Chapitre 48 : Les erreurs de jeunesse
HELLO
Marion m'a grillé la priorité, je voulais craquer aussi ! Donc voilà, je persiste et signe pour mon craquage. J'ai eu une rude semaine, j'ai le droit !
A participé a ma semaine déprimante l'écriture d'un chapitre EPROUVANT AU POSSIBLE d'O&P vraiment. ça a été au point où mon copain m'a interdit l'écriture avant la fin de la semaine (tout en étant mims, ne vous en faites pas). HEUREUSEMENT que je vois l'Hydre ce WE ça va faire du bien comme tout (Même si c'est la dernière fois avant longtemps ...)
BON CHAPITRE maintenant. J'espère que vous vous êtes remis des révélations de la semaine dernière ! On va faire retomber un peu la pression maintenant ... Bonne lecture !
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On se console d'une erreur de l'esprit et non d'un égarement du coeur.
- Sophie Cottin.
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Chapitre 48 : Des erreurs de jeunesses.
Mardi 23 avril 1991
Je ne suis toujours pas satisfaite.
Oui je sais, je tourne en rond. Mais il n'y a plus qu'ici que je puisse le faire : si j'ouvre la bouche sur cette affaire, j'ai un Charlie sauvage qui va me briser la nuque. Et honnêtement, je ne pourrais pas le blâmer. Maya a l'air constamment au bord de la nausée, Farhan contemple le vide à longueur de journée. C'était le coup de grâce.
MAIS JE NE SUIS PAS SATISFAITE.
Ce sont les signatures. Elles m'obsèdent. Pourquoi une même personne auraient signé leurs dossiers d'adoption, dans deux structures différentes ? Dans deux MONDES différents, sorciers et moldus ? Si ce n'est pour être certain que frères et sœurs ne se retrouveraient jamais.
Et papa. Papa devait savoir pour tout, forcément. Un Oscurus, ça ne s'oublie pas. Pourquoi se taire, pourquoi entretenir le silence ? Pourquoi prétendre ne rien connaître?
C'est la faille de ce bel étalage. Un Obscurus, d'accord. C'est une histoire assez sinistre pour qu'un mystère la baigne. MAIS LES SIGNATURES. Je n'en démords pas.
Que c'est dur de se taire. Farhan, je te déteste de t'aimer.
***
Avril touchait à sa fin. Cela se sentait aux journées qui grignotaient la nuit, à la température qui s'élevait ostensiblement, aux fleurs qui s'épanouissaient sur les branches des arbres. De façon presque traditionnel, c'était le moment où les beaux jours revenaient que Bérénice s'enfermait dans la bibliothèque en vue des examens finaux. Cette fois l'enjeu était de taille car ce n'étaient pas de simples examens : c'étaient les BUSE, déterminants pour son avenir. C'était l'objectif qu'elle s'était fixée depuis des années, elle devait concrétiser sa parfaite carrière scolaire. Elle devait prouver qu'elle était la meilleure des Abbot, la perle de la famille, digne de son père. Voire même battre son père.
Alors que faisait-elle dans les bras d'Aidan, à l'ombre des remparts de l'école, à l'embrasser à perdre haleine ?
Elle était pourtant attablée, ses deux mains retenant sa tête alors qu'elle tentait d'ancrer dans sa mémoire ses innombrables formules de Métamorphose quand Aidan était passé devant elle. Leurs regards s'étaient accrochés, un sourire avait ourlé leurs lèvres et Bérénice avait senti le besoin irrépressible de mettre son cerveau sur « pause ».
Embrasser, il n'y avait rien de mieux pour cela.
Ils s'étaient isolés non loin de la sortie principale, au creux de l'arrondi d'une tour protégé par les arbres. Aidan s'était immédiatement posé contre le mur, les mains enserrant les hanches d'une Bérénice qui s'était lovée contre lui, le visage offert à ses lèvres. L'adage était véritable : le printemps était la saison des amours, sous toutes leurs formes ... La chaleur et la brise parfumée appelait à la volupté.
-Désolée de t'avoir dérangé dans tes révisions, plaisanta Aidan en s'écartant d'un souffle.
-J'avais besoin de faire une pause, de toute manière ... si je révise tout le temps, mon cerveau va griller avant les BUSE ...
-Ravi de voir que tu as retenue la leçon ...
Bérénice s'esclaffa en se souvenant que c'était effectivement lui qui lui avait proposé un jour de lever le pied. L'esprit, comme tout, avait besoin de respirer. Et la jeune fille alla chercher son souffle en aspirant celui d'Aidan. Son cœur manqua un battement lorsqu'entre ses lèvres s'infiltra la langue du jeune homme pour la première fois. Un peu grisée par le contact inédit, elle entrouvrit la bouche, y goûta timidement avant d'enrouler ses bras autour de sa nuque, parcourue de frissons. Elle devrait se sentir coupable. Aidan était avec Elisa. Elle n'était même pas certaine de ressentir un amour assez fort pour justifier qu'elle se comporte ainsi ... et pourtant il suffisait qu'Aidan lui sourit pour que son cœur s'enflamme et que ses lèvres se posent sur les siennes pour qu'elle oublie tout.
Elle allait finir en enfer. C'était certainement ce que dirait Maya si elle savait tout.
Songer à sa meilleure amie glaça quelque peu ses ardeurs et elle s'écarta instinctivement, un peu troublée. La main d'Aidan remonta immédiatement dans son dos, inquiète.
-Ça ne va pas ? Trop ?
-Quoi ? Non, non ... (elle caressa distraitement son col, un sourire confus aux lèvres). Non, c'est très bien ... très agréable ...
-Tu es sûre ? Tu as l'air ... soucieuse.
Son intérêt paraissait sincère et cela toucha assez Bérénice pour qu'elle baisse le nez. Elle était si petite qu'avec ce geste, elle s'adressait à la cravate. Pour tromper la nervosité, ses doigts effleurèrent la bande d'azur et de bronze à moitié dénouée sur sa gorge.
-C'est juste ... ma meilleure amie a pas mal de problème en ce moment. Elle a été adoptée et elle fait des recherches sur sa famille biologique et ... disons que c'est un peu bouleversant pour elle.
