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Chapitre 51 : Loin des yeux, loin du coeur

CE TOUR DE FRANCE EST NUL 

Pardon mais il faut que j'expédie la frustration qui me ronge depuis deux jours. Pauvre pauvre Tadej Pogacar. Vraiment pas fan du style de Vingegaard qui n'est pas sans me rappeler un certain Froome ... ça n'attaque pas, ça reste derrière les coéquipiers vraiment, l'émotion proche de 0. 

EN PLUS C'EST LE DERNIER TOUR DE THIBAUT PINOT mais arrachez-moi le coeur tant que vous y êtes ! Quel homme ce monsieur, quel coureur, quelle MALCHANCE mon Dieu le pauvre pendant sa carrière. Allez Thibaut il est pas trop tard pour sortir avec une étape ! 

Désolée pour les non-initiés, mais le vélo c'est sérieux ! Et quelles émotions je vous jure je vais pleurer aux adieux de Pinot. 

WELL reprenons les choses qui vous intéressent un peu plus. Reprise timide sur LDP, mais je suppose qu'avec les vacances tout le monde a des choses bien plus exaltantes à faire ! Ce n'est pas grave, Perri est quand même là fidèle au poste pour celle.eux qui ont besoin d'un chapitre ! 

En plus depuis la dernière fois j'ai bouclé deux chapitres c'est bon, je suis bien remise dans la bain ! ça fait du bien ! 

Bonne lecture pour celui-ci <3 

*** 

On ne se dispute qu'avec les gens qu'on aime. Les autres on les ignore ou on leur fait la guerre. 

- Rupert Barnes

***

Chapitre 51 : Loin des yeux, loin du cœur.

Jeudi 9 mai 1991

Cher journal,

J'ai envie de faire les choses bien cette fois. Une belle lettre, une belle écriture, soigner les courbes. J'ai envie que tout soit joli sur cette page. J'ai envie de beauté et d'harmonie. Je suppose que c'est ce qui arrive lorsque tes certitudes se cassent la gueule.

Pardon, reprenons les bons mots. Je pense que j'ai juste encore honte d'avoir autant craqué face à Farhan, et que peu importe la bonne réaction qu'il a eu, j'ai peur que ce soit une fracture. Je le sens choqué. Un peu dépassé. Même s'il ne veut pas me le faire peser ... J'espère que l'avoir autorisé à en parler à Charlie ça l'aidera à souffler un peu.

Merlin je n'ai pas envie d'avoir causé une fracture alors que j'étais si bien, si épanouie ... Que tout était enfin sur des rails. J'ai tout gâché ? Non. Non, ça devait arriver, ça devait exploser, il devait savoir. Je devais savoir, je devais regarder cette réalité frustrante et dérangeante dans les yeux. Je ne suis ... pas prête.

Je regarde les mots dans le vide. Je ne les aime pas.

***

Le ciel était tombé sur la tête de Charlie Weasley le jour où il avait appris que Joséphine Abbot avait été violée.

A dire vrai et à sa plus grande honte, il avait dû faire répéter Farhan plusieurs fois pour parfaitement être certain d'avoir tout saisi. Chaque phrase avait été plus raide et plus empreinte de colère, venues assommer davantage Charlie qui avait eu la sensation que le voile sur Joséphine s'était littéralement déchiré. Tout lui paraissait sous un spectre différent : la colère sourde qui la caractérisait lui semblait depuis légitime, ses demandes d'affection ne lui semblaient plus si agaçantes et presque aussitôt, la honte l'avait submergé. Avec un mal pareil dans les entrailles, il aurait dû être plus présent pour elle. Différent pour elle. N'avait-il pas aggravé les choses avec son comportement ? N'avait-il pas été un poison de plus venant la ronger ? Après l'agression, l'indifférence valait-elle vraiment mieux ?

-Oh c'est bon Weasley, lâche l'affaire ! râla Lauren quelques jours plus tard.

Elle était assise en tailleurs sur son lit, vêtue d'un pull informe qui lui tombait sur les cuisses et qui devait certainement appartenir à Aidan. En face, Farhan était allongé sur le sien, écoutant en silence, la mâchoire contractée. Il avait fait comprendre à demi-mot à Charlie que Joséphine l'avait laissé le mettre au courant pour qu'il ne porte pas ce poids tout seul, mais comme à son habitude, Farhan ne semblait pas prêt à desserrer les dents. Et pourtant, toute la tension qui émanait de lui était si visible qu'il semblait être baigné dans une aura de mauvaises ondes.

-Tu ne savais pas, et par ailleurs elle non plus ne savait pas, asséna-t-elle d'un ton qui n'admettait aucune réplique. On ne peut pas gérer quelque chose qu'on ne sait pas, Charlie. Alors arrête de culpabiliser, c'est totalement contre-productif. C'est du passé, maintenant, tout le monde va mieux. Même entre vous aussi, non ?

Charlie fut forcé de lui concéder ce point. Il tissait chaque jour de nouveaux liens avec Joséphine et sa mise en couple avec Farhan n'avait fait que renforcer ce processus. Des liens purs, amicaux, sans ambiguïté. Et c'était peut-être en raison de ce nouvel attachement si sincère que l'idée lui retournait tant le ventre.

-Au moins ça éclaire pas mal de zone d'ombre ..., marmonna-t-il, préférant se concentrer sur les choses triviales. Il fallait bien ça pour que Tonks et Joséphine se mettent à se parler ...

-Ou qu'elle repousse Farhan alors que c'est si évident qu'elle y est accro, renchérit Lauren avec un sourire caustique.

Mais ça ne fit pas frémir les lèvres du concerné qui se contenta de fixer obstinément le plafond. Lauren et Charlie échangèrent un regard et la préfète s'extirpa du lit pour venir le rejoindre, les yeux brillants. Elle prit discrètement place sur le matelas et posa une main bienveillante sur l'épaule de Farhan.

-Je me doute que ça a dû être lourd d'apprendre ça ...

-On peut dire ça, oui, lâcha Farhan avant de presser ses paumes contre ses yeux. Nom d'un Farfadet ...

Il restait des échos de désarroi et de colère assourdie dans sa voix et Charlie ravala ses propres sentiments qui menaçaient de le submerger. Lui-même avait été bouleversé par l'annonce, mais il n'imaginait pas l'effet qu'elle avait dû faire à Farhan. Certainement d'une bombe, une bombe dont il avait dû réprimer toutes les conséquences – les éclats, les explosions, les meurtrissures – pour ne pas affecter Joséphine.

