Chapitre 52 : La juste décision
LADIES, GENTLEMEN AND NO BINARY PEOPLE
Je viens de finir le chapitre 60. Ce qui veut dire qu'il ne me reste plus que TROIS chapitres à écrire sur La dernière page !
Je vous avais dit que ça sentait beaucoup trop la fin simultanée cette affaire ! C'est parce que je suis sur une bonne dynamique - et parce que j'ai l'expérience de la fin d'O&P dans les pattes - que je décide d'ors est déjà de passer le rythme de publication à un chapitre par semaine !
Donc voilà, la fanfiction fera à priori 63 chapitres, plus un épilogue et bien sûûûr, un "Et après?", notre petit bonbon de fin de fanfiction. Vous avez donc le temps de voir venir et de profiter de la fin !
Et commençons donc avec ce chapitre ! J'espère qu'il va vous permettre de mieux comprendre les réactions de Charlie et de Farhan lors de leur dispute au chapitre précédent ... Bonne lecture !
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La passion s'exalte et s'adoucit également par l'aveu. Le juste milieu en rien plus désirable que dans la confiance et la réserve à l'égard personne que nous aimons.
- Johann Wolfgang von Goethe
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Chapitre 52 : La juste décision.
Lundi 14 mai 1991
JE SUIS FRUSTREE.
J'en ai marre de ne pas savoir POURQUOI Charlie et Farhan se sont disputés. Ils sont insupportables, aussi butés l'un que l'autre. Autant Charlie je savais, autant Farhan je le découvre. Est-ce que j'aime ça? Bah, j'essaie de me dire que ce n'est qu'un mystère de plus à décortiquer !
Au moins ce n'est pas moi. J'ai eu peur. Je pensais. Je sais que même si Charlie fait bonne figure, nous voir ensemble lui fait entre étrange ... qu'il a à peine digérer le fait qu'on lui ait menti, au début. Mais c'est bien la seule chose que Farhan a consenti à me dire. Un peu agacé. Je pense que ça lui a paru un peu égocentrique.
Alors quoi? Ils sont liés comme les doigts de la main. Je ne comprends pas. Je vais enquêter. Il est hors de question qu'ils finissent l'année comme ça. J'en fais une affaire personnelle. TREMBLEZ.
***
-Comment tu réussis à te mettre dans des situations pareilles ...
-Ça va Weasley.
-Non mais s'ouvrir la main avec une plante c'est une grande performance, digne de Nymphadora Tonks. Je me demande ce qui va t'arriver quand tu seras Auror ...
Outrée, Tonks vrilla sur Charlie un regard écarquillé dans lequel brillait une once de crainte. Le jeune homme regretta aussitôt sa pique : il savait que la Poufsouffle craignait que les échos de sa maladresse légendaire l'empêche d'intégrer le programme d'entrainement des Aurors. Ses yeux glissèrent vers la main sommairement bandée de Tonks. Les manches de sa chemise étaient recouvertes de terre et de sang et le bout de ses doigts viraient petit à petit au mauve. Charlie n'avait pas eu le temps de voir sur quelle plante d'entrainait la jeune fille avant qu'elle ne se mette à hurler et Chourave à réclamer un préfet pour l'accompagner à l'infirmerie. Etouffée dans une serre chauffée à blanc par le soleil de mai et le stresse des examens qui semblait s'éprendre de la classe, Charlie s'était tout de suite porté volontaire.
-Pomfresh ne devrait pas tarder, évalua-t-il alors que Tonks contemplait la blessure, l'air inquiet. Elle doit d'abord s'occuper du bras du petit qui s'est renversé sa potion dessus ...
-Ça va, Chourave a fait les premiers soins, je n'ai presque pas mal. C'est juste un peu déprimant qu'au bout de sept ans, Farhan sache mieux gérer une Tarentula vénéneuse que moi ...
Charlie aurait voulu la rassurer, lui rappeler que c'était un talent qu'il avait intégré à cinq ans et que pour lui la connaissance de la Botanique était innée. Mais la triste vérité, c'était que le nom de son ami jeta un froid sur sa poitrine, un froid qui dut se répercuter quelque part dans son attitude car Tonks soupira immédiatement :
-Vous ne vous êtes toujours pas expliqués ?
-Je n'ai rien à expliquer, moi, marmonna Charlie, indisposé. C'est lui qui s'est énervé ...
Et depuis, la communication était devenue si tendue que malgré leur dortoir commun et leur proximité, ils s'étaient presque mis à échanger par Joséphine interposée. Depuis plusieurs jours, la Serdaigle s'évertuer à multiplier les ponts, visiblement malade à l'idée d'être à l'origine de leur dispute. C'était d'autant plus gênant pour Charlie qu'à chaque fois, l'image de Bérénice embrassant Aidan dans le couloir le hantait mais Farhan lui avait arraché la promesse de le laisser gérer ce dossier. Leur dernier entretien remontait à quelques minutes, juste avant le cours de Botanique et Charlie avait enfin compris que Farhan refusait de s'ouvrir à elle et qu'elle se sentait atrocement impuissante. On est deux à ne rien comprendre, alors ...
-J'attends qu'il se calme, conclut Charlie avec un haussement d'épaule. J'ai surtout l'impression qu'il a pris le premier prétexte possible pour se donner le droit d'exploser. C'est plus facile d'hurler sur moi que d'hurler sur Joséphine ou sur Maya pour tout ce qui lui tombé dessus dans l'année ...
Les sourcils de Tonks s'envolèrent sous les mèches colorées en blond aujourd'hui. Une moue dubitative déforma ses lèvres.
-Vraiment ? Tu penses vraiment que c'est l'unique raison de sa colère ?
-Bien honnêtement ...
-Oh les garçons, râla-t-elle, incrédule. Il faut vraiment tout vous expliquer, ce n'est pas possible ...
Charlie se sentit vexé d'être ainsi targuer de manque de compréhension et d'empathie pour une situation qui lui semblait très simple avant de ravaler toutes ses protestations en se souvenant que tout ce qu'il ignorait sur Farhan, Tonks le savait. Elle avait su pour Joséphine, peut-être même qu'elle avait su pour la proposition de McGonagall pour l'insigne de préfet et encore tant d'autres choses ... Elle était la confidente naturelle et privilégiée de Farhan depuis des années. Et en observant un air supérieur se peindre sur son visage, Charlie eut l'absolue certitude qu'elle possédait les pièces qui lui manquaient.
-Il t'a parlé ? s'enquit-t-il, presque avide.
-Pas vraiment, il est plutôt braqué depuis quelques jours, reconnut Tonks. Mais ce n'est plus facile de comprendre ce qui s'est passé dans sa petite tête que de Farhan que de s'occuper d'une Tarentula vénéneuse.
