Chapitre 53 : Les conséquences de nos actes
ET PLUS QUE UN CHAPITRE
Et oui j'ai envoyé hier à Anna' le chapitre 62 achevé à presque 3h du matin parce qu'il fallait qu'il sorte de ma tête sinon j'allais péter un câble.
Oui je vous cueille à froid ... Mais ça me semble important de vous prévenir de l'avancée et tout avance ... assez vite. Mon objectif initial était de finir avant cet été, puis j'ai eu ma grosse panne après la fin d'O&P et j'ai repoussé en disant que je finirais quand je finirais. Et maintenant que le rythme est revenu tambour battant, je vise les mot FIN avant de m'envoler pour Rome le 10 août !
Sinon comment se passent vos vacances? Vous profitez bien? Et celle.eux qui ont des stages/taffes, vous tenez le coup?
Je ne discute pas plus je dois partir et en plus il faut que je réserve ma 4G, je la bouffe beaucoup trop ici - les joies d'un monde qui un jour était sans électricité ...
Bonne lectuuuuure !
***
Je ne m'enfuis pas, je vole
Comprenez bien je vole
Sans fumée, sans alcool
Je vole, je vole ...
Elle m'observait hier,
Soucieuse troublée, ma mère,
Comme si elle le sentait
En fait se doutait, entendait ...
- Mes chers parents je pars
Michel Sardou
***
Chapitre 53 : Les conséquences de nos actes.
Jeudi 17 mai 1991
J'ai Bérénice en visuel. Je ne sais toujours pas quelle approche avoir avec elle.
Farhan a tort. Peu importe ce que je lui dirais, elle agira en contradiction. On a toujours fonctionné comme ça. La première à ne jamais m'avoir écoutée, c'est elle. Elle trace sa route, sans regarder autour d'elle. Quelque part ça me surprend à peine qu'elle ne soucie pas d'Elisa.
Mais je ne peux pas. Je ne peux pas risquer. Parler de Morgan, non. Non, je ne m'en sens pas capable et je connais Bérénice : c'est le meilleur moyen pour que ça arrive aux oreilles de papa et ça je préfère mourir ici et maintenant. Mais pourtant il va falloir que j'essaie de lui parler. Elle pense tout savoir. Mais elle ne sait pas. Moi non plus je ne savais pas à son âge. Personne ne nous a jamais rien expliqué, on a toujours eu les mauvais modèles sous les yeux. Farhan a raison sur ce point. Notre famille, ça a brouillé nos repères affectifs. Totalement.
Oh non, elle s'approche d'Aidan. Non. Non, non, non. McColley je vais t'arracher les yeux. Non. Ecarte de toi de ma sœur. J'ai dit ECARTE TOI. FICHE LUI LA PAIX. VA T'EN.
***
Bérénice ne s'était jamais senti une vocation de professeur. Elle était trop exigeante, trop méprisante de la stupidité pour cela. La pédagogie n'était vraiment pas son fort. Mais cela fut confirmé lorsqu'elle fut presque intronisée professeur de sa classe alors que les BUSE approchaient à grands pas et paniquaient les plus retardataires et les plus stressés. Maya, en particulier, veillait à toujours l'avoir sous la main pour les révisions et dès qu'elle entrait dans la bibliothèque ou dans la Salle Commune, un essaim de cinquième année de Serdaigle convergeaient vers elle. La nuée se dispersa à l'appel du dîner, leurs innombrables questions remplacées par les gloussements compulsifs de Thomas Fawley.
-La ferme, lança Bérénice, mortifiée. Tu aurais pu m'aider, toi tu sais la formule du sortilège de Transfert.
-Tu voulais être la meilleure de la classe, il faut que tu prennes les responsabilités qui vont avec. Et c'est si drôle de te voir les envoyer sur les roses, je ne comprends pas qu'ils reviennent avec tant d'ardeur !
-Ils sont désespérés, ça approche à grands-pas, supposa Maya, plus conciliante.
Elle avait des taches d'encre sur la joue et les doigts après avoir passé l'après-midi à recopier toutes les formules utiles de Métamorphoses. Plus détendue maintenant que la pression autour d'eux s'était envolée, elle saisit sa plume, non pour travailler, mais pour relier les points noirs sur le dos de sa main et imaginer des motifs en conséquence.
-Je ne fais rien pour les attirer, rappela Bérénice, exaspérée. Moi aussi je dois réviser, je n'ai pas de temps à perdre avec leur incompétence ...
Pour appuyer ses propos, elle ouvrit bruyamment son grimoire de potion, sous le regard éberlué de Thomas.
-C'est l'heure de manger, Abbot, tu réviseras après, non ?
-Je révise maintenant, et j'irai manger quand la meute sera remontée. Ce sera mon plan d'action jusqu'à ce que les BUSE soient terminés.
Maya et Thomas échangèrent un petit regard qui ne lui échappa pas. Pas plus que celui qu'ils glissèrent au fond de la Salle Commune. Près de la fenêtre, Joséphine gribouillait certainement dans son journal, le visage à moitié caché par un rideau de cheveux cuivré. Qu'elle ne suive pas le flot d'élève qui se précipitait vers la Grande Salle n'était pas surprenant ; qu'à côté d'elle, Aidan McColley reste également statique, nonchalamment assis sur l'un des fauteuils de la pièce, sa boite d'échec dans les mains, ça l'était beaucoup plus. Oh non, j'avais oublié ... Au début de la semaine, elle avait refusé de le suivre hors de la bibliothèque, toute plongée qu'elle était dans ses exercices d'Arithmancie et suite à cela, Aidan avait réussi à lui arracher un rendez-vous ce soir-même ... Mais je n'ai pas le temps, là ! L'idée de devoir le repousser une nouvelle fois lui tordit le ventre, mais moins que celle d'échouer à ses BUSE parce qu'elle ne savait pas contrôler ses hormones. Bérénice rougit lorsque les yeux de Maya et Thomas se plantèrent de nouveau sur elle, dubitatifs.
-Je vais vraiment réviser ! assura-t-elle vaillamment. A répondre aux questions de tous ces idiots, je vais finir par prendre du retard !
-Disons qu'on sait que tu aimes prendre des pauses ..., insinua Thomas avec un sourire tordu.
-Et il n'a pas suivi Elisa, ce qui veut dire qu'il veut se consacrer à sa deuxième vie, renchérit Maya avec un mordant inhabituel.