-Comment tu le prends ? s'enquit pour la première fois Charlie.

Jusque là, il s'était surtout concentré sur Joséphine, le fait de relier ce nouvel état de fait à tout ce qu'il savait d'elle, en tirer de nouvelles compréhensions, s'assurer qu'elle allait bien. Puis il s'était battit avec ses propres ressentis, sa propre culpabilité qui l'avait étouffée quelques jours, mais il n'avait pas pris le temps de s'intéresser à ceux de Farhan. Celui-ci fit un vague geste empreint d'irritation.

-Comment tu veux que je le prenne ? cingla-t-il avec un ricanement amer. Ça m'a assommé. Ça me glace et à la fois ...

Il parut hésiter, le poing serré et Lauren pressa son épaule.

-Vas-y, dis-le. On le pense tous de toute façon ...

-J'ai vraiment envie de tuer ce gars, avoua alors Farhan. Mais vraiment je pense rarement avoir eu un tel élan de violence envers quelqu'un ... S'il se retrouvait devant moi ...

-Tu n'aurais pas le temps de faire quoique ce soit, le coupa Charlie avec une glaçante conviction. Je lui aurais mis mon poing dans la figure avant que tu ne puisses tirer ta baguette.

Le petit rire qui secoua Farhan et Lauren ne suffit pas à entamer sa détermination. Farhan lui avait avoué ne pas du tout visualiser qui était Morgan Erikson – et peut-être que c'était pour le mieux. Sa colère restait quelque chose de sourd et d'abstrait, sans visage vers qui se diriger. Or Charlie, lui, se souvenait parfaitement. Oui, il se remémorait bien de ce Batteur charismatique, pas Capitaine de l'équipe mais avec un tel magnétisme que ça n'avait pas d'importance. Il se souvenait s'être extasié à chacun de ses coups de battes, avoir débriefé ses matchs avec un Aidan McColley étourdi de bonheur d'être son binôme. Il s'était souvenu de la cruelle déception lorsque Morgan avait décidé de choisir le Ministère plutôt qu'une carrière au Quidditch malgré trois propositions de club.

Oui, il avait admiré Morgan Erikson avec des étoiles dans les yeux. C'était certainement pour cela que la honte et la colère était si grande.

Il ravala tout ça d'une grande inspiration pour venir loger ses sentiments au fond de sa poitrine. Lorsqu'il s'était étonné ne jamais avoir su que Joséphine avait fréquenté Morgan, Farhan lui avait opposé « tu t'y es intéressé ? Tu lui as demandé un jour si elle était déjà sortie avec quelqu'un, si elle avait embrassé quelqu'un avant toi ? ». Peut-être que s'il avait fait l'effort ...

-Et à la fois, on n'a pas à le faire, non ? souffla Farhan, l'air presque frustré. Non, il n'y a rien à faire ...

-Rien, confirma tristement Lauren. C'est violent ce que Joséphine a subi, et le réaliser avec quelques années de décalage ne rend pas ça plus supportable ...

-Merci de dresser un tableau si positif des choses ... qu'est-ce qu'on fait avec ça, maintenant ?

Le sarcasme mordant de Farhan était une si parfaite imitation de celui de Joséphine que Charlie en dressa un sourcil.

-Rien, justement, insista Lauren. Parfois la bonne chose à faire, c'est ne rien faire. Il faut juste être là pour elle quand elle en a besoin, comme tu l'as fait. C'était parfait, Farhan, vraiment ...

-Mais ..., protesta Charlie, les sourcils froncés.

-Mais rien ! Si on a convaincu Jo d'en parler à Pomfresh, c'est parce qu'on se savait impuissantes et qu'elle avait besoin de quelqu'un qui avait vraiment les compétences pour l'aider. On n'a pas à gérer ça à leur place ... et d'ailleurs je trouve que Jo ne le gère vraiment pas trop mal ...

Charlie referma la bouche, vaincu par le dernier argument. Il n'était pas aveugle : il avait vu le changement s'opérer en Joséphine. Il avait su qu'il n'était pas simplement dû à Farhan, mais à quelque chose de plus profond sur laquelle il venait de poser un nom. Mais se voir réduire à l'impuissance hérissait tout son être. Farhan parut le sentir parce qu'il se redressa brusquement pour planter son regard sur lui.

-Oh ! Si elle m'a demandé de t'en parler, c'est qu'elle ne se sentait pas de t'en parler elle-même ! Je suis sérieux Charles, Lauren a raison sur ce point, il faut la laisser gérer avec l'aide de Pomfresh. Ne va pas lui parler de ça, ou lui faire sentir que tu le sais ... il ne faut pas qu'on la ramène à ça ...

-Non c'est clair, pas maintenant qu'elle arrive doucement à s'en détacher, enchérit Lauren en hochant la tête. On n'a pas à trouver des solutions à sa place ... juste répondre à ses besoins. Et si son besoin c'est que tu comprennes, mais en la laissant tranquille alors accepte et tais-toi, Weasley.

Le « mais » lui brûlait les lèvres. Charlie n'avait pas envie de se taire, il avait envie de s'expliquer avec Joséphine à la lumière de ce qu'elle avait vécue, l'assurer de son soutien. Mais lorsqu'il vit le regard irrévocable de Farhan, il comprit qu'une nouvelle règle devant de se rajouter à leur liste. La gestion des sévices de Joséphine devenait une nouvelle limite pour lui et Charlie commençait à craindre sa réaction s'il posait l'orteil dessus.

-Sérieux Charlie, tu penses que c'est facile pour moi de ne rien dire, de juste laisser couler ? Je ne sais pas comment j'ai pu ne rien laisser échapper lorsqu'elle m'en a parlé, alors que j'avais juste envie d'exploser la pièce !

-Très bien, céda-t-il alors de mauvaise grâce. Juste ... dites-lui que ... enfin, vous savez.

Son manque d'éloquence ne parut pas être un obstacle à leur compréhension. Lauren sourit, soulagée et Farhan se laissa de nouveau tomber contre son matelas avec un soupir qui tenait presque du cri de frustration. Lauren s'allongea à côté de lui et lui saisit la main, visiblement touchée par son émotion apparente.

-C'est bien que tu n'aies pas explosé la pièce.

-Je me suis dit qu'elle avait pas besoin de ça, grogna Farhan, le timbre sourd. Moi je détestais qu'on s'exprime à ma place dès que j'apprenais un nouveau truc sinistre sur la façon dont j'ai perdu mes parents, alors ... et puis ... elle était tellement bouleversée, ce n'était pas ...