-Alors franchement, je prie pour tes lumières ! Je t'en prie, éclaire-moi et dis-moi ce qui lui passe par la tête ! Même Jo ne sait pas m'expliquer !
-Jo ne sait pas t'expliquer parce que c'est une louve solitaire. Elle recherche sans cesse l'attention et pourtant elle n'a besoin de personne. Elle ne comprend pas vraiment que pour certains, on a côtoyé nos amis plus que notre famille ces sept dernières années. J'ai toujours trouvé que le terme de « Maison » était incroyablement bien choisi. Oui, notre Maison devient notre deuxième foyer et nos amis notre autre famille. Notre centre de gravité se déplace le temps de notre scolarité ... Jo ne s'est pas faite d'amie dans son dortoir, elle ne peut pas comprendre ...
Elle resserra machinalement le bandage sur sa main blessée, l'air de fuir le regard insistant que Charlie avait planté sur elle. Il lui fallut quelques secondes de réflexion pour asséner :
-Tu viens d'annoncer à un garçon qui a perdu toute sa famille à cinq ans et qui vit dans la peur de voir mourir son deuxième père que toi, la personne qui a partagé ses journées, ses joies et ses peines, sa vie pendant sept ans et qui est venu remplacer la famille qu'il a perdu, tu partais à l'autre bout de l'Europe. Tu t'imagines vraiment qu'il allait bien le prendre ?
Charlie cligna des yeux, un peu pris de court par la conclusion. Elle lui semblait d'une simplicité facile et fracassante.
-Alors c'est ça le fond du problème ? Je compte trop pour lui pour partir en Roumanie ?
-Tu doutes être une pièce maîtresse dans sa vie ? s'étonna Tonks devant la mine sceptique de Charlie.
-Honnêtement ? Un peu ... je veux dire, Farhan n'a jamais eu besoin de moi. C'était surtout l'inverse ... moi qui avais besoin de lui, de ses conseils, de son aide, de son amitié ... C'est lui qui m'a porté toutes ses années ... mais lui ... lui faisait sa vie ...
-Autour de toi, compléta Tonks avec insistance. Charlie, il s'est donné corps et âme pour toi. Et il ne l'a pas fait par pure gentillesse, il l'a fait parce qu'il t'aime. Comme un ami, hein, ajouta-t-elle précipitamment face au regard écarquillé de Charlie. On se calme, « aimer » ce n'est pas un gros mot, même quand ça concerne deux garçons ! Réfléchis un peu Charlie, bien sûr qu'il avait besoin de toi de sa vie. Et c'est pour ça qu'il t'a soutenu si fort.
Charlie garda le silence quelques secondes, songeur. Il n'avait jamais été dupe sur ses qualités : s'il avait été la vedette et figure de proue des Gryffondor, c'était qu'il avait eu Farhan derrière lui. Il avait depuis toujours conscience de ça, de ce rôle de l'ombre. Il l'avait loué, jalousé, s'en était senti honteux et coupable. Chaque fois Farhan avait tout balayé d'un sourire et il naïvement, il n'avait cru sans songer à la pointe d'amertume qui pouvait se développer à l'idée d'être ainsi écrasé. Tonks reprit fermement :
-Charlie, vous formez un duo si soudé, depuis la première année ... Tu es l'unique raison pour laquelle il aurait envoyé valser Joséphine. Un mot de toi et il y renonçait ...
-N'importe quoi ...
-J'étais là, Charlie. Bien sûr que si. Bref, il t'a soutenu, il a joué pour toi, il s'est effacé pour toi et il était prêt à renoncer à l'amour pour toi. Et en retour ...
-Je me barre en Roumanie après avoir épuisé le filon, comprit-t-il, morose.
Donc si je ne suis plus là pour absorber tes angoisses, je perds mon statut, c'est ça ? avait lancé Farhan, les dents serrées. Je ne suis utile que quand je te porte ? Un terrible sentiment de malaise lui tordit les entrailles.
-Mais comment il peut penser ça ... ?
-Parce que ça a l'air si facile pour toi de partir en Roumanie en le laissant derrière. Comme si votre amitié ne comptait pas.
-Mais ... partir en Roumanie ne signifie pas la fin de notre amitié ! protesta vertement Charlie. Mais pas du tout, je reviendrai le voir, je lui écrirai, je ...
-... ne serais plus là, martela Tonks, exaspérée. Et qui ne dit pas que tu vas tellement te plaire au milieu des dragons que tu vas l'oublier ? Ecoute Charlie, je ne dis pas que Farhan n'a pas surréagi, et je suis même la première à dire qu'il exagère un peu. Mais c'est irrationnel, comme sentiment. Il a la sensation que maintenant qu'il est avec Jo, tu ne trouves plus ton compte et tu veux t'éloigner d'eux. Pour te préserver ou juste pour les laisser vivre en paix sans ton ombre.
Pour peu, Charlie aurait laissé les larmes le submerger. Il les sentait lui brûler la cornée, vive et soudaines. A la fois blasé et en colère, il ne s'était pas attendu à leur venue et pourtant elles étaient là.
-Un ombre ? répéta-t-il d'une voix rauque. C'est ça que je suis pour eux, une ombre sur leur couple qui les empêche de vivre pleinement ?
-Oh ... non, Charlie ! se récria Tonks, paniquée par son émotion apparente. Non, pas du tout ... mais peut-être qu'ils pensent que c'est ce que tu penses !
Devant la formule alambiquée, il lâcha un ricanement incrédule et détourna le regard de la jeune fille pour battre des cils et faire disparaître les larmes. Il ne manquerait plus que ça, qu'il se mette à pleurer.
-Charlie, la seule chose que tu as à retenir, c'est que Farhan a peur de te perdre et que ça motive et justifie toute sa colère, tenta de poser Tonks de manière résolue. Tu as peut-être été un peu naïf si tu pensais que l'idée lui ferait plaisir ... Compare ça à ta famille. Tu crois que ta mère va hurler de joie lorsqu'elle va l'apprendre ?
-Elle va m'assommer avec une casserole et me séquestrer dans le grenier avec notre goule pour geôlier, convint Charlie à contrecœur.
-Et bien voilà, Farhan c'est pareil. Alors je ne dis pas que ça lui donne le droit d'exiger de toi que tu renonces à ton rêve et si un jour il le fait, je te jure que je serais à la première à me dresser contre lui. Mais réponds à ses inquiétudes, d'accord ?
L'injonction ressemblait à s'y méprendre aux griefs que Joséphine avaient pu nourrir à son égard. Il n'avait pas su répondre à ses insécurités, alors elle s'était mise à mordre et à hurler. Charlie passa une main dans ses longues mèches rousses, un grognement de dépit coincé dans la gorge.
-Depuis quand une amitié se gère comme une relation de couple ?
-L'amitié comme le couple demande de l'investissement et une confiance mutuelle, non ? Tu ne peux pas prendre et ne rien donner, Charlie.
