet été – ses parents n'ont pas supporté son coming-out. Elle a été accueillie par une association moldue – parce que de façon sociétale, on est vraiment en retard c'est une horreur. Bref, l'association nous a appris plein de chose, notamment qu'il n'existe pas que le clivage homo/hétéro mais une multitude de façon de vivre sa vie sexuelle. Et ne pas avoir de vie sexuelle est l'une de ses façons. Ça te va comme réponse, Weasley ?
Charlie lui adressa un sourire penaud. A dire vrai, il ne savait pas. Comme Farhan, sa première réaction avait été de songer que c'était une invention de Lauren, un mot utilisé au hasard pour justifier un état qui n'était pas naturel. Elle parut le percevoir car elle ajouta avec douceur :
-Prends le temps d'appréhender. Plus tu te le répéteras, plus tu y croiras.
-C'est juste ... Enfin, je ne peux pas juste décréter ça comme ça, non ?
-Toi peut-être pas, mais moi je peux. (Elle planta son regard dans le sien et pointa son doigt sur lui). Tu es asexuel Charlie Weasley. Est-ce que ça te va comme réponse ?
Charlie réfléchit quelques secondes et fut surpris de constater au fond de lui que, finalement, oui, ça lui, ça lui allait. Parce que si un mot définissait ce qu'il vivait, ce qu'il ressentait, cela normalisait sa situation. Il n'était pas une sorte d'anomalie, d'homme mal formé. Mais il était asexuel. Quelque part, il se rendit compte que Lauren avait dû ressentir exactement le même soulagement, la même sérénité lorsqu'elle avait compris qu'elle aimait les filles et il se sentit de nouveau honteux d'avoir sous-entendu dans ses réactions que l'homosexualité était anormale. Il avait l'impression d'enfin comprendre au contraire toute la légitimité de la chose. Être soi-même sans avoir à s'en excuser.
-Ça ne t'empêche pas d'être en couple et d'avoir une relation « normale » puisque ça semble te tenir à cœur, poursuivit Lauren avec un sourire tordu. Il faut simplement trouver quelqu'un qui sera accepter ça.
-Aïe.
Lauren essuya un petit rire et Farhan changea de position en étendant ses jambes devant lui.
-Oui, aïe. Vu comment Abbot t'a embrassé aux essais, je suis certaine qu'elle ne fait pas parti de ses personnes qui sont prêtes à renoncer à l'intimité. Et il faudra accepter ça, pour le coup Charlie. Ce sera son choix, sa façon de vouloir vivre son couple. Il faudra juste vous rendre compte que ... vous êtes incompatibles.
-Elle ne le prendra pas comme ça. Elle le prendra contre elle ...
Farhan pencha la tête sur le côté et le considéra, perplexe.
-Donc c'est bon, la décision est prise ? Tu ne vas même pas tenter de la convaincre ?
Charlie se sentit rougir devant la rapidité avec laquelle il avait acté la fin de sa relation avec Joséphine dans ses propos. Ce n'était pas réellement ce qu'il ressentait en lui mais il ne pouvait cacher une certaine résignation. Cette question les empoisonnait depuis plusieurs semaines et il doutait que la réponse qu'il ait à apporter plaise à Joséphine. Et peut-être aussi que l'espace d'une seconde où il s'était imaginé rompre avec elle, il s'était senti libre. Libre de ne plus se forcer, libre de pouvoir aller voir Hagrid ou s'entrainer sans qu'elle ne soit derrière lui, réprobatrice, à voir chaque autre occupation comme un adversaire. Pourtant il ne mentait pas quand il disait qu'il adorait Joséphine et surtout Joséphine était devenue une sorte de combat qu'il menait. Rompre, c'était acté son échec et l'idée lui était insupportable.
-Je vais essayer de lui parler. Lui dire ce qui se passe en moi et ... voir comment elle réagit.
-Ce sera mal, peu importe comme tu lui présente les choses, insista Farhan. Mais si tu poses ça là en la laissant s'énerver, c'est sûr que ce sera fini. En revanche si tu essaies de lui faire comprendre ...
-Personnellement, je ne vois Abbot comprendre, coupa Lauren avant de jeter un regard peiné à Charlie. Désolée Weasley. Elle a l'esprit ouvert pourtant – je mettrais ma main à couper qu'elle est bisexuelle – mais ... elle est orgueilleuse. Elle n'est pas prête à faire de concession ...
-Elle en fait pas mal pour Charlie, protesta Farhan. Non, moi je pense aussi que ça va aussi dépendre de ce que tu veux. Rester avec elle et tenter de construire une relation comme ça ... ou arrêter les frais.
