Chapitre 8 : L'apprentissage de la tolérance
Bonjour tout le monde !
Oui oui je sais, ce n'est pas ce chapitre que vous attendez. Mais ça vous fera passer le temps en attendant l'objet de vos désirs !
Bonne lecture <3
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La discorde est le plus grand mal du genre humain et la tolérance est le seul remède.
- Voltaire
Dictionnaire Philosophique
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Chapitre 8 : L'apprentissage de la tolérance.
Mardi 2 Octobre 1990
Je suis épuisée.
Franchement je ne sais plus quoi faire avec Charlie. Parler ne marche pas. L'embrasser ne marche pas. Lui laisser du temps ne marche pas. Il m'a promis une solution mais en attendant rien ne bouge. J'ai vidé mes réserves de cigarettes tant la situation me met sur les nerfs et Aidan l'a senti au dernier entrainement. Au bout d'une demi-heure, j'étais essoufflée et j'ai manqué de lucidité tout le long de la séance ... Sans compter McGonagall qui m'a encore fait savoir que mon devoir était incomplet et indigne de mon intelligence. Mais là, rien d'inhabituel.
Je crois que Bérénice me trouve ridicule de me voir ainsi me ainsi me rendre malade pour un mec. Et elle n'a pas tort. Comment j'ai pu laisser cette situation s'installer en moi ? Cette dépendance, cette crispation, cet échange qui n'est même plus réciproque ? J'essaie de me convaincre que j'aime Charlie, que c'est ça l'amour et que s'il veut être vrai il doit nécessairement faire mal mais la vérité c'est qu'il a crée un besoin en moi. Je lui ai littéralement mis mon équilibre entre ses mains et il l'a accepté comme une mission sacrée. Je ne suis pas sûre que ce soit parfaitement sain. Je ne suis plus sûre de rien.
J'ai envie de sécher le double cours de Potion ce matin, mais je ne sais pas ce que je pourrais faire à la place. Voler peut-être ? Non ça me rappellerait trop Charlie ... Je ne sais pas. Je ne sais plus.
***
Cette fois, l'explosion fut terrible et dévasta la table. Affolé, Farhan s'abrita sous ta table au moment où son chaudron explosait en mille gerbes d'un vert criard et brûlaient leurs grimoires et parchemin comme un poison acide et destructeur. Les élèves avaient poussé un cri d'effroi devant le spectacle et Tonks s'était précitée vers lui quand le volcan fut calmé, paniquée.
-Farhan ! Ça va ?
-Retournez à votre place ! rugit Rogue en la repoussant. Qui est responsable de ça ?
Farhan était trop occupé à étouffer le feu qui avait pris sur sa cape pour répondre. Des débris de parchemins en flammes tombaient sur le sol en se consumant lentement. Une fois qu'il fut certain de ne plus rien risqué d'autre que la colère de Rogue, Farhan émergea de sous le bureau et chercha la responsable du regard. Joséphine Abbot s'était simplement éloignée, les bras croisés sur sa poitrine, sa longue chevelure châtain ramenée sur son épaule, impassible. Elle jeta un bref coup d'œil à Farhan avant de rouler des yeux devant son regard furieux et de lever la main.
-Moi, professeur.
-Abbot, lâcha Rogue dans un murmure terrible. Vous avez fait exploser le chaudron d'O'Neil ?
-J'ai malencontreusement échangé sa poudre de corne de licorne avec celle de pissenlit ...
Elle se mordit la lèvre, si bien que Farhan en penserait presque que c'était effectivement accidentel lorsqu'il lui avait demandé à la jeune fille de lui passer les ingrédients qui se trouvaient devant elle. Joséphine avait l'air ailleurs à ce moment-là et n'avait pas décroché un mot du cours : il ne s'était pas méfié jusqu'à ce que son chaudron commence à crépiter. La réaction se justifiait maintenant. Rogue contempla leur table, le chaudron de Farhan maculé d'une bouillie verte qui sentait le plastique fondu et les tables noircies par endroit. Impossible de savoir s'il était énervé ou satisfait du carnage provoqué par Joséphine.
-Et bien je suppose que cela vaudra quinze points retirés à Serdaigle et ... Oui, disons un zéro pour vous et O'Neil.
-J'ai dit que c'était de ma faute, insista Joséphine de façon plus déterminée. Il n'a pas à avoir de zéro ...
-Et si vous protestez encore ce sera quinze de plus et une retenue samedi, Abbot !
Un rictus déforma les lèvres de Joséphine.
-Et vous pensez que ça va ... ?
-Jo ! siffla Aidan McColley. Quidditch !
Joséphine parut ravaler sa langue et sa mâchoire se contracta. Satisfait de ce silence résigné, Rogue leur ordonna sèchement de réparer leurs dégâts et se dépêcha d'aller féliciter Esmera, de Serpentard, de sa potion presque parfaite. Avec dépit, Farhan sortir sa baguette et nettoya son chaudron de sa substance visqueuse. Sa mixture aussi avait été parfaite, jusqu'à ce qu'il incorpore la poudre. Il voulut s'emparer de son manuel pour reconstituer les pages brûlées mais Joséphine s'y était déjà attaquée. Sa baguette était incroyablement claire, ornée d'arabesque délicates qui suivait la courbure du bois. Cela n'empêcha pas Farhan de lui jeter un regard acéré qui ne parut pas atteindre Joséphine.