-Je n'ai rien demandé ... jamais ... et j'ai donné, Tonks. Notamment cette année, arrêtez tous de dire que je n'ai jamais rien fait pour Farhan ... J'ai renoncé à un petit sac de gallion pour aller l'aider dans la boutique pendant les vacances. Et tu imagines ce que j'ai dû ravaler lorsque j'ai appris pour Joséphine ?
Les échos des souvenirs lui nouèrent les entrailles et son estomac tourna aigre. Oui, il s'était senti stupide et irrité ce jour-là, et pourtant face à la morosité de Farhan il n'avait montré que de la compassion. Heureusement que Joséphine avait été ouverte à prendre un peu de venin. Tonks ramena sa main blessée contre sa poitrine et posa sa saine sur son épaule.
-Je n'ai jamais dit le contraire. Et il le sait. Mais il a peur, d'accord ? A toi de le rassurer. (Elle garda le silence quelques instants et ajouta dans un filet de voix :) Peut-être que depuis qu'il sait ce qui est arrivé à Joséphine, il s'occupe beaucoup d'elle ... mais ça ne veut pas dire qu'il ...
-Non, la coupa Charlie, la bile au bord des lèvres. Non, arrête. Chaque fois qu'on évoque cette histoire, ça me donne envie de vomir ou d'envoyer mon poing quelque part.
-La face de Morgan Erikson serait une bonne cible, tenta de plaisanter Tonks.
-Surtout pas !
Ils sursautèrent tous les deux face au ton sévère et péremptoire de Madame Pomfresh. Elle venait d'émerger du fond de l'infirmerie où les deux élèves de Poufsouffle remballaient leurs affaires. L'un d'eux avait le bras en écharpe et grimaça à chaque pas qu'il fit pour sortir de l'infirmerie. Pomfresh attendit que la porte claque derrière eux pour asséner :
-Vous n'avez pas à faire justice à la place de Joséphine. Et Tonks, utilisez les bons termes ça vous sera utile pour votre métier. Il n'est pas « arrivé » quelque chose, comme tombé du ciel ou par le plus grand des hasards. Non, non, on lui a fait quelque chose, de façon volontaire. Si vous voulez vomir, Weasley, une bassine se trouve au bord du lit.
Charlie s'était senti blêmir à l'exposé de Pomfresh, mais face à la pique il réalisa que son teint avait dû tourner verdâtre. D'une profonde inspiration, il parvint à contrôler sa nausée et lâcha du bout des lèvres :
-Merci madame ... ça va.
-Mais madame Pomfresh, il faudra bien qu'un jour justice soit faite, non ? opposa farouchement Tonks. Je veux dire, là c'était surtout important pour Joséphine de se reconstruire mais ... maintenant qu'elle va mieux, on ne pourrait pas ... l'encourager à porter ça devant les autorités compétentes ?
-Porter plainte ? comprit Charlie, le cœur battant.
L'idée avait moins de charme que de coller un pain à Morgan Erikson, mais elle attisa un sentiment de sauvage satisfaction dans sa poitrine. L'image de l'ancien Batteur de Serdaigle devant les tribunaux, puis à Azkaban en compagnie des Détraqueurs lui parut alors tout aussi délicieuse. Pourtant, Pomfresh pinça des lèvres. Elle prit place sur le bord du lit et entreprit de dénouer les bandages sur la main de Tonks.
-Je ne suis pas sûre que ...
-Mais c'est un crime ! s'entêta Tonks, déterminée. Un crime punissable par la loi, Joséphine a parfaitement le droit de déposer plainte pour qu'il paie ! J'irai avec elle s'il le faut.
-Moi aussi, affirma Charlie avec ferveur.
Tout en nettoyant la plaie qui barrait la paume de Tonks, Pomfresh leur lança un long regard peiné de ses yeux bruns qui avaient toujours paru si froid à Charlie. Là ils brillaient de sollicitude.
-Ma chère Tonks, je vais vous annoncer tout de suite une vérité avant que vous n'ayez pas de désillusion une fois Auror, entonna-t-elle avec douceur. Tous les crimes et délits ne trouvent pas toujours sanction. Regardez toutes les personnes qu'on a soupçonné être Mangemort et qui sont encore dehors ... Parfois les prévenus s'enfuient, parfois on manque de preuve, parfois la justice est mal faite et corrompue. L'argent peut acheter la justice. La réputation peut sauvegarder une aura pure qui aurait dû être salie. Ainsi va le monde ... et nous sommes impuissants face à cela.
Tonks ne répondit rien, mais les protestations flambèrent dans ses yeux sombres. Charlie fronça les sourcils, un peu déconcerté du sombre tableau que brossait l'infirmière.
-Mais il a vraiment fait quelque chose ... Joséphine pourra le dire, pourra témoigner, c'est arrivé ... enfin non, pas arriver, mais il l'a fait ... Il lui a fait du mal ...
-Ce sera parole contre parole, Weasley, asséna Pomfresh tout en appliquant une pommade sur la plaie de Tonks. Il n'y aucun témoin du viol, ils étaient à deux ... et en plus, dans une relation.
-Ce n'était pas une relation, objecta froidement Charlie.
-Aux yeux de tous, si. Et un viol dans un couple, c'est impensable pour tous ... le consentement est donné à partir du moment où on adhère à la relation, dans l'esprit des gens. Ils s'étaient embrassés quelques fois, quoi de plus naturel qu'ils explorent d'autres horizons ? dira Morgan Erikson devant les jurés. Il sera alors soigné, parfaitement habillé avec son visage d'ange et étalera son parfait parcours scolaire et son début de carrière exemplaire au Ministère ... alors qu'à côté, rien ne plaidera pour Joséphine.
-Mais enfin, si ! C'est une victime, vous pourrez vous-mêmes témoigner du fait que le viol l'a profondément affecté, qu'elle ...
-Ecoutez-moi tous les deux, l'interrompit Pomfresh de façon plus sévère. Je vais vous dire ce qui arrivera à ce procès. Morgan Erikson sera auréolé d'une odeur de sainteté et on rechignera à gâcher la vie d'un garçon si prometteur – et pourquoi ? Parce qu'il a « batifolé » avec sa « copine » ? Alors qu'à côté, vous aurez Joséphine, Joséphine toujours trop, Joséphine qui se maquillait à treize ans, Joséphine qui sortait en serviette dans un vestiaire où elle côtoyait des garçons. Face à ça, on dira qu'elle a cherché ce qui lui arrivait, qu'elle le demandait. Joséphine dont le dossier scolaire vous dira qu'elle était une élève volatile et négligente. Ses camarades de Serdaigle ajouteront qu'elle était colérique et parfois méchante, avec une tendance au dramatique. Pas une parole à qui on peut se fier. Ce sera l'ange face au démon dans un parole contre parole. Qui, à votre avis, ressortira vainqueur du tribunal ?
