Chapitre 62 : Apprendre et grandir
DING DING DING DING DING
Avant-dernier chapitre les ami.es !
Et oui tout doucement, chapitre après chapitre, mot après mot, tout se clôture ... J'espère que le dénouement a été à la hauteur de vos attentes par ailleurs, j'ai oublié de vous demander ! C'était moins épique que O&P, mais LDP n'a jamais eu vocation à être épique !
Bon, je vous avoue que je dois me dépêcher un peu. On a fêté le départ de ma soeur pour la Nouvelle-Zélande hier, et ce midi la famille débarque. COmment ça on est déjà le midi? Oui bon on est particuliers, chez moi on a un décalage horaire intégré.
Sinon comment vous allez vous? Les rentrées, premières semaines de cours? Le travail?
OH AU FAIT j'aurais sans doute un poste en Novembre. Fini le chômage et je dois vous avouer que je suis BIEN CONTENTE !
SUR CE CHAPITRE ! Bonne lecture <3
***
Avant de grandir au dehors, il faut s'affermir au dedans.
- Victor Hugo
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Chapitre 62 : Apprendre et grandir.
Vendredi 27 juin 1991
J-2. Je n'ai toujours pas craqué !
Et oui je suis fière de moi parce que hier après la potion on a passé deux heures complètes ensembles avant dîner et que très clairement je n'avais qu'une envie, c'est de me cacher derrière une armure avec lui pour me souvenir combien j'aime embrasser ce garçon. Mais j'ai été forte ! Peut-être parce que je sais qu'un baiser exceptionnel m'attend à la sortie du train ... C'est exaltant, comme motivation.
C'est le dernier jour de cours. J'écris en direct de mon ultime cours face à Flitwick. J'ai cru que Charlie allait pleurer ce matin en Métamorphose. D'ailleurs il n'a pas trop aimé que je le fasse remarquer devant toute la classe. Il me regarde d'ailleurs. Je n'aime pas trop beaucoup ça, ce n'est pas la première fois depuis le début de l'heure. Le même regard que pendant la finale de Quidditch où le mot d'ordre était « du combat des larmes et du sang ». Alors Septimus, qu'est-ce que tu me réserves... ?
***
-Charlie Septimus Weasley ! Lâche-moi immédiatement !
-Ah pour donner des ordres elle connait mon nom complet ...
-Et pour me moquer parfaitement ! Maintenant lâche-moi !
-Charlie, ne la lâche surtout pas ! Je veux voir ça avant de quitter l'école !
-Tout Poudlard veut voir ça !
Quelque part dans le dos de Charlie, un glapissement se fit entendre. Lui-même passa outre le poids qu'il portait pour jeter un regard derrière son épaule, mais visiblement, seuls Tonks, Lauren et Farhan l'avait suivi après qu'il avait jeté Joséphine Abbot sur son épaule, direction le lac noir. Indignée, Joséphine martela son omoplate de coups de poings rageurs et ses jambes qui battaient dans le vide faillirent désarçonner Charlie. Elle se débattait comme un beau diable, mais elle avait osé l'humilier devant Minerva McGonagall lors de son dernier cours. Une telle abomination méritait châtiment.
-Farhan, empêche-le ! supplia-t-elle en désespoir de cause.
-Après la fin d'année, rétorqua tranquillement celui-ci.
-Je suis prête à négocier ...
-Pas lui ! rit Tonks en le bâillonnant avant qu'il n'ait pu ouvrir la bouche. A l'eau, Abbot !
Pour définitivement empêcher Farhan d'intervenir, elle sauta joyeusement sur son dos et Farhan dévia de sa route avec un glapissement, désarçonné. Cela donna tout le loisir à Charlie de se diriger vers les berges du lac. Il longea la rive jusqu'au ponton qui s'avançait sur sa surface calme et brillante et une fois au fond, en équilibre sur la dernière planche
-Non ! Tu vas tomber avec moi, Weasley, je te le promets je ne plonge pas toute ... !
La fin de sa phrase fut noyée dans le hurlement qu'elle poussa quand Charlie la fit valser de son épaule et la jeta dans l'eau comme si elle ne pesait rien. Comme il l'avait espéré, Joséphine était toute fine et aérodynamique, trop frêle pour contrer sa force brute. Elle décrivit un arc de cercle, auréolée de sa longues et sauvage chevelure, les bras moulinant pendant qu'elle pestait à plein poumons. Ses insultes furent noyées dans la gerbe d'eau qu'elle déplaça en s'écrasant contre le lac et par leurs mille éclats de rire qui résonnèrent lorsque sa tête creva la surface, suffoquée et indignée. Ses mèches rendues brunes par l'eau qui les gorgeaient étaient plaquées contre son visage et ses lèvres, mais ce fut loin d'être un bâillon efficace :
-Je vous déteste tous ! crachota-t-elle, à moitié aveugle. Allez-vous faire voir !
-Pourquoi je n'ai pas d'appareil photo ! haleta Lauren, hilare.
-Il n'aurait manqué plus que ça !
Tonks s'étouffait trop avec son rire pour commenter quoique ce soit. Descendue du dos de Farhan, elle s'était écroulée sur le ponton, coupée en deux, les deux mains plaquées contre sa bouche. C'était tel que sa magie partait dans tous les sens et que ses mèches s'irisaient de la même manière que la surface du lac face au soleil. Face à l'hilarité générale et à Joséphine qui, débarrassée de ses cheveux, dardaient un regard noir sur lui, Charlie s'inclina humblement, les bras déployés de chaque côté de son corps telles les ailes d'un dragon. Lauren l'enlaça d'un bras, un immense sourire sur son visage.
-Ah Charlie, merci d'offrir à Poudlard son fantasme le plus secret.
-Je pensais que c'était Aidan qui l'avait offert ...
-Je vous déteste, répéta Joséphine en nageant pour rejoindre le bord.
Un drôle de sourire aux lèvres, comme s'il s'efforçait de paraître contrit alors qu'il n'aspirait qu'à s'esclaffer, Farhan s'accroupit pour lui tendre une main secourable que Joséphine dédaigna, le nez en l'air. Elle émergea du lac, sa robe lourdement chargée d'eau, les yeux ombragés de noir après que son mascara avait coulé. Elle essora passivement sa jupe, une grimace aux lèvres.
-J'ai mes dernières heures d'intérêt général avec Pomfresh, vous pensez que ça le fait d'arriver comme ça ?