-Pour ce que ça vaut, je ne l'ai vraiment pas fait exprès, lui assura-t-elle avant de lui tendre son manuel comme neuf. Tiens.
-Troisième fois depuis le début du trimestre, excuse-moi de ne pas te croire.
Il reprit néanmoins son manuel de Potion pendant que Joséphine plissait les yeux. Ses doigts glissèrent le long du livre quand Farhan le récupéra et elle finit par braquer sa baguette sur les tâches noircie de la table.
-Oh ne t'en fais pas, j'ai l'habitude, marmonna-t-elle d'un ton hargneux. Personne n'écoute Joséphine, c'est un grand classique ...
Farhan lui jeta un regard oblique. Sa mâchoire s'était contractée et maintenant qu'il y regardait réellement, il lui trouvait le teint singulièrement pâle sur laquelle sa bouche colorée ressortait comme du sang. Elle n'avait toujours pas attachée ses cheveux et chaque cours il craignait qu'elle enflamme l'une de ses mèches, mais elle semblait toujours savoir ce qu'elle faisait. Farhan hésita quelques instants avant de lui dire d'un ton résolument calme :
-Ecoute, j'ai vraiment besoin de mon ASPIC en Potion, je ne vais jamais y arriver si jamais ...
-Je ne l'ai pas fait exprès ! J'ai ... la tête ailleurs en ce moment.
Elle agrippa la table et poussa un soupir qui semblait venir des tréfonds d'elle-même et éleva les mèches devant son visage. Farhan avait envie de continuer de la détester de ce zéro qui tombait injustement sur sa moyenne mais il y avait quelque chose dans la crispation de ses doigts, dans la tension presque tremblante de ses épaules qui l'intrigua assez pour qu'il se permette de l'interroger à voix basse :
-Qu'est-ce qui ne va pas ?
Joséphine lui jeta un regard de biais, les dents serrées. Cet air buté arracha un petit sourire sur les lèvres de Farhan qui empila ses livres devant lui, simplement pour la libérer de son regard.
-Ce n'est pas très juste. Tu t'informes sur moi auprès de Charlie, tu diffuses ses informations mais quand on te rend la pareille tu te tais ... D'ailleurs, la prochaine fois, viens me voir directement. Je ne suis pas fan des informations qui se baladent sans que je ne le sache.
-Alors ça, ricana Joséphine avec un reniflement. C'est bien la première fois qu'on me reproche d'être délicate ...
Elle se rassit sur sa chaise et croisa les jambes sous la table. De l'autre côté de la salle, les autres poursuivaient leur potion durant la quinzaine de minutes de cours qui leur restait. Farhan l'observa, perplexe.
-Comment ça ?
Un sourire étrange s'étira sur les lèvres rouges de Joséphine. Il ignorait comment elle pouvait se maquiller ainsi et paraître si naturelle, si spontanée, au contraire même de l'idée d'artifice.
-Tu parles de se braquer et de ne pas décrocher un mot ? Tu t'es vu sur les gradins, O'Neil ? C'était évident qu'il était arrivé malheur à tes parents. Désolée, par ailleurs. Enfin, je ne sais pas si ça change grand-chose ... mais généralement c'est ce qu'on dit. Bref, c'est pour ça que j'ai fait signe à Maya d'arrêter de t'interroger. On n'allait pas remuer le couteau dans la plaie.
Farhan la contempla quelques secondes, estomaqué malgré lui. Après avoir saboté ses potions, piquer ses vivres sur le gradin et questionner sans vergogne, il ne s'était pas attendu à cette délicatesse. Tu ne la connais pas ... comment tu peux attendre un certain comportement alors que tu ne la connais pas ... ? Il se rassit lentement sous son tabouret et Joséphine poussa un soupir à fendre l'âme.
-Même si je suis incroyablement déçue que cela ait mis en lumière que Maya soit d'origine égyptienne. Tu avais raison, ma première intuition était fausse. Quoique je continue de penser que vous vous ressemblez fort.
-Hum, laissa échapper Farhan en s'efforçant de ne pas réellement réagir. Du coup maintenant que tu as eu accès au pire de ma vie, tu peux me dire comment tu as accidentellement confondu deux poudres qui n'ont ni la même couleur ni la même consistance ?
Joséphine essuya un petit rire et contempla ses mains. Elle avait une bague au majeur gauche et une à l'annuaire droit qui captaient chaque fois qu'elle bougeait les éclats de lumières des torches pâles de la pièce.
-Je suis un peu ailleurs, je me pose plein de question. Rien de grave. Mon cerveau tourne juste beaucoup trop. (Elle parut hésiter quelques secondes avant de demander du bout des lèvres :) Dis-moi, ça arrive que Charlie parle de moi ?
Farhan ne s'attendait pas à cette question et le choc devait se lire sur son visage car Joséphine ajouta :
-Je sais bien que tu ne me diras rien, que vous avez sans doute une sorte de code d'honneur et que si Charlie t'a dit quelque chose c'est certainement parce que tu entraineras ses secrets dans la tombe. Je voulais juste ... savoir s'il parlait de moi.
-Tu es sa copine. Evidemment qu'il parle de toi.