Devant ce constat foudroyant, ni Tonks ni Charlie ne pipèrent mot. La jeune fille baissa même la tête, affligée, sa main saine serrée sur son genou. La réalité des choses fut une coupe amère à boire qui leur glaça le sang et les réduisit à l'impuissance l'espace d'un instant.
-C'est dégueulasse, lâcha brutalement Tonks, les yeux brillants.
-Je sais, convint tristement Pomfresh. Mais c'est une vérité qu'on ne peut nier. Il n'y a pas de justice pour des filles comme Joséphine.
Cela semblait impensable à l'esprit de Charlie. Il avait toujours été élevé dans l'idée que chaque acte avait des conséquences et qu'en agissant bien, on finissait par récupérer les lauriers en rendant le monde meilleur. Charlie était profondément persuadé que le bien fondé de ses agissements finirait par rejaillir sur le monde ... alors comment un acte si malveillant pouvait-il resté sans conséquences ?
-Alors n'allait pas lui semer la tête de vaines promesses, ajouta Pomfresh en pointant un doigt sur eux. Même sans ça, je doute que Joséphine soit suffisamment forte pour assumer. Elle paraît remonter la pente et nous devons l'encourager dans cette fois, mais elle remonte au bord d'un précipice et une pichenette peut l'y envoyer. Vous la pensez apte à faire face à la vindicte populaire, à un tel procès ?
Charlie et Tonks lurent leurs réponses dans leurs regards. Au fond des prunelles brillantes de la Poufsouffle semblait être gravé trois lettres : « NON ». L'avouer à Farhan avait été une épreuve pour elle. Alors affronter tout un tribunal populaire qui la jaugerait, la jugerait, sans accorder la moindre foi à sa parole ? Pour une Joséphine dont l'indifférence avait été la pire des plaies, c'était la porte de l'enfer. Charlie se souviendrait toujours de la réaction de Farhan lorsqu'il était revenu de l'hôpital, après son altercation avec Aloyssius Abbot. L'attentat du La Mon House Hôtel avait été au cœur de leur discussion et pourtant ses premiers mots avaient été pour Joséphine. « Je comprends », avait-il lancé, touché. « Je comprends tout, je comprends pourquoi elle est comme ça. C'est normal qu'elle soit comme ça ».
La famille de Joséphine avait ouvert une plaie béante et depuis, elle saignait qu'on accorde aucune fois à ses mots, à sa parole et qu'on la dédaigne pour ce qu'elle est. Cela avait suffi à la gangréner pendant des années. Là, ce ne serait plus sa famille, ni même Poudlard mais la Communauté Sorcière dans son ensemble. Non. Non, cela tuerait Joséphine plutôt que de la sauver.
-Alors c'est tout ? renifla Tonks avec dédain. On accepte ? On ne fait rien et on laisse l'injustice empoisonner notre monde ?
Pomfresh haussa les sourcils face au ton ouvertement accusateur de la jeune fille, appréciant peu d'être ainsi prise à partie. Elle ouvrit la bouche pour se défendre mais Tonks la devança pour attaquer encore :
-Ce n'est pas parce que vous, vous avez baissé les bras qu'on doit en faire de même.
-Baisser les bras ? répéta Pomfresh, frémissante d'indignation. Surveillez votre langage, jeune fille ! Baisser les bras, moi ? Je me bats pour vous, Nymphadora Tonks, avec mes maigres moyens ! Non, je ne proposerai jamais à Joséphine Abbot de porter plainte et je la dissuaderai même de le faire, mais ce n'est pas parce que je refuse de voir cette fille se détruire que je ne fais rien ! Je mets des choses en place, j'essaie désespérément mais vous savez quoi ? Je me heurte à un mur, Tonks, et vous vous aussi vous allez vous prendre le mur en pleine face si vous n'apprenez pas à le manœuvrer !
Devant la mine fougueuse et dubitative de la jeune fille, Pomfresh se fendit d'un grognement somptueusement agacé dont elle avait le secret. Charlie rentra la tête dans les épaules, lorgnant les deux femmes qui se fixaient en chien de faïence comme s'il avait disparu de leur vision.
-Regardez, un exemple très simple, poursuivit-t-elle sèchement. Il a une quinzaine d'année, une jeune fille est tombée enceinte. Elle était de très bonne famille, en dernière année d'étude fiancée avec un avenir tout tracé mais aucune éducation qui aurait pu lui éviter cet état. Je l'ai protégée tant que j'ai pu car avec une famille comme la sienne et la pensée de l'époque il était évident que sa grossesse ferait scandale. Suite à cela, j'ai proposé au professeur Dumbledore d'intervenir dans les classes de septième année pour parler éducation affective et contraception afin que de tels incidents ne se reproduisent pas. Je ne demandais pas la lune, je demandais juste de parler à des élèves majeurs de choses très simples qui doivent être sues ! Comme comment s'éviter une grossesse non désirée ou se prévenir des maladies, ou encore assurer des bons gestes et la bonne compréhension ...
-Et on vous l'a refusé ? s'étonna Charlie, tant la proposition semblait du bon sens.
-Evidemment ! La jeune fille enceinte, vous voyez ? Son père était au conseil d'administration et quand la proposition a été mise sur la table, ils l'ont balayée avec mépris. On ne parle pas de ça à des enfants, soi-disant. Ce n'est pas le rôle de l'école : l'école enseigne la magie. C'est à la famille d'aborder ce genre de question. Nous n'avons pas à faire d'ingérence dans les « affaires intimes et privées ».
Elle balaya sa frustration visible d'un haussement d'épaule. Tonks, moins vindicative, l'observait à présent avec de grands yeux étincelants.
-Alors je fais comme je peux, mais c'est le Botruc contre le Dragon. Je donne des Potions de contraception, des préservatifs même parfois. J'informe qui veut bien franchir ma porte, j'accueille des jeunes filles comme Joséphine pour qui j'arrive malheureusement trop tard. Ne pensez pas que ça ne me révolte pas, miss Tonks. Je suis la première témoin des horreurs que notre société génère. Mais je suis lucide sur ce que je dois affronter. Ainsi je peux dépenser mon énergie à bon escient. (Elle lui tapota doucement le bras). Songez-y quand vous serez Auror.
-Si, je suis Auror, rappela Tonks dans un filet de voix. Les candidatures à la formation débutent en juin ....
-Je n'ai aucun doute sur vous. Vous êtes brillante. (Elle se leva, fouilla dans ses fioles et en tendit une à la jeune fille). Remettez de la pommade avant d'aller dormir et normalement demain vous ne devriez plus rien avoir.