-Tu es une sorcière, Joséphine Abbot, rappela Tonks, à présent nonchalamment assise sur le ponton. Et si tu as si bien su me tremper en Métamorphose, je suis sûre que tu connais la formule pour te sécher.
-On aurait dû faire ça pour ton entretien d'embauche, je suis sûre que tu aurais eu un effet encore plus éclatant déguisée en panda, plaisanta Lauren.
Joséphine tira puérilement la langue, mais un sourire effleura ses lèvres la seconde d'après. La nouvelle était tombée le soir-même, alors même qu'ils étaient en train de débriefer son entretien dans leur chambre à Gryffondor, à siroter de la bièraubeurre pour fêter la réconciliation entre Farhan et Joséphine. Une chouette, venue frapper la vitre, portait l'heureuse nouvelle : celle que La voix du chaudron avait choisi d'embaucher une sale gamine à peine sortie de l'école. Un choix discutable, avait alors lancé Charlie avec espièglerie. Mais un choix parfait. Il s'était promis de s'abonner dès qu'il aurait les moyens de payer les onze mornilles d'abonnement mensuel. Au moins, il aurait la sensation deux fois par mois d'entendre la douce et furieuse voix de Joséphine Abbot susurrer à son oreille au beau milieu de la Roumanie.
Les épaules carrées et le menton relevé, Joséphine rejeta sa longue chevelure humide dans son dos et les lorgna tous avec un dédain plus vrai que nature.
-Sur ces bonnes paroles, je vous abandonne. Celui qui parvient à jeter cet animal à l'eau (Elle pointa Charlie d'un index accusateur) aura mon éternel respect et une immunité presque totale contre moi.
-Ouh, commenta Tonks, nullement impressionnée.
Joséphine fit mine de ne pas avoir entendu et fit dignement volte-face. Alors qu'elle remontait sur l'herbe, elle sortit sa baguette et Charlie perçut l'eau qui s'évaporait de ses cheveux et ses vêtements.
-Et dire que maintenant il n'y a pas que nous, mais la communauté magique dans son ensemble qui devra la supporter, soupira Tonks.
-Arrête de râler contre elle, la tança Lauren en touchant son épaule du bout du pied. Elle t'a donné sa bourse de potion, non ? Tu l'as remercié ?
-J'ai plutôt considéré que c'était un paiement après des années de harcèlement. Je suis sûre qu'elle va le regretter et me le faire payer, en plus : je risque de passer plus de temps qu'elle avec Farhan cet été !
Très heureuse de son effet, Tonks présenta son poing à Farhan qui prit le soin de lever les yeux au ciel avec de toquer contre. Au moins ça la maintiendrait occupée durant l'été. Les résultats pour la formation d'Auror tombaient en septembre et elle avait déjà supplié Farhan de l'embaucher à la boutique avant que le stresse ne la dévore. C'était mieux qui les attendaient : les cours particuliers gagnés lors du concours de potion avec le professeur Damoclès Smethwyck. Un argument de poids de plus que Tonks avait pu ajouter à son dossier avant de l'envoyer définitivement les doigts croisés.
-Et toi ? lança Charlie à Lauren, dont le bras était toujours enroulé autour du sien. Tu as quoi de prévu cet été ?
Lauren coinça une mèche blond vénitien que la luminosité estivale rendait éclatante derrière son oreille.
-On doit faire un road-trip cet été avec mon frère, tout le long de l'Irlande. Normalement il devait rester avec Elisa pour trouver un appartement pour la rentrée, mais ... je crois qu'il ne veut pas trop me laisser seule avec les parents à Dublin.
-Comment ça seule ? Je suis là moi !
Elle lâcha un petit rire et tapota la joue de Charlie avec une légère condescendance.
-C'est adorable, mais tu auras bien assez à faire. Tu ne pars pas pour la Roumanie le premier août ? T'es tellement organisé que tu n'aurais pas assez d'un mois pour préparer ton déménagement !
-Justement, je comptais sur ton aide. Merci de m'abandonner. Co-préfète en carton.
-C'est Ste-Mangouste qui se fout de la charité !
Pour ponctuer sa remarque indignée, elle le frappa au torse avec la force d'un moustique et Charlie se contenta d'émettre un léger rire. Dans la liesse générale des derniers jours, elle était avec Farhan et ses longs regards graves dans le vide qui le prenaient par fois le seul vestige de mélancolie. Depuis sa rupture avec sa petite-amie, l'once de tristesse qui emplissait ses prunelles n'avaient pas parfaitement disparue. Touché, Charlie enroula un bras autour de ses épaules.
-Et tu commences quand, à Ste-Mangouste ?
-Début septembre à mi-temps, mais un temps plein s'ouvrira certainement à la fin de l'automne, quelqu'un part à la retraite. (Elle baissa les yeux sur ses mains peintes aux couleurs de l'Irlande). C'est dans ce service là que la mère de Joséphine travaillait, c'est ça ?
La question était posée tout bas, et le regard rivé sur Farhan à travers ses cils clairs. C'était certainement la discussion enthousiaste de Tonks face à lui qui maintenait un sourire sur son visage, mais dès qu'elle regardait ailleurs, une expression tourmentée traversait ses traits.
-Et alors ? répliqua Charlie à mi-voix. C'étaient des gens troublés dans une époque troublées. Toi tu vas pouvoir aider des dizaines de personne dans les services sociaux. Tu es la personne la plus empathique que je connaisse. Bon, l'empathie violente et coup de poing, mais je suis certain que tu sauras corriger ce défaut.
-Comment ça « empathie violente » ?
-Alors que j'étais en plein questionnement sur mon identité, tu m'as regardé et tu m'as dit « moi je le dis : tu es asexuel, Charlie Weasley ». Pitié, ne fais plus jamais ça. Quand tu n'es pas prêt à l'accepter, c'est une claque en pleine figure.
Lauren eut l'air vaguement penaude et jeta un bref regard par-dessus son épaule.
-J'ai fait la même chose à Joséphine, avoua-t-elle, si bas que Charlie dût se pencher. Je lui ai dit texto et droit dans les yeux « un doigt c'est un viol ». Je ne me suis jamais sentie aussi mal quand elle a immédiatement fondue en larme ...
-Je me doute, bredouilla Charlie, indisposé par l'anecdote. Euh ... pour le coup, je ne sais pas s'il y avait une bonne manière de lui annoncer la chose. (Il baissa un regard songeur sur elle). C'est vrai que tu t'es vraiment beaucoup trop entraîné sur nous cette année. On est tes cobayes.