C'était un euphémisme. Maya avait passé le week-end dans la Tour de Serdaigle, à contempler les paysages depuis sa fenêtre avec pour seul réconfort sa chatte Bastet dans ses bras. Comme si ne pas descendre pouvait apaiser la sinistre réalité qui s'était emparée de sa vie. La magie détraquée de sa sœur aînée était certainement responsable de la mort de ses parents ... Bérénice avait beau lui répéter que Shahrazade n'était consciente de rien, que si ça n'avait pas été elle, ça aurait été les Mangemorts à l'étage du dessous. Mais ça n'avait eu pour effet que d'arracher quelques larmes supplémentaires à son amie. L'unique lumière qui avait jailli de cette histoire avait été cette fascinante photographie sortie du passé et qu'elle avait encadrée pour la placer à côté d'une photo d'elle et de ses parents adoptifs.
-Donc c'est pas la joie dans le dortoir, en ce moment, avoua-t-elle du bout des lèvres. Maya baigne dans la morosité ... Alors j'avais vraiment besoin de me changer les idées. Merci pour ça.
Bérénice releva les yeux sur le petit sourire crispé d'Aidan. Elle leva les sourcils en une interrogation muette et il se fendit d'un petit ricanement.
-Hum ... je suis désolé pour ton amie, vraiment, je me doute que ça ne doit pas être facile de supporter ça. Mais j'avoue que quand j'ai vu ton air ... enfin, je m'attends toujours à ... ce que tu mettes le sujet d'Elisa sur la table.
-Oh.
Les doigts de Bérénice se figèrent sur la cravate d'Aidan et le doux visage de la préfète-en-cheffe flotta dans son esprit. Honnêtement, elle avait été un peu surprise de constater que leur couple avait survécu aux vacances, après les tumultes qui les avait agités. Peut-être que les deux semaines de travail dans la boutique et la sincère contrition qu'il éprouvait à l'égard de Joséphine avait fini par attendrir Elisa. Peut-être que cette dernière était trop fière et trop attachée à son image pour renoncer à ce couple si glamour préfète-capitaine. Face à cette nouvelle, Bérénice s'était surpris en éprouvant plus d'étonnement que de contrariété.
-Vous êtes encore ensemble, c'est ça ? Je sais ...
-Elle est venue me voir pendant les vacances ... les choses se sont apaisées et ...
-Tu n'as pas à te justifier, tu sais ... enfin, je ne suis pas ta copine, tu ne me dois rien.
La poitrine d'Aidan se bloqua sous ses doigts et elle s'en voulut d'avoir abordé la question, même de façon triviale. Elle se souvenait qu'elle avait traversé son esprit lorsque leurs lèvres s'étaient jointes alors qu'ils faisaient les courses pour l'anniversaire de Maya. Puis une nouvelle fois lorsqu'il s'était penché sur elle par-dessus le plateau d'échec deux jours après la rentrée.
Mais je suis quoi, là ?
Elle n'était pas parfaitement sûre de vouloir répondre à la question.
-Tu pourrais me demander, fit remarquer Aidan, visiblement mal à l'aise. Enfin, j'ai conscience que c'est pas ... totalement correct, ce que je fais. Continuer à sortir avec Elisa et à côté bien ...
Un petit sourire retroussa les lèvres de Bérénice et elle continua de jouer avec sa cravate. Un petit coup d'œil alentour lui assura que leur intimité demeurait secrète et elle déclara du bout des lèvres :
-Je n'ai jamais pensé que c'était totalement correct ... et pourtant je suis là aussi ...
-Et ... ça te va ?
-Bien ... pour l'instant, oui. Je n'ai pas beaucoup d'attente, je veux juste ...
-Faire une pause de temps en temps ? comprit Aidan avec un sourire de coin.
Bérénice sentit ses joues rougir mais fort heureusement, Aidan ne parut pas prendre ombrage de sa légèreté. Au contraire, il se pencha de nouveau sur elle avec un petit rire et l'enivra d'un nouveau baiser. Un délicieux frisson lui parcourut l'échine et elle s'abandonna de nouveau aux douces sirènes de ces nouvelles sensations. Elle se détacha une seconde plus tard avec un sourire mutin.
-C'est plutôt moi qui dois te demander ce que tu cherches avec moi ... tu as Elisa qui est belle et intelligente, avec qui tu as une véritable histoire ... moi je suis une jeune fille sans expérience qui ne sait même pas embrasser avec la langue.
Sa façon crue de présenter les choses faillit embraser ses joues et faisait échos à des insécurités profondes. Sous les mains d'Aidan, ses hanches lui parurent volumineuse mais comme toujours, tout fondit et s'évanouit dès qu'il posa ses lèvres sur les siennes. Et de nouveau, elle redevenait la déesse puissante qu'elle s'était découverte quelques semaines plus tôt.
-N'importe quoi, toi, souffla-t-il, un sourire aux lèvres. Toi aussi tu es belle et intelligente, un véritable vent de fraîcheur ...
-Tu ne réponds pas à ma question ...
-Peut-être parce que ... de façon très honnête, je n'ai pas vraiment de réponse. Peut-être que je n'ai pas la force de résister à tes charmes, miss Abbot. (Il hocha la tête, une fausse expression songeuse sur le visage) Ou que tu m'as fait boire un filtre d'amour, maintenant que j'y pense ...
Bérénice lui donna un petit coup dans le bras, amusée par l'hypothèse et flattée par l'image qu'il renvoyait d'elle. Lorsqu'il l'embrassa de nouveau, plus franchement, la bouche ouverte pour accueuillir la sienne, les paroles de Maya lors de son anniversaire traversèrent brièvement son esprit. C'est vraiment une question d'égo. Vous flattez l'égo l'un de l'autre, c'est ça ? Elle n'avait pas eu tort. C'était sa vanité qui se nourrissait de cette situation, qui ruisselait sur elle pour effacer ses insécurités et ses complexes.
Elle profita encore, goûta sa langue de la sienne, le laissa parcourir sa mâchoire avec douceur. Lorsqu'il descendit dans son cou et qu'elle sentit le champ des possibles se délacer, elle s'écarta, le cœur battant, le visage embrasé.
-Je vais retourner à mes révisions, je les ai délaissées trop longtemps, chuchota-t-elle, les oreilles bourdonnantes.
-Ça marche ... je devrais faire de même, je suppose. Mais je suis plus focalisé sur la coupe de Quidditch ...
-Vous avez repris l'entrainement ?