Sa voix s'éteignit et il replongea dans un silence qui n'avait plus rien de courroucé. Charlie se trouva une fascination soudaine pour les photos que leur camarade de chambre, Nicholas, avait accroché au mur. Farhan ne lui avait pas révélé les conditions dans lesquelles Joséphine avait fait cet aveu, mais entre les lignes il avait compris deux ou trois petites choses qui lui faisait dire qu'il ferait mieux de modifier les règles. Il n'avait pas été dupe en quittant cette chambre pour aller à Pré-au-Lard et encore moins en revenant pour découvrir que Joséphine tentait d'apprendre les rudiments des échecs à Farhan. Vraiment s'ils avaient joué aux échecs toute l'après-midi, il voulait bien manger son balai.

Mais comme ce n'était certainement pas le moment de mettre cette question sur la table, il préféra jouer la moquerie :

-Attention McColley. Lesbienne ou pas, Joséphine t'arrachera la tête si elle te voit main dans la main avec son copain.

-Oh arrête, s'exaspéra Farhan en dérobant néanmoins à Lauren. Pourquoi ce ne serait pas à la copine de Lauren de s'inquiéter, pour changer ?

-Parce que pour vivre une relation à distance elles doivent avoir une confiance inébranlable l'une en l'autre, pas vrai Lauren ? Lauren ?

Face au manque de réponse, Charlie tourna les yeux sur la jeune fille toujours allongée à côté de Farhan. Son visage, si souriant, si emplit de sollicitude, s'était brusquement fermée et elle battit plusieurs fois des cils de façon frénétique. Farhan, plus proche que Charlie, identifia vite la gêne et lâcha un petit :

-Oh ...

-C'est rien, assura Lauren en se redressant subitement, les yeux brillants. C'est rien, vraiment ...

Elle poussa un profond soupir avant de s'entourer de ses bras. Un soupçon de mélancolie semblait s'être incruster dans ses traits.

-J'ai quitté Sarah dimanche dernier. On ne s'est pas vues des vacances – et avant que tu ne te sentes coupable O'Neil, elle m'aurait dit « on se voit demain » je n'aurais eu mais alors aucune vergogne à quitter ta boutique. Non, elle avait des tonnes de travail. Pour compenser elle avait promis de venir me voir à Pré-au-Lard. (Elle passa une main dans ses cheveux blonds-roux, un sourire confus aux lèvres). J'étais en colère mais j'ai tellement voulu faire bonne figure ... j'ai mis une robe, je me suis maquillée, je me suis même rasée partout alors que d'habitude je m'en fiche tellement de mes poils ... Enfin bref, elle n'est pas venue, finalement. Je l'ai attendue pendant deux heures aux Trois Balais avant d'abandonner et de rejoindre mon frère. En revenant à Poudlard j'ai découvert une lettre où elle s'excusait, mais le travail la retenait ...

Charlie sentit son cœur se serrer devant le dépit évident de Lauren. Elle tira nerveusement sur une de ses manches pour en envelopper ses mains.

-C'était la dernière chance que je nous laissais, conclut-t-elle, mortifiée. Pour être honnête, c'est un peu mort entre nous depuis Noël ... je pense qu'au fond, ça l'a gêné que je l'impose à mes parents. Elle-même n'a pas fait son coming-out auprès des siens ... Toujours est-il que depuis la rentrée de janvier, je recevais de moins en moins de lettre ... Et puis comme on dit « Loin des yeux, loin du cœur ». Je savais que ce serait difficile de maintenir une relation avec quelqu'un qui avait quitté l'école ... je voulais relever le défi, ne pas renoncé à elle parce ... renoncer à elle, c'était renoncer à l'amour.

-Mais qu'est-ce que tu racontes ? la rabroua gentiment Farhan. Elle était si exceptionnelle ... ?

-Non, pas vraiment. Mais c'était ma première copine et ... enfin, tu en connais beaucoup des lesbiennes dans l'école ? Et même autour de toi ?

-Ma tante. Enfin bisexuelle, mais ...

-Qui a plus de cinquante ans et a dû aller jusqu'en Colombie pour trouver quelqu'un, murmura Charlie.

Farhan lui jeta un regard aigu qu'il ignora. Il venait de comprendre la réaction très ambivalente de Lauren : ce n'était pas la rupture d'une relation morte depuis longtemps qui la déprimait. Non, c'était la perspective de ne plus jamais être aimée. Il ne pouvait pas la blâmer d'être paralysée par cette peur : une centaine de fille traversaient les couloirs de l'école et Lauren était l'unique à être ouvertement homosexuelle.

-Fiona est spéciale, éluda Farhan avant de poser une main sur l'épaule de Lauren. Mais surtout ne te mets pas ça dans le crâne ... Tu n'allais pas rester avec Sarah parce que c'est la première homosexuelle que tu as rencontrée ?

-Non, non ... c'est pour ça que j'ai rompu, j'en avais marre d'attendre à l'infini ... je ne veux pas non plus m'accrocher à m'en faire mal.

-Tu as bien fait, tu mérites mieux que ça ...

-Mais ne me dis pas non plus que ça sera facile, ajouta-t-elle avec un pauvre sourire. Nous on doit faire plus d'effort que les hétéros pour faire trouver l'amour, c'est la première chose que j'ai compris ... Pour nous, ça n'arrive pas par hasard. Aller dans les bons endroits, chercher les bonnes personnes ... lutter contre l'homosexualité refoulée de certaines ... Par les chaussettes de Merlin, je pense que j'en suis pour quelques mois voire années de traversée du désert ...

Le cœur Charlie saigna devant la peine qui brillait dans le regard de la jeune fille. Elle remplaça tristement une mèche qui s'échappait de son chignon bancal derrière son oreille et gratta le vernis à moitié écaillé sur son index. Elle qui était toujours soignée à défaut d'être apprêtée, ça expliquait au moins ce laisser-aller ...

-Lauren, tout ce que tu connais c'est Poudlard, rappela Farhan. C'est même pas un pourcent du monde que tu peux toucher. Il a tellement de filles, des moldues, des plus âgées, des anglaises, des irlandaises ... Tu n'as pas besoin d'atteindre cinquante ans ou d'aller jusqu'en Amérique du Sud, tu peux ... enfin, tu as le monde et la vie devant toi.

-On t'accompagnera dans les bars gays, annonça Charlie, déterminé à effacer cette lueur mélancolique dans les yeux verts de Lauren. On les écumera cet été jusqu'à ce qu'on trouve la future Madame McColley.