La mine outrée de Bérénice ne suffit pas à l'adoucir : elle rangea sa plume, hissa son sac sur son dos et rattrapa une fille de leur dortoir qui descendait manger, le nez en l'air. Son attitude heurta quelque peu Bérénice qui la suivit du regard, le cœur serré. Elle avait lourdement conscience que chaque minute où sa relation avec Aidan se poursuivait était une déception de plus pour Maya, et son comportement, plus froid et distant, s'en ressentait.
-Tu n'arriveras jamais à lui faire comprendre, Abbot, insista Thomas alors que Bérénice ne lâchait pas des yeux l'endroit où Maya venait de disparaître. Tu es intransigeante sur le savoir ? Maya l'est sur ses valeurs. Pense au profond mépris que tu dois ressentir lorsque tu la vois ne pas réussir une potion.
-Je ne la méprise pas, protesta Bérénice. Pas Maya, jamais ... je sais qu'elle fait de son mieux ...
-Mais tu ne comprends pourquoi elle n'y arrive pas alors que ça te semble si évident. Ça te consterne. Là, c'est la même chose sauf qu'en plus toi tu ne fais aucun effort.
-Je pensais que tu ne me faisais pas la leçon ...
-Je ne te fais pas la leçon. Tu fais ce que tu veux, ce sont tes affaires. (Il tapota nerveusement la table de ses doigts). Simplement, réfléchis un peu à ce que tu lui demandes à Maya. Elle est littéralement écartelée entre sa loyauté envers toi et son devoir moral qui lui indique plus volontiers de raconter à Elisa ce qui se passe ...
Bérénice eut la sensation qu'un Détraqueur venait de souffler sur ses entrailles. Elle était là, la fissure qu'elle n'avait pas voulu voir, la raison qui poussait Maya à se détourner si froidement dès qu'il était question d'Aidan. Garder son secret revenait à renoncer à son intégrité morale jusque là irréprochable. Qui était-elle pour ternir l'aura de sainteté dans laquelle baignait Maya ?
-Et je l'abandonne un peu, c'est ça ? murmura Bérénice, catastrophée.
Le simple fait que Thomas hésite lui donna sa réponse. Ce n'était pas une surprise pour elle que les deux aient parlé dans son dos de sa relation avec Aidan, peut-être que Maya avait laissé échapper des choses qu'elle refusait encore de jeter à la face de Bérénice .... Comme le fait qu'avant les vacances, ses pauses auraient été consacrées à boire un thé avec elle, grignoter des gâteaux à la fleur d'oranger et contempler le plafond étoilé de leur tour. Maintenant son temps se réduisait à peau de chagrin depuis qu'elle devait faire entrer Aidan et les cours particuliers de ses paires dans l'équation. Cependant, si échouer à ses BUSE lui tordait les entrailles, celle de blesser Maya lui déchirait littéralement le cœur. Bérénice repoussa impatiemment une mèche de cheveux et referma le grimoire qu'elle venait d'ouvrir.
-Je ne veux pas qu'elle pense ça. Je vais aller manger avec elle ... (Elle hésita quelques secondes avant d'oser demander du bout des lèvres : ) Et ... ça te dérangerait de nous laisser entre filles, peut-être ?
-Pas du tout, accepta immédiatement Thomas, pour son plus grand soulagement. Toute la soirée, même. Ça lui fera du bien, je pense que les BUSE la stresse aussi ... La peinture comme exutoire, ça a ses limites. Je suis sûr que ta Potion peut attendre demain. Si tu veux, je daignerais répondre à quelques stupides questions de la populace pour te suppléer.
Bérénice était une personne fière et pourtant elle ne put s'empêcher de vriller un regard empli de reconnaissance sur Thomas. Elle s'était toujours méfiée de lui et de ses notes qui se rapprochaient des siennes, puis elle avait jalousé son lien artistique avec Maya. Les deux amers sentiments lui semblaient à présent puérils. Jamais Thomas n'avait cherché à la supplanter, dans aucun domaine. C'était elle qui s'inventait des rivalités. Le même genre que Joséphine s'était construite avec Nymphadora Tonks et qui avait failli être destructrice ...
-Merci, lâcha-t-elle finalement. C'est gentil ...
-C'est mon deuxième prénom. On descend ?
-Je dois faire quelque chose avant qui me prendra cinq secondes. Ne m'attends pas, vas-y !
Thomas la prit au mot et se dirigea vers la porte de sa démarche flegmatique qui ne semblait plus si agaçante à Bérénice. En miroir, la jeune fille elle marcha vers Aidan, toujours installé sur son fauteuil, la tête tournant comme une girouette qui semblait faite pour repérer ses déplacements sans en avoir l'air. Avant de s'immobiliser, elle jeta un petit coup d'œil à sa sœur, toujours adossée contre la fenêtre, hors de portée de voix et l'air profondément absorbé par son journal. Le pauvre papier semblait souffrir sous les traits furieux de sa plume. Rassurée par son air concentrée, Bérénice put sereinement se concentrer sur Aidan. Il avait observé ses derniers mètres et l'observait avec un regard étincelant qui se ternit quelque peu lorsqu'il avisa la mine grave de Bérénice.
-Et bien, ça ne va pas bébé-Abbot ?
-Je suis épuisée par une meute d'ignorants qui me pensent leur sauveur alors que franchement, je ne peux rien pour leur intellect. Et Maya est un peu stressée ces derniers temps ...
Elle laissa la phrase en suspens, espérant presque qu'Aidan comprendrait de lui-même et se montrerait aussi compréhensif qu'avait pu l'être Thomas. Pourtant il se contenta d'un sourire nonchalant et se leva du fauteuil.
-Bah, Fawley va peindre avec elle au milieu de la Salle Commune, ça va lui faire du bien. On y va ? On a une partie en cours ...
Le sous-entendu était palpable, l'étincelle dans son regard propre à faire rougir Bérénice. Pourtant, comme dans la bibliothèque en début de semaine, elle resta de marbre. Une pointe d'agacement avait crevé dans l'œuf l'exaltation habituelle.
-Non, Maya a besoin de moi. Et moi aussi j'ai un peu besoin d'elle, c'est ma fournisseuse officielle de gâteau à la fleur d'oranger.