-C'est un peu ça ! s'esclaffa-t-elle, plus guillerette. Au moins je sais que j'ai des efforts à sur la subtilité, mais je ne suis pas Gryffondor pour rien. J'ai un côté « brute de décoffrage ». D'ailleurs ...
D'un geste sec que Charlie, malgré son œil de lynx, ne vit pas venir, elle planta son coude dans ses côtes, assez fort pour qu'il lâche un « aïe » strident qui attira l'attention de Tonks et Farhan non loin.
-On n'a pas gagné la coupe, accusa-t-elle d'un ton mordant.
-J'ai fait tout ce que j'ai pu ! J'ai attrapé trois vifs d'or, ait laissé le capitanat à Dubois, je me suis prosternée devant McGonagall ...
-Et à la fin, c'est quand même Serpentard qui gagne. On a même fini dernier ! J'accuse tes frères. Tu sais que j'ai dû les coller hier ? Ils se sont introduits dans le bureau de Rogue pour tenter d'aller voler la coupe. Ils ont eu de la chance que ce soit moi qui les attrape ...
Ce fut plus fort que lui : Charlie rejeta sa tête en arrière et éclata de rire. C'était une certitude depuis deux ans : Fred et George allaient marquer Poudlard de leur empreinte et tant pis s'ils faisaient perdre mille points et toutes les chances de brandir la coupe à Gryffondor. En plus Charlie avait de bons espoirs que leurs performances au Quidditch compensent leurs bêtises.
-Oui oui, tu as raison de le penser, poursuivit-t-elle, le nez froncé. Les Weasley, tous de la mauvaise graine !
-Je ne te permets pas, on est deux préfets dans la famille ! protesta-t-il, une main sur le cœur. Enfin presque trois, je suis presque sûr que Percy recevra mon insigne. Et j'envoie Ronnie l'année prochaine. Et Ginny celle d'après. Attends Ginny, tiens, on en reparlera ! Poudlard n'est pas prêt pour Ginny Weasley.
-Vous allez peupler le monde le jour où vous allez vous reproduire.
Un faible sourire, un peu embarrassé, se dessina sur les lèvres de Charlie. Il ramassa une à une ses mèches rousses pour les emprisonner dans un vague chignon sur sa nuque.
-Je laisserai ce soin à mes frères et sœur, je pense.
-C'est trop « empathie violente » si je te dis que c'est une bonne décision ?
-Maintenant, non.
Le sourire de Lauren lui donna envie de secouer la tête tant il était celui d'une mère fière de voir son fils grandir. Cela eut pour mérite de définitivement effacer la mélancolie de son regard et elle posa une main douce sur le bras de Charlie.
-Je suis vraiment heureuse pour toi. Je suis la première à savoir par quoi tu es passé cette année ... Je connais les obstacles. Et je suis si contente que tu aies su te trouver ...
-Ne parle pas comme si j'avais franchi une sorte de ligne d'arrivée, objecta Charlie avec un pauvre sourire. Ça aussi tu le sais, non ? Il y aura des rechutes. Pour l'instant tout va bien parce que je n'ai pas à y réfléchir. Et puis un jour je rencontrerai quelqu'un. Ou une pauvre personne tombera sur moi. Elle n'aura vraiment pas de chance, elle ne sait pas ce qui l'attend ...
-Mais maintenant toi tu le sais. Et c'est le principal. Plus jamais tu ne laisseras la situation s'envenimer comme ça l'a été avec Joséphine. Tu sauras à quoi t'en tenir ...
Charlie ne répondit pas tout de suite et se contenta d'effleurer la surface du lac de bout de sa chaussure. Une vieille question qu'il n'avait jamais osée se poser à lui-même remonta brusquement sur son cœur et mu par la confiance mutuelle qui était née entre eux, il s'enquit du bout des lèvres :
-Tu crois que ça m'arrivera ? Que j'arriverais à m'épanouir dans une vraie relation ?
-Ça ne sera pas simple, concéda Lauren avec réticence. Ce sera une grande quête pour toi de trouver cette personne qui t'acceptera sans concession ... mais c'est aussi parce que tu es une personne exceptionnelle, Charlie. Et que ça correspond parfaitement à ce que l'amour est pour toi. Une grande aventure. Si ce n'est pas une grande aventure, alors le chemin va mortellement t'ennuyer ...
Un sourire espiègle ourla ses lèvres, et elle se rapprocha pour ajouter à voix basse :
-Et tu veux mon humble avis de ma violente empathie, tu l'as déjà, la relation parfaite.
Avant qu'il ne puisse réagir, elle se dressa sur la pointe des pieds pour embrasser sa joue et fila souplement comme la descendante de farfadet qu'elle était sûrement. Dans sa fuite elle faucha le coude de Tonks et la tira indignée sur la berge, ne laissant que Farhan et Charlie perplexes sur le ponton. Ils observèrent les filles devenir un point à l'horizon avant de s'entreregarder, déroutés.
-Désolé, en fait, lâcha Charlie avant que la gêne ne s'installe.
-Pourquoi ?
-Il se peut que j'aie jeté ta copine dans le lac noir. Et que suite à cela elle soit de mauvaise humeur quelques temps.
Loin d'en prendre ombrage, Farhan sourit. De manière un peu trop sadique pour ne pas avoir apprécié le spectacle.
-Ne t'en fais surtout pas. Pour ne rien te cacher, il y a une toute petite partie de moi ... Bon, elle s'amoindrie de jour en jour et je sais qu'un jour elle aura disparu, qui a encore en travers de la gorge toute cette histoire et qui a été secrètement ravie de la voir hurler et remonter trempée jusqu'aux os. Tu l'as fait réduire de moitié d'un coup, chapeau.
-Mais ça va aller ? Tu es sûr de toi ?
Farhan eut l'air absolument serein lorsqu'il acquiesça silencieusement et Charlie n'insista pas. Il n'avait aucune envie de remuer le couteau dans la plaie encore fraiche et qui peinerait à cicatriser. Ils contemplèrent quelques secondes le lac qui scintillait de mille paillettes d'or et de cuivre, si longuement que la voix de Farhan le prit au dépourvu :
-Et toi ? Tu es sûr ?
-Sûr de quoi ? Que tu vas finir ta vie avec Joséphine Abbot ? Un peu, oui. Tu l'as dans la peau depuis sept ans. Et plus tu avances, pire c'est.