-Deux, oui. Et ta sœur s'est débrouillée pour être deux fois en retard, les mauvaises habitudes ne changent pas ...
Le ton d'Aidan était moitié amusé, moitié agacé et Bérénice lut dans ses prunelles la demande silencieuse d'en toucher deux mots à Joséphine. S'il pensait qu'elle avait la moindre prise sur sa sœur ... Ces derniers jours, la vie si volatile de Joséphine semblait se réduire à Farhan et Bérénice ne pensait pas quoi penser de ce nouveau changement. Ce n'était pas étonnant qu'elle néglige le Quidditch. A l'instar de Maya, Farhan venait de prendre un certain coup derrière la tête.
-Bon j'y vais, annonça-t-elle en se détachant définitivement de lui. Bon courage pour ... les révisions, ou l'entrainement.
-Merci, toi aussi.
Ils se séparèrent, sans se jeter le moindre regard. Aidan dévala la pente du parc, certainement en direction du terrain de Quidditch et Bérénice partit dans la direction opposée, vers la porte d'entrée. En retrouvant la lumière, Bérénice battit des paupières, brièvement éblouie. Et lorsque le paysage se recomposa devant lui, ses entrailles qui lui avaient paru emplie d'un élixir d'Euphorie se chargèrent brusquement de plomb. Adossé nonchalamment au mur, à quelques mètres de l'endroit où Aidan et elle s'étaient caché et masqué à la faveur de la courbe, Thomas Fawley semblait plongés dans un petit livre. Maîtrisant son expression faciale et son souffle qui s'était bloqué dans ses poumons, elle tenta de passer dignement devant lui.
-Salut, Thomas, lança-t-elle à l'aveugle.
-Salut, briseuse de couple.
Et merde ... Le juron faillit lui échapper mais elle parvint à le retenir. En revanche, son corps réagit s'instinct en faisant volte-face, les yeux écarquillés. Thomas n'avait bronché et la main ferme soutenant son livre, le visage impassible. Elle en fut presque surprise qu'il poursuive :
-Honnêtement, au début j'ai cru que c'était ta sœur et j'étais en plein dilemme moral pour savoir si je te disais ou non qu'elle trompait son copain. Puis j'ai eu le doute parce que mine de rien, Joséphine est quand même grande. Et puis surtout je l'ai vue là-bas.
Il pointa le parc du menton et Bérénice suivit son regard. Elle repéra sa sœur, main dans la main avec Farhan, le sac sur l'épaule et le pull sous le bras. De là où elle se tenait, la mine du jeune homme semblait aussi morose que celle de Maya.
-Mais il faut le voir pour le croire, ajouta Thomas en secouant la tête. Bérénice Abbot, embrassant Aidan McColley ...
-La ferme ! persiffla-t-elle en se rapprochant précipitamment. Falwey, s'il te plait ...
Puisqu'il ne daignait pas lui accorder le moindre regard, elle donna un coup dans son livre. Il releva des yeux sur elle et cette fois, loin du flegme qu'il affichait, un éclair de colère traversa son regard.
-Mais à quoi tu joues ?
-Ça ne te regarde pas ! S'il te plait, garde ça pour toi ... Imagine si Elisa ...
-Elisa ! C'est maintenant que tu y penses à Elisa ?
-Oh c'est bon, tu ne vas pas t'y mettre ? J'ai assez de Maya !
Thomas étouffa une exclamation indignée et agrippa vertement le bras de Bérénice. Inquiet de l'humeur taciturne de son amie, Maya l'avait mis au courant des dernières avancées sur son passé et il devenait un tantinet protecteur.
-Mais visiblement pas assez justement ! Qu'est-ce qui te prend ? Je te pose la question sérieusement, Bérénice. Qu'est-ce que ... qu'est-ce que c'est que ça ?!
D'un geste équivoque, il fit un mouvement de la main du côté de l'endroit où elle s'était tenue quelques minutes plus tôt. Quelque chose gonfla dans la poitrine de Bérénice face au ton empli d'accusation et de consternation de Thomas Fawley. Ils n'avaient jamais été proches. Préfets tous les deux depuis le début de l'année, ils s'étaient disputé le tableau d'honneur et l'affection de Maya. Sa meilleure amie peignait avec lui, l'aidait en Astronomie, lui expliquait les subtilités de l'islam. Il était l'une des uniques personnes assez ouvertes d'esprit pour l'écouter, compatir et Maya avait eu assez confiance en lui pour à la fois l'intégrer dans son système et lui révéler la vérité sur Farhan. Ce n'était pour autant que cette confiance était partagée par Bérénice.
Et pourtant ... ce qui gonflait dans sa poitrine, c'était bien des aveux impossibles à réprimer.
-Mais je n'en sais rien, justement !
Malgré ses demandes de discrétion, c'était bien un cri qui venait de jaillir de sa gorge. Même Thomas en fut stupéfait. Il jeta un bref regard autour d'eux et remarquant la foule d'élève qui se hâtaient vers l'entrée pour le déjeuner, l'entraina un peu plus loin. L'endroit en question la rapprochait dangereusement de sa sœur qui s'était immobilisée avec Farhan à mi-pente en revenant des serres. Mais comme ils semblaient trop plongés dans leur conversation pour porter attention à Bérénice, elle l'accepta et se tourna derechef vers Thomas, un peu désespérée.
-Je n'en sais rien, d'accord ?
-Oh arrête, renifla Thomas avec un certain mépris. Tu baves dessus depuis des mois ...
-Baves, tu exagères, protesta Bérénice, piquée au vif. J'ai peut-être eu ... une légère fascination, oui mais ...
-Tu sais, ce n'est pas une tare de tomber amoureuse, la coupa-t-il. Simplement c'est mieux si personne n'en souffre ... demande-lui de choisir, bon sang ! Tu as assez d'aplomb pour ça, non ?
-Mais je ne veux pas être sa copine !
Et ci-tôt l'aveu envolé, le poids sur sa poitrine s'allégea considérablement et elle se retrouva à pousser un immense soupir de soulagement qui lui vida les poumons. Le plomb disparut enfin de ses entrailles. Elle porta une main à sa tempe, étourdie par la réalisation.
-Mais c'est exactement ça ! Je ne veux pas qu'il ait à choisir, je ne veux pas être sa copine ... je ne veux pas ... regarde ! (Elle pointa sa sœur qui venait de se pencher sur Farhan pour l'embrasser) Je ne veux pas être comme Joséphine, sérieusement l'amour ça va la rendre cruche.