Les lèvres de Charlie se tordirent. Sincèrement, non seulement il ne voyait pas Joséphine accepter une relation dénuée de toute intimité mais en plus la notion « arrêter les frais » sonnait à ses oreilles comme une sorte de vérité dérangeante. Tout était compliqué depuis quelques temps ... mais pouvait-il vraiment abandonner Joséphine pour autant ? Après tous les efforts qu'ils avaient faits, en sachant tout ce qu'il pouvait provoquer si jamais ça se passait mal ? Charlie se prit la tête entre les mains, tiraillé.
-Tu n'es pas obligé de prendre une décision tout de suite, se dépêcha de préciser Lauren. Prends le temps d'intégrer tout ce que tu viens d'apprendre. De normaliser ta situation. De réfléchir à ce que tu veux vraiment – par rapport à l'asexualité mais aussi à comment tu envisages ton couple. Si une relation comme tu as avec Joséphine actuellement est quelque de pérenne et de stable ou si ça vous bouffe tous les deux ...
-Ça promet ...
-Ah je ne dis pas que ça va être simple. C'est même la pire période qui t'attend, Weasley. Apprendre à vivre avec sa différence. Bon courage.
Elle se leva et étira son corps élancé de tout son long.
-Bon, puisque l'entrainement est reporté – merveilleux, mais ce n'était pas une raison pour le donner à mon frère ! – je vais aller finir mon devoir de sortilège. Messieurs, ce fut un plaisir de vous informer ! Si vous avez la moindre autre question, n'hésitez pas ! Ou allez voir madame Pomfresh, elle est vraiment hyper renseignée, j'ai été vraiment surprise l'année dernière. A plus les gens !
-Merci Lauren. Vraiment ...
Elle eut un sourire beaucoup plus doux, entendu.
-T'inquiète. Je comprends ce que c'est, crois-moi. Alors si je peux aider ... (Elle parut hésiter avant de se retourner sur Farhan). Tu te souviens que j'avais plaisanté en disant que les arabes étaient des voleurs ?
-Tu te souviens du maléfice qui avait suivi ? répliqua immédiatement Farhan.
Les joues de Lauren s'empourprent et Charlie sentit un petit rire monter dans sa poitrine. Personne à Gryffondor n'oublierait son cri quand les chauves-souris s'étaient abattues sur elle. Les oreilles des murs en saignaient encore.
-Oui bien ... je l'avais mérité, admit-t-elle de mauvaise grâce. Je voulais juste dire que ... j'étais désolée, pour ça. Ce n'était pas méchant, je voulais juste rigoler mais ... ce n'est pas drôle, de rire sur les préjugés. Je m'en rends compte maintenant. Je suis discrète et pourtant pour les rares qui le savent, le nombre de remarque que je peux me prendre « pour rigoler » ... Enfin, j'espère que tu me pardonnes.
Elle tendit la main d'un geste volontaire à Farhan, qui la contempla quelques secondes avant de la serrer, un petit sourire au coin des lèvres. Et fier le sourire, comme s'il remportait une victoire pour laquelle il avait œuvré toute une vie.
-Triste qu'il faille que tu subisses toi-même pour comprendre ...
-Complétement, confirma Lauren avec un pauvre sourire. Je vous laisse ... Et Charlie, ne cogites pas trop. Laisse l'information pénétrer. Pour ce soir, repose-toi, détends-toi : tu reprendras tout ça à froid plus tard.
Elle hissa son sac sur son épaule et leur adressa un dernier signe de main avant d'en retourner vers le château en sifflotant gaiement. Farhan se pencha pour la regarder partir avant d'en revenir vers Charlie, inquiet.
-Alors ? Rassuré ?
Charlie se sonda intérieurement, encore affreusement tiraillé. Les explications de Lauren l'avaient rassuré sur son état mais grandement angoissé sur la suite. Sur Joséphine, sur la solidité des bases de son couple, sur sa capacité à vivre avec une telle particularité. « Il faut simplement trouver quelqu'un qui acceptera ça », avait dit Lauren avec une grande simplicité, comme si cela relevait de l'évidence. Mais ce n'était pas évidement capable de renoncer à sa vie sexuelle ou de la réduire à peau de chagrin, au moment où les hormones adolescentes étaient en ébullition. Charlie se frotta la tempe et songea à tous ces moments de gênes, de vide, lorsque Joséphine s'était trouvée au plus près de lui – et pourtant, si loin ... et quand bien même elle acceptait, arriverait-il à continuer à vivre au quotidien avec sa rancœur, son acceptation, au risque qu'en retour son contrôle sur sa vie soit accru ? L'idée lui nouait les entrailles. Il adorait Joséphine, mais il adorait son indépendance et si pour l'instant il soutenait la pression qu'elle exerçait, il savait pertinemment qu'ils étaient sur la corde raide.