-Et je ne suis pas mieux que le gâteau à la fleur d'oranger ? prétendit Aidan avec un sourire équivoque.
Non, fut sa première et sincère réponse, et elle en fut presque surprise. Elle appréciait embrasser Aidan, laisser libre court à son corps de s'exprimer et ressentir, mais comparer aux longues conversations mêlant profondeur et futilité lié par les arômes sauves de la fleur d'oranger, c'était presque pauvre. Quelque part, sa constatation la rassura grandement. Elle restait une fille d'esprit.
-Je suis désolée, s'excusa-t-elle platement. Je sais qu'on s'était dit qu'on se voyait ce soir mais ... C'est important que je passe la soirée avec Maya. C'est ma meilleure amie.
-On s'est à peine vu cette semaine, objecta Aidan, consterné. Tu étais toujours en train de réviser ...
-Oui parce qu'au cas où ça t'aurait échappé, j'ai des examens importants à la fin de l'année.
-Moi aussi ! Je pensais justement qu'on s'était mis d'accord sur l'importance de faire des pauses ...
-Parfois tu les prends avec Elisa, rappela Bérénice en s'efforçant de ne pas avoir l'air accusatrice. Et cette fois, j'ai envie de la prendre avec Maya. Et je ne vois même pas pourquoi je suis en train de me justifier ... Je n'ai pas de compte à te rendre, Aidan. Je ne suis pas ta copine.
Les traits d'Aidan se tendirent et un tic nerveux agita le coin de sa bouche.
-C'est ça le problème ? grinça-t-il, les dents serrées. Tu n'es pas ma copine ?
-Ce n'est pas un problème, c'est un constat. Je ne suis pas ta copine, je ne suis pas à ta disposition. Ni toi à la mienne. Ecoute, je ne veux pas me prendre la tête avec toi ... C'est pour ça que c'est si agréable entre nous, on a littéralement à réfléchir à rien ... On se déconnecte littéralement de tout ... Et là personnellement, j'ai besoin de me reconnecter avec Maya. Tu n'as pas le droit de m'en vouloir pour ça.
Elle planta son regard dans le sien sans sourciller, inflexible. Dans les escaliers, la première fois qu'ils s'étaient embrassés, elle avait dû forcer pour être la déesse digne d'elle, et voilà qu'à présent elle épousait parfaitement le rôle. S'il voulait plus, qu'il prenne ses responsabilités et elle serait prête à en discuter. Mais tant qu'elle n'avait pas le statut de « petite-amie », elle ne voyait pas pourquoi elle serait obligée de répondre aux obligations du rôle. La mâchoire d'Aidan se contracta mais son expression butée sembla quelque peu se fendiller.
-Non, tu as raison, avoua-t-il du bout des lèvres. On a dit pas prise de tête ... Juste du bonus ... (Il détourna le regard avant de le replanter brièvement sur elle). On se voit ce week-end ...
-Oui, si tu veux ...
Bérénice se sentit libérée d'un poids lorsque Aidan s'éloigna et disparut de son champ de vision. Un peu troublée, elle posa la main sur sa poitrine à la recherche d'un battement cœur erratique synonyme d'émois amoureux mais n'en trouva aucun. Son rythme était lent, implacable, presque froid contre sa paume. Etait-elle donc si insensible ... ? Je le suis pas quand je l'embrasse, songea-t-elle, soulagée. Au contraire, je brûle ... C'est juste qu'il m'a énervé à insister ... je ne suis pas sa copine, je n'ai aucune obligation ... C'était la seconde dispute du genre cette semaine, alors même que les BUSE commençaient à la noyer. Ces nerfs n'étaient juste pas si solides que cela ... Elle s'apprêtait à le suivre dans vers la sortie lorsque la voix de Joséphine fendit le silence de la Salle Commune :
-Berry, tu as une seconde à accorder à ta sœur préférée ?
-Lili est à Londres, rétorqua mécaniquement Bérénice.
-Alors là je suis outrée.
Un coup d'œil sur le visage de sa sœur lui indiqua qu'elle ne l'était pas le moins du monde, malgré sa main posée sur son cœur en une posture dramatique. Elle avait reposé sa plume dans son encrier et referma le carnet dans lequel elle griffonnait. Son journal, reconnut Bérénice avec un pincement au cœur. L'objet ne suscitait plus la même fascination maintenant qu'elle savait ce qu'il renfermait ...
-Maya m'attend, qu'est-ce que tu veux ? interrogea-t-elle, lasse.
-Mais parler, petite sœur.
Elle agita son index pour l'inciter à s'approcher et Bérénice se traina jusque sa sœur avec un soupir, mais sans faire d'histoire. Comme Joséphine était résignée à subir le joug d'Ophélia, Bérénice l'était tout autant avec elle. Une histoire de tradition familiale. L'air somptueusement ennuyée, elle se laissa tomber sur la chaise qui faisait face à sa sœur et riva son regard par la fenêtre. Les dernières lueurs du jour disparaissaient derrière les montagnes et paraient la Forêt interdite d'une leur rosée qui rendait le feuillage indigo. Maya rendrait le paysage de façon magnifique à la pointe de son pinceau, songea-t-elle distraitement.
-Qu'est-ce qu'il y a alors ? insista-t-elle sans cesser de contempler le crépuscule.
Il lui fallut encore quelques secondes supplémentaires pour détacher son regard de la fenêtre et observer sa sœur. L'air indécis qui peignait ses traits lui sauta immédiatement aux yeux, ainsi que la façon dont elle frappait la table de ses ongles inégaux avec une certaine nervosité. Son majeur et son auriculaire, plus longs que les autres, faisaient un boucan du tonnerre.
-Peut-être que tu vas m'aider à comprendre un mystère ...
Un sourire ourla les lèvres de Bérénice. C'était peut-être ce qui l'avait plus lié à sa sœur depuis des années : cette passion commune des mystères, l'union de leurs deux esprits pour éclairer les plus noirs des labyrinthes ... Bérénice avait toujours admis que c'était avec Joséphine qu'elle réfléchissait le mieux. La génétique avait câblé leurs cerveaux d'une manière étrangement similaire.
-Je t'écoute. De quoi il s'agit ? Farhan n'a toujours pas craché le morceau sur sa dispute avec Charlie ?