Thomas haussa les sourcils et jeta un bref coup d'œil au couple qui s'enlaçait malgré les nuages menaçants qui avançaient sur eux.
-Avec ce que son copain traverse, tu ne penses pas que c'est bien qu'elle le soutienne ? railla-t-il, incrédule. C'est le frère de Maya, non, je ne me trompe pas ?
-Peut-être, concéda-t-elle à contrecœur. D'accord, c'est plus la conjoncture que la nature de Josie qui a changé, très bien mais tu ne la connais pas comme moi, elle ...
-Arrête de parler de ta sœur, Bérénice, parle de toi ! Tu ne veux pas être sa copine, mais qu'est-ce que tu veux ?
-Je te l'ai dit, je n'en sais rien ! répéta-t-elle, lasse. Je l'ai embrassé ... sur un coup de tête, sans trop savoir où ça allait. Et maintenant je me rends compte que ça me va, d'accord ? Ça ne va de ne pas avoir de but dans cette histoire, ça me va de ne pas être la copine qu'il tient au bout de sa main comme au bout d'une corde, ça me va de ne pas avoir toutes les obligations qu'on doit avoir dans un couple.
Plus les mots s'alignaient et lui brûlaient les lèvres, plus son estomac se dénouait. C'était donc ce que l'on ressentait lorsqu'on mettait des mots sur des émotions indicibles et inavouées ? Maya n'aurait pas compris ... Maya était une romantique dans l'âme, à la recherche du grand amour, n'était ouverte qu'à lui ... Jamais elle ne pourrait entendre que Bérénice, la froide et logique Bérénice, la bourreau de travail pragmatique et tournée vers l'affinement de son esprit, n'abaisse à quelque chose de si futile. Exaspérée par ses pensées parasites, elle leva les bras au ciel. Seul l'amour fou devait donner le droit de perdre la tête et de s'abaisser aux plaisirs charnels.
-En fait cette semaine, je me suis rendue compte que c'était ... confortable, de ne pas être la copine. D'être la relation de l'ombre, sans aucune obligation. On se voit quand j'ai le temps, je peux me concentrer sur moi, continuer de vivre ma vie sans que rien ne bouge. Je peux me consacrer presque cent pourcents de mon être à mon travail. Je m'apprêtais à y retourner d'ailleurs j'avais juste ... juste besoin d'une pause.
Elle détesta la voix plaintive qui ponctua son exposé, mais elle haït encore plus le long regard profondément dubitatif que posa Thomas sur elle. Ils n'étaient même pas amis, qui était-il pour la juger ? Tu l'as autorisé à te juger dès le moment où tu as ouvert la bouche, songea Bérénice, mortifiée. Tu cherchais même son jugement, sinon tu serais juste partie avec la promesse de son silence ...
-Besoin d'une pause ? répéta-t-il, sceptique. Ça n'a ... absolument rien à voir avec le fait que sa sœur ait un copain ?
-Pardon ?
-Bérénice, je sais ce que c'est la rivalité entre sœur et dans la famille, en générale. Moi aussi je viens d'une famille d'origine aristocratique – moins guindée que la tienne, mais on a quelques restes. Depuis qu'elles sont petites, ils poussent ma sœur Gillian et ma cousine Emily l'une contre l'autre pour qu'elles se surpassent. Comparaisons, situation inconfortable qui les poussent à s'affronter ... A présent la seule chose qui compte pour ma sœur, c'est d'être mieux qu'Emily. Elle est à Serdaigle, la maison de l'intelligence quand ma cousine n'est qu'à Poufsouffle, elle s'est rapprochée de la sœur de Vivian McLairds parce que son père a des relations, elle regarde Emily de haut maintenant ...
L'exposé de Thomas ressemblait tant à son enfance que son cœur s'en serra. Evidemment que ses sœurs et elle avaient été mis en concurrence, en comparaison constante mais elle comprit où voulait réellement en venir Thomas lorsqu'il acheva avec une étrange douceur :
-Je me doute que chez toi, ça devait être pire et que le fait de voir ta sœur enchainer son deuxième copain et ton autre se marier, ça doit te donner envie ... je ne sais pas, d'égaliser.
Bérénice ne chercha même pas à nier l'esprit de compétition qui l'animait face à sa sœur. Thomas avait trop bien compris la dynamique pour être dupe.
-Pour être honnête, leurs réussites en amour me donnaient surtout envie de prendre un autre chemin, avoua-t-elle en haussant les épaules. De ne surtout pas suivre leur pas, de tracer ma route et d'être au-dessus de tout ça ... Et Jo et Farhan n'étaient pas ensemble quand j'ai commencé à ... fréquenter Aidan. Non, c'est vraiment pas ça, c'est juste ... enfin, s'est arrivé, c'était agréable et ...
Thomas la contempla quelques secondes, les lèvres pincées, l'air sincèrement songeur. Au-dessus d'eux, le ciel s'était assombri et tapissait de nuages menaçants qui ne demandaient qu'à déverser sur eux leur pluie de printemps.
-Et ... ce n'est pas disons ... lui qui joue de ses charmes et profite de toi ?
-C'est ce que tu penses ? se rebiffa Bérénice, vexée.
-Oh, on sait tous quel genre de gars est McColley. Gentil, serviable et travailleur, mais sensible à l'opinion. Insinuer qu'il est homo parce que sa sœur aime les filles ... ça a dû le blesser dans son orgueil de mâle et ...
Et il se rassure avec moi. En réalité, Bérénice n'avait pas eu besoin de Thomas pour en arriver à cette conclusion. Et entendre la sentence d'une autre bouche que la sienne ne lui fit ni chaud ni froid, au contraire. Elle pensait Aidan sincère lorsqu'il assurait l'apprécier, qu'elle était belle et intelligente. Et d'un autre côté, comprendre que ça n'irait pas plus loin et que ses sentiments gardaient de la superficialité l'avait étrangement rassurée. Elle s'entoura de ses bras, prise d'un frisson glacée qui suivait une sinistre réalisation.
-De façon totalement honnête, Thomas ... je profite plus de lui que l'inverse.
-Aïe, aïe, aïe, Bérénice Abbot ...
-S'il te plait, n'en parle à personne. C'est peut-être une erreur de jeunesse mais ... c'est en faisant des erreurs qu'on apprend, non ?