-Je n'en sais rien. Ça me rassure de savoir que c'est quelque chose qui existe et qui peut être considéré comme normal en soi mais ... bon sang, je trouve pas que ça l'est.
-Lauren te l'a dit, ça met du temps pour comprendre que ça l'est, répéta Farhan avec douceur. Va un peu de changer les idées, prends le temps de réfléchir à ce que tu veux ... Mais il faudra quand même prendre une décision. Joséphine est ce qu'elle est, mais tu ne peux pas la laisser dans l'incertitude. Là c'est clair qu'elle va le prendre contre elle.
Charlie hocha laconiquement la tête, le regard rivé sur la surface du Lac agitée par le vent et qui brouillait le reflet des montagnes à la surface. Il avait l'impression de voir son propre esprit dans les vaguelettes qui secouaient l'eau : toute son identité et sa réalité était brouillée, déformée, comme ses montagnes réduites à des tâches de bleu et de verts aux lignes cassées. Il n'avait plus qu'à espérer qu'un jour, le vent cesserait et que l'image se recomposerait de façon plus éclatante.
C'était Joséphine qui hantait ses pensées. Il ne savait pas comment il pourrait gérer sa relation avec l'asexualité dépeinte par Lauren. Elle était ouverte d'esprit mais pas de là à accepter. Il prit une profonde inspiration et huma l'air chargé d'humidité et d'odeur de forêt que le vent charriait. Le tout descendit dans ses poumons et se diffusa comme une fraicheur agréable dans son corps. Touchés, ses doutes se tapirent dans les tréfonds de son être et d'autres réflexions prirent la place, se déployèrent jusqu'à ce qu'enfin il puisse s'autoriser à se détendre.
-Maya, réalisa-t-il alors en se tournant vers Farhan. Elle a eu des nouvelles de ce que vous avez fait ?
Farhan cligna des yeux, complètement désarçonné par le nouveau court de la conversation. Charlie se souvenait avoir vu son ami revenir avec
-Franchement, tu es de pire en pire en changement de sujet ...
-Lauren a dit de penser à autre chose, de ne pas trop cogiter. Alors ?
Les lèvres de Farhan se tordirent et il passa une main dans ses cheveux noirs. Ce faisant, il frappa dans les lunettes toujours glissés entre ses mèches et elles tombèrent avec fracas sur le sol. Maugréant, il les répara d'un coup de baguette et Charlie fut frappé par l'étrange sourire qui ourla ses lèvres alors qu'il paraissait chercher ses mots.
-Elle a trouvé. Apparemment, j'ai un langage qui se rapproche de la région de Jéricho, en Cisjordanie.
Charlie était incapable de savoir à quoi renvoyait les deux noms mais l'information en elle-même le fit se redresser, extatique. Il avait tellement tanné Farhan pour qu'il s'intéresse à son passé, pour qu'il précise son identité car lui-même aurait été incapable de ne pas savoir qui était ses parents. C'était la première information tangible qu'il avait de plus que ce que Nolan O'Neil avait bien pu lui raconter.
-Alors ? Qu'est-ce que ça fait ?
-Pas grand-chose, en fait, alors remballe la prochaine question « qu'est-ce que tu comptes faire ? ». Rien. Ma vie telle qu'elle est me convient parfaitement.
-T'es un idiot, O'Neil.
Farhan poussa un profond soupir et vrilla sa main sur sa tempe pour se couvrir de l'attention de Charlie. Celui-ci claqua la langue, assez agacé que l'information sur le lieu de sa naissance n'ait pas activé quelque chose en son ami, enfin une soif de savoir, une volonté de comprendre d'où il venait. Pour lui, ce n'était rien d'autre qu'une stratégie de l'autruche. Puis il réalisa assez brusquement que c'était exactement ce qu'il appliquait sur lui-même, à ne pas trouver de solution jusqu'à ce que Farhan le force à demander conseil à Lauren. L'asexualité. Il aurait fait toutes les recherches du monde, demander à ses parents, à Bill, à son entourage qu'il n'aurait jamais pu mettre un mot sur ses ressentis. Il avait l'impression de vite accepter la chose, avant qu'il ne se rende compte qu'il était prêt à tout accepter, du moment qu'il n'était pas homosexuel. L'idée le remplit de honte et il repensa à Lauren, si compréhensive, si vindicative. Elle ne méritait pas qu'il soit soulagé de ne pas être homosexuel ...