Farhan leva les yeux au ciel, mi-amusé, mi-excédé et balaya l'affirmation d'un revers de main.
-Mais non, pas ça. De la Roumanie. L'autre côté de l'Europe, tout seul, sans famille et sans moi pour tenir ton agenda. Ça va aller ?
-Ça va être ... une sacrée aventure.
Et à l'élan brûlant qui gonfla dans la poitrine à en faire exploser ses côtes, il sut qu'il avait pris la bonne décision. Il n'avait jamais ressenti une exaltation pareille, pas même lorsqu'il avait enfourché Jade l'hippogriffe. Ce cœur qui cognait la chamade contre sa cage thoracique, son sang qui battait à ses tempes et son regard qui s'élevait vers les cimes, les montagnes et le ciel qui était la seule limite des dragons ... Il imagina un Opalœil et ses ailes nacrées percer un nuage et un sourire insensé s'épanouit sur ses lèvres. Ce ne fut que lorsqu'il ramena ses yeux sur terre qu'il perçut le regard de Farhan planté sur lui. Un sourcil s'était dressé au-dessus d'un œil circonspect.
-Je suis presque persuadé que j'ai l'air moins niais quand je regarde Jo.
-Ça mon cher, c'est parce que tu ne te regardes pas dans une glace mais je t'assure que c'est pire. Mais je l'accorde ça va mieux depuis que tu ne rougis plus ou bafouille en sa présence.
-La ferme, Septimus.
-Fais attention, tu vas finir dans le lac comme ta moitié.
Farhan ne répondit que par un coup de pied à son tibia, agrémenté d'un vague ricanement gêné. Charlie contempla un instant ses chaussures, puis eut le courage de surmonter son manque de compréhension humaine pour assurer :
-Je reviendrai.
-On verra, éluda Farhan avec un haussement d'épaule. Ce qui est sûr c'est que moi je viendrai. Réserve-moi une chambre, ou juste un canapé, je m'en fiche. Je n'ai jamais quitté les rivages des îles britanniques, et je compte bien commencer avec toi.
-Farhan ? Tu es littéralement né hors des îles britanniques. (Il s'esclaffa de cet oubli, à moitié penaud). Tu n'as pas envie, d'ailleurs ? De retourner à tes racines ... ?
Charlie regretta sa question au moment où le rire de Farhan s'étouffa dans sa gorge, soufflé par la question. Son expression gênée se creusa en une mine plus grave, plus solennelle et plus proche de celle qu'il portait comme un masque depuis qu'il était sorti de la Pensine.
-Je ne dis pas que ça ne m'a jamais effleuré l'esprit ... je dirais même que c'est une idée qui revient assez régulièrement. Mais pas maintenant. Maintenant ce n'est pas à cet aspect-là de moi que j'ai besoin de me rapprocher ... je n'ai pas cessé de l'explorer toute l'année durant. J'ai besoin d'une pause.
-Une pause nommée Joséphine Abbot.
-Une pause nommée boutique d'apothicaire, rétorqua-t-il avec un sourire tordu. Je compte bien forcer mon père à prendre des vacances, et libérer Fiona. La pauvre, elle n'a voyagé « que » deux mois cette année à cause de nous ...
-Quelle tragédie. Mais je crois que je comprends.
Un léger sourire ourla les lèvres de Farhan et ses traits se détendirent nettement, adoucis par la mélancolie qui venait teinter ses prunelles.
-Evidemment que tu comprends.
Charlie contempla longuement la nostalgie dans laquelle baignait son meilleur ami et qui menaçait de les figer tous les deux dans l'instant, quitte à polluer ce moment. Avant qu'ils ne finissent emprisonner, forcé de lâcher des larmes sur leur enfance qui s'envolait, Charlie fit un pas en avant, les jambes à moitié engourdies et se râcla théâtralement la gorge.
-Bon. Tu es prêt ?
-A quoi ? s'étonna Farhan, perdu.
-Je vais récolter l'immunité contre Joséphine Abbot. Interdiction d'en prendre le crédit, je nierai vigoureusement.
Farhan le fixa, déconcerté, et Charlie se dépêcha d'illustrer ses dires. Il se planta sur le bord du ponton, talons dans le vide, dos au lac. Et tel le dragon qu'il était au fond de son âme, il déploya ses ailes, prêt à prendre son envol dans ce ciel vierge et infini qui l'appelait de tout son voile azur. Et il s'élança, bondit, pris son élan pour le toucher, l'effleurer du bout des doigts, le bras tendu comme un enfant naïf. Mais la seule chose qui le cueillit fut une surface d'eau glacée malgré le soleil qui se planta dans sa peau comme des lames. Une aventure différente de celle qu'il avait imaginé, songea-t-il vaguement, immergé profondément au sein du velours vert qui semblait constitué le lac. Mais une aventure, à ne pas dire. Terrifiante, vivifiante, exaltante. Puisse sa vie ressembler à tout jamais à cet instant, où après s'être débattu dans le froid et le noir, il retrouve la surface d'une grande inspiration et avec pour accueil la douce chaleur de l'été comme une caresse, et les éclats de rire de Farhan O'Neil.
***
-Allez, je vous libère.
Bérénice accueillit la sentence de Madame Pomfresh avec un discret soupir de soulagement. Cela faisait plus d'une heure que Maya et elle étaient agenouillées devant les lourds chaudrons de la réserve de l'infirmière qu'elles avaient récurés sans magie après avoir minutieusement nettoyé chacune de ses fioles jusqu'à ce qu'elles brillent comme du cristal. Son dos était courbaturé et ses genoux endoloris. Et lorsqu'elle émergea du chaudron, elle vit que Maya était dans le même état. La jeune fille se massa les poignets, l'éponge moussante toujours entre les doigts.
-Choukran, murmura-t-elle, vannée. Merci ...
-C'est toi qui as tenu à venir partager notre torture.
-C'était mon idée autant que la vôtre, rétorqua Maya pour la centième fois. Il n'y avait aucune raison que je ne sois pas punie ...