-C'est poussé un peu loin l'esprit de Serdaigle ..., fit remarquer Thomas.
Bérénice eut un petit rire face à la conclusion. Oui, c'était en partie sa curiosité qui s'animait lorsqu'elle était avec Aidan, l'avidité de goûter à de nouvelles sensations. A présent elle le savait, elle aimait embrasser, elle aimait la chaleur que cela provoquait dans sa poitrine et son ventre, elle aimait le contact de sa peau contre celle d'un autre. Elle qui avait toujours dédaigné cela, elle y trouvait à présent un certain réconfort. Mais elle avait besoin de poursuivre dans cette voie pour connaître ses limites ... et même s'il était en couple, Aidan restait un garçon qu'elle appréciait, qu'elle désirait d'une certaine manière, qui la faisait sentir belle et qui la respectait. Pas une fois il l'avait brusquée, pas une fois il l'avait forcée. Chaque fois il était délicat et attentionnée et elle s'en trouvait touchée.
Pourquoi irait-elle chercher ailleurs ?
-Je ne te demande pas de comprendre ... juste ... est-ce que je peux compter sur ta discrétion ?
Thomas réfléchit quelques secondes, l'air de soupeser ses options. Le manque de soleil avait ternie ses mèches couleur miel et l'éclat bleu de ses yeux qui s'était considérablement assombris.
-Bon, ce n'est pas à moi de te dire comment gérer, et encore moi à moi d'aller voir Aidan pour lui dire ma façon de pensée ... C'est juste pour Elisa ...
-Je sais ...
-Mais ce n'est pas vraiment toi la responsable, ajouta Thomas avec fermeté. C'est lui qui sort avec. Elisa c'est son problème ... (Il se trémoussa, embarrassé). Désolé d'avoir sous-entendu que c'était le tien ... « briseuse de couple » ... Si ça arrive, c'est parce qu'Aidan l'a voulu.
Bérénice lui adressa un sourire, rassurée de la façon dont il présentait les choses. Elle savait que Thomas avait un cerveau qui fonctionnait, c'était bien la moindre des choses qu'elle lui reconnaissait ... mais elle venait de comprendre qu'elle aimait la façon dont il tournait.
-Merci. Allez viens, on va dîner ... Maya va nous attendre et il va commencer à pleuvoir.
Thomas parut hésiter avant de hocher la tête, l'air un brin résigné. Les premières gouttes de pluies tombèrent sur eux au moment où ils rentraient dans le Hall, la tête encore pleine d'incompréhension, mais également d'acceptation.
***
Joséphine se détacha de Farhan lorsqu'elle sentit une goutte glacée s'écrasa sur sa main. Elle leva les yeux vers le ciel tapissé de nuages sombres et l'échos des premières pluies se faisaient entendre dans le parc. Brusquement euphorique, elle s'écarta d'un bond et offrit son visage au ciel, les bras ouverts.
-Enfin !
-Quoi ? se récria Farhan, pris de court.
-Il n'y a pas plu une seule goutte en avril, j'ai cru que je ne pourrais jamais chanter !
Mais le visage de Farhan se contenta d'afficher la consternation la plus totale. La pluie s'accentuait et il tenta d'y échapper en ramenait le pull qu'il avait noué sur ses épaules sur ta tête.
-Clap clip clap petite pluie d'avril, larme de joie, symphonie de cristal, chantonna Joséphine avec un grand sourire. Clap, clip, clap petite pluie d'avril dans la forêt tu offres un récital ...
Sa voix devait être moins mélodieuse qu'escompté car l'eau se mit à tomber drue sur ta tête. Loin d'en prendre ombrage, Joséphine éclata de rire et laissa les gouttes ruisseler sur sa peau. Elle s'était imprégnée de cette chanson d'enfance dans ses pires moments cette année, ça avait été le chant du refuge et du réconfort. Elle avait eu hâte de pouvoir le relier à quelque chose de plus pure, plus pragmatique ... Une véritable pluie d'avril et pas une pluie de larme.
Elle entendait le fracas que cela provoquait sur la surface du lac, les roulements de tambour que cela tonnait lorsqu'une goutte frappait le feuillage des arbres. Et pour couronner le tout et parfaire l'instant, les éclats de rire de Farhan se mêlèrent au son de la pluie qui martelait le parc. Joséphine rouvrit les yeux pour le considérer, brouillé par le rideau d'eau qui leur tombait dessus et dont il essayait à maladroitement de se protéger à l'aide de son pull.
-Tu rigoles, remarqua-t-elle, elle-même hilare. Ce n'était pas gagné ce matin ...
-Ah, ah, lâcha Farhan, désabusé. Allez viens-là, tu vas choper la crève ...
-Au moins j'aurais une vraie raison de louper l'entrainement cette semaine !
-Evite s'il te plait. Aidan est venu me voir hier pour me demander de faire en sorte que tu arrives à l'heure ...
Joséphine poussa un grognement de mépris et fut rassurée d'entendre l'agacement qui sous-tendait la voix de Farhan. Oui, leur relation était officielle et avait évolué, mais rien qui n'autorisait Aidan à le prendre pour son hibou. Ni rien qui sous-entendait qu'à présent, Farhan détenait un quelconque pouvoir sur elle. Encore moins celui de lui inculquer la ponctualité.
Plutôt que de s'appesantir sur la chose, elle se combla le vide qui la séparait de Farhan et glissa le bras sous le sien. Un immense sourire fendait son visage et malgré la pluie qui lui fouettait le visage, une belle lumière irradiait en son sein. L'eau lavait tout ... elle espérait qu'elle emporterait avec elle tous les tourments de Farhan. Le jeune homme avait fini par se lasser de son pull humide et sortit sa baguette pour déployer un parapluie magique au-dessus d'eux.
-Pas que je sois mécontente de t'entendre de nouveau rire, c'est un son fort plaisant ... mais je n'oublie pas que tu n'as pas répondu à ma question.
-Et mince, mon subterfuge a été découvert, sembla déplorer Farhan, un mince sourire aux lèvres.
-Mais encore ?
Joséphine fut soulagée de voir le sourire de Farhan s'attarder sur ses lèvres, si tenu soit-il. Si elle avait su, elle aurait dansé sous le soleil comme elle était capable de danser sous la pluie ... frustrée, elle leva les yeux sur la membrane translucide et scintillante sur laquelle l'eau ruisselait en de petit torrent qui jaillissaient en cascade attirées par la gravité.