-Pardon, finit-il par s'excuser. Je suppose qu'il y a autant de façon de gérer le fait d'être adopté qu'il en a de gérer sa sexualité ...
-Quelle comparaison pleine de bon sens et complètement saugrenue, commenta Farhan avec l'ombre d'un sourire. Tu vas enfin arrêter de me traiter d'idiot ?
-Non parce que je continue de penser que ça l'est et qu'un beau jour tu y seras confronté sans avoir rien de demander. Et que ça va te détruire.
Farhan eut un sourire amer.
-Et s'il n'y a rien à chercher ? Réfléchis, Charlie. Tout ce que mon père a su des autorités c'est que mes parents étaient des émigrés de Palestine. Pas de noms, pas de photos, rien. Je n'arrive même pas à me souvenir de leurs visages.
-Mais tu te souviens de l'arabe ...
-Et encore, j'ai quasiment tout perdu. C'est des choses, des souvenirs que j'ai réactivés en apprenant. Ce que je veux dire, c'est que je peux faire toutes les recherches que tu veux, je risque bien de le faire pour me trouver face au vide. Si mon père n'a rien réussi à obtenir en interrogeant l'Auror qui était sur les lieux, je doute que moi douze ans plus tard je puisse obtenir quelque chose. Bon sang, même ma date d'anniversaire c'est miraculeusement une employée qui a su s'en souvenir parce qu'ils l'avaient fêté à l'hôtel, c'est dire si je n'avais plus rien !
Farhan tripota ses lunettes de vue, les lèvres pincées. Tout en lui respirait la résignation mais aussi la sérénité qui prouvait qu'il était en accord avec lui-même sur sa décision de ne pas creuser, s'échiner pour potentiellement se trouver face à du vent.
-Je ne vais risquer de me déconstruire pour rien, Charles. Savoir d'où je viens, c'est déjà bien mais ça ne m'a rien fait.
-Très bien, céda Charlie, conscient que le combat était perdu d'avance. Si tu es si sûr de toi ... (Il s'étira face au lac et ses vaguelettes apaisantes, les cheveux emportés par le vent). Je pense que je vais aller chez Hagrid me ressourcer un peu. Tu veux venir ?
Farhan hésita avant de secouer la tête.
-Non, je vais aller faire mon devoir de Potion. Histoire d'avoir une bonne note avant que l'ouragan Joséphine de fasse tomber ma moyenne au plus bas de ma vie.
-Je suis désolé ... je vais essayer de ...
-... rester avec elle juste pour sauver ma moyenne ? s'esclaffa Farhan, amusé. Non, laisse. Fais ce qui est de mieux pour toi. Sois égoïste pour une fois.
Il tapota l'épaule de Charlie avant de s'en aller à son tour vers le château, les cheveux noirs ébouriffés par le vent. L'Attrapeur passa une main sur son visage, frappé par la dernière phrase de Farhan. L'égoïsme était un défaut qui allait bien à Joséphine mais lui pouvait se défendre de rarement faire les choses pour lui-même. Et pourtant que faisait-il, à laisser trainer sa relation, à l'étirer jusqu'à ce qu'un jour la corde se brise et Joséphine revienne vers lui comme un cognard lancé à pleine vitesse ? Avec un grognement de frustration, Charlie se rendit compte qu'il devait prendre une décision égoïste pour mettre fin à une situation égoïste qu'il avait généré en voulait l'ellébore, l'argent de l'ellébore et le sourire de l'apothicaire.
***
Bon beaucoup avaient deviné que j'allais travailler l'asexualité à travers Charlie.
Pour moi, le fait qu'on ne lui connaisse aucune relation peut s'expliquer par cela ! En plus c'est une forme de sexualité assez peu traitée, ça permet de changer de l'homosexualité et de l'hétérosexualité.
J'espère le faire de façon juste, n'hésitez pas à me dire si je fait des erreurs ou si je suis maladroite dans certains propos !
Juste pour la suite : je ne sais pas si vous vous souvenez, mais au début du postage j'ai subi une grande perte en perdant mon prologue et mon chapitre en cours d'écriture. J'ai réussi à réécrire le prologue assez vite mais le chapitre ça a été plus difficile, il me manque toujours un bout. Et il se trouve que c'est le chapitre qui arrive ! Donc je vais essayer de le finir, mais je vous tiendrais au courant des fois que je n'y arriverais pas ...
Donc voilàààà ! A la semaine pro pour O&P !
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