-Le mariage n'est pas légal, ricana Lauren, néanmoins amusée par l'idée. Vous dans un bar gay, c'est vrai que je paierai cher pour voir ça ... Par contre n'amène pas Abbot. Je ne veux pas de concurrence, elle se ferait draguée comme tout !

-Un béguin à m'avouer, McColley ? se moqua Farhan, pas inquiet pour deux noises.

-Béguin non, non, non, Seigneur je te la laisse ... mais elle a un tel magnétisme !

Le sourire équivoque de Farhan donna des envies contradictoires à Charlie. Il voulait sourire et effacer le sourire dans le même temps. Ce n'est pas une amourette, songea-t-il nerveusement comme la mine attendrie de Farhan s'attardait. Et alors qu'il s'attendait à éprouver un petit pincement au cœur, une grande sérénité s'empara de lui. Quelque part, ça le rassurait de savoir que peu importe ce qui se passerait, quelqu'un serait là pour Farhan. Joséphine l'avait amplement prouvé après les dernières révélations concernant l'Obscurus de Shahrazade. Les yeux de Charlie glissèrent jusqu'à sa table de nuit où des parchemins gisaient depuis samedi et sa sortie à Pré-au-Lard. D'ici, il percevait nettement le seau de couleur jaune frappé d'un dragon juché sur ses pattes arrière.

Finalement, la conversation s'acheva avec leur décision de descendre dîner. Après un moment d'hésitation, Charlie décida de s'emparer des parchemins. Peut-être qu'il pourrait croiser Brûlopot ou McGonagall dans la Grande Salle et éclaircir ses idées. Lauren fut de meilleure humeur en dégringolant les marches. Son chignon lâche tressautait à chacun de ses pas et malgré les mains vissées aux poches de son pull, elle bondissait de plateforme en plateforme avec l'agilité d'un lynx. Définitivement, Dubois avait eu raison de la conserver dans l'équipe malgré l'émergence d'Alicia Spinnet. Peut-être que c'était également pour ne pas avoir à prendre cette décision qu'il avait si facilement laisser le brassard.

-Au fait demain je compte réviser la Métamorphose avec Tonks, vous voulez venir ? lança-t-elle d'un ton badin une fois arrivés au troisième étage.

-Je veux bien, il faut que je me bouge en Métamorphose, évalua Charlie, un peu morose à cette idée. Ce serait vraiment bien ...

-Et puis tu ne veux pas décevoir Minerva, ironisa Farhan avec un petit sourire.

-Lèche-botte, confirma Lauren, hilare. Pire que moi et je suis celle qui est arrivée à la rentrée avec une boite de caramel pour elle.

Avec un petit cri, elle prit appui sur l'épaule de Charlie pour pouvoir bondir sur le palier inférieur en sautant quelques marches. Elle atterrit certes avec souplesse sur les dalles, mais Charlie lui s'en trouva déséquilibré et laissa échapper les lettres qu'il tenait dans les mains. Elles s'envolèrent jusqu'aux pieds de Lauren avec la même légèreté que la jeune fille.

-McColley, râla Charlie.

-Désolée !

Pas l'air contrite pour deux noises, elle se pencha néanmoins pour ramasser les lettres que Charlie récupéra prestement, les joues rougies par la confusion. Il n'avait parlé de leur contenu à personne encore, encore troublé et exalté par l'avenir qu'elles lui offraient. Il ne voulait pas qu'un malentendu gâche tout ... Son cœur remonta dans sa gorge lorsqu'il fit machinalement volte-face pour reprendre sa marche et qu'il découvrit Farhan, un de ses précieux parchemins à la main, les sourcils dressés par la stupéfaction alors que ses yeux sombres déchiffraient la lettre. Précisément celle au sceau jaune incrustée d'un dragon.

-« Notre entretien m'a véritablement enchantée, nous espérons avoir une réponse définitive de votre part d'ici la fin du mois ... », lut Farhan, abasourdi. Un entretien ? Mais tu as eu un entretien quand ?

-Et avec qui ? s'enquit Lauren perplexe.

-Ladona Macovei, déchiffra Farhan, avant que ses yeux ne s'écarquillent. Pour ... Pour ... une réserve en Roumanie ?

-Sérieusement ? Et bien Weasley, moi qui pensais que tu ne voulais pas t'éloigner de ton patelin ...

Farhan abaissa brusquement la lettre et planta son regard dans celui de Charlie en quête d'explication. Le choc qui se lisait sur son visage le prit quelque peu au dépourvu et même Lauren rentra la tête dans les épaules, visiblement incommodée par le silence pesant qui venait de tous les envelopper.

-Euh ..., je peux vous laisser si vous voulez.

-Non t'inquiète, ce n'est ...

-S'il te plait.

La voix coupante de Farhan l'emporta sur le faible souffle qui s'était échappé des lèvres de Charlie. Lauren ne se fit pas prier et détala plus vite qu'un lynx, si vite que son chignon se fit totalement avant qu'elle ne disparaisse de leur champ de vision. Farhan attendit encore quelques secondes avant de laisser éclater :

-Une réserve en Roumanie ?!

-Une réserve de dragon en Roumanie ...

-La Roumanie Charlie ! Lauren a raison, ça fait des mois que tu fais des sombres calculs pour rester à portée de voix de ta mère et maintenant tu veux partir en Roumanie ? Mais il a eu lieu quand, cet entretien ?

Charlie rejeta sa tête en arrière, un soupir exaspéré coincé derrière ses dents. Il s'attendait à ce qu'on lui renvoie ses anciennes exigences à la figure, mais il admettait ne pas l'avoir anticipé de la bouche de Farhan et certainement pas avec ce ton.

-Pendant la sortie à Pré-au-Lard, avoua-t-il du bout des lèvres.

Farhan plissa les yeux, circonspect.

-Ah. C'était donc ça, l'apprêtement ...

-Elle est beaucoup trop observatrice quand elle le veut, soupira Charlie en se remémorant la curiosité qui avait brillé dans les yeux de Joséphine lorsqu'elle avait daigné réellement l'observer. Excuse-moi, je n'en ai pas parlé parce que je savais pas ce que ça allait donner, que j'étais stressé et que ...

-... et que tu ne voulais pas faire peser ton stresse sur moi alors que je venais d'apprendre que ma sœur avait tué mes parents, puis que ma copine a été violée.

