Chapitre 43 : Joyeux anniversaire, petite sœur
Bonjour tout le monde !
J'espère que notre Noël s'est bien passé, que vous avez été gâtés et surtout que vous avez passé de bons moments avec vos familles ! Alors quelle est la star de vos cadeaux?
Je poste un peu tard désolée, je suis littéralement fracassée par les fêtes et la maladie c'est à peine si j'arrive à garder les yeux ouverts. MAIS je le fais pour vos beaux yeux ! Et évidemment parce que je ne doute pas que vos commentaires me reboosteront un peu.
Concernant le concours merci pour toutes les participations ! Je posterai ça quand j'aurais un peu le temps et l'énergie, ce sera peut-être après le Nouvel An !
Maintenant le chapitre ! J'espère qu'il vous plaira, bonne lecture <3
***
Est-ce que tu veux bien être mon grand frère
M'aider à porter mes chagrins
Me relever quand je prends un gadin ?
Est-ce que tu veux bien être ma petite sœur
Faire de moi le grand de quelqu'un
Me rendre fort par tes yeux dans les miens ?
- Frère et sœur
Le soldat rose
***
Chapitre 43 : Joyeux anniversaire, petite sœur.
Dimanche 7 avril 1991
Bande de saloperie de petites sœurs.
C'est un complot, un immense complot j'en suis persuadée. Berry ne sait pas mentir, j'ai senti le sourire dans sa voix quand elle m'a demandé de la faire transplaner pour aller chercher Maya à Leeds pour son anniversaire. Ne fais pas l'innocente : la belle petite araignée que tu es referme une nouvelle fois sa toile sur moi. Comment vas-tu manger l'insignifiante mouche que je suis ?
C'est tellement un complot que j'ai refusé, pour que PAPA me force à y aller parce qu'il n'est pas forcément rassuré de voir sa petite fille chérie fréquenter le bas-peuple dans le Magicobus.
NON MAIS BERRY T'AS AMMENE PAPA DANS LE COMPLOT !?!
Mais je rêve, comment je résiste à une telle coalition, moi ? Hein ?
Vraiment j'enrage, je n'avais pas prévu de revoir Farhan de ci-tôt ... Vraiment je voulais lui laisser ses deux semaines pleines, libéré de ma présence pour réfléchir sereinement sans que je sois là pour parasiter.
Et je ne veux pas m'infliger cela non plus. Parce que moi j'ai cessé de réfléchir à partir du moment où j'ai réalisé qu'absolument chacune de mes raisons de le repousser ne tenaient plus la route à présent. Pomfresh m'a bien conseillé de regarder vers l'extérieur, non ? Vers l'avenir. J'ai envie de Farhan en fasse parti. Je crois que j'ai rarement eu autant en vie de construire quelque chose de vrai, de solide. D'enfin m'investir dans quelque chose qui ait du sens. Et ça me fait peur de me retrouver face à lui avec tous mes espoirs et de me prendre un mur, exactement comme celui que j'ai pu lui mettre. Il peut très bien décider que je lui ai fait trop mal, qu'il ne me le pardonne pas ... Il peut très bien décider que sa vie est trop compliquée. Il peut exiger de savoir pourquoi. Bien sûr qu'il le peut, bien sûr qu'il en a le droit. Mais la deuxième chose que j'ai décrétée, c'était que je n'étais pas prête à lui en parler. Prête à vivre, oui mais replonger attendra ...
Alors le déni jusqu'au mur de la rentrée, ça m'allait parfaitement.
Et pourtant ... pourtant ... Vraiment à l'idée de retrouver notre complicité, nos gestes, de prendre sa main comme je l'ai fait dans le couloir, je souris comme une idiote. Une idiote, il n'y a pas d'autres mots. Même là face à toi, je souris comme une idiote. Quand j'ai claqué la porte au nez de Berry, j'ai souri comme une idiote. Il va falloir que je régule ça quand je vais me trouver face à lui. Je vais être cramé en deux-deux. Oh par les chaussettes de Merlin, j'espère que Charlie ne sera pas là. J'aurais jamais dû lui parler à lui, c'est le pire entremetteur du monde, j'aurais vraiment jamais cru. Je vais lui faire changer de voix à 180 degré et lui proposer d'ouvrir une agence matrimoniale.
Oh mon Dieu je souris encore. Berry, je te hais du plus profond de mon âme.
***
Farhan attendait la haine de ses camarades. Vraiment, il s'était blindé pour l'encaisser lorsqu'il avait annoncé vouloir exceptionnellement ouvrir le dimanche pour ne pas rater la moindre occasion de gagner quelques gallions de plus qui pourrait faire respirer la boutique financièrement. Il avait même prévu de travailler seul toute la journée pour les laisser se reposer ... alors quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'après d'âpre négociation, il s'était retrouvé obligé de ne pas montrer sa tête en bras et de se reposer en ce dimanche matin où Charlie, Aidan et Lauren s'étaient proposés d'officier. Il avait encore une tête à faire peur, avait ajouté la préfète en fronçant du nez. Et cette fois, il avait intérêt à se reposer, avait prévenu Charlie d'un ton presque menaçant.
Il était vrai que Farhan avait eu le plus grand mal à lâcher du leste pendant cette première semaine de travail en groupe : non seulement il s'était levé aux aurores tous les jours pour être certain qu'ils ouvrent correctement la boutique, mais en plus même lorsqu'il était de révision, il ne pouvait s'empêcher de descendre superviser. Le soir, il alternait entre vérification des comptes et visites à Ste-Mangouste pour voir un Nolan qui avait meilleure mine depuis que son fils était revenu dans son quotidien. Il était sincèrement exténué, et ce fut peut-être pour cette raison qu'il ne protesta pas trop et qu'il émergea le dimanche proche de midi, la tête encore lourde de sommeil. La douche dissipa les dernières brumes paralysantes de son esprit et pour la première fois des vacances, il envisagea de raser l'ombre noire qui avait couvert sa lèvre supérieure. Son apparition avait surpris tout le monde, y compris Tonks et Charlie qui étaient censé le connaître le mieux. Il était vrai que Farhan avait pris l'habitude de se raser tous les jours depuis que les premiers poils avaient commencé à pousser lorsqu'il avait quatorze ans : ils l'avaient horrifié, il s'était senti devenir homme trop vite et surtout il avait craint les moqueries faciles de Brett et Leonard. Si la peur s'était atténuée, le rituel avait demeuré jusqu'à cette semaine où il avait eu la sensation de ne plus avoir