Même si c'était de plus en plus difficile pour lui de lui arracher une information quelconque. Depuis une semaine, Charlie s'enfermait dans un mutisme étrange et cela se répercutait dans toutes les autres strates de sa personnalité : il devenait distrait en cours, assez irascible et se plongeait corps et âme dans la préparation du premier match de Quidditch. Mais cela, non seulement Joséphine avait dû le remarquer, mais en plus de cela elle devait en souffrir si elle se permettait de poser cette question à Farhan. La contestation l'attrista étrangement, tout comme les lèvres pincées en un ligne dubitative de Joséphine.
-La seule chose que je peux te dire, c'est que tu n'as pas à douter de ses sentiments. Je connais Charlie : il n'a jamais eu de copine avant, tu es la première qui aie réussi. Jamais il ne sortirait avec quelqu'un qu'il n'aime pas.
Jamais il ne serait sorti avec mon crush s'il ne l'avait pas réellement voulu, compléta Farhan à part soi. Une étrange chaleur se diffusa dans son ventre quand il songea de nouveau à cela, couplé au sourire plus épanoui que Joséphine lui adressa, malgré des yeux toujours un peu tristes.
-C'est gentil de vouloir me rassurer mais ... je doute quand même.
-Il n'est pas le meilleur communiquant du monde, admit Farhan avec un petit rire.
-Je ne sais pas. Il s'en sort bien avec son équipe...
-C'est du sport, c'est facile et il est entrainé à avoir grandi dans une famille nombreuse. Les sentiments, c'est une autre paire de manche. Surtout quand tu es du type de Charlie, le genre de garçon populaire qui est plutôt censé représenté un idéal masculin – et l'idéal masculin ne parle pas de sentiment, il se contente de sourire, montrer les bras et de l'assurance.
Joséphine cligna des yeux face à cette analyse de Farhan. Ses doigts aux ongles cassés pianotèrent sur la table avec une sorte d'impatience.
-Je n'avais pas pensé à ça, avoua-t-elle, songeuse. On pense tellement à la pression sociale qui pèse sur les femmes qu'on oublie qu'elle est tout aussi prégnante sur les hommes. (Elle lorgna Farhan et un lent sourire se dessina sur les lèvres). Mais toi tu parles bien de ça pour un homme qui est censé avoir intégré que parler de sentiment, ce n'est pas viril.
-L'immense avantage de vivre dans l'ombre de Charlie Weasley et d'être invisible aux yeux de tous. Personne n'attend rien de moi. Alors je peux être ce que je veux et personne n'y trouvera rien à redire.
Joséphine contempla longuement Farhan, si bien qu'il finit par détourner le regard, le ventre réduit à l'état de bouilli informe. Elle s'était aseptisée de tout ressentiment, de tout sentiment négatif pour enfin se poser et réfléchir. Il avait l'impression que s'il l'avait considéré une seconde de plus, son visage songeur, ses yeux étincelants face à la réflexion qui se déployait dans son esprit, il n'aurait jamais pu décrocher son regard d'elle.
-C'est une belle façon de penser, admit-t-elle. De voir l'invisibilité. Moi je n'y arrive pas. Si on ne m'écoute pas, je hurle.
-Je ne suis pas sûr qu'on t'écoute davantage ... non ?
Joséphine haussa très haut les sourcils dans une expression hautaine qui réinstaura une certaine distance entre eux. Farhan s'autorisa alors à la regarder à nouveau, le ventre moins noué. Elle finit par ranger son manuel dans son sac avec une certaine brusquerie.
-C'est extrêmement agaçant, marmonna-t-elle, visiblement contrariée.
-Quoi, je t'ai encore vexée ?
Un sourire carnassier s'étira sur les lèvres de Joséphine et elle referma ses doigts sur sa paume à la façon d'une serre.
-Quoi ? Tu as peur que l'hippogriffe à l'orgueil blessé te plante ses griffes dans la gorge ? (Elle retourna ses doigts courbés sur elle et se fendit d'une exclamation pensive). Ah. Ce n'est pas complétement dénué de sens cette affaire. Après tout, je suis une « serre d'aigle », non ?
Farhan étouffa le rire qui montait dans sa poitrine mais le peu qui s'échappa lui attira le regard noir de Rogue. Il fit mine de continuer de réparer la table noircie par endroit et vit Joséphine esquisser un petit sourire face à son hilarité.
-Et voilà à quoi ressemble un cerveau qui tourne beaucoup trop.
-Fascinant.
Il tenta de faire passer le plus de moquerie possible dans son ton mais la réalité c'était que la fascination était bien le mot juste pour décrire ce qu'il ressentait en ce moment même. Pour la façon dont Joséphine contemplait ses ongles comme si elle pouvait les faire devenir serres d'un regard, pour la façon dont son esprit faisait des connexions entre toutes choses et dont ses yeux pétillaient de curiosité. Farhan se força à détourner le regard, mortifié. La fascination avec Joséphine n'était viable que de loin, inaccessible, idéalisée. La concrétiser n'était pas ce qu'il cherchait. Parce qu'il avait peur de ce qu'il découvrirait – pire ... ou mieux. Non, mieux c'était intolérable ...
La sonnerie le tira de ses pensées et il profita du son strident pour exhaler un petit soupir. Joséphine s'était levée d'un bond, son sac déjà prêt sur l'épaule. Elle fit quelques pas, hésita, puis se retourna vers lui avec un sourire, son chaudron à la main.
-C'est juste extrêmement agaçant que tu aies raison. Comme le sirop d'ellébore en début d'année ... A plus Farhan.
-Attends ... tu m'as saboté ma potion parce que j'avais raison ?!