L'exposé des vagues qui s'étaient abattus sur Farhan renforça Charlie dans sa décision de le maintenir à l'écart, malgré le dépit que sa voix véhiculait.

-Exactement ... je suis désolé, mais je ne voulais pas en rajouter. J'étais vraiment angoissé la semaine avant et toi tu devais digérer toute cette affaire avec l'Obscurus ... C'était mieux, non ? J'ai géré tout seul ...

-Et tu ne peux pas trouver un juste milieu ? rétorqua Farhan, incrédule. M'informer, partager sans peser sur moi, non, ce n'était pas possible ?

Non, ce n'était pas possible. Charlie avait tenté, mais chaque fois il avait senti sa panique prête à s'engouffrer dans la brèche et à se déverser sur un pauvre Farhan. Alors il avait préféré refermer la bouche à peine ouverte. Devant son mutisme coupable, son ami porta la main à sa tempe, l'air étourdi.

-Et quoi ? Tu envisages vraiment d'aller en Roumanie ?

Charlie se balança de ses orteils à ses talons, indisposé. Elle était là, la question, la question qui faisait battre son cœur d'une tonne d'émotion différente, la question qui lui avait poussé des ailes dès qu'il avait reçu cette lettre d'acceptation deux jours après l'entretien à Pré-au-Lard. Elles lui avaient déboité les côtes, déchiré la peau et pourtant il avait ressenti une joie aussi intense que sauvage qui l'avait embrasé tout entier. Parce qu'au fond de son cœur la réponse était ...

-... oui.

-Excuse-moi ? murmura Farhan, stupéfait.

-Oui, un peu. Beaucoup.

Passionnément, à la folie et pas du tout étaient des réponses tout aussi acceptable, même si la dernière tendait à se réduire ses derniers jours. Et pourtant il était toujours là ce petit doute qui le transperçait la tempe régulièrement, qui l'ébranlait dans ses désirs et brouillait la belle vision de lui volant à travers les montagnes roumaines au milieu des dragons. Le pire fut qu'il vint se matérialiser dans l'expression profondément choquée de Farhan.

-Tu n'étais pas capable d'imaginer entrer dans une équipe de Quidditch au nord de Londres et maintenant tu veux aller jusqu'en Roumanie ?

-Avec les dragons, rectifia Charlie. Le fait qu'ils soient en Roumanie c'est secondaire.

C'était sincère. Pas une fois alors que Ladona Macovei narrait la vie dans la réserve ou lui montrait des photos de ses protégés, Charlie n'avait songé à l'expatriation. Lui qui avait songé que quitter le Terrier serait un véritable crève-cœur, l'idée lui avait semblé terriblement simple et tentante alors qu'il posait les photos sur les créatures qui avaient hanté ses rêves. Charlie avait alors réalisé que son foyer n'avait pas été le Terrier mais les collines qui l'entouraient, le marécage et ses grenouilles, le jardin et ses gnomes. Ça avait été le parc de Poudlard et la lisière de la Forêt Interdite avec ses salamandres et ses hippogriffes. Maintenant il aspirait à un nouveau jardin avec d'autres animaux.

Mais visiblement, Farhan avait la plus grande difficulté à faire ce raisonnement. Immobile devant lui, la bouche laissée béante par la stupéfaction, il se borna à s'écrier :

-Secondaire ?! Charles, c'est à l'autre bout de l'Europe !

Chaque cri venait alimenter l'exaspération et la vexation de Charlie. Face à la détermination qui enflait en lui, il s'était attendu à devoir faire face à des protestations et de l'incompréhension, principalement venant de sa famille. Mais de Farhan ? Farhan qui l'avait toujours soutenu, Farhan qui avait envoyé valser de brillante carrière pour rester avec son père, Farhan qui ne pipait jamais mot ?

-Attends, tu as toi-même dit que tu étais mal placé pour me juger, rappela-t-il vertement, blessé. Alors ...

-Oh toi aussi ! Je te rappelle comment tu as réagi quand Bill t'a annoncé que qu'il partait en Egypte, hum ?

-Je m'en veux de ne pas l'avoir soutenu à l'époque, concéda Charlie avec un goût de cendre sur les papilles. Mais c'est toi tu m'avais soutenu que je devais le laisser vivre sa vie, non ? Tu m'as soutenu que moi aussi j'en avais le droit !

-Alors non ! protesta Farhan, le regard étincelant. Non, je t'ai soutenu oui et à deux cents pourcents pour que tu fasses ce que tu veux de ta vie, mais ça ressemble à s'y méprendre à une fuite, Charlie !

-A une fuite ?!

Cette fois ce fut son orgueil qui se rua dans sa poitrine, l'âme libre et aventureuse du Gryffondor qui refusait ce postulat. Et pourtant Farhan ne s'embarrassa pas de son cri pour insister fermement :

-Totalement ! Comme si tu avais besoin d'aller jusqu'en Roumanie pour aller étudier des dragons, on en a aussi ici des dragons, ce n'est pas à toi que je vais l'apprendre !

-Vert Gallois et Noir des Hébrides, récita-t-il machinalement.

-Tu vois ! Alors ne me dis pas que c'est pour les dragons, c'est une excuse ! Tu culpabilises d'avoir choisi cette voie et tu te sens obligé de quitter le pays pour pouvoir t'y épanouir ! De te cacher ! Comme si c'était un choix manichéen, ta famille ou ta vocation !

Charlie n'avait pas envisagé qu'il ait pu être victime d'un tel cheminement de pensées et ce fut au tour de sa bouche de béer de stupeur. Farhan se frappa le front du plat de la main. Entre les doigts de sa deuxième, la lettre d'acceptation subissait un terrible traitement dû à son agitation.

-Bon sang Charlie, tu dramatises tellement ! Ils n'en ont pas voulu à Bill, ils ne t'en voudront pas à toi, tu n'as pas besoin de t'exiler en Roumanie pour être celui que tu veux être !

-Mais ... mais ... ça n'a rien à voir avec mes parents, enfin ... C'est juste la plus grande réserve de dragon au monde Farhan ! Au monde ! Et ils me veulent alors qu'ils ont une tonne de candidats, mais je suis un des seuls qui sache voler !

Mais les arguments parurent glisser sur Farhan comme de l'eau, couler sur lui sans jamais le pénétrer. Son expression ne s'adoucit pas et la lettre d'admission finit froissée dans sa main. Le son du parchemin hérissait totalement Charlie.