Moitié punie, rectifia à part elle Bérénice sans la moindre aigreur. Mais une semaine de calme et de réflexion n'avait pas été de trop à Maya avant qu'elle ne se présente devant la porte de l'infirmerie après les cours, déterminée à prendre sa part de la punition infligée par Pomfresh après leur plan des plus discutables. Un peu comme Joséphine, constata-t-elle en émergeant de la réserve après avoir rangé les chaudrons et les fioles. Sa sœur aînée était tranquillement assise sur le lit, ses cheveux à moitié relevé par une pince dorée frappée par les rayons du soleil. Silencieuse, elle écoutait religieusement Madame Pomfresh qui parlait à voix-basse devant elle, tout en refaisant le lit d'en face au carré. L'arrivée de Bérénice et Maya interrompit son monologue et elle les contempla toutes les trois de ses yeux perçants. Même si elle s'était adoucie depuis quelques jours, elle s'efforça de se composer une mine sévère.
-Inutile de revenir à la rentrée toutes les deux, indiqua-t-elle à Maya et Bérénice. Mais sincèrement ... que je ne vous reprenne plus à faire des plans pareils. Le suicide n'est jamais quelque chose à prendre à la légère. Des gens en souffrent. Tous les jours. D'une manière que vous ne pouvez pas imaginer ...
-On est vraiment désolée madame Pomfresh, répéta pieusement Bérénice.
-Croyez-nous, on l'a pris tout sauf à la légère, assura Maya. C'était même tout l'inverse.
L'infirmière la dévisagea quelques secondes avant de pousser un profond soupir et de poser une main presque douce sur l'épaule de Maya. Ce n'était pas n'importe quelle épaule. C'était celle qui, si Bérénice suivait parfaitement les lignes blanches sur la gorge de Maya, portait les stigmates de la magie destructrice de Shahrazade Souleiman.
-Je le devine. Allez, filez. Avant que je ne vous séquestre pour l'été.
Et devant la mine mortellement sérieuse de madame Pomfresh, Maya et Bérénice se dépêchèrent de ramasser leurs affaires. Seule Joséphine resta plantée devant elle et écarta simplement une mèche cuivrée qui lui tombait sur les yeux. Dos à Bérénice, celle-ci ne vit pas son expression lorsque sa sœur souffla :
-Encore merci ... merci pour tout. Vraiment ...
-Cessez de me remercier, Abbot, et vivez votre vie. Prenez soin de vous. Vous le méritez ...
Les cheveux de Joséphine s'agitèrent lorsque sa tête s'inclina, puis elle s'en fut sans un mot. Lorsqu'elle jeta un dernier regard par-dessus son épaule pour contempler une dernière fois l'infirmerie et l'infirmière, elle, souriait. Elle était déjà loin lorsque Bérénice et Maya la suivirent hors du couloir et tournait à un angle sans se retourner.
-Combien on parie qu'elle va retrouver ton frère ? lança Bérénice avec un sourire de coin.
-Ne m'en parle pas, je suis tellement soulagée qu'ils se soient réconciliés, soupira Maya, une main sur le cœur. Je l'avais prévenu, c'est Joséphine Abbot ou rien.
Cette fois, Bérénice se garda bien de faire la moindre remarque dénigrante envers sa sœur, au risque d'alimenter le malaise dans son ventre. Elle serait hantée à tout jamais par l'image d'une Joséphine en pleurs, le couteau à la main, et par cette descente aux enfers où elle avait suivi le brancard.
-Et toi ? demanda innocemment Maya. Tu comptes retrouver ... quelqu'un ?
Elles venaient d'émerger dans le parc, et lorsqu'elle leva les yeux, Bérénice découvrit un groupe de Serdaigle non loin. Les septième années, comprit-t-elle en avisant en leur sein non seulement Aidan, mais aussi Elisa qui lui tenait la main. L'image tordit le ventre déjà bien plombé de Bérénice et elle tourna résolument le dos au groupe pour se planter face à Maya. En train de réajuster son hijab lilas sur ses épaules, elle faillit se prendre son amie de pleine face.
-Oh, Berry ! glapit-t-elle en s'immobilisant en catastrophe. Ça ne va pas ?
-Non. Si.
Devant cette réponse si peu claire, Maya prolongea son regard inquiet. Leur amitié étaient largement en dent de scie ces derniers temps, et Bérénice ne pouvait incriminer que les exactions de ses parents envers la famille Souleiman. Cela avait commencé dès lors qu'elle avait mis une fille aussi droite et pleine de valeur que Maya Tabet dans la confidence de son histoire avec Aidan McColley. Elle avait déçu son amie ce jour-là, elle le savait pertinemment. Peut-être même l'avait-elle mise de côté. Mais la fausse tentative de suicide de Joséphine avait agi comme une douche froide, lavant l'esprit de Bérénice de ses illusions. Depuis, la lucidité l'aveuglait.
-Je sais que je dois faire quelque chose et je cherche le courage, avoua-t-elle à mi-voix à Maya.
Le regard de Maya glissa derrière elle avant de venir de nouveau planter dans le sien. Avec les implacable rayons du soleil, ses prunelles café étaient translucides.
-Pas besoin de le chercher, bien sûr que tu l'as le courage. Tu l'as amplement prouvé en confrontant tes parents ... Je sais combien tu les aimes, Berry, et combien tu as dû tomber de haut en apprenant tout ce qu'ils ont fait ... Tu as subi le pire avec cette chute. Rien ne pourra surpasser ça.
La bouche sèche, Bérénice acquiesça. Oui, voir son père qu'elle admirait tant tomber de son piédestal, contempler de ses yeux les fragilités de Joséphine et découvrir les plaies d'Ophélia l'avait marqué et meurtrie. C'était la première illusion qui s'était brisée. Sa famille n'était pas normale, aimante et unie. Non, il y avait longtemps qu'elle s'était morcelée. Et tout avait commencé la nuit où Shahrazade Souleiman avait trouvé la mort ...
-Je vais certainement passer quelques semaines chez mon grand-père cet été, apprit-t-elle à Maya. Au moins jusqu'au mariage de Lili ... elle m'a proposé de rester chez elle, bien sûr, mais il va y avoir toute l'effervescence ... j'aurais besoin de calme, je pense. Et du grand air.
-Bien sûr c'est normal. (Maya pressa son bras avec douceur). Et tu seras la bienvenue chez moi, chaque fois que tu en ressentiras le besoin.
Bérénice sourit avec reconnaissance. Elle avait tant craint de perdre sa précieuse amitié avec Maya en découvrant que c'étaient ses propres parents qui avaient en parti détruit sa vie ... Malgré elle, elle s'était sentie immensément soulagée lorsqu'elle lui avait annoncé renoncer à les poursuivre en justice. Maya était sa seule grande et unique amie. La contempler se déchirer avec sa famille aurait été au-dessus de ses forces.