-J'en sais rien, Jo, admit Farhan, le regard rivé devant lui. A la fois, j'ai envie d'arrêter de fouiller ... et à la fois ...
-Tu as envie d'avoir le fin mot de l'histoire et c'est normal. Je ne vais pas te mentir ... si je te propose d'envoyer cette lettre à mon père, c'est plus pour moi que pour toi.
-Pour ce qui s'est passé chez Madame Guipure ?
Les lèvres de Joséphine se pincèrent. En un éclair, elle se retrouva transpercée par le regard de son père, cette fixation intense qu'il avait exercée sur Farhan, l'éclat spectrale que les souvenirs faisaient jouer sur ses prunelles. Il l'avait hanté alors que Brûlopot faisait son exposé sur les Obscuri dont elle ne savait rien. Elle savait que la nouvelle avait bouleversé Maya et Farhan et pour cause, comment ne pas rester insensible face à l'idée que leur sœur était responsable de leur orphelinat ? Mais elle c'était son père qui l'avait obsédé. Son père et le rôle qu'il avait joué dans cette histoire.
-Tu ne peux pas comprendre, souffla-t-elle, presque frissonnante. Je ... je ne l'ai jamais vu regardé personne comme ça, Farhan, personne. D'habitude, il passe sur les gens comme s'il ne les voyait pas du tout ... comme si on était des fantômes.
Elle sentit plus qu'elle ne vit le regard que Farhan coula sur elle. Son allure s'en ressentit et son pas ralentit quelque peu. Le château se dressait devant eux, les lignes rendues ondulantes par le rideau de pluie et malgré ses vêtements qui se chargeaient d'humidité, Joséphine n'avait aucune envie d'y trouver refuge.
-Je vois, assura Farhan avec douceur. Tu peux le dire que tu te demandes juste pourquoi il me voit moi et pas ses propres filles ...
-Bingo.
Elle claqua des doigts pour acter l'analyse parfaite. Elle ne s'en cachait qu'à moitié : au fond elle était blessée de ne jamais avoir eu le droit à une telle attention de la part de son père. C'était idiot, ce n'était qu'un regard ... mais pour elle ça signifiait tellement. Elle avait passé la majorité de sa vie à chercher ce regard, à lire au fond une approbation, une chaleur, de l'amour. Alors ce n'était certainement pas ce qui l'avait traversé lorsqu'il avait contemplé Farhan, mais Joséphine était persuadée qu'elle, elle aurait pu y lire une réponse.
-De ton côté, ça signifie qu'il s'est passé quelque chose de grave pour qu'il ait une telle réaction, posa-t-elle en tentant d'endiguer l'amertume dans sa voix. Je sais, il s'est passé quelque chose de grave, mais je veux dire quelque chose de significatif pour lui. Des horreurs, il en a vu ... et de mon côté ... j'en sais rien, enfin comprendre, je suppose ... comprendre comment il fonctionne, comprendre ...
-Comment attirer son attention sans hurler, pleurer, avoir de bonnes notes, entrer dans l'équipe de Quidditch ...
-... le battre aux échecs, jeter mes affaires par la fenêtre, jouer du piano ...
-Tu joues du piano ? s'étonna Farhan, l'air curieux.
-Toutes les trois, on a appris sur les genoux de notre mère ... mais seule Lili était vraiment douée. Berry tentait d'apprendre les morceaux par cœur et moi je frappais les touches juste pour faire le plus de bruit possible.
La réponse fit pouffer Farhan et Joséphine se nourrit de ce son comme elle s'était nourrie de la pluie. Ils firent quelque pas dans un silence un peu plus détendu. Les élèves qui se prélassaient au soleil un quart d'heure plus tôt s'étaient rués vers le château et la promesse de chaleur et de dîner. Ils étaient presque arrivés aux imposantes portes d'entrée lorsque Farhan poussa un profond soupir :
-Envoie cette lettre à ton père.
-Sérieux ? se récria Joséphine, prise de court.
-Sérieux. Au pire pour moi, j'en resterais au point où j'en suis. Mais toi, ça peut vraiment te faire du bien. Ça fait combien de temps que tu ne lui as plus écris ?
Joséphine papillonna des yeux et se retrouva à compter, à chercher dans sa mémoire le flash de sa main traçant les mots « cher papa » qui avait débuté toutes ses correspondances. L'image remontait tellement qu'elle semblait s'être dissoute.
-Environ deux ans, évalua-t-elle, incertaine.
-Et ... tout ce que tu m'as dit ... dans le bar, maintenant ... tu n'as jamais songé à l'écrire ? Je veux dire à lui, pas dans ton journal ou quoi ...
-Il l'aurait ignoré, comme tout le reste ... si c'était pour qu'il me réponde d'une lettre froide et sans âme ...
-Qu'est-ce que tu en sais ?
-Je le connais, c'est tout.
Elle secoua sa tête une fois à l'abri du château et d'épaisse gouttes glacées vint fouetter les dalles. Même Farhan fut aspergé par sa chevelure, se protégea sommairement de sa main avant de ranger sa baguette dans sa poche. Le Hall était désert qui on exceptait les retardataires qui s'engouffraient dans la grande salle pour le dîner. Ce fut dans cette intimité relative et à la lueur chaleureuse des chandelles que Farhan prit sa main pour planter son regard sombre et étincelant dans le sien.
-Jo, je ne t'oblige à rien. Je te dis juste ... j'ai deux pères dans ma vie. L'un est mort et l'autre a presque le pied dans la tombe, il s'en est fallu de peu ... la vie est trop courte pour que tu gardes tout ça enfermé en toi sans qu'il n'en sache rien. Pour que par fierté, aucun de vous deux ne tentent d'arranger les choses ...
Le souffle de Joséphine s'était déjà bloqué dans sa poitrine lorsque son regard avait effleuré les prunelles veloutées de Farhan, mais à chacun des mots elle sentit chaque particule d'air se disloquer dans des alvéoles et injecter une vive sensation glacée dans ses veines. Cet argument, elle ne pouvait pas le repousser d'une pichenette. La tête de Farhan devait bourdonner face à toutes les choses qu'il aurait aimé dire à son père ... et l'avoir matérialisé grâce à la photo qu'avait retrouver Brûlopot ne devait aider en rien. Elle récupéra sa main avec un soupir et enroula son pull trempé autour de son bras.