Joséphine lui adressa un sourire mutin avant de se faire volte-face dans un tournoiement de cheveux cuivré et de prendre la porte. Farhan contempla la porte, à moitié hébété à moitié irrité par son comportement et rangea rageusement ses affaires. Il suivit ses camarades dans les couloirs et se laissa emporter dans la foule tout en prenant soin de s'y fondre, tout en ruminant ses idées. Ça l'agaçait de ne pas savoir ce que Charlie comptait faire avec Joséphine et ça l'agaçait d'autant plus que leur relation commençait dangereusement à s'approcher de sa personne. Pour que la jeune fille lui pose une telle question, c'était que les doutes devaient être réels – réels et blessants. Elle était pâle comme la mort. Alors Joséphine Abbot était certes Joséphine Abbot, mais personne ne méritait d'attendre ainsi son sort comme une condamnée. Il fallait que Charlie prenne une décision et il fallait qu'il arrive rapidement.
Il s'apprêtait à bifurquer vers la Grande Salle pour déjeuner quand une main se referma sur son bras. Exaspéré, il se tourna vers la personne qui l'avait ainsi trouvé dans la foule et eut un soupir lorsqu'il rencontra les yeux couleur café de Maya Tabet.
-Maya ...
-Je t'ai appelé mais tu avais l'air ... dans tes pensées, lança la jeune fille avec un petit sourire. Je ne te dérange pas ?
-Quoi ? Non, euh ... Qu'est-ce que c'est ?
Il venait de remarquer une lettre dans les mains de Maya. Ce n'était pas du parchemin : c'était bien plus blanc, bien plus frêle et plié en quatre. La jeune fille laissa échapper un sourire fier.
-La réponse de mon père. Apparemment, il a trouvé d'où tu viens ...
Le cœur de Farhan manqua un battement et il garda le regard rivé sur la lettre, abasourdi. Il ne s'était pas attendu à ce que le père de Maya aille si vite dans ses recherches. A dire vrai, il ne s'était pas attendu à ce qu'il trouve réellement. Il avait donné les mots et les souvenirs sans y croire, sans songer que cela aurait des conséquences et pourtant une réponse était là, dans cette lettre. Avec une boule dans la gorge, Farhan réalisa que c'était la première réponse qu'il se permettait depuis douze ans. La plus infime, la moins significative ... Maya le contemplait toujours, l'air un peu mal à l'aise.
-Tu préfères qu'on s'éloigne ? J'ai lu la lettre mais ... peut-être que tu veux la ...
-Non. Non, je veux juste ... que tu me dises. Ça suffira, je n'ai pas besoin d'en savoir plus.
Maya parut surprise mais acquiesça en silence. Farhan ne voulait surtout pas alimenter les envies qui le prenait depuis quelques mois de remonter au maximum à ses racines. Il avait peur dans l'opération d'en déraciner d'autres, de perdre son fil conducteur. Alors savoir d'où il venait, pouvoir mettre un mot, pointer du doigt sur un globe, c'était merveilleux mais il ne fallait pas que cela aille plus loin. La jeune fille relut la lettre avant de hocher la tête et de décréter d'une voix douce :
-Mon père dit que beaucoup de tes mots sont utilisés en Palestine, toutes terres confondues. Mais quelques expressions, quelques changements de signification ou de tournure ont un peu précisé la chose ... Apparemment, c'est un langage qu'on utilise en Cisjordanie. Dans la région de Jéricho, pour être précise.
Jéricho. Le mot se répéta en écho dans son esprit jusqu'à ne plus avoir de sens. Il tenta d'analyser ce qu'il ressentait, chercher une trace d'émotivité ou de nostalgie mais fut satisfait de n'en trouver aucune. C'était peut-être la ville où il était né mais ce n'était certainement pas celle qui l'avait construite. Il ne se sentait pas pousser l'envie d'aller la placer sur une carte ou d'aller y faire un pèlerinage. Il restait un enfant du Chemin de Traverse et l'idée l'apaisait. Il put sincèrement sourire à Maya et mit une main sur son épaule.
-Merci, c'est super gentil ce que tu as fait.
-Un plaisir, répondit Maya d'un ton crispé avant d'ajouter : Alors, qu'est-ce que ça fait ?
-Etrangement, pas grand-chose. Mais c'était vraiment adorable, ajouta-t-il quand Maya fronça les sourcils. Vraiment, je suis très content de savoir précisément où je suis né mais ... ça ne démonte pas ce que je suis devenu.
Les yeux de Maya s'agrandirent en une expression de compréhension et elle opina doucement du chef. Farhan essaya de percevoir ce que Joséphine martelait depuis la rentrée, une ressemblance mais c'était difficile de comparer son propre visage. Ils avaient des marqueurs communs – la peau, les cheveux et les yeux sombres mais comme tous les peuples méditerranéens ...
-Ah c'est bon, Maya ? Tu as trouvé quelqu'un comme toi ?
L'épaule de Maya se tendit sous la paume de Farhan qui darda un regard vers l'escalier où un groupe d'élève de Serdaigle venait d'apparaître. Plus jeunes que lui, sans doute de l'âge de Maya. Celui à leur tête leur adressa un sourire goguenard et la jeune fille poussa un soupir en se dégageant de la prise de Farhan.
-Quoi, Damian ?