-Toi aussi, n'hésite pas à venir en Ecosse. Je suis certaine que tu adorerais mon grand-père Max ...
-J'y penserai. Va faire ce que tu as à faire. Je t'attendrai dans la chambre avec des biscuits à la fleur d'oranger.
-Toi, tu sais me parler.
Un grand sourire fendit le visage de Maya et elle lâcha Bérénice en s'écartant d'un pas. La jeune fille inspira une profonde goulée d'air avant de faire volte-face. Le groupe, plus grand, plus fier et populaire qu'elle avait quelque chose d'intimidant, mais Bérénice gonfla sa poitrine où brillait son insigne de préfète. Sous le regard attentif de Maya, elle traversa la pelouse. Aidan fut le premier à l'apercevoir au loin. Si au début un sourire ourla ses lèvres en signe de salut, il s'estompa vite lorsqu'il comprit qu'elle marchait droit sur eux. Lui, son groupe fidèle d'ami et sa petite-amie dont les mains étaient nouées au siennes. La vision raffermit la volonté de Bérénice qui n'hésita pas avant de fendre le groupe, louvoyé entre deux grands gaillards qui riaient à gorge déployer pour parvenir à Aidan.
-Je peux te parler ? déclara-t-elle sans ambages.
-Ouh, commenta l'un des garçons derrière elle. Au rapport Capitaine, la petite préfète veut te parler.
L'hilarité qui s'en suivit lui hérissa les poils, d'autant qu'Aidan se fendit lui aussi d'un petit ricanement, fort heureusement teinté d'un fort embarras. Elisa à ses côtés haussa les deux sourcils.
-Qu'est-ce qui se passe Bérénice ? Un problème avec ... Joséphine ?
Poudlard étant ce qu'il était, la nouvelle de la tentative de suicide de sa sœur avait fait le tour de l'école. Le miracle était que le caractère feint de la chose était passé relativement inaperçu. Tout le monde s'était soudainement trouvé une compassion certaine pour Joséphine Abbot, cette pauvre jeune fille troublée dont personne n'aurait pu deviner le mal-être ... Bérénice suspectait Pomfresh d'avoir laissé s'étendre la rumeur pour choquer, et que chacun se remette en question. Cela paraissait au moins marcher sur Elisa. Ses grands yeux bleus emplis de désarroi et de sollicitude étaient plantés sur Bérénice. C'est quelqu'un de bien. Non, elle ne mérite pas de souffrir ... La culpabilité lui grignota les entrailles et la força à déglutir violemment.
-Oui, c'est ça, mentit-t-elle avant de revenir avec insistance sur Aidan. Donc ?
Aidan ne paraissait pas le moins du monde décidé à bouger ne serait-ce qu'un orteil, mais Elisa ne lui laissa pas le choix en désunissant leurs mains. Elle accompagna même son abandon d'un coup de hanche et là, Aidan s'avoua vaincu et suivit Bérénice dans le parc. Des rires les accompagnèrent, les chuchotements réprobateurs d'Elisa n'y firent rien. Le poing de Bérénice se serra sur sa jupe.
-Quels blaireaux.
-Ils ont trop pris le soleil, prétendit Aidan avec hauteur. C'était risqué, comme manœuvre, bébé-Abbot. Heureusement qu'Elisa est choquée depuis que Jo a ...
Il papillonna des yeux avant de se mordre la lèvre inférieure, brusquement penaud.
-Pardon, je ne devrais pas t'en parler ... je me doute que pour toi aussi, c'est terrible ce qui est arrivé ...
-Ça va, coupa Bérénice, un peu sèchement. Enfin oui c'était affreux et ça l'est toujours un peu mais ... Elle va mieux, et je préfère me concentrer là-dessus.
-Très bien. Tu as raison.
Ils firent quelques pas dans un silence terriblement lourd et gênant. Bérénice avait la sensation d'avoir usé tout son couloir en comblant la distance qui les séparait et ainsi déclencher la discussion ... et à présent qu'elle était ouverte, elle espérait presque qu'il prendrait le relai. Evidemment, c'était un espoir vain. Comme l'avait si subtilement laissé entendre l'un de ses amis, c'était elle qui l'avait convoqué. A elle donc le premier mot.
-J'ai été idiote.
C'était le constat le plus clair qui avait émergé de toutes ses réflexions et elle rougit de l'exposer ainsi. Aidan rit, vaguement amusé.
-Oh tu as certainement bien des défauts, mais tu es loin d'être idiote Bérénice.
-Peut-être que tu as raison. Être idiot, c'est persister dans l'erreur.
Aidan laissa échapper un long « Ah » de compréhension et son pas ralentit légèrement jusqu'à s'immobiliser complètement. Ils étaient à présent loin de son groupe, presque masqué au regard inquiet d'Elisa par un arbuste et loin du lac où pépiaient tous les élèves qui fêtait la fin des cours. Un sourire amer retroussa lentement ses lèvres.
-Et tu viens de comprendre que j'étais une erreur, c'est ça ?
-Parce que tu le savais, toi ?
-Je ne me suis jamais caché que ce qu'on faisait n'était pas correct. Que ce que je faisais surtout ne l'était pas. Et jusque ici tu disais que c'était un rôle qui t'allait, il me semble. Rester dans l'ombre et ne pas avoir d'obligation.
Les lèvres de Bérénice se tordirent devant le discours. Oui, elle avait prononcé ses mots, comme une enfant qui ignoraient tout des conséquences qu'entrainaient chaque décision. Mais maintenant elle était lourdement consciente du rapport de causalité qui existaient et liaient chaque personne, chaque destin. Un geste d'elle, et c'était la vie d'Elisa qui basculait. A présent, l'idée lui donnait la nausée.
-Je maintiens que je ne suis pas une fille qu'on peut tenir par la main et trainer un peu partout, quelqu'un qui va se coller à l'autre parce que visiblement être en couple c'est fondre l'un en l'autre. Et c'était ... agréable, de découvrir de tout découvrir avec toi, sans prise de tête, sans la pression de l'obligation, juste ... avec l'écoute et le respect. Merci pour ça. Vraiment.
Aidan pencha sa tête sur son épaule, visiblement interloqué.
-Mais ?
-Mais je ne peux plus le faire dans ses conditions. J'ai compris ça, au moins. J'ai le droit de déconnecter, mais pas à n'importe quel prix. Elisa ne mérite pas ça.
-Elisa c'est mon problème. Ça aussi, je ne m'en suis jamais déchargé sur toi ...