-Il a fallu que tu me fasses le coup du pauvre orphelin qui ne pourra plus jamais reparler à son père ...
-Et ça marche ?
Joséphine inspira profondément par ses narines et darda sur lui un regard noir pour lui faire comprendre que oui, l'argument était efficace. Elle avait cru sa rupture avec son père définitive, mais Farhan était là pour lui rappeler que rien n'était plus définitif que la mort. Et que ce jour-là, debout devant sa tombe, elle regrettait certainement de ne pas avoir fait le premier pas, d'avoir joué son jeu et de s'être laissée engluée dans cette situation.
-J'aime pas quand tu m'opposes de bons arguments qui me donnent tort, prétendit-t-elle, une moue boudeuse aux lèvres. C'est pour ça que j'ai fait exploser ton chaudron la première fois.
-Oh, mille excuses, ironisa Farhan avant d'esquisser un fin sourire. Tu veux que je parle arabe pour me faire pardonner ?
-Pff !
Elle lui donna un léger coup sur le bras et Farhan profita du contact pour enlacer sa taille et l'attirer contre lui. Loin d'en profiter pour la faire taire d'un baiser, il se contenta de plaquer ses lèvres contre sa joue de façon infiniment plus chaste, mais tendre.
-Réfléchis-y juste, murmura-t-il à son oreille. Quitte à donner un coup de pied dans la fourmilière, profites-en pour dire ce que tu as sur le cœur.
-Hum ... est-ce que si je le fais, tu me parleras en arabe ?
Farhan essuya un petit rire qui acheva totalement de soulager Joséphine. Les jours après l'entretien avec Brûlopot avaient été durs et amers. Malgré Charlie qui avait pris bravement tel un preux chevalier la responsabilité de cette piste et de leur silence, elle avait ressenti une pointe de ressentiment de la part de Farhan. Il avait été simplement trop sonné par les nouvelles pour s'attarder sur leur cas ... Après tout un week-end d'isolation et de mutisme, sans un mot ni le moindre contact, elle avait été rassurée de le voir débarquer le lundi matin en Potion, fatigué, mais nettement plus détendu et sans une trace d'aigreur à son égard. Il tentait vaillamment de faire face et Joséphine avait décidé de l'y aider.
-Pourquoi pas samedi ? proposa-t-elle avec un sourire espiègle. Samedi Charlie – pardon, Dubois maintenant – a réservé le terrain de Quidditch, il va bien falloir que tu occupes ton temps ...
-Oh ... (Une mine sincèrement contrite se peignit sur le visage de Farhan). Désolé ... je ne suis pas là samedi.
-Et tu oses être où, samedi ? interrogea-t-elle, un sourcil dressé.
-A Ste-Mangouste, mon père en sort ... Je sais que Brûlopot a parlé de nous à McGonagall ... alors hier, disons que j'ai profité de la sensibilité qu'elle a au fond de son cœur, derrière ses lunettes rectangulaires et son chignon stricte et je lui ai demandé si je pouvais aller voir mon père à l'hôpital. Elle a dit qu'elle verrait ce qu'elle pouvait faire, mais que dans la mesure où j'étais majeur, elle ne voyait pas d'obstacle ...
-C'est bien parce que c'est Nolan, accepta Joséphine avec un soupir à fendre l'âme.
-Et dimanche je révise avec Tonks.
-Tu pousses le bouchon, là, O'Neil !
Farhan éclata de rire et l'embrassa de nouveau sur la joue pour se faire pardonner son manque de disponibilité. Il voulut l'entrainer vers la Grande Salle mais Joséphine se détacha de lui à regret. Elle n'avait pas faim. Après cette conversation et les mots qui tourbillonnaient absolument partout en elle, elle avait surtout besoin d'écrire.
La Salle Commune était déserte lorsqu'elle y parvint après sa longue ascension. La seule trace d'activité était la pluie qui martelait les vitres. Apaisée par ce son vivifiant et la sérénité de l'ambiance de cette pièce au plafond haut éclairé d'étoile et à la douce moquette bleue nuit, Joséphine s'installa à une table près de la bibliothèque et disposa patiemment plume, encrier et parchemin. La lumière des chandelles jeta des ombres ocres sur ses mains et se réfractèrent dans ses bracelets. Les éclats couvrirent le parchemin de tâches d'or avec lesquelles elle joua quelques minutes, à la recherche d'un angle d'attaque, la plume à la main et les doigts lourds de non-dits.
Ne rumine pas trop, Josie. Pour une fois, parle-lui sans fard.
Alors les mots commencèrent à être tracer sur le parchemin, des lettres sombres qui brillaient sous l'éclat de la petite flamme qui dansait à ses côtés.
Cher papa,
J'ai parlé à un de mes amis que tu as rencontré chez Madame Guipure. Farhan, tu vois ? Ses parents sont morts il y a quelques années dans une attaque de Mangemort ... et il m'a fait comprendre de ne pas attendre que tu finisses toi aussi dans une tombe pour qu'on règle nos problèmes. Ou moi, selon ce qui arriverait en premier.
Whao, c'est abrupt comme début, moi-même je m'en rends compte ... Il fallait que je marque le coup, non ? Plus de deux ans que je ne t'ai pas écrit ... Prendre la plume pour le faire, je ressens presque ça comme un sacrifice. Pourquoi moi ? Moi j'ai essayé de te parler, par tous les moyens possibles ... jamais je ne me suis sentie écoutée ... Non, tes yeux sont passés sur moi comme si j'étais un fantôme. Pas dans le même monde que toi ... si transparent que c'en était insignifiant.
Alors pourquoi moi ? Moi qui suis censée être l'adolescente en crise réfractaire à toute communication ? Moi qui aie tenté de t'expliquer mes mal-être sans que tu daignes y prêter l'oreille ? Je m'étais jurée de ne pas le faire ... que tu viennes vers moi, pour une fois. Mais bon, pour que ça vienne de toi, autant attendre la tombe.
Mais voilà. Comme je te l'ai dit, tu as rencontré un de mes amis. Papa, pourquoi tu as regardé Farhan et pas moi ? Qu'est-ce qui s'est passé cette nuit là pour que tu lui accordes une telle attention alors que tu as passé dix-sept ans à me voir hurler à tes pieds sans me voir ?