-Mais rien ! Je suis juste heureux que tu aies trouvé quelqu'un capable de comprendre ... (Il fit un vague geste de l'index qui désigna sa tête). Ça. Tu es si jolie, c'est dommage de tout cacher, tu n'es pas d'accord ?
-C'est peut-être justement pour ne pas être accosté par les lourds de ton genre ? rétorqua Farhan d'un ton acide.
Maya écarquilla les yeux mais Farhan l'ignora. Il était d'un naturel calme et bienveillant, sauf concernant quelques points. Et si on appuyait sur ces points, quelque chose en lui se réveillait. Quelque chose qui justifiait qu'il ait été réparti à Gryffondor et non à Poufsouffle comme avait hésité le Choixpeau. Le dénommé Damian éclata de rire.
-Lourd, moi ? Non je dirais que je suis véridique, elle était tellement plus jolie avant de mettre son foulard ... Après si c'est votre truc les foulards dans votre pays, je ne juge pas.
Le pire dans cela ? Il avait levé les mains avec un sourire avenant, comme s'il se jugeait grand seigneur d'ainsi les accepter malgré leur différence manifeste. Et c'était précisément ce qui était capable de faire vriller Farhan. Le considérer comme différent parce qu'il était né ailleurs. Sous-entendre que l'Angleterre n'était pas son pays. Traiter Maya avec une telle condescendance que cela en était insultant. Le problème était qu'à chaud, toute l'éloquence de Farhan le fuyait et il ne trouvait qu'une manière de répliquer. D'un geste impulsif, il plongea sa main dans sa poche et agrippa sa baguette. Mais au moment de la ressortir, la main de Maya se referma sur son bras, si fort qu'il lui sembla que sa circulation se coupait. Ignorant le regard indigné de Farhan, elle servit à Damian et ses amis un sourire froid.
-Merci pour ce parfait exposé, messieurs. Je prendrais soin de vous répondre en vous démontrant en trois points à quel point l'utilisation sans rémunération des elfes de maison est une forme d'esclavage.
Les garçons éclatèrent de rire gras et sonore devant la réplique de la jeune fille et s'en furent dans la Grande Salle, hilares, insouciants. Dès que le dernier disparut, Farhan se dégagea de la prise de Maya et sortit enfin la main de sa poche, baguette tournée vers l'entrée.
-Ça t'arrive souvent ce genre de chose ?
-Pourquoi, pas à toi ?
-Plus depuis que j'ai jeté un sortilège de Chauve-Furie à Lauren McColley. Après qu'elle a sous-entendu que si Jasper avait perdu son manuel, c'était que « l'arabe » avait dû le voler. Pour plaisanter, hein. Mais moi je ne plaisante pas avec ça. Je dirais même que je ne supporte pas qu'on plaisante avec ça.
Un rire jaillit pourtant de la gorge de Maya et elle porta une main aux pans de son hijab dans son cou pour les lisser et les réajuster sur ses épaules. Avec un certain malaise qui glaça l'énervement qui s'était emparé de lui, Farhan se souvint alors dans certaines pratiques de l'islam, les jeunes filles ne devaient pas entrer en contact physique avec le sexe opposé.
-Désolé, peut-être que ... enfin, de t'avoir touché l'épaule.
-Quoi ? Oh non, je ne suis pas pratiquante à fond. (Elle tripota la lanière de son sac avant de poser son regard sur la porte par laquelle avaient disparu les garçons). Je ne dis pas que c'est pas lourd à la longue. Personne n'est méchant. Comme tu le dis, c'est beaucoup de blague qui se veulent drôles ...
-Je suis mort de rire ...
-Je ne dis pas le contraire, Farhan. Moi non plus ça ne me fait pas rire ... Mais je préfère montrer que je suis au-dessus de tout ça.
Farhan secoua la tête sans la quitter des yeux, incrédule. Et pourtant, elle paraissait si sereine, si sûre d'elle ... si mature. Si c'était ainsi qu'elle voulait gérer ces attaques, il n'avait pas le droit de le lui refuser. Simplement, il trouvait sa réaction légère comparée au mal que pouvait générer ses mots. Lui était incapable d'être au-dessus de ça. Son regard retomba sur sa lettre qu'elle tenait toujours dans sa main et il sentit définitivement la colère sourde quitter son corps. Il se massa la tempe, contrarié. Il détestait réagir comme un stupide Gryffondor, de cette façon impulsive et hors de contrôle. Mais c'était justement l'apanage de sa Maison d'exprimer sa témérité pour défendre corps et âmes les choses qui comptaient.
-Encore merci pour les réponses. Et remercie ton père, surtout ...
Maya sourit.
-Je n'y manquerais pas. Bon, bon appétit !
Farhan l'observa s'éloigner, le mouvement de ses cheveux remplacé par celui de son hijab noir, avec l'impression désagréable que Maya était bien trop gentille pour ce cruel monde.