-N'aggrave pas ton cas, petite sœur, prévint Joséphine, mortellement sérieuse. Parce qu'en réalité, j'allais te demander comment une jeune fille aussi intelligente que toi a pu se figurer que c'était une bonne idée de bécoter un garçon en couple dans les couloirs.
La pique fana immédiatement le sourire de Bérénice et lui ravit ses couleurs. Comme un lapin pris au piège, elle évalua compulsivement ses options de sorties, mais le regard grave de Joséphine la cln ;oua littéralement sur place. Rarement elle avait vu une telle expression sur le visage de sa sœur. Colérique, mélancolique, sarcastique ... mais cette solennité ?
-Que ... comment ... ? bredouilla Bérénice, prise de court.
-Farhan et Charlie vous a aperçu. Vous avez eu de la chance, l'idée de Charlie était plutôt d'aller directement chercher Elisa.
Farhan et Charlie vous ont aperçu. La phrase résonna à l'infini dans l'esprit de Bérénice et fit grandir à chaque fois un peu plus d'horreur et d'embarras. Elle s'était pensée assez fine et discrète .... Mais si deux Gryffondor avaient pu les surprendre ... qu'en était-il de leurs camarades de Serdaigle ? Qui savait en silence ? Pire, qui murmurait déjà leur secret ... ? Bérénice déglutit, espérant que cela ferait passer la gêne. Ce ne fut qu'à moitié efficace, mais un voile d'irritation vint la masquer et redonner de la vigueur à sa langue :
-Mais Farhan s'est dit que ce serait plus efficace d'envoyer ma sœur me faire la morale, c'est ça ?
-La morale ? répéta Joséphine, l'air vaguement amusé. Je suis assez mal placée pour faire ça, non ?
-Alors qu'est-ce que tu veux ?
Elle aurait voulu retrouver la hauteur qu'elle avait eu avec Aidan, mais l'appréhension l'étreignait trop pour qu'une pleine confiance l'envahisse. Elle avait réussi à demeurer imperméable au jugement pur de Maya et de son idéal inaccessible, mais Joséphine ? Elle s'était toujours construite en fonction de ses aînées, tout en rupture et en continuité. C'était d'autant plus angoissant que Joséphine se laisser facilement aller à des avis tranchants et saignants et se trouvait peu capable d'enrober ses critiques de délicatesse. Sur cela, Bérénice ne pouvait pas la blâmer : la façon dont elle répondait aux questions de ses camarades prouvait amplement qu'elle avait le même défaut. La seule différence c'était qu'elle était froide quand Joséphine était brûlante. Crispée, Bérénice attendit la morsure de la flamme. Face à elle, l'expression grave de Joséphine ne variait pas. Son seul motif d'inquiétude était cette lueur spectrale au fond de ses prunelles qui rendait son regard comme fiévreux.
-Vraiment, je suis ... la dernière personne habilitée à faire la morale à qui que ce soit, assura Joséphine d'une voix étrangement calme. Ce que je veux c'est ... comprendre. Être certaine que tu sais ce que tu fais ...
-Oh tu vas jouer les grandes sœurs prévenantes ?
-En fait, oui. Tu ne t'es pas embarquée dans l'aventure la plus saine qui soit, excuse-moi de vouloir être certaine que tu ne te mettes pas dans une situation qui risquerait de te blesser. Voire de te détruire ...
Mais elle veut vraiment jouer les grandes sœurs sages et pleines d'expérience avec moi, constata Bérénice, consternée. Ce n'était pas la première fois, mais jamais elle n'avait accordé beaucoup de foi aux conseils de sa sœur. Principalement parce que, comme elle le soulignait elle-même, elle n'était pas la personne la plus fiable qui soit. Et pourtant, cet air ... quelque chose dans son regard, dans son expression, obligea Bérénice à ravaler ses piques et ses réticences.
-Je sais qu'on ne dirait pas comme ça, mais je sais ce que je fais, promit-t-elle avec dignité. Je me doute que tu dois avoir peur qu'il profite de ma naïveté mais ce n'est vraiment pas le cas. Ma vie est pleine de pression et je suis juste ... contente d'avoir cette petite histoire où je n'ai pas à me prendre la tête, dans aucun des aspects.
-Et qui te redonne confiance ? ajouta Joséphine, sincèrement intéressée. Avec tous tes doutes, ton corps qui a changé cette année ... je veux bien admettre que ça doit te faire du bien.
Bérénice ne chercha pas à nier et hocha la tête. La façon dont sa sœur amenait les choses l'apaisait grandement. Ce n'était pas la moralité rigide de Maya ou l'incompréhension palpable de Thomas. Joséphine savait pertinemment comment elle fonctionnait. La jeune fille noua ses doigts et posa son menton sur ses mains entrelacées.
-Tu l'aimes bien ? Aidan ?
-Ce n'est peut-être pas l'esprit que j'attendais ..., admit Bérénice avec un haussement d'épaule. Mais il est sympa. Toujours respectueux avec moi.
Les traits de Joséphine se détendirent imperceptiblement à cette affirmation et Bérénice sut qu'elle venait de dénouer une inquiétude. Elle faillit en soupirer de soulagement. Elle avait eu la sensation d'avoir mis le pied dans un guêpier en s'asseyant à cette table et pourtant elle semblait s'en tirer indemne.
-C'est déjà ça ..., souffla Joséphine. Donc tu n'as vraiment pas envie de plus ? Au fond de toi, tu n'espères pas qu'il quitte Elisa pour toi ... ?
-Non, vraiment pas. Si ça arrive, pourquoi pas ... mais la situation me va parfaitement pour l'instant. Avec les BUSE, tout ça ... je n'ai pas vraiment envie d'une relation qui demande de l'investissement et du temps, tu comprends ?
-Non, d'autant que quand tu poses les yeux sur Farhan et moi j'ai l'impression que tu nous trouves particulièrement stupide, railla Joséphine avant de soupirer : je n'en sais rien, Berry. Je comprends qu'on puisse ne pas vouloir se prendre la tête ... mais pas quand ça fait une victime.
-Elisa c'est le problème d'Aidan, rétorqua immédiatement Bérénice. C'est lui qui la trompe, moi ...
-Il faut être deux pour tromper, objecta Joséphine avec une vergue qui lui ressemblait déjà un peu plus. Tu arrives vraiment à te détacher de ça si facilement ? ça ne te fait pas un pincement au cœur de les voir ensemble ? Tu arrives à la regarder dans les yeux ?