Elle leur adressa un de ses rares sourires et repartit vers la porte de l'infirmerie où venait s'entrer une jeune Serpentard dont la jambe avait été transformée en parapluie. Et alors que l'infirmière se penchait avec son habituelle mine revêche, Charlie songea que cette femme qui avait fait parti de son paysage durant sept ans était l'une des personnes les plus admirables qui lui étaient donné de rencontrer. A l'image de Farhan, une travailleuse de l'ombre qui besognait sans jamais baisser les bras face à l'adversité.
***
Jamais potion n'avait paru si difficile à Farhan. Il s'y acharna pendant deux heures, ignora même Joséphine à côté de lui qui avait tenté de parler, voire même de lui demander des conseils pour son propre chaudron, s'était épuisé en sombre calcul. Sa fierté avait quelque chose de sauvage lorsqu'il referma le flacon à la fin du cours et qu'il le tendit à un professeur Rogue dont les yeux noirs étaient plissés par la circonception alors qu'il scrutait la robe parfaite de l'élixir.
-C'est bon, O'Neil, décréta-t-il d'une voix glaciale.
-Ça, ça veut dire un Optimal, grogna Joséphine lorsqu'il revint sur leur table.
Pour la première fois depuis deux heures, le champ de vision de Farhan s'ouvrit et il put observer le chaos invraisemblable qui régnait autour du chaudron de Joséphine. Feuilles d'ellébore, baies de belladone écrasées et crin de licorne calciné côtoyait son grimoire ouvert à l'envers et son chaudron dont s'échappait une épaisse fumée lilas. Visiblement, sa mixture avait vrillé dès les premières étapes et elle n'avait pas eu la foi de rectifier le tir, l'abandonnant à l'état de chewing-gum visqueux.
-Tu as forcé un peu le feu à la deuxième étape ? devina Farhan avant de se rétracter face au regard féroce de Joséphine. C'est bon, c'est bon ! Elle était affreusement difficile, même pour moi, j'ai galéré !
-Humpf.
D'un geste agacé, elle arracha la pince qui retenait quelques mèches contre son crâne et rangea sommairement ses affaires qui s'écrasèrent pêle-mêle dans son sac. D'un mouvement de baguette, elle nettoya son chaudron qui étincela à la lueur des chandelles avant de le saisir et de faire volte-face, le menton relevé. Farhan soupira en la voyant prendre la porte, l'air à la fois digne et irrité, et darda un regard sur Lauren et Tonks qui venaient de se fendre d'un petit rire.
-Tu as oublié avec qui tu sortais ? lança la Poufsouffle avec un sourire narquois.
-Avoue, elle serait presque fade si elle n'avait pas son côté diva, enchérit Lauren. Qu'est-ce que tu fiches, tu veux aggraver ton cas ? Dépêche-toi de la rattraper !
Forcé de lui concéder ce point, il réprima un grognement, réajusta son sac sur son épaule et s'engouffra dans le couloir qui, malgré les températures clémentes de mai, demeurait humide et glacial. En temps normal, il n'aurait pas poursuivi une Joséphine ainsi irritée, presque de la même manière qu'en début d'année où elle avait gâché une des potions simplement parce qu'il avait eu l'audace de lui donner tort. Non, exaspéré par ce comportement puéril, il l'aurait laissé se calmer, puis revenir toute guillerette une fois la frustration passée. Mais après ce qu'il venait d'apprendre, laisser Joséphine macérer l'idée qu'il ne tenait pas assez à elle pour la poursuivre lui semblait suicidaire. Pour les prochaines semaines, il s'était résolu à prendre sur lui et à assurer à sa petite-amie qu'il serait là pour elle, quoi qu'il advenait. Même lorsqu'elle ne le méritait pas et se conduisait en enfant immature.
Il lui fallut un peu allongé le pas et dépasser Mike Richkins et Esmera Pucey qui comparaient leurs résultats. Un éclat cuivré attira son attention au fond du couloir, mais son soulagement fut de courte durée : aux côtés de Joséphine se tenait l'imposante et reconnaissable d'Aidan McColley.
-J'ai réservé le terrain à cinq heures ! la prévint-t-il, un doigt levé en sa direction. On n'est dans la dernière ligne droite avant les finales, tu n'oublies pas !
-Plus tu me le dis, plus je vais arriver en retard, menaça Joséphine.
-Tu es vraiment l'incarnation de l'esprit de contradiction. (Aidan leva un regard sur Farhan, qui venait de ralentir à leur hauteur). Vraiment, bonne chance.
Oh, attends un peu, songea rageusement Farhan alors que défilait de nouveau dans son esprit les images volées du couloir où Bérénice et lui s'étaient embrassés dans une alcôve. Bon courage à toi lorsque j'aurais lancé une Joséphine en furie sur toi. La jeune fille posa les yeux sur Farhan derrière elle, ouvrit la bouche indignée, mais Aidan avait déjà filé, certainement pressé de préparer leur séance d'entrainement. Comme l'enfant de cinq ans qu'elle était parfois – cela, malgré tout, Farhan ne pouvait totalement démentir son père – Joséphine tapa du pied sur les dalles.
-Quel blaireau, parfois ...
Farhan la contempla quelques secondes, tiraillé. Sa joue était couverte de suie et malgré la pince, elle avait réussi à couvrir le bout de ses mèches de la substance rose. D'un geste empreint de nervosité, elle détroussa ses manches tâchées de mauve et de terre. Sa mâchoire carrée était durcie par la contrariété.
-Jo, ce n'est pas un drame si tu n'as pas réussi la potion, rappela Farhan en s'efforçant de ne pas avoir l'air agacé. Et je suis désolé de ne pas t'avoir aidé, mais j'étais totalement accaparé par la mienne.
-Je sais ... je sais ... pardon ...
C'était déjà ça, décréta intérieurement Farhan en glissant sa main dans la sienne. Le contact ne détendit pas totalement la jeune fille mais elle poussa un soupir résigné et se laissa entrainer jusque la surface. Malgré lui, un sourire effleura les lèvres de Farhan. C'était dans cet exact couloir qu'ils s'étaient tenus la main pour la première fois, avec ces mêmes chaudrons comme contre-poids. Sauf que cette fois, leurs doigts ne se dénouèrent pas lorsque la lumière les toucha et qu'ils purent sortir au grand jour enlacé.
-C'est juste que ça faisait très longtemps que je n'avais pas autant foiré, finit par avouer Joséphine. Tu te souviens quand tu as dit « tu fais tout parfaitement jusqu'à ce que tu te déconcentres et tu foires » ? Et bien c'était exactement cela. Tout allait bien, et j'ai pensé à autre chose et j'ai oublié de réduire les flammes.
-Tu as pensé à quoi ?
Joséphine plissa les yeux. Farhan songea que la flaque de soleil dans laquelle ils venaient d'entrer en était la cause, mais cette mine crispée demeura même une fois avancés dans le parc.