-Non sérieusement, je ne comprends pas pourquoi tu t'énerves ! avoua-t-il, totalement déconcerté. Tu as été le premier à te réjouir pour moi, le premier à me soutenir ! Alors quoi, je dois poursuivre mes rêves, mais pas trop ? On est dans la mesure maintenant ?

Farhan se fendit d'un petit ricanement incrédule qui glaça le sang de Charlie. Un son aussi cynique, ça lui ressemblait si peu ...

-Ecoute, reprit résolument Charlie. Tu peux m'en vouloir de ne pas t'en avoir fait part, ça d'accord, et encore une fois j'ai voulu t'en parler ... Mais Farhan c'est tellement le bordel dans ta vie depuis quelques mois, je ne peux pas me reposer sur toi comme je le faisais avant ...

Il réalisa que le sens de sa phrase était maladroit et ressemblaient à s'y méprendre à un reproche voilé trop tard : le visage de Farhan s'était encore davantage rembrunit et son œil vint s'embraser.

-Donc si je ne suis plus là pour absorber tes angoisses, je perds mon statut, c'est ça ? grinça Farhan. Je ne suis utile que quand je te porte ?

-Mais non ! Je voulais juste ne pas en rajouter ! C'est ma vie, Farhan ... Tu m'as dit que ...

-Je sais ce que j'ai dit ! le coupa-t-il avec véhémence. Je sais que je t'ai soutenu, je t'ai toujours soutenu, je n'ai fait que ça, pendant sept ans ! Être l'ombre de Charlie Weasley, son secrétaire personnel, le petit arabe qui prenait des notes à côté de lui en classe !

Charlie se tendit face à l'énumération qu'il semblait lancer comme autant de balle dans sa poitrine. Une colère sourde qu'il ne soupçonnait pas enfla dans sa poitrine. La mâchoire contractée, il siffla entre ses dents :

-Ne me le reproche pas ...

-Non, c'est à moi que je le reproche, assura Farhan, une main sur la poitrine. Je t'ai laissé m'écraser, me couvrir comme un gosse, comme si j'étais l'un de tes petits frères ! Je me suis tellement complu dans ton ombre que j'ai fini par craindre et ignorer la lumière. Et pourtant elle venait à moi ... Si j'avais su la saisir ... J'aurais pu ...j'en sais rien, parler à Joséphine avant qu'elle ne s'intéresse à toi, être préfet ...

-Pardon ?

Si voir Joséphine surgir dans la conversation était plus qu'attendu pour Charlie – à dire vrai, il avait compté les mots jusqu'à ce qu'elle arrive – l'allusion au rôle de préfet le plongea dans la perplexité. Machinalement, il caressa le seul insigne qui venait orner son uniforme, le seul rôle pour lequel il avait souhaité rester digne avant de dire adieu au costume qu'il avait endossé toutes ses années. Un étrange sourire retroussa les lèvres de Farhan.

-Oh ? Tu ignores ça ? cingla-t-il. C'est vrai qu'on est du genre à se cacher des choses pour se ménager l'un l'autre.

-Mais de quoi tu ... ?

-McGonagall est venu me voir en fin de quatrième année pour me dire qu'elle hésitait entre nous deux pour le poste. Mais que si je m'en sentais les épaules et les capacités, elle aurait préféré que ce soit moi.

Jusque là, toutes les attaques de Farhan avaient tant semblé absurde et démesurées à Charlie qu'elles l'avaient traversé sans le heurter. Mais celle-là vint le frapper en plein ventre comme un poing invisible.

-J'en savais rien ..., bredouilla-t-il, pris au dépourvu. Tu ne m'as rien dit, elle non plus ... j'ai juste reçu l'insigne pendant les vacances.

-A quoi ça servait que je te le dise ? soupira Farhan en rejetant sa tête en arrière. J'ai dit non, Charlie. Je savais que ce serait important pour toi de suivre les pas de Bill alors j'ai dit non. J'ai dit non parce que je me suis persuadé que j'en étais pas capable, que tu avais de meilleures épaules que moi pour faire ça ... preuve qu'il ne faut pas se fier à l'apparence. Ça me semblait tellement naturel que ce soit toi, je n'ai pas compris pourquoi elle me laissait le choix ... (Il hésita une petite seconde avant de lâcher sans daigner le regarder :) Alors qu'en fin de compte j'aurais fait un meilleur préfet que toi.

La phrase était prononcée avec une légère amertume, mais sans animosité. Charlie resta quelques secondes pantelant, un peu sonné après avoir pris des années d'amertume en quelques mots courroucés d'une voix qui ne l'était jamais. A dire vrai, ça devait être la première fois qu'il découvrait cette attitude pleine de rancœur et de dépit de la part de Farhan. C'était officiel : les douleurs de l'année et l'influence de Joséphine avait brisé tous ses filtres.

Une colère sourde s'était emparée du cœur de Charlie dès lors que le si empathique Farhan avait refusé de le comprendre. Il tenta de la réprimer, de se raisonner en se rappelant que son ami vivait des moments difficiles qui justifiait peut-être une explosion de colère ... Mais c'était injuste que ça tombe sur lui. Après tout ce qu'ils avaient vécu, c'était injuste qu'il se prenne des années de rancœur réprimées.

-Ne me le reproche pas ! répéta-t-il de façon plus véhémente. Ne me le reproche pas ! Tu voulais de la lumière ? Mais je te l'aurais donné, j'ai prié pour que tu me la prennes ! Vas-y, vraiment, fais-toi plaisir ! Prends Joséphine, prends mon insigne, prends tout, Farhan ! Sois la gloire de notre Maison et au moins je serais définitivement débarrassé du poids des attentes qui m'ont étouffé toute ma vie !

-Oh sérieux, soupira Farhan en levant les yeux au ciel.

-Sérieux quoi ? Tout ce que j'ai fait dans ma vie, c'est ce qu'on attendait de moi ! Répondre aux espoirs des autres – et aussi aux tiennes, arrête de le nier ! ça t'allait bien d'être le gars tranquille derrière moi, ça t'allait bien que ce soit moi qui prenne toute la lumière et tous les espoirs, t'as pu être tranquillement la Suisse dans mon ombre alors que moi je devais tout gérer, endosser tous les rôles !

-Mais tu les voulais ces rôles, tu les vampirisais ! Tu voulais être cette personne et vivre pour les autres !

Charlie serra les poings, étouffé par cette terrible vérité. Oui, il avait tout endossé, tout réclamé, tout à sa hâte d'être l'idéal que tous projetaient sur lui. Tant d'année perdues à prendre le désir de son entourage pour les siens ... A faire corps avec les attentes en s'ignorant lui-même.