Non, Bérénice prenait toujours soin d'éviter le regard d'Elisa. Davantage parce qu'elle craignait, de façon très absurde, qu'elle lise la vérité au fond de ses prunelles. Mais la question la fit douter et sa voix était un peu moins ferme quand elle déclara :
-C'est à Aidan de prendre ses responsabilités ...
-D'accord je ne voulais pas juger, mais c'est vraiment trop facile de dire ça, Berry. De juste t'en laver les mains. Je suis d'accord, c'est à Aidan qu'il faut en vouloir en premier lieu et je te jure que mon premier réflexe quand Farhan m'a parlé ça a été de l'étrangler à main nue. Tu remarqueras que je me suis retenue et honnêtement, je mérite une médaille pour ça.
La revoici qui revenait au galop ... Le naturel de Joséphine la réinvestit et son visage s'anima en conséquence, se parant d'un air vindicatif et boudeur plus familier à Bérénice. Visiblement, avoir été privée de sa victime lui restait en travers de la gorge.
-Mais ça ne veut pas dire que tu dois te dédouaner de toute responsabilité, ajouta-t-elle avec une pointe de sévérité. J'en sais rien, si Farhan me trompait ... bon, ça n'arrivera jamais, mais si. Je lui en voudrais d'abord à lui, c'est lui que je blâmerai mais je ne sais pas, je suppose que je garderai un peu de venin pour la fille. Surtout si elle savait qu'on était ensemble. Surtout si pour elle, ce n'est pas grand-chose ... Pourquoi prendre le risque de faire du mal pour quelque chose qui en fin de compte ne compte pas ? ça confine à la cruauté ...
Le mot obligea le cœur de Bérénice à se rétracter dans sa poitrine. Vidé de son sang qui lui donnait la vie, il pesa plus lourd qu'une pierre. Joséphine secoua la tête et repoussa sa chevelure indisciplinée derrière son épaule avant de croiser les bras sur sa poitrine.
-Si Elisa l'apprend, parce que Charlie n'a pas su tenir sa langue, ou si tout simplement, parce que vous n'avez pas l'air d'être discret, elle vous surprend, ça va la détruire. Elle, sa confiance en elle, sa foi en l'amour. Ce sera une blessure indélébile, quelque part elle en gardera toujours une cicatrice. Ça va affecter tellement de chose dans sa vie ... Si tu es capable de risquer ça, de blesser quelqu'un, juste pour une histoire pas prise de tête ... Vas-y.
Son regard sembla littéralement la mettre au défi, celui de se relever, d'ignorer ses mots et de retourner vaquer à sa vie. Mais Bérénice sentait que si jamais elle se comportait de la sorte, ce n'était pas Elisa qu'elle bafouait, mais Joséphine. Oui, l'ardeur qui faisait flamboyer son regard ne faisait aucun doute. Si Bérénice se levait, c'était Joséphine qui serait personnellement blessée. Interdite, Bérénice la dévisagea.
-C'est Charlie qui t'a fait une blessure indélébile ?
Les yeux de Joséphine papillonnèrent face à l'interrogation subite que Bérénice n'avait pu retenir. Une ombre s'abattit sur son visage.
-Pour être parfaitement honnête, c'est plus l'inverse ..., avoua-t-elle, troublée. Oui, c'est moi qui aie blessé Charlie. Maintenant chaque fois qu'une fille s'intéressera à lui, il hésitera cent fois par peur qu'elle soit aussi folle que je l'étais ... peut-être même qu'à cause de moi, il n'osera plus sauter le pas.
-Arrête, ce n'était pas à ce point ...
Elle mit le long regard pénétrant de sa sœur sur le dos de sa tendance très claire au dramatique. Un soupir faillir franchir ses lèvres lorsque Joséphine s'avança quelque peu sur la table, avec toujours cette expression sérieuse qui lui ressemblait si peu et qui, petit à petit, faisait monter le malaise.
-Réfléchis bien, Berry. Lili, toi et moi, on n'a pas grandi dans le foyer le plus sain qui existe. Nos parents, c'est loin d'être un modèle. On a été projetée les unes contre les autres, ils nous ont monté en épingle pour prouver que leurs méthodes étaient les bonnes. C'est l'amour qui devrait être le moteur d'un foyer et chez nous ça a été la compétition, encore, toujours. Papa contre maman avec nous comme pions. On ne peut pas ressortir d'un tel traitement indemne. Tu penses que tu as passé tous les écueils, mais c'est faux. La lutte, ça laisse des traces. Ça a brouillés nos limites affectives. On cherche les mauvaises choses, toutes les trois. Ophélia est tombée dans le piège, j'ai réussi à m'en extirper par miracle ... Je voulais juste te dire ça avant que tu te retrouves prisonnière, toi aussi.
-Ce n'est pas à ce point, répéta Bérénice, mais avec moins de conviction. D'accord, je comprends que les méthodes de papa t'aient heurtées et que maman a un peu trop manipulé Ophélia pour qu'elle corresponde à ses critères mais ... enfin, je n'ai pas l'impression que ... j'aime bien embrasser Aidan.
La puérilité de la conclusion fit flamber ses joues, comme le mot qui l'avait hanté pendant plusieurs semaines après la lecture du journal de Joséphine. Asexuel. Joséphine avait reprécisé la définition quelques semaines plus tard : elle ne l'était pas. Elle en éprouvait, du désir. Elle n'était pas détraquée. Le léger sourire de Joséphine était plein de dépit.
-Je veux bien croire. Comme je veux bien croire que tu sais ce que tu fais, que tu te protèges. Peut-être que tu es un peu moins atteinte qu'Ophélia et moi, que tu as su te préserver ... Mais je suis désolée, je reste sur ma position sur Elisa. Si ça se passe mal, tu auras ta part de responsabilité, Bérénice. Prendre du bon temps, oui. Te détendre d'accord. Expérimenter ? Mais vas-y ! Du moment que tu connais tes limites et que c'est fait dans le respect – et c'est important, ajouta-t-elle en pointant un index sur elle. Ne fais jamais quelque chose que tu ne désires pas. N'écoute jamais ta tête, écoute ton corps. Et surtout, ne l'écoute jamais lui.
-Alors ça tu peux me faire confiance, assura Bérénice avec un sourire. Je ne suis pas du genre à me laisser dicter quoique ce soit, même sur ce plan-là.