-Que tu avais l'air contrarié. Encore Charlie ?
Cette fois, ce fut au tour de Farhan de se tendre. Dire qu'il s'était disputé avec Charlie était un euphémisme. Lui-même avait douloureusement conscience de la violence de ses propos, de la fissure qu'il avait certainement provoqué dans leur amitié. Trop tard pour regretter : les mots s'étaient envolés et il lui fallait les assumer. C'était d'autant plus facile qu'encore quelques jours plus tard, il se sentait vibrer de colère et de dépit. La Roumanie c'est secondaire, songea-t-il amèrement en reprenant les mots de Charlie. Il avait toujours pensé son ami compréhensif et empathique, capable d'entendre qu'un éloignement de tout un continent était tout, sauf secondaire. S'il l'avait affirmé, c'était qu'il le pensait. Et l'idée l'embrasait autant qu'il lui serrait le cœur.
Son énervement l'obligea à resserrer ses doigts sur ceux de Joséphine qui baissa le regard sur leur main, visiblement perplexe. Ses sourcils disparurent sous sa frange.
-Oh, encore Charlie, décréta-t-elle dans un murmure. Toujours pas déterminé à lui parler ... ?
-Toujours pas déterminé à en parler tout court.
Pas qu'il rechignait admettre qu'il souffrait de l'hypothétique départ de Charlie, mais il avait l'intuition que ce sur ce point très précis, Joséphine balayerait tous ses nouveaux principes pour le sermonner et l'empêcher d'être un poids qui empêcherait Charlie de s'envoler. Sur ses désirs là, elle devait le comprendre mieux que n'importe qui et Farhan n'était pas prêt à s'entendre dire qu'il avait tort.
Son ton sec et sans appel parut heurter Joséphine. Il sentit la prise sur ses doigts se tendre, vit son visage se fermer et ses traits se durcir. Il l'imagina ravaler tous les mots qui lui brûlaient les lèvres ainsi que certainement l'envie de lui arracher des confidences de force. Sa voix sifflait légèrement lorsqu'elle reprit :
-Très bien. On parle de quoi, alors ?
Les pas de Farhan ralentirent jusqu'à s'immobilise à l'ombre d'un frêne qui bordait le lac noir. Depuis que les beaux jours étaient revenus, la pelouse du parc étaient bondés d'élèves qui se prélassaient en révisant leurs examens ou simplement pour bavarder et jouer à la Bataille Explosive pour les plus insouciants. Peut-être que Farhan aurait dû être sérieux et retourner dans la Tour de Gryffondor s'atteler aux chapitres de Métamorphose qui prenaient du retard, mais après toute une journée de cours, il s'en sentait incapable. De toute manière, il y avait autre chose qu'il retardait depuis trop longtemps. Avec un soupir, il lâcha son chaudron sous l'arbre.
-Assis-toi. Il faut que je te parle de quelque chose ...
-Qui n'est pas Charlie, glissa Joséphine, visiblement pas décontenancée pour deux noises.
-Tu es pénible, Jo.
Un sourire retroussa les lèvres de la jeune fille alors qu'elle s'installait confortablement contre le tronc de l'arbre. Farhan la suivit sur l'herbe et replia ses jambes en tailleurs, soupesant les mots qui lui traversaient l'esprit. Il lui fallut une semaine pour décider que Joséphine devait savoir ce que Charlie et lui avait entraperçu dans le couloir. Pas simplement pour des questions éthiques, mais surtout parce qu'il était arrivé à la même conclusion de Charlie. Si Joséphine l'apprenait par d'autres personnes, puis qu'il était aussi au courant, cela risquait de réveiller des insécurités chez elle et de briser quelque chose entre eux. Et ça, Farhan n'était pas prêt à s'y résoudre.
S'il devait choisir entre la solidité de son couple et le secret perturbant de Bérénice et Aidan, le choix était vite fait.
Farhan pressa ses deux mains l'une contre l'autre avant de reporter son attention sur Joséphine. Son regard était planté sur elle et il se résolut à mettre fin au suspens lorsque d'une pointe d'inquiétude le transperça.
-Quand on se disputait, Charlie et moi ... on a vu quelque chose dans le couloir qui menait dans l'aile ouest, finit-il par lâcher, de façon très simple. On a vu Aidan ... embrasser Bérénice.
Sur le visage de Joséphine défilèrent toutes les émotions auxquelles Farhan s'était attendu. L'incompréhension tout d'abord, le temps qu'une image crédible se forme dans son esprit, la colère embrasa ensuite ses iris avant que la déception n'affaisse ses traits. Sa main couvrit sa bouche, se massa la tempe avant de s'enfoncer dans ses cheveux avec un gémissement.
-Tu te fiches de moi ...
-J'aimerais bien ...
-Vous êtes sûrs ?
-Certains. Et, des fois que tu te demanderais, Aidan est toujours avec Elisa.
-Je sais, souffla-t-elle, les yeux clos. Je sais, elle était là à notre dernier entrainement, elle révisait dans les gradins ... Aidan est allé la rejoindre à la fin ... et à côté de ça il se permet de bécoter ma sœur ?!
Elle frappa le sol de son poing et Farhan se crispa face à la colère qui semblait prendre le pas sur tout le reste. Il se dépêcha de l'apaiser d'une pression sur le genou, mais cela n'atténua la lueur courroucée qui s'était allumée dans ses prunelles noisettes.
-Elle est toute jeune, elle n'a jamais connu personne et on est toutes détraquées dans cette famille de toute manière, on ne sait pas ce que c'est que d'avoir des relations normales, qu'est-ce qu'il cherche ?!
-Vous n'êtes pas détraquées, objecta fermement Farhan. Disons juste que vous n'avez pas eu le meilleur des modèles ... Il faut juste que tu lui parles ...
-Parce que tu penses qu'elle m'écoutera ? renifla Joséphine avec dépit. L'esprit de contradiction, c'est de famille. Mon père l'a, je l'ai et Bérénice c'est la pire de toute. C'est pour ça que j'étais persuadée qu'elle finirait l'école sans jamais avoir embrassé personne, pour faire tout l'inverse de moi qui suis visiblement la trainée de la famille !
-Oh, je vais te frapper si tu continues à te dévaloriser comme ça.
Joséphine leva une main pour s'excuser et retirer ses paroles, la mâchoire contractée. Ses yeux luisants s'étaient mis à parcourir le parc, et Farhan comprit qu'elle espérait y trouver Aidan. Sans doute songeait-elle qu'elle aurait plus de chance de faire cesser cette folie en lui parlant à lui.
-Tu n'es pas détraquée et tu n'es pas une trainée, insista Farhan en pressant son genou. Tu as subi des choses et ça t'a rendue fragile. Bérénice en a subi une partie aussi et c'est parce que vous avez la même expérience familiale que tu pourras mieux la comprendre. Je te ne dis pas qu'elle ne va pas se braquer, surtout si tu tombes sur elle comme une tempête, mais ...