-Et bien on est deux à s'être trompé, lâcha-t-il avec amertume. Deux à s'être laissé étouffer ... toi par ta timidité, moi par le regard des autres. Mais ne viens pas me le reprocher à moi ...

Agité par l'énergie nerveuse et colérique qui parcourait ses veines, il se détourna, les phalanges plongées dans ses cheveux pour réprimer le courroux qui montait en lui. Ce n'était pas le moment de faire payer à Farhan ces années à vivre pour les autres, lui non plus n'y était pour rien. Bien au contraire, il avait été un des rares à l'encourager à poursuivre ses désirs. Alors pourquoi il pète un câble lorsque je le fais ... ? Charlie ferma les yeux et prit une profonde inspiration, comme il avait si souvent vu Farhan le faire lorsque les émotions prenaient le dessus. Il prenait pour les autres, c'était aussi simple que ça. La seule raison pour que Farhan déraille pour quelque chose de si trivial. Il n'avait pas pu cracher sur un Auror plein de regret, ni sur Brûlopot qui était une figure de bienveillance et d'autorité, encore moins lâcher son venin face à une Joséphine en pleine détresse. Ne restait que lui ... lui face à son dernier rôle. Celui de médiateur.

-Tu aurais certainement fait un meilleur préfet que moi, admit-t-il avec l'impression que chaque mot lui écorchait les lèvres. Ce n'est un secret pour personne que j'étais exécrable à ce poste. Mais ne me blâme pas ... j'y peux rien si tu as dit non.

Mieux valait jouer l'apaisement. Dans l'état de tension dans lequel il était plongé, il sentait qu'aucun argument rationnel ne parviendrait à réellement atteindre Farhan. Et pourtant Merlin qu'il brûlait de le prendre entre quatre yeux et de lui mettre une bonne claque derrière la tête en espérant lui remettre les idées en place. Comme s'il était Fred ou George. Oh la la, il n'a pas tort là-dessus. Je le considère comme un petit frère.

Farhan le dévisagea quelques secondes, méfiants, avant de se détourner, les dents serrées. Il fit quelques pas, parcouru le couloir de long en large, la lettre toujours logée dans son poing serré. Charlie ne savait pas comment faire pour décemment exiger de la récupérer.

-C'est Jo et moi ? intervint brusquement Farhan.

-Hein ?

-Pourquoi tu envisages la Roumanie. Finalement ça ne te va pas tant que ça que ton ex sorte avec ton meilleur ami et tu préfères partir plutôt que d'être la troisième roue du carrosse ? Celui qui doit s'écraser dans l'histoire ?

L'inquiétude était tellement par-dessus ses préoccupations que Charlie manqua d'éclater de rire. L'hilarité était là à lui brûler la gorge et vibrer ses cordes vocales et il dût se couvrir la bouche d'une main pour masquer le sourire qui s'étirait sur ses lèvres, entre amusement et dépit complet.

-Non ... non, Farhan, arrête de trouver des raisons ... je veux suivre mes rêves, Farhan. C'est tout. Et ça ... je n'ai jamais osé en rêver et c'est là, à ma portée ...

La candide sincérité de Charlie n'émut pas Farhan. A défaut, elle ne réveilla pas non plus sa colère absurde. Elle sembla l'avoir quitté aussi vite qu'elle l'avait embrasé. Dans le long regard dont il le gratifia, Charlie ne perçut que des braises sous le charbon de ses iris. D'un geste emplit d'un flegme qui lui ressemblait déjà plus, il lança le parchemin réduit à l'état de boulette à Charlie qui le rattrapa précipitamment avec la main sûre de l'Attrapeur.

-Et bien suis tes rêves, conclut Farhan dans un souffle mortifié. Qu'est-ce que tu veux que je te dise ...

Il fit sèchement volte-face et commença à s'enfoncer dans le couloir, les mains dans les poches. Après un instant d'hébétude et avoir vérifié que la lettre n'était pas trop abîmée, Charlie eut la présence d'esprit de lui courir après. Fort heureusement, son ami ne cherchait pas non plus à le semer. Juste à mettre un terme à la conversation.

-Farhan ..., soupira-t-il, dépassé.

-Non, c'est bon, lâche-moi. T'as plus besoin de moi, maintenant.

-Farhan arrête, c'est toi qui dramatises là ... Farhan !

Il voulut l'immobiliser d'une main autoritaire sur l'épaule, mais Farhan le devança, si bien qu'il faillit lui rentrer dedans. Charlie eut à peine le temps d'en être soulagé et d'espérer un retour à une conversation plus sereine que Farhan exécutait quelques pas à reculons, les sourcils froncés. L'air tendu, presque sur la pointe des pieds, il jeta un regard au couloir qu'ils venaient de dépasser si promptement et Charlie comprit en le voyant étirer le cou qu'il cherchait quelque chose.

-Qu'est-ce que ... ?

-Chut !

Farhan posa un doigt sur ses lèvres et l'intima au silence d'un regard noir. La curiosité piquée malgré lui, Charlie se porta à sa hauteur pour jeter un coup d'œil dans le couloir. De mémoire, il n'avait rien d'exceptionnel. C'était souvent à cet embranchement qu'il quittait ses amis de Serdaigle qui s'orientaient vers l'aile ouest du château. Mais il comprit d'un coup d'œil ce qui avait interloqué Farhan lorsqu'il capta l'éclat cuivré d'une chevelure suavement éclairé par les chandelles. Abasourdi, il plissa les yeux pour décomposer l'image autour de cette lumière et sa bouche s'ouvrit d'hébétude lorsqu'il découvrit que la fille aux cheveux éclatants embrassait à perdre haleine un garçon resté dans l'ombre, obligé de se courber pour offrir son visage au sien.

Aussitôt, le doute tourna aigre dans son ventre et il fut momentanément incapable de contempler Farhan. Il détailla la scène, les yeux grands ouverts pour ingurgiter un maximum de détails, priant de toutes ses forces pour être détrompé ... et par miracle, le détail lui sauta aux yeux.

Ce n'était pas Joséphine. Joséphine était grande et mince : aucun garçon de cette école ne la dépassait d'une tête ... Charlie lui-même ne la surplombait que de quelques centimètres et elle regardait Farhan droit dans les yeux. Donc ...

-C'est Bérénice ...

-Je sais, rétorqua Farhan, l'air soulagé malgré lui. Tu as vu avec qui elle est ?