***
Farhan passa le reste de la semaine à surveiller Maya Tabet de loin, les réactions autour d'elle, la façon dont Bérénice Abbot la veillait comme un Cerbère mais malgré l'agitation qui régnait autour d'elle, Maya était toujours d'un calme sans pareil. Et alors que de son côté, elle riait, étudiait et vivait, Farhan était chaque jour confronté à son contraste avec la personne de Charlie Weasley, toujours plus investi dans ses entrainements. Mais tout cela ne trahissait qu'une fuite en avant : le Capitaine de Gryffondor évitait quelque chose, une vérité, une réalité qui était indéniablement liée à Joséphine Abbot. Plusieurs fois, Farhan avait tenté de l'interroger, ne serait-ce que pour être là, le soutenir dans ses réflexions mais Charlie se braquait quand dans le même temps, Joséphine devenait de plus en plus pâle, de plus en plus irritable. Mais ce fut quand la jeune fille lui demanda frontalement ce qui clochait chez Charlie que Farhan décida que les choses allaient bien assez loin. Il n'avait pas envie de devenir un fusible dans le couple : quoiqu'il se passe, Charlie devait prendre ses responsabilités.
Ce fut dans cette optique qu'il attendit dans leur dortoir. Ses autres camarades étaient en bas à jouer à la Bataille Explosive et il savait que Charlie viendrait s'y doucher après son entrainement. Cela ne manqua pas : sa tête rousse passa la porte, toute ébouriffée, suivie du reste de son corps écarlate et de son balai. Il s'immobilisa dans l'embrasure en découvrant Farhan sur son lit, les bras croisés sur sa poitrine, son pied battant impatiemment la mesure d'une musique inaudible.
-L'heure est grave, Weasley, annonça-t-il fermement. Et je te jure que si tu ne passes pas à table tout de suite la prochaine fois que Joséphine Abbot me demande ce qui cloche je lui déballe le peu que je sais.
-Quelle entrée en matière, soupira Charlie.
Il lâcha son balai dans sa penderie et se défit de sa robe pour s'apparaître qu'en tee-shirt et caleçon. Il était en train d'enfiler un jogging quand il demanda d'un ton qui se voulait neutre :
-Donc ... Joséphine est venu te voir ?
-Deux fois. Sérieusement, Charlie, épargne-moi ça et sois franc avec elle. Si tu n'y arrives, tu n'y arrives pas, c'est tout. C'est que ce n'était pas la bonne.
Les lèvres de Charlie se pincèrent et il passa une main dans ses cheveux en se laissant aller sur son lit. Il resta quelques secondes prostré dans cette position, quelques mèches rousses dépassant de ses doigts serrés. Lorsqu'il émergea enfin, son visage était totalement décomposé.
-Je ... je ne sais pas ce qui cloche avec moi.
-Mais rien, enfin, assura Farhan d'un ton calme. C'est simplement ...
-Ne dis pas que c'est la première fois. Ne me dis pas ça, s'il te plait, ça m'angoisse plus qu'autre chose ...
-Pourquoi ?
-Mais parce que ce n'est pas que la première fois !
Avec un gémissement de désarroi absolument insoutenable, il se laissa tomber contre son matelas, les bras en croix.
-Laisse tomber en fait. Je crois que je n'ai pas très envie d'en parler.
Farhan roula des yeux en reconnaissant la phrase qu'il entendant depuis quelques jours. Il savait pertinemment qu'il ne pourrait pas forcer Charlie à lui parler, qu'il était entravé par les attentes, par le poids des autres et qu'à ce titre il se bridait sur énormément de chose. Y compris avec lui alors qu'ils partageaient littéralement la vie l'un de l'autre depuis des années. Farhan s'affala un peu plus dans son lit et noua ses mains à l'arrière de sa nuque.
-Très bien. Ne me dis rien. De toute façon ce n'est pas à moi que tu dois parler.
Il fixa le plafond pendant qu'un silence insidieux s'insinuait dans la place. Farhan savait que ces moments sans un bruit, avec rien d'autre que des pensées incessantes qui cognaient contre sa boite crânienne, étaient justement ces situations que Charlie haïssait. Il le sentit s'agiter, se redresser avant qu'il ne finisse par lâcher du bout des lèvres :
-Tu crois que ... c'est possible une relation sans intimité physique ?
Farhan cligna des yeux sur le plafond. Avec une certaine gêne honteuse, il repensa à tous ces moments avec son ex-petit-amie, à toutes ses caresses, à tous ses instants où son bas-ventre s'était enflammé ... C'était quelque chose qui avait complétement fait parti de son couple, de son expérience. La réalité physique qui distinguait l'amitié de la relation amoureuse.
-Euh ... Personnellement, je ne pense pas que je pourrais. Mais si la personne en face est d'accord ... je suppose que ... Attends, tu es à ce point-là ?
Il évita de le fixer, conscient que son regard matérialiserait ce poids des autres qui pesait sur lui et couperait ses confidences. Charlie ne répondit pas dans un premier temps et Farhan le vit du coin de l'œil darder un œil vide sur le mur d'en face.
-Tu te souviens de quand j'ai volé sur Jade ?
-Jade ? T'as carrément donné un nom à ton balai ?
-Mais non, imbécile, le contredit Charlie avec les frémissements d'un sourire. L'hippogriffe.
-Ah !
Farhan revoyait en effet son ami s'envoler sur la créature aux plumes qui tiraient étrangement vers le vert, et qui s'était presque fondue dans la forêt tant l'harmonie entre la nature et la bête était parfaite. Dans ce tableau d'une beauté singulière, seule la chevelure rousse de Charlie était ressortie.
-J'écoute.
-Sincèrement, Fa' ... J'ai ressenti cent mille fois plus de chose à ce moment-là, en une seconde d'élévation, qu'en dix mois de relations avec Jo. A tous les niveaux et physique le premier. Vraiment, rien de comparable. C'était juste ... je n'aurais jamais voulu me poser.