-Oh ! (Elle vrilla de nouveau un regard étincelant sur lui). Tu me proposes de lui dire pour Morgan ?
De façon très honnête, c'était l'un des angles d'attaque que Farhan avait envisagé, mais l'attitude révulsée de Joséphine le dissuada d'insister sur cette voie. Tout son être s'était tendu à l'idée : elle n'était visiblement pas prête à faire face au jugement de Bérénice. Quelque part, Farhan comprenait. Bérénice pouvait être froide et intransigeante. Ce n'était pas impossible qu'elle sous-entende qu'avec son comportement, Joséphine avait cherché l'agression.
-Non, mentit-il alors. Non, je te propose juste de parler calmement à ta sœur et qu'elle mérite mieux qu'une relation cachée qui en plus, fait une victime. Je suis désolé, je ne veux pas juger ta sœur ... mais ce qui se passe, c'est horrible pour Elisa.
-Horrible, confirma Joséphine en hochant la tête. Qu'est-ce qu'il passe par la tête d'Aidan ... il veut l'ellébore, l'argent de l'ellébore et le sourire de l'apothicaire ?
-Il y a quelques semaines, on a insinué qu'il était gay. Peut-être qu'il veut se prouver à lui-même qu'il ne l'est pas ...
C'était la meilleure réponse qu'il pouvait émettre. Lui aussi s'était interrogé sur les motivations d'Aidan, plus que sur celles de Bérénice qui lui paraissaient plus claire – volonté d'expérimenter, flattée d'être l'attention d'un élève plus âgé ... Mais Aidan ? L'expression de Joséphine se troubla et la lueur dans ses yeux vacilla dangereusement.
-Aidan était proche de Morgan, se rappela-t-elle d'un timbre sourd. Il l'admirait tellement quand il est rentré dans l'équipe ... il buvait ses paroles ...
-Aidan n'est pas Morgan, la coupa immédiatement Farhan, qui s'était attendu à la comparaison. Tromper, ce n'est pas bien glorieux mais c'est encore loin de ... ce qu'il t'a fait.
Le mot « violer » ne parvenait jamais à franchir ses lèvres face à Joséphine. Il avait trop peur de revoir sur son visage la même expression de panique et de détresse que dans la salle de bain. Il avait croisé la jeune fille dans bien des situations difficiles mais celle-lui lui avait véritablement brisé le cœur. Il serait hanté à jamais par la vision d'une Joséphine sanglotante dans la douche.
Joséphine resta silencieuse, les yeux rivés sur la pelouse. Sa main finit par chercher la sienne à l'aveugle et la trouva sur son genou pour la serrer. Son étreinte avait quelque chose de désespéré : c'était s'accrocher à elle ou sombrer de nouveau. Touché, Farhan se rapprocha d'elle et effleura l'une des mèches cuivrées qui s'agitait sous la brise.
-Jo ? Regarde-moi, tout va bien ...
Elle sembla se détendre imperceptiblement lorsque ses prunelles rencontrèrent les siennes. Un pauvre sourire s'étira sur ses lèvres et elle recouvrit la main qui caressait les cheveux de la sienne.
-Je sais. Merci. (Elle parut hésiter quelques secondes avant d'interroger avec réticence : ) pourquoi tu me l'as dit ?
-Pardon ?
-C'est arrivé quand tu te disputais avec Charlie. Donc il y a quelques jours. Donc tu as hésité. Pourquoi tu me le dis, finalement ?
Il n'y avait pas de trace d'énervement dans sa voix, juste une sincère curiosité et Farhan s'en trouva à la fois rassuré et penaud. Peut-être avait-il trop préjugé de l'aspect « tempête » de Joséphine. Elle avait un travail formidable pour effacer ces excès ; sans doute devait-il lui rendre la pareille en cessant de craindre chacune de ses réactions. Il trompa la gêne en faisant courir ses doigts sur sa joue.
-On n'a pas les bases les plus solides qui soient, avoua-t-il finalement. On a flirté, on s'est fréquenté en cachette, on s'est brouillé ... ça a été le parcours du combattant de se mettre ensemble alors maintenant que c'est fait ... je ne veux pas générer la moindre petite tension, la moindre microfissure entre nous. Je ne veux pas que tu puisses douter de moi.
Joséphine cilla plusieurs fois une fois les derniers mots envolés de sa bouche. Son regard avait toujours cet écho spectrale et luisant mais une nouvelle étincelle vint réchauffer ses prunelles alors qu'elle s'écartait doucement, une main levée entre eux.
-Oh ... attends, il faut que je fasse quelque chose de très important.
-Quoi... ?
La perplexité de Farhan se retrouva avalée par le souffle de Joséphine lorsque ses lèvres s'abattirent sur les siennes. Il ne chercha même pas à comprendre et se laissa entrainer par la danse langoureuse, passa un bras sur sa taille pour l'attirer contre lui alors qu'elle refermait ses doigts sur sa nuque pour approfondir le baiser. Ils s'embrassèrent longuement, à perdre haleine, à perdre la notion du temps et de l'espace, sans aucune conscience des regards qui pouvaient les observer, occultant totalement le fait que, quelques minutes plus tôt, ils étaient exaspérés l'un par l'autre. Lorsque Joséphine rompit le baiser, ce fut pour poser son front contre le sien avec un sourire que Farhan aurait aimé figer pour toujours sur ses lèvres.
-C'était important, en effet, murmura-t-il, presque étourdi.
-Urgent, même, prétendit Joséphine en enfonçant ses phalanges dans ses cheveux. Et pour info ... j'ai une totale et complète confiance en toi, Farhan O'Neil.
-Vraiment ?
-Vraiment. Crois-moi, sinon on ne se serait jamais retrouvés nus dans le même lit.
La phrase eut l'effet très paradoxale de leur arracher un rire tout en dissipant le parfum d'insouciance que leur baiser avait diffusé autour d'eux. Dans ses cheveux, les doigts de Joséphine se crispèrent et ses lèvres se pincèrent en une moue inquiète.
-Ecoute, pour la dernière fois ..., entonna-t-elle d'un air incertain.
-Je te jure que si tu t'excuse, je te frappe pour de vrai. Fille ou pas, copine ou pas.
Le regard pétillant que Joséphine lui semblait le mettre littéralement au défi. Pourtant, elle s'abstint et se contenta de laisser ses doigts parcourir la peau et les cheveux à la base de sa nuque dans une caresse qui arrachait des frissons à l'échine de Farhan.
-Je ne comptais pas m'excuser, promit-t-elle à mi-voix. Cela dit ... j'ai réfléchi. A ce que je voulais pour nous deux ...
-Et ?