-Des gens savaient ce qu'on faisait, insista Bérénice, exaspérée. Des gens qui auraient pu tout lui raconter et briser sa vie. J'ai risqué ça autant que toi. Je n'avais pas le droit. Pas ... pour quelque chose qui, finalement, ne compte pas.
La violence de ses propos la frappa elle avant de heurter Aidan, dont les yeux s'écarquillèrent. Elle se couvrit brièvement la bouche avant de joindre ses deux mains en signe de pardon.
-Pardon, c'est horrible ce que je viens de dire ... vraiment j'ai apprécié chaque moment, et je t'aime vraiment beaucoup, tu as été à l'écoute, et ...
-Mais tu ne m'as pas aimé pour de vrai ? Même pas un petit peu ?
Il y avait de la déception dans la voix d'Aidan, mais Bérénice sentait que plus que son cœur, c'était son égo qui était touché par ses affirmations. C'était pour se flatter qu'il s'était laissé emporter par leur histoire, ce graal que pouvait avoir les garçons n'entretenir non une, mais deux relations tout en étant intouchable. Quel gâchis que ce soit la quête que ce soit choisi Aidan McColley ...
-Non, avoua Bérénice en toute franchise. J'ai toujours été un peu fasciné par toi, mais je réalise à présent que ... ce n'était qu'une pure fascination bête et physique. Rien de plus.
Une moue déforma les lèvres d'Aidan et Bérénice se sentit sourire, à moitié attendrie, à moitié fière. Elle replaça nerveusement une mèche que ses taches à l'infirmerie avaient arraché à sa tresse.
-Ce n'est pas bien glorieux ce que je te fais subir, mais bon. Au moins on aura tous les deux appris une leçon.
-C'est quoi ma leçon, professeur Abbot ? ironisa-t-il, un sourcil dressé.
-Que tu es idiot, asséna-t-elle. Tu t'es laissé manipulé par les crétins qui ont insinué que tu étais gay parce que ta sœur était lesbienne. Tu n'as pas marché dans leur jeu, tu as couru en voulant surcompenser dans la performance en jonglant entre Elisa et moi. C'est plus qu'idiot. D'autant que je suis certaine que tu vaux mieux que ça. Sincèrement.
Aidan croisa les bras sur sa poitrine en une posture à la fois de posture et de défiance, son regard vert presque rendu orageux et menaçant. Face à sa réaction, Bérénice leva les mains en signe de paix.
-En tout cas je l'espère. Que tu n'es pas le genre de personne qui, au fond de son cœur, a voulu ruiner toute la confiance qu'une fille aussi gentille qu'Elisa en mis en vous. Qui serait resté insensible pendant que son cœur menaçait d'être brisé.
L'expression butée d'Aidan se fendilla quelque peu et son regard vagabonda jusqu'à l'arbuste qui leur cachait Elisa et le reste de sa clique. Le coin de sa bouche fut agité de tic nerveux et lorsqu'il prit de nouveau la parole, il n'osa regarder Bérénice dans les yeux.
-Je ne suis pas sans cœur. Evidemment que j'y pensais, tout le temps.
-Je n'en doute pas. Tu te gâches la vie en écoutant trop les autres. Fais attention. Jo a failli faire la même erreur ...
Elle laissa la menace en suspens, latente, et le regard d'Aidan se cloua définitivement au sol. La ligne de ses épaules s'était quelque peu affaissée et il se mit à se trémousser sur place, lui, ce grand gaillard aux bras faits pour taper des cognards. Plus besoin de marche pour le supplanter cette fois.
-Je ne serais pas un idiot si je ne persiste pas dans mes erreurs, non ? lâcha-t-il du bout des lèvres.
Bérénice ne fut jamais plus heureuse d'être nommée « erreur » et sourit.
-Ça aurait été quoi le plan, l'année prochaine quand tu aurais quitté Poudlard et que je n'aurais plus été à ta disposition ?
-J'ai promis à ma sœur de l'accompagner dans les bars gays et j'aurais essayé de coucher avec une lesbienne. Ça, c'est du gallon dans le tableau de chasse des garçons.
-Vous êtes vraiment des porcs.
Elle ne put endiguer le jugement certain que véhiculait son ton et remercia le ciel que Joséphine soit tombée sur des anges. Aidan était dans sa classe et avait toujours été l'un de ses plus proches camarades : plus d'une fois, leur maigre amitié aurait pu bifurquer. Un ricanement gêné s'échappa des lèvres d'Aidan et il se frotta longuement la nuque, les rougies parés de cramoisi à en effacer ses tâches de rousseurs.
-Je n'en avais pas l'intention pour de vrai, je comptais juste ... dire que c'était le plan.
-Histoire d'avoir un paravent et qu'on ne t'accuse pas d'être gay toi-même ? Ta sœur aurait adoré.
-Je te l'ai expliqué, Berry ... dans mon milieu ... dans le vestiaire ... je ne pouvais pas laisser dire ce genre de chose ...
-Alors heureusement que tu n'es plus capitaine l'année prochaine ? Non ?
-T'es pas mieux que ta sœur, marmonna Aidan, dépité. Aussi tenace.
-Je prends ça comme un compliment.
Après tout, la ténacité de Joséphine leur avait été salutaire cette année. Aidan maugréa entre ses dents un « évidemment » mais s'efforça de sourire. Dans ses prunelles vertes si expressives, Bérénice vit ses illusions se fracasser les unes contre les autres.
-Tu ne te rends pas compte, souffla-t-il, tendu.
-Peut-être. Mais je me rends compte que rien, absolument rien, ne justifie ce qu'on vient de faire à Elisa. Tu veux jouer, prouver que tu es le plus fort et aller dans la surenchère, vas-y. Mais joue cartes sur table. En tout cas c'est comme ça que je compte jouer, personnellement.
-Et moi qui pensais que la meilleure stratégie aux échecs était de dissimuler ses plans ...
Bérénice roula des yeux. Notamment parce qu'Aidan était un piètre joueur et qu'en cette qualité il ne pouvait pas se permettre d'user de la comparaison avec les échecs.
-L'amour ce ne sont pas les échecs. Il a d'autres règles.
-Et qu'est-ce que tu sais de l'amour, bébé-Abbot ?
La question, presque innocente, comprima la poitrine de Bérénice si fort que son cœur finit étouffer. Elle interrogeait trop ses angoisses secrètes pour que son léger sourire persiste et ce fut à son tour de détourner le regard, gênée.