Farhan osa un regard sur Charlie. Son visage s'était creusé et son nez lui semblait incroyablement plus long qu'avant avec cette vision de profile. La conclusion semblait véritablement le mortifier.
-Je m'en suis rendu compte quand j'ai parlé avec Jo. Que je lui ai promis que j'allais trouver une solution. J'ai repensé que je voulais m'envoler, fuir encore tout ça. M'envoler à nouveau. Et l'emporter avec moi.
-Sincèrement ... Je ne pense pas que tu puisses.
Charlie pressa les paupières et baissa la tête en un signe de reddition absolument déchirant. Son poing se serra sur son genou.
-Bon sang, qu'est-ce qui ne va pas chez moi ...
-Mais rien, protesta Farhan en se redressant franchement. Charles, rien du tout, ne te mets pas ça dans la tête ...
-Mais quel gars déteste l'intimité avec une fille ?
-Déteste ? Tu en es à ce point ?
-Je te jure, chaque fois qu'elle me touche, je me crispe et ça ne date pas d'hier. Ce n'est pas normal. Avec les sentiments que j'ai pour elle, ce n'est pas normal.
Charlie prit une profonde inspiration et passa ses deux mains dans ses cheveux pour ramener ses mèches rousses en arrière. Son visage dégageait exprimait une sorte de dégoût que Farhan ne comprit pas.
-Tu me disais de tenter ? Littéralement, ça fait des mois que je ne fais que ça. J'ai tenté. Et j'ai rencontré du vide, rien que du vide. Rien que du vide ...
Il prit son courage à deux mains pour tourner le regard vers Farhan. Il était étincelant, presque suppliant et Farhan sentit son ventre se contracter.
-Tu crois toujours que tu n'es pas normal ... ?
-Arrête, c'est quoi d'être normal ? Tu crois vraiment que tu aurais attiré l'œil de Joséphine Abbot si tu avais été normal ?
-Et bien tu sais quoi ? Je crois que c'est précisément ce qui l'a attiré. Avoir quelque chose de stable, d'enfin parfait dans sa vie. Et regarde où ça la mène ...
Farhan ne savait honnêtement pas quoi répondre à cela. Il ne savait pas quoi répondre à toute la situation qui paraissait grignoter Charlie de l'intérieur. Il était sorti quelques mois avec une fille de Poufsouffle, Alice Miler et même s'ils n'avaient pas été aussi loin qu'eux, Farhan savait qu'il avait apprécié chaque moment d'expérimentation. Puis alors que Charlie commençait à prendre son balai et son nécessaire pour le nettoyer, une hypothèse assez gênante se forma dans son esprit. Il la repoussa pour demander :
-Mais tu ne veux pas en parler à quelqu'un ? A quelqu'un qui pourrait ... vraiment t'aider ?
-Et à qui ? Pomfresh ? ironisa Charlie avec un ricanement. J'aimerais voir sa tête quand le grand gaillard que je suis viendra la voir pour lui dire qu'il n'aime pas coucher avec sa copine ...
-Oh je pense qu'elle a dû en voir passer, évalua Farhan en hochant la tête. Alice m'avait raconté que c'était elle qui fournissait les jeunes couples en protection ...
Charlie le contempla, un brin horrifié.
-Farhan, je n'irais pas parler à Pomfresh. La discussion est close sur ce point.
Son ton buté et catégorique agaça Farhan. Lui-même avait été prêt à aller visiter l'infirmière lorsque Alice et lui avait hésité à aller plus loin, avant que leur relation ne s'essouffle. Parfois, il fallait admettre qu'on avait besoin d'aide mais encore une fois, pas Charlie. Et Charlie n'était certainement pas censé échouer sur ce plan. Assez brusquement, l'étrange idée revint le hanter. Elle était perturbante mais maintenant qu'elle émergeait Farhan ne voyait qu'elle. Il hésita quelques secondes, le regard rivé sur son ami qui s'était mis à cirer le manche de son balai et finit par s'éclaircir :
-Hum. Ne m'en veux pas de formuler cette possibilité mais ... est-ce que tu as pensé que peut-être potentiellement ... ?
-J'y ai pensé.
Charlie avait sorti un couteau pour gratter de la boue sur son manche, le visage si fermé qu'il semblait dur, taillé dans la pierre. Loin de sa bonhomie et de sa simplicité habituelle.
-Que ce n'était pas Jo le problème mais les femmes en général. Je pense qu'à ça depuis quelques jours, ça me bouffe le cerveau.
Ça allait également bouffer celui de Farhan dans la nuit. Il tenta d'avoir l'air neutre, de faire comme si l'hypothèse le laissait de glace et n'était qu'une information possiblement badine, mais la vérité c'était que toute la perception de son monde semblait basculer. Et il fallait l'admettre, de leur amitié. Elle semblait même perturber Charlie qui racla le couteau si fort contre le manche que la lame finit par s'y planter. Avec un grognement d'agacement, il sortit sa baguette :
-Reparo. (Il jeta un bref regard à Farhan avant de se replonger dans sa tâche). Toi aussi tu ne sais pas quoi en penser ?
-J'en sais rien, admit sincèrement Farhan. Tu en es sûr ?
-Non. Non, je ... je suis perdu, Fa', complètement.