Tout à son affolement, Charlie n'avait dévisagé que la fille et s'attarda sur le garçon coincé contre le mur dans les ombres. Il fallut encore quelques secondes que ses yeux s'habituent à la pénombre et que Bérénice s'écarte pour qu'il découvre et reconnaisse ses traits. Cette fois, il faillit lâcher une exclamation de surprise et fut surpris lorsque ce ne fut qu'un filet de voix qui passa ses lèvres.

-Putain ... Aidan ...

Farhan hocha plusieurs fois la tête avant de lui indiquer le bout du couloir. Ils s'éloignèrent silencieusement des deux élèves qui s'embrassaient à l'ombre des chandelles et Charlie descendit même une volée de marche pour pouvoir éclater :

-Par le caleçon de Merlin !

Le visage de Farhan était encore marqué par leur dispute, ses prunelles assombries par la méfiance et pourtant la stupeur et le dégoût parvinrent à les supplanter. Visiblement incapable de trouver un mot pour qualifier leur découverte, il se contenta d'acquiescer plusieurs fois. Charlie se tapota frénétiquement la tempe. Sa boite crânienne vibrait encore des assauts de Farhan, il n'était pas certain de pouvoir ingurgiter un tel fait.

-Rassure-moi, dis-moi que j'ai loupé un épisode et qu'il n'est plus avec Elisa ...

-Aux dernières nouvelles, entonna Farhan avec lenteur. Si ...

-Mais qu'est-ce qu'ils ont dans le crâne ?! explosa Charlie, incrédule. Cette école ce serait mise à marcher sur la tête depuis quelques jours ? Tout est à l'envers !

Farhan lui jeta un regard noir en comprenant qu'il était compris dans les éléments qui s'étaient inversés. Malgré tout soucieux de ne pas raviver la dispute, le préfet fit un grand geste vers l'étage où Bérénice et Aidan s'embrassaient.

-Mais ces deux-là ! A quel moment tu trompes ta copine ? A quel moment tu bécotes un gars en couple ? Ils sont sérieux ? Je suis déçu, là, mais alors des deux ! Déçu !

-Et ils en seront certainement mortifiés quand ils l'apprendront, c'est clair, ironisa Farhan à mi-voix.

Charlie laissa couler la pique, les dents serrées. Agité, il tourna quelques secondes sur place avant de fusiller du regard l'endroit qu'ils venaient de quitter. Quelque part, il ressentait presque la même chose que lorsqu'il avait appris que Farhan avait embrassé Joséphine dans son dos. La terrible désillusion d'être le dindon de la farce.

-Non mais sérieux, on fait quoi avec ça ? On la ferme ? Je suis désolé, mais c'est dégueulasse pour Elisa ! J'ai envie qu'elle sache ce qu'Aidan ose faire derrière son dos !

-Oui bah du calme ..., lui enjoignit Farhan avec un geste équivoque.

-Du calme ? se récria Charlie, interdit. Tu me hurles dessus depuis un quart d'heure et là tu me dis « du calme » ?!

Farhan marmonna quelque chose d'inaudible qui ressemblait à s'y méprendre à une plainte contre l'univers. Charlie aussi avait envie d'hurler. Une semaine, une semaine sans situation dramatique à gérer, c'était trop demander ? L'image de la pauvre Elisa certainement en train de dîner avec ses amies à la table des Serdaigle, rieuse et insouciante, lui tordit douloureusement les entrailles.

-Farhan sérieusement, ce n'est pas ce qu'on est censé faire ? insista-t-il. Ce qui est bien ? On n'a jamais été ami avec Elisa, on l'est plus avec Aidan c'est vrai ... mais quand même, tu n'aimerais pas qu'on te le dise si un truc pareil arrivait ?

-Si, concéda Farhan à contrecœur. Toutes les vérités ne sont pas bonnes à savoir, mais ça ne peut pas être pire que de se bercer d'illusion ... mais tu veux qu'on fasse croire, qu'on traverse la Grande Salle et qu'on lui annonce ? Non, Charlie, il faut qu'on la joue plus finement ... d'autant que ... bon sang, c'est Bérénice !

Charlie hocha la tête, compréhensif. Oui, c'était Bérénice et ça rendait l'enjeu plus décisif, plus intime. Depuis que cette petite jeune fille était entrée dans sa vie, il s'y était attaché d'une certaine manière. Quand Joséphine perdait pied, elle avait parfois été sa meilleure alliée. Mais comme c'était Bérénice, la déception en devenait abyssale.

-Elle est plus intelligente que ça ... qu'est-ce qui lui est passé par la tête ...

-C'est une gamine de quinze ans qui se cherche au milieu d'une famille qui tend vers l'autodestruction, asséna Farhan. Comment tu veux qu'elle ne se retrouve pas dans des situations délicates ... ?

Comme Joséphine, semblait-il vouloir ajouter, mais cela semblait aussi de ses forces d'évoquer ce qu'elle avait pu subir après tous leurs mots. De toute manière c'était inutile, Charlie avait parfaitement saisi la comparaison. C'était aussi le climat familial qui avait brouillé les ondes affectives des filles Abbot.

-Je ne dis pas qu'il faut rien faire, je suis d'accord avec toi on ne peut pas garder ça pour nous, ne serait-ce que pour Elisa, reconnut Farhan avec détermination. Mais il faut qu'on réfléchisse à la façon ... peut-être de manière détournée, par Maya ou par ...

-Joséphine ?

La proposition figea quelque peu Farhan et il glissa sur Charlie un regard brillant.

-Joséphine va arracher la tête d'Aidan si elle apprend qu'il a touché sa sœur.

-Peut-être, convint Charlie avant de se râcler la gorge. Mais ... désolé, peut-être que je vais franchir une règle là mais tu penses vraiment que si Joséphine Abbot apprend un jour ça, et que ça vient à ses oreilles que toi tu le savais, elle va bien le prendre ?

Le visage échauffé de Farhan perdit toute ses couleurs. Charlie eut un pauvre sourire. Oh oui, le ciel allait de nouveau tomber sur la tête de quelqu'un dans les jours qui allaient suivre ... et pour une fois, il préférait être égoïste et se réjouir d'être épargné. 

***

Alors votre verdict ...? 

Non la tension ne descend pas, je vous l'accorde, mais cette explosion là vous étiez plusieurs à la sentir venir ! Les deux côtés sont ententables et j'espère avoir réussi à les rendre audible ... 

On se retrouve dans deux semaines, bisous <3 

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