Farhan ne pouvait empêcher son cœur de battre la chamade et son être d'être totalement suspendu au verdict de Joséphine. Il s'en voulut presque, comme si la survie de leur couple dépendait de leur activité physique. Après tout, c'était d'abord et avant tout l'alchimie qui les avait attirés l'un vers l'autre ... Mais aussitôt, il se raisonna. L'important restait les sensations de Joséphine.
-Il faut que j'écoute mon corps, et ça fait plusieurs fois qu'il me dit très clairement « pas là-dedans », décréta-t-elle finalement d'un ton qui se voulait délibératif. Mais il me dit aussi qu'il a hâte de se retrouver à nouveau nu contre toi donc c'est totalement contradictoire et agaçant.
-Très paradoxal, en effet ...
-Alors voilà ce que je propose. Pas de pénétration. (Avec un gémissement, elle se laissa aller contre l'épaule de Farhan et nicha son nez dans son cou). Désolée, c'est cru. Et je me doute que ça va être frustrant comme tout pour toi, mais je n'ai pas envie qu'on s'arrête ... et à la fois je n'ai pas envie de ...
-Chut ... (Farhan referma ses bras sur elle au moment où la voix de Joséphine se chargeait d'émotion et s'emballait, l'air proche de dérailler). Jo, je te l'ai dit, on fait comme tu le sens ...
-Mais ça va être horrible pour toi ...
-Oui, c'est vrai que j'ai eu l'air de trouver ça « horrible », ironisa-t-il en caressant ses cheveux. Vraiment j'étais au bord de la torture, tu abuses ...
Joséphine lâcha un « humpf » dubitatif dans son cou qui l'obligea à plaquer un baiser dans ses cheveux pour faire taire ses protestations. Comment lui faire comprendre qu'il était sincère ? Que lui aussi craignait plus que tout de la heurter ? Et concernant ses sensations, les caresses délirantes de Joséphine dans le lit lui avaient semblé des plus exaltantes. Il s'était senti tout proche d'imploser ... avait-il réellement besoin de plus ? Non, sincèrement, la frustration était la dernière des choses qu'il ressentait. Le soulagement primait. Que Joséphine ait trouvé une solution qui la satisfait. Que leur élan ne soit pas coupé. Qu'il puisse de nouveau l'embrasser sans culpabiliser d'éprouver un désir dévorant pour elle. Que peut-être jamais il n'aurait à subir de nouveau cette terrible image d'une Joséphine désespérée et tremblante dans ses bras.
-Jo, on n'a encore rien fait, insista-t-il devant sa réticence. On a encore tout un monde à explorer qui ne nécessite pas ... ça. Crois-moi, tout va bien.
-Peut-être qu'un jour, je me sentirai de retenter, hasarda-t-elle.
-Peut-être. En attendant, on reste en surface et ce sera très bien ... très très bien.
Pour vaincre ses dernières réticences, il plaqua un long baiser sur son crâne qui fit pouffer Joséphine. A charge de revanche, elle embrassa timidement la peau tendre du cou contre lequel elle était réfugiée. Un simple contact qui hérissa tout l'être de Farhan. Il resserra sa prise sur Joséphine et calma les battements effrénés de son cœur d'une inspiration.
-Arrête ...
-Hum ?
Taquine, elle s'enfouit davantage dans le creux de son épaule et insista avec des baisers de plus en plus passionnés qui obligèrent Farhan à s'écarter avec un glapissement.
-Hé !
-Viens ! lança-t-elle en se redressant subitement, tout sourire. On va trouver un petit coin !
-Pff ! Viens-là !
Il tira sur sa main et après un cri de surprise, elle se retrouva de nouveau allongée contre lui, la tête posée contre son épaule, pelotonnée comme un chat pendant que Farhan se résolvait à tirer de son sac son manuel de Métamorphose. La main de Joséphine s'infiltra elle pour en extraire les précieuses amandes qu'elle n'avait pas renoncé à lui voler et elle se mit à grignoter du bout des dents.
-Mais tu n'as pas entrainement, en fait ? réalisa Farhan.
-Je sèche, annonça-t-elle avec un sourire machiavélique. Sinon Aidan et moi risquons d'avoir une conversation désagréable qui lui coupera l'envie de me fustiger pour mon retard. Bon sang quel hypocrite ...
Farhan lui accorda silencieusement ce point et ne chercha même pas à la pousser vers le terrain de Quidditch. Il aimait trop la sentir contre lui, même si ce n'était qu'un contact bénin et chaste pendant qu'il s'échinait à faire entrer dans son crâne des concepts complexes de Métamorphose. Le pire dans tout cela était le génie qui sommeillait en Joséphine et qui se permettait des éclaircissements alors qu'elle ne daignait ouvrir un grimoire en ses périodes de révision. Il travaillerait certainement seul, et subirait les tentations du petit démon planté sur son épaule mais comme elle pourrait chaque fois se faire pardonner d'un baiser, tout ira bien. Tout était parfait.
***
Alors, votre verdict?
Je fais un petit point qui me semble hyper important ici. JE RAPPELLE que si vous êtes un jour victime d'un sévisse tel que l'a été Joséphine VOUS DEVEZ ABSOLUMENT ALLER A LA POLICE ET PORTER PLAINTE. Ne vous laissez pas enfermer dans le secret. Si vous avez peur, surtout trouvez quelqu'un à qui en parler et qui pourra vous accompagner dans cette épreuve. Ne restez pas seul.e.
Voilà, c'est dit, qu'on ne vienne pas m'accuser d'encourager le contraire ! Même si ça reste très compliqué, les mœurs ont changées et on accorde beaucoup plus de foi à la parole de la victime à présent.
CEPENDANT je soutiens que dans le cas que je traite à présent, Joséphine n'aurait pas obtenu justice, pour toutes les raisons évoquées par Pomfresh. Par ailleurs concernant son rôle : on ne sait pas quelles sont ses obligations envers Joséphine ou l'établissement. En France, quand un personnel de l'éducation nationale est au courant d'un truc pareil, il est obligé de le signaler. A Poudlard? Dans les années 90? J'en doute ... Donc elle fait ce qu'elle pense être le mieux pour l'équilibre et la reconstruction de Joséphine, et clairement, ce n'est pas de se confronter à un procès dans l'immédiat. Et c'était ce que je voulais démontrer ici. Comme beaucoup trop de victime avant elle, l'histoire de Joséphine ne trouvera aucune conséquence juridique.
ENSUITE pour la conversation suivante. Clairement là encore ça me semblait compliqué de faire autrement que cet accord entre Joséphine et Farhan de refuser la pénétration. Mais là encore ça nourrit ma réflexion : on peut avoir une vie sexuelle épanouie sans ça, et ils vont nous le prouver !
Voilààà j'espère que le chapitre vous aura plu et on se retrouve la semaine prochaine pour la suite <3
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