Son désarroi était tel que sa voix s'épaissit, devint si rauque que Farhan devina qu'une boule nouait sa gorge. Il n'avait jamais vu son ami comme cela. Jamais avec une telle expression de doute, de douleur – pas même lorsqu'il s'était pris un Cognard dans le bras à l'entrainement. C'était aux fondements de son identité que Charlie était en train de toucher et pour avoir déjà vécu de pareilles remises en question sur ses racines, Farhan connaissait la douleur, la paralysie de l'esprit, cette impression qu'on ne serait plus soi-même avant d'avoir trouvé une solution. Sans attendre et plutôt que de laisser son cerveau déployait l'hypothèse d'un Charlie homosexuel, Farhan agrippa le mortier qui trainait sur ta table de nuit et ouvrit son tiroir pour en tirer quelques fioles. Son ami le contempla, les paupières plissées.
-Qu'est-ce que tu fais ?
-Un somnifère, répondit Farhan, un coquelicot séché entre ses dents. Tu as une tête à faire peur, demain c'est samedi et c'est les Serdaigle qui s'entrainent. Tu dors, tu en as besoin.
-Fa' ...
-Ton cerveau ne s'arrêtera pas de tourner. Or, tu as besoin qu'il se repose pour avoir les idées au clair. Et une fois que ton cerveau sera enfin en pleine possession de ses capacités, on ira la voir.
-La voir ?
Farhan lui jeta un regard entendu et Charlie poussa un gémissement de désespoir qu'il masqua en écrasa sa main contre son visage.
-Oh non ... Pas elle ...
-Tu vois quelqu'un d'autre ?
-Elle n'attend que ça !
Oh oui, confirma Farhan, sérieusement perturbé à l'idée. Mais il ne voyait pas d'autres solutions. Charlie avait besoin de retours d'expérience, de mettre de mots sur ses ressentis, d'enfin dénouer tout ce que sa relation avec Joséphine avait mis en lumière sur lui. Malheureusement, peu d'élève était ouvertement homosexuels à Poudlard. Déjà parce qu'ils étaient justement dans cet âge de mouvance où les questions se posaient au contact de l'expérience et que les réponses venaient souvent plus tard. Ensuite parce que les sorciers, à l'image de la société moldu, continuait d'exercer une pression sociétale négative sur ces personnes – et Farhan et sa gêne à l'idée en était l'incarnation même. Pas qu'il soit contre l'idée. Simplement, il ne la comprenait pas. Ce n'était pas son cas, il n'y avait jamais été confronté à cette vision de la vie et qu'il n'arrivait pas réellement à l'intégrer dans sa normalité. Mais il avait été élevé dans la bienveillance et la tolérance. C'était ce qu'il plaidait pour la couleur de peau – c'était également ce qu'il devait plaider pour l'orientation sexuelle. Peu importe l'embarras qui lui labourait les entrailles à l'idée que son meilleur ami soit ainsi.
D'un geste rageur, il écrasa les plantes qu'il avait laissé tomber dans le mortier, avant d'intégrer les débris de feuille dans un sachet à thé avec une feuille de menthe. Il jeta le tout à Charlie qui la saisit avec l'aisance de l'Attrapeur.
-Tiens, bois ça. Ce n'est pas fort mais je peux faire un truc qui t'assomme si tu préfères ...
-Non, je pense que ça va aller, soupira Charlie en le laissant tomber sur une tasse sur sa table de nuit. Merci Fa'. Pour le thé et pour ... l'écoute.
-C'était purement égoïste. Ta copine commençait à saboter accidentellement mes potions, l'heure était grave.
La remarque arracha un petit rire à Charlie. Il remplit sa tasse d'eau et laissa le thé infusé à froid, l'air fasciné par les trainées brunes qui s'étendaient dans le liquide depuis le sachet. Son sourire mourut lentement sur ses lèvres.
-Si je devais la quitter ... tu te rends compte ... Mon Dieu, comment elle va réagir ...
Farhan grimaça en anticipant la réponse. Même si quelque part dans sa tête, la possibilité devant exister dans la tête de Joséphine, il doutait que sa concrétisant la laisse de marbre. Elle lui était apparue déjà furieuse sous la pluie après le cours de soin aux créatures magiques. Jamais Farhan n'avait vu un parapluie avec un aspect si menaçant. Alors une rupture ...
-Mais tu ne peux pas rester que pour elle, le défendit-t-il néanmoins. Ecoute, dors pour ce soir, repose-toi. Et demain, on va voir le boss.
-Ce n'est pas forcément à moi que je pensais, précisa Charlie, le regard rivé sur Farhan. Tu sais que si je la quitte, elle va le faire payer au monde entier ? Et plus particulièrement au monde qui lui rappelle ma personne ?
Farhan sentit ses yeux s'écarquiller avant de glisser sur son mortier toujours entre ses mains puis sur son chaudron abandonné avec ses manuels et quelques-uns de ses ingrédients au pied de son lit. Il gardait des traces de brûlure après la dernière explosion et Farhan doutait que sa résistance soutienne le rythme infernal que lui imposait Joséphine Abbot. D'un geste protecteur, il ramena son mortier contre sa poitrine et lança un regard assassin à son meilleur ami qui s'était mis à rire de son air mortifié.
-Nouveau plan. Tu restes avec elle, tu l'épouses et vous vivez un véritable conte de fée, exigea Farhan. Et que ça saute, Weasley !
***
Alors ? Cette fanfiction vous plait-t-elle toujours?
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