Ne me dis pas que je divague. Tu as dit à Bérénice – deux fois – que tu ne savais rien de l'attentat du La Mon House Hôtel pour que je réalise qu'en réalité tu t'en souvenais parfaitement. Le nom de Nolan O'Neil était gravé dans ton esprit. Comme le visage de Farhan. Le petit arabe que tu as retrouvé avec un accent irlandais ... Papa, qu'est-ce qui s'est passé pour que tu t'en souviennes ?
Peut-être que tu vas lire cette lettre avec le regard de glace et mouvant que je te connais. Méthodique, de droite à gauche sans sauter une lettre de peur de mal comprendre. Je te connais. C'est peut-être le pire dans cette histoire : on est pareil, toi et moi. Tout ce que j'ai de meilleur, je le tiens de toi. Je n'ai aucune difficulté à l'admettre, je sais que je suis ta fille. Un jour j'en ai même été fière ... Rien ne pouvait me faire plus plaisir qu'un « tu ressembles à ton père ».
Je sais que tu ne m'as jamais écouté ... mais chez Madame Guipure, je t'ai senti touché et j'espère atteindre cette partie là de toi. C'est donc là que tu as caché ton cœur, papa ? J'ai toujours su qu'il était quelque part dans ce bureau ... C'est peut-être pour ça que je t'écris cette lettre. J'ai toujours voulu trouver le cœur des Abbot. Celui de maman est dans cette petite pièce avec tous les vestiges de sa grande famille, les livres, l'argenterie et sa boite à bijou ... celui d'Ophélia était dans les lettres que j'ai fièrement affichées. Celui de Bérénice, Dieu la préserve, encore enfermé dans sa poitrine mais encore combien de temps avant qu'elle ne se l'arrache, comme nous tous ? Nous sommes une famille à Cœur Velu. Ça suffit.
Alors si ton cœur est dans ton travail, c'est à lui que je m'adresse. Ils ont le droit à la vérité. Maya, Farhan ... ils ont le droit de comprendre ce qui leur a pris leurs parents. On a découvert que c'était certainement un Obscurus. Papa, tu étais au courant ? Pourquoi tu ne leur as jamais rien dit ? Tu aurais aimé que ton père te cache que ta mère était morte en te donnant naissance ? C'est idiot, tu aurais certainement préféré ... Quoique. Tu es un Serdaigle dans l'âme : tu ne supportes pas l'ignorance. Alors comment tu peux les y plonger ?
S'il te plait, dis-leur. Même si au final, tu ne sais rien de plus que ce qu'ils n'ont déjà appris, ce sera déjà énorme. Ce sera un point final et ils en ont besoin. Terriblement besoin. Vitalement besoin.
Tu dois penser que je t'envoie cette lettre simplement par intérêt, pour obtenir des réponses pour eux ... C'est faux. Je pense sincèrement ce que j'ai écris au début de la lettre. Je ne veux pas me tenir un jour devant ta tombe et regretter mes jours restants de ne pas avoir su te parler. Si ça t'est égal ... au moins je serais fixée. Mais si toi aussi l'idée t'es insoutenable alors écris-moi. Parle-moi, explique-moi. Et peut-être qu'on jour, on parviendra à se comprendre.
Est-ce que j'ai fait des erreurs avec toi ? Oui, évidemment et je dirais même que j'en avais le droit. J'étais l'enfant, j'avais tout à apprendre : j'avais le droit à ces erreurs de jeunesse qui ont peut-être empoisonné nos liens. Voilà, je l'ai reconnu. Es-tu aussi prêt à admettre que dans ta hâte de me guider, tu as fait des erreurs ? Si c'est le cas, tu sais ce qu'il te reste à faire ...
Embrasse maman pour moi. Et bon courage pour le travail.
Josie.
Elle mit le point final à sa lettre au moment où une larme dévalait sa joue jusqu'au coin de sa bouche. Le surnom s'était écrit tout seul, comme si quelque part son esprit avait intégré que lorsqu'elle parlait à son père, c'était Josie qu'elle était. L'enfant qui avait appris à jouer aux échecs sur ses genoux, qui s'était mise fièrement au piano et avait apporté avec orgueil ses premiers bulletin. Même son père n'avait pas su l'effacer, malgré leurs différents. C'était toujours ainsi qu'il l'appelait.
-Joséphine ?
La jeune fille écrasa en vitesse la larme au bout de sa bouche et répandit un goût salé sur ses lèvres. Dans l'encadrement de porte qui menait au dortoir des filles se tenait Maya. Elle ne portait son hijab, mais ses cheveux étaient plaqués sur son crâne et réunis dans le chignon serré qu'elle avait coutume de se faire. De là où elle était, Joséphine entendant les ronronnements de son chat lové dans ses bras.
-Ça va ? s'enquit Maya, visiblement incertaine.
-J'écris la première lettre à mon père depuis deux ans. Ce n'est pas facile ...
Elle ne voulait pas cacher ce fait à Maya : la pauvre était tombée de bien assez haut ces derniers jours pour qu'on lui cache encore quelque chose. Et face à la mine pincée de la jeune fille, Joséphine s'empressa de la rassurer.
-Mais c'est surtout pour moi, ne t'en fais pas. Si dans la foulée il peut confirmer ce que Brûlopot t'a dit alors ... tant mieux.
-Je vois ..., entonna prudemment Maya. Tu veux te réconcilier avec lui ?
Son regard brillait encore de méfiance et Joséphine ne pouvait totalement lui en vouloir. Depuis le début de l'année, on jouait avec sa vie et son passé comme un chat avec une pelote de laine. Occupé à mettre le chaos dans un fil parfaitement ordonné, à détricoter tout ce qui avait été construit ... et Joséphine avait été ce chat. Ou du moins l'une de ses griffes. Elle releva un regard qu'elle savait brillant et tenta d'adresser un sourire rassurant.
-Réconcilier, je ne sais pas ... disons que je jette une bouteille à la mer.
***
Alors votre verdict?
Donc vous voyez bien pour celle.eux qui avaient peur pour Bérénice qu'elle sait parfaitement ce qu'elle fait. De façon très honnête, je ne sais pas trop dans quoi je me suis embarquée avec cette affaire mais on va essayer d'en faire quelque chose de bien !
Allez, à la semaine pro pour O&P ! (Et je pense que vous avez hâte)
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