-Pas grand-chose, concéda-t-elle, presque dégoûtée. Mais c'est normal, j'ai seize ans. J'apprends. J'ai toute la vie pour apprendre et crois-moi je compte bien prendre ce temps. Ça a l'air trop complexe pour que je le définisse et comprenne toutes ses ramifications en un claquement de doigt ...
-Quelle sagesse, murmura Aidan, à moitié impressionné. Le Choixpeau a bien choisi ...
-Il n'a pas hésité une seule seconde.
Elle en avait toujours tiré une grande fierté, celle d'avoir été répartie à Serdaigle alors que le Choixpeau avait à peine effleurer sa tête quand il était resté une minute entière sur celle de Joséphine et encore plus sur Ophélia. Comme son père, elle était un pur produit bleu et bronze. Mais à présent, la fière analogie tombait en cendre et la bile lui vient aux lèvres. Bon sang, papa. Toute son énergie la quitta, aspirée par le vortex de déception et de désillusion qui tourbillonnait en elle depuis qu'une lumière crue avait été jetée sur le visage de ses parents. Elle se passa une main sur le visage, lasse.
-Ecoute, je n'ai rien à ajouter. Juste ... Merci, tu vaux mieux que ça, et ... adieu, je suppose.
-C'est un peu définitif, non ?
-Tu quittes Poudlard. Dans deux ans quand je sortirais à mon tour, tu m'aurais oublié. N'essaie pas de me faire croire le contraire ... pour toi non plus, je ne comptais pas.
Le long regard dont la gratifia Aidan lui donna une réponse que, de toute manière, elle avait toujours portée au fond de son cœur. Non, jamais elle ne s'était faite d'illusion sur Aidan. Plus depuis qu'elle l'avait embrassé pour la première fois dans les escaliers. C'était Elisa qui avait été baignées de brume, Elisa que Bérénice ne voulait pas voir. Mais Aidan ? Elle avait été lucide, dès les premiers instants.
-Dans ces cas-là ... Adieu, bébé-Abbot.
Aidan sembla hésiter une seconde. A partir. A se pencher. Pour l'embrasser sur les lèvres, sur la joue, peu importe. Bérénice ne lui en laissa pas l'occasion. Sitôt l'adieu lâché, elle sourit, et fit volte-face, vidée de toute énergie après ce face à face qu'elle avait redouté des semaines durant. Ce n'était pas tant Aidan qu'elle avait craint qu'elle-même. Elle avait eu peur de craquer devant son sourire. Elle avait eu peur ce que cette histoire disait d'elle-même. Elle s'était pensée cœur de pierre, insensible, à jamais maudite et dépourvue de la chaleur pure de l'amour.
Comme son père. La comparaison prenait en sens et en épaisseur et un frisson glacé lui parcourut la nuque.
Allons bon. J'ai seize ans.
Elle se répéta ses mots, le discours si rassurant de Charlie qui rappelait que l'amour avait mille nuances et qu'elle avait la vie pour trouver la sienne. Sans qu'elle n'y réfléchisse vraiment, ses pas la menèrent au lac et elle laissa son regard vagabonder sur sa surface. Un sourire retroussa ses lèvres lorsqu'elle découvrit Thomas Fawley un peu plus loin, seul et marchant pieds nus sur les galets de la berge. Amusée, elle ne suivit quelques pas sans un mot, riant intérieurement de sa démarche peu assurée et de ses bras qui se déployaient pour garder l'équilibre avant de lancer avec sarcasme :
-Tu as la voûte plantaire solide.
-C'est à force d'entrainement ! répondit Thomas sans se retourner. Tu veux essayer ?
Il se planta en équilibre sur un galet un peu plus gros que les autres en attendant que Bérénice le rejoigne. Elle haussa les sourcils, dubitative.
-Pourquoi je ferais ça ?
-Parce que parfois ça fait du bien de sortir de sa zone de confort, expliqua tranquillement Thomas. Ça te donne une vision différente du monde. Ça remet les choses en perspective.
-Je pense que j'ai assez remis les choses en perspectives ces derniers temps ...
Les traits de Thomas se peignirent d'un air peiné. Il descendit de son galet et se rapprocha d'une Bérénice qui frissonnait face à l'air frai du crépuscule, maintenant que son courage et l'adrénaline de la confrontation n'étaient plus là pour la réchauffer.
-Alors parfois, quand l'esprit est trop lourd, disons que ça permet de se reconnecter à des choses plus triviales, bifurqua-t-il, avant qu'un lent sourire n'ourle ses lèvres. Je t'ai déjà dit que marcher pieds nus dans l'herbe est la meilleure sensation du monde ?
-Je pensais que c'était peindre au hasard le mur avec ses mains. Tu as fait ça avec Maya toute la semaine.
-Comparable, évalua Thomas. Tu veux tenter ?
Il désigna le parc du menton, si souriant et si serein que Bérénice se sentir faiblir. Surtout, après l'éprouvante discussion et toutes les interrogations dérangeantes qui s'en suivaient, l'idée s'expérimenter la « meilleure sensation du monde » était des plus attrayantes. Vaincue, elle se pencha pour déboucler ses chaussures.
-Oh, et puis zut.
-« Et puis zut », répéta Thomas, l'air moqueur. On sent la fille de bonne famille.
-La tienne n'est pas mieux. Comment vont ta sœur et ta cousine ?
-Gillian s'est plainte pendant deux heures d'Emily hier. J'ai presque failli te l'envoyer pour que tu lui fasses un cours de sororité.
Bérénice eut un sourire penaud face à la proposition. Elle était un bien piètre modèle, issue d'un bien piètre moule ... mais la gêne parut plus légère lorsque ses orteils nus frôlèrent l'herbe douce et fraiche du parc. Thomas avait raison. C'était agréable.
-C'est comme tout, souffla Bérénice, et son cœur se gonfla d'une certitude qui repoussa tout le reste. Ça s'apprend.
***
Je vous écoute !
Ce n'est peut-être pas le chapitre le plus utile de la fanfiction, mais ça me semblait important de laisser Charlie faire son bilan et surtout Bérénice apprendre de ses erreurs. J'espère qu'il vous aura plu !
Nous on se retrouve bientôt ! Quand? Qui sait ! J'ai une semaine chargée, je reçois enfin les clefs de la maison, ce qui signifie grande aventure du déménagement qui commence pour moi !
Bonne semaine, bisous et à bientôt !
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