-Rassurant. Mais ne fais pas une victime, Berry. Ce que tu me décris, tu peux le faire avec plein de garçon sans que ça ait de conséquence et il n'y a aucun mal à ça. Là, ça en aura. Parce que ça en aura. Si tu es capable de vivre avec ça, alors je n'ai rien à ajouter.
Littéralement, car une fois les derniers mots lâchés, Joséphine bondit sur ses pieds et traversa la Salle Commune sans un regard pour sa petite sœur. Bérénice resta quelques secondes figées, avec pour seule compagnie les terribles prédictions de Joséphine qui, pour la première fois, injectait un étrange sentiment de culpabilité dans ses veines.
***
-C'était une super séance, tout le monde !
-Je commence même à avoir de l'espoir pour la coupe !
-Oh ce serait fantastique, dès notre première année comme joueurs !
-Vraiment Serdaigle n'a aucune chance.
Charlie écoutait les joyeux babillages de Fred, George, Angelina et Alicia. Cette dernière, bien que suppléante, s'entrainait chaque séance avec eux en vue du match décisif contre Serdaigle qui approchait. Olivier préférait l'avoir prête au cas où il arriverait un imprévu, comme un chaudron sur la jambe de Lauren. Mais cette fois, la Poursuiveuse se portait comme un charme : vêtue de sa robe écarlate, elle portait sur les quatre jeunes le regard de la vieille sage, son balai sur l'épaule. Charlie marchait avec elle, les yeux rivés lui sur le seul qui oscillait entre les deux groupes sans vouloir n'en faire partir d'aucun. Olivier Dubois semblait profondément plongé dans ses pensées, le visage fermé. Ses lèvres bougeaient même parfois toute seule, mue par des pensées qui fredonnaient visiblement trop pour simplement rester dans sa tête. L'insigne ne l'écrasait pas comme il avait pu étouffer Charlie, cependant il lui avait ravi une partie de son insouciance et de sa bonne humeur pour obliger Olivier à murir. Pris de pitié, Charlie réussit à se porter à sa hauteur au moment où ils entraient dans le château.
-Tu as fait un travail formidable, Capitaine.
-J'aurais fait un travail formidable quand on aura battu Serdaigle par le plus de point possible, répliqua Olivier. Serpentard risque d'exploser Poufsouffle, il nous faudra au moins ça ... (Il jeta un regard brillant d'espoir à Charlie). Tu t'entends encore bien avec Joséphine Abbot, non ? Tu ne pourrais pas lui dire de lever le pied ?
-Parce que c'est vraiment de Joséphine que tu as peur ?
-Non, je sais que tu peux la battre facilement, convint Olivier en penchant la tête sur son épaule. C'est dans tous les autres secteurs de jeu que ce sera la bagarre ...
-Et ce sera une belle bagarre, assura Lauren avec un sourire. Ne t'en fais pas, Dubois, Charlie et moi on compte bien partir en beauté.
Ils échangèrent un regard déterminé mêlé de mélancolie par-dessus la tête d'Olivier. Le dernier match de Quidditch se profilait avec lui la fin définitive de leur scolarité dans ce vieux château. C'était presque vertigineux. Le temps se consumait aussi vite qu'un feu de paille ... Autant faire en sorte qu'il s'achève en feu de joie. Un peu difficile quand ton meilleur ami refuse toujours de t'adresser la parole ... Ils en étaient arrivés à une situation un peu absurde où chacun savait ses torts, mais refusait de rendre les armes. Cela consternait Joséphine qui s'efforçait toujours de faire la navette, au plus grand étonnement de Charlie. Il aurait été un temps où elle aurait été sadiquement ravie d'avoir Farhan pour elle toute seule.
-Weasley !
Charlie releva brutalement la tête à en faire craquer ses cervicales et découvrit McGonagall sur le haut des marches du grand escalier, son regard émeraude planté sur lui par-dessus ses lunettes rectangulaires. Fred et George devant lui rentrèrent la tête dans leurs épaules et Charlie s'interrogea vaguement sur la bêtise qu'ils avaient dû faire pour se soustraire ainsi au regard de McGonagall.
-Ce n'est pas trop tôt, vous avez traîné sur le terrain de Quidditch, lança-t-elle, avec néanmoins une pointe de satisfaction. J'ose espérer que c'est de bon augure. Suivez-moi, s'il vous plait.
-Repos les garçons, c'est à moi qu'elle parle, chuchota Charlie aux jumeaux en posant une main sur leurs épaules.
-Ouf, laissa échapper Fred, blême. Donc elle ne sait pas que ...
Mais George lui écrasa le pied et Fred se mit à sautiller avec des glapissements au milieu des dalles. Lorsque Charlie avait rejoint McGonagall, Dubois était en train d'apostropher George en lui jurant mille tortures s'il n'avait ne serait-ce que fêlé l'orteil de son frère à l'approche d'un match de si grande importance. Avec un certain amusement, Charlie vit McGonagall lever les yeux au ciel, mais le coin de la lèvre frémissant.
-Quel enthousiasme, ce Dubois, cingla-t-elle avant de se râcler la gorge. Dites-moi Weasley, vous avez avisé vos parents de votre décision concernant la Roumanie ?
-Oui, assura Charlie avec une grande confiance. Oui, je leur ai envoyé une lettre pour leur expliquer les raisons de mon choix ... comme ça ils auraient le temps de se faire à l'idée avant que je ne revienne. Ladona Macovei m'attend le 1er août donc l'été va vite passer pour moi et il faut absolument que je ...
Ses mots l'étranglèrent quand McGonagall ouvrit la porte de son bureau et qu'il découvrit plantée devant la fenêtre Molly Weasley en personne, les bras croisés sur sa poitrine et vêtue de sa plus belle robe de sorcière qui, un temps, avait été d'un éclatant bleu turquoise avant se progressivement se délaver au ciel.
-Précaution judicieuse mon cher Weasley, mais j'ai bien peur qu'elle ait été vaine, commenta laconiquement McGonagall.
-Maman ? Qu'est-ce que tu fais là ?
Le souffle de Molly Weasley était si puissant, si erratique, que Charlie était surpris de ne pas voir des flammes jaillir de ses narines frémissantes.
-Ce que je fais là ? répéta-t-elle, incrédule. Ce que je fais là ? Tu pensais que j'allais tranquillement accepter ta lettre sans exiger d'explications ?!
-Oh non, lâcha Charlie, catastrophé. Non, pas encore une dispute sur la Roumanie ...
-La Roumanie !
Le ton était si semblable à celui de Farhan que Charlie en frémit. Cela aurait pu s'arrêter là et il serait tombé à genoux pour demander pardon à sa mère, cette femme qu'il estimait tant et qui l'avait élevé à la sueur de son front. Cette femme pour laquelle il s'était promis de rester en Angleterre pour qu'elle ne soit pas seule face à ses frères et sœurs avec une bourse à moitié vide. La femme pour qui il aurait sacrifié son bonheur ... Seulement voilà, Farhan était passé avant elle. Et Charlie en avait assez d'avoir à se justifier.
-C'est moins loin que l'Egypte pour Bill ! répliqua-t-il avec vigueur. Tu as dit toi-même que tu te plierais au jugement du professeur McGonagall et elle est entièrement d'accord !
McGonagall, qui ne s'attendait visiblement pas à voir son nom surgir si vite dans la conversation, les observa tous les deux de ses yeux verts avec la plus grande prudence, comme s'ils étaient deux éruptifs prêts à se jeter l'un contre l'autre et à faire exploser la pièce.
-Comme je vous l'ai dit avant d'aller chercher Charlie, Molly, je comprends vos inquiétudes, entonna-t-elle avec lenteur. C'est une carrière à risque, physique et financier et je comprends que ce soit difficile à appréhender pour une mère ... Pourtant soyez fière de votre fils. Il a réussi à décrocher un poste dans l'un des plus prestigieux instituts d'Europe, au milieu d'une dizaine de candidat de nationalité différente.
Mais ce fut l'orgueil de McGonagall que Charlie entendit et cela agit comme un baume merveilleux sur sa poitrine, réparant un cœur morcelé par des semaines à justifier une décision pourtant si naturelle. Sa mère, pourtant, semblait toujours sur la réserve et son professeur fut forcée d'ajouter :
-D'autant que je me souviens moi aussi d'une jeune fille, à Poudlard ... une jeune fille douée, brillante dans certains domaines, même. Excellente duelliste et merveilleuse enchanteresse. Et pourtant, alors qu'un monde lui ouvrait la porte, que sa famille comme ses professeurs lui promettait un avenir brillant au sein des plus prestigieuses institutions de la Communauté Magique, elle s'est détournée de tout cela pour faire le métier de ses rêves ...
-C'est bon, professeur, la coupa Molly, les joues rougissantes. Je n'étais pas si bonne que cela, vous exagérez.
-C'est vous qui avez oublié, rétorqua McGonagall, un sourcil dressé. Faut-il que je ressorte vos livrets scolaires ? Vous avez eu cinq Optimal à vos ASPIC !
Charlie écarquilla les yeux et dévisagea sa mère devenue écarlate, le regard rivé par la fenêtre. Il avait toujours considéré sa mère comme une bonne sorcière : ses sortilèges, bien qu'il concerne souvent la cuisine et le ménage, étaient toujours parfait, propres et précis. Il ne l'avait jamais vu ouvrir la bouche pour prononcer une formule. Elle n'avait jamais ratée une potion destinée à apaiser ou guérir ses enfants. Mais il l'avait toujours imaginée comme une étudiante normale, quelconque. Une modeste carrière scolaire qui justifiait une vie à s'occuper de sa progéniture ...
-Maman, c'est vrai ? s'assura-t-il, estomaqué. Tu as eu cinq Optimal ?!
-Et reçue dans tous les autres, ajouta McGonagall.
-J'étais consciencieuse, éluda-t-elle en agitant la main, visiblement indisposée. Perfectionniste. Je révisais beaucoup.
-Mais ça t'a ouvert des portes ! Et quelles portes ! Pourquoi tu ne les as pas prises ?!
Molly jeta un regard noir à McGonagall, peu encline à mettre mise ainsi face à ses béantes contradictions. Avec de telles notes, sa mère aurait exigée qu'il entre au Ministère pour réussir sa vie, et elle ... ? L'hypocrisie de la chose suffoquait Charlie. Lasse, Molly se laissa tomber sur sa chaise avec un soupir.
-Parce que ce n'était pas ce que je voulais. Un bureau, une carrière ... cela m'inspirait une vie vide et froide. Ce n'était ... vraiment pas ce à quoi j'aspirais. Les quelques mois que j'ai fait au secrétariat du Ministère me l'ont prouvé ... J'étouffais. Alors quand je suis tombée enceinte de Bill, vite après mon mariage avec ton père, j'ai saisi l'occasion. Nous savions que nous aurions une famille nombreuse, très nombreuse. Je voulais être là pour elle, suivre ses pas, remplir mon existence de vos cris, de vos rires, de vos larmes. C'était ça, ma vocation. (Elle coula un regard acéré à McGonagall). Le métier de mes rêves ... celui de maman.
-Je ne comprends pas ... alors pourquoi ... ?
Un ricanement amer déchira la gorge de Molly et elle se massa la tempe. A son bureau, McGonagall paraissait vouloir se fondre dans le décor. Elle avait percé les cœurs et les observait à présent s'ouvrir avec l'ombre d'un sourire satisfait au coin des lèvres.
-Mais parce que parfois je le regrette, Charlie, je le regrette ! Si j'avais suivi une autre voie, si j'avais écouté mes parents, mes frères, mes professeurs, j'aurais eu ce poste important qui seyait à mes talents, et peut-être que j'aurais pu vous offrir une meilleure vie ! Une vie où Ron n'aurait pas eu à dormir sous les toits avec la goule, où Fred et George auraient eu leurs propres vêtements, où Percy aurait adopté mieux qu'un vieux rat que nous avons trouvé dans notre jardin ... J'aurais pu vous offrir tellement plus, si j'avais été moins égoïste. (Elle cligna des yeux, vite, fort). J'y pense, chaque fois que je ne peux pas vous offrir le meilleur. Ton balai, Charlie ... j'aurais aimé t'offrir un meilleur balai, à la hauteur de tes dons ...
-Mais elle était très bien, ma vieille étoile filante, lâcha Charlie, consterné. Vraiment je n'ai aucun grief à lui faire, elle a été parfaite durant toute ma scolarité. Et Percy aime Croûtard, et les jumeaux adorent me piquer des affaires.
-Tout de même ...
-Tout de même quoi, maman ? Tu l'as dit, tu aurais été malheureuse au Ministère. On ne voulait pas d'une maman malheureuse, malheureuse et absente. Les jolies choses que tu nous aurais amenés ça aurait été quoi ? A peine un lot de consolation ...
-Je sais, assura Molly dans un filet de voix. C'était ce que ma grand-mère disait, quand j'étais petite. « Les enfants ne comprennent pas la logique. Ils comprennent la présence ». C'est ça qui a fait pencher la balance ... je voulais être présente pour vous.
-Et on t'en sera à tout jamais reconnaissant.
Charlie se glissa sur la chaise à côté d'elle et ils se retrouvèrent l'un face à l'autre. Il lui ressemblait tellement ... Son visage rond, sa chevelure rousse, sa silhouette charpentée ... Il n'y avait que les yeux qu'il avait hérité de son père. Les yeux et le caractère, au contraire des jumeaux qui avaient hérité du feu maternel en plus de ses traits.
-Maman, je conçois parfaitement que, après nous avoir porté si longtemps, après avoir consacré ta vie à nous, ce soit difficile de nous voir partir, commença prudemment Charlie. Et si loin ... mais c'est pour suivre tes pas, d'accord ? Toutes les valeurs que tu nous as inculquées, on va les faire découvrir au monde entier.
-Je ne voudrais pas que tu regrettes, souffla-t-elle, le regard planté dans le sien. Que chaque aspect de ta vie te renvoie un jour à ce choix que tu as dû faire ... ça finit par broyer.
-Maman, arrête de potasser ce dilemme. Tu as fait le bon choix. Je n'aurais pas voulu d'une autre mère, d'une autre enfance, d'une autre vie, même pas pour le Nimbus dernier cri ou un dragon de compagnie. Ginny je ne dis pas, je pense qu'elle échangerait bien Ron contre un dragon de compagnie. Nous tous, même.
Charlie fut soulagé de voir un rire franchir les lèvres de sa mère. Tendrement, elle leva une main pour effleurer sa joue et ce fut comme si autour d'eux, le bureau et McGonagall s'effaçaient pour ne laisser qu'une mère et son petit garçon, renvoyé à l'état d'enfant par cette simple caresse. L'émotion qui brillait dans ses prunelles brunes referma la gorge de Charlie.
-J'ai peur, avoua-t-elle comme un affreux secret. Bill, je sais qu'il va revenir. Il veut simplement profiter de sa jeunesse et voudra fonder sa famille en Angleterre. Toi ... je sais que si tu t'envoles, c'est pour toujours. Je connais mes enfants, Charlie. Je sais ce qu'ils ont au fond de leur cœur.
Il aurait aimé la contredire, la rassurer, promettre de lui aussi un jour revenir en Angleterre pour fonder sa famille, comme Bill. Mais les mots ne parvinrent même pas à prendre consistance dans son esprit. C'était une idée trop peu attrayante, voire effrayante, presque démoralisante, pour qu'il s'y plonge. Peut-être que sa mère avait raison. Que ce n'était pas qu'un passage en Roumanie. Qu'en août, quand il quitterait le sol anglais, ce serait peut-être pour la vie. Le monde était trop vaste pour qu'il se consacre à son île. Farhan le sait. C'était pour cela qu'il avait réagi si violemment. Il savait qu'il partait pour ne plus jamais se retourner.
-Je reviendrai souvent, promit Charlie avec une brûlante conviction.
-Les portoloins internationaux sont chers, et tu ne vas pas rouler sur l'or, mon chéri.
-Je m'endetterai pour vous.
-Ça c'est hors de question, rétorqua Molly avec une sévérité plus coutumière. Quitte à être en Roumanie, tu vas veiller à tes besoins. Après l'Egypte, la Roumanie ... et pour Percy ce sera quoi ? Tombouctou ?
-D'après sa dernière fiche de rentrée, c'est le sommet du Ministère qui l'attend, intervint McGonagall avec un fin sourire. Et si ça arrive, croyez-moi Molly que vous verrez plus souvent vos deux aînés expatriés que votre cadet Ministre.
Cette fois, Molly s'esclaffa plus franchement, si bien qu'elle finit par étouffer son rire en pressant sa main contre sa bouche. Charlie la contempla éponger la larme que l'émotion avait fait perler au coin de son œil, reprendre le contrôle de sa respiration et échanger des regards de de plus en plus appuyés avec McGonagall. Vider son cœur semblait l'avoir purgée de sa colère initiale et lorsqu'elle darda de nouveau son regard étincelant sur Charlie, le souci était toujours présent, mais talonnée par une lueur plus chaude, plus encourageante. De la fierté ... ? Il osait l'espérer.
-Charlie, mon chéri, je ne vais pas t'empêcher de vivre tes rêves, annonça-t-elle finalement, et Charlie eut la sensation que les mots lui déchiraient le cœur. Je ne peux pas te demander de vivre pour répondre à mes inquiétudes ... J'espère simplement que tu n'auras jamais à le regretter. Parfois nos décisions ont des répercutions inattendues sur notre entourage ... il faut savoir toutes les implications et agir en conséquence pour ne pas blesser. J'ai cru que tu me blesserais en partant, mais ça c'est une douleur de mère inévitable ... Je n'ai pas à la faire peser sur toi.
Cette fois, Charlie eut du mal à totalement répondre à son sourire. Quand elle le prit dans ses bras, les yeux mouillés de larme, les images de sa dispute avec Farhan affleurèrent à sa mémoire. La Roumanie, c'est secondaire, avait-il affirmé et ses mots lui parurent d'une brutalité tonitruante, du genre qui s'abattaient sur le cœur comme un coup de poing. Je lui ai donné un coup de poing en plein cœur. Dans les bras de sa mère, Charlie ferma les yeux. Il était temps de ravaler une fierté pour en faire rayonner une autre.
***
Alors votre verdict ?
Je tiens à dire que cet aspect de Molly excellente sorcière me tient réellement à coeur : ce n'est pas parce qu'elle est dépeinte comme une mère au foyer qu'elle n'a pas fait de brillantes études. A dire vrai, tout le laisse sous-entendre puisqu'à la fin elle aura même raison de la puissance de Bellatrix Lestrange !
Allez je dois filer ! A vendredi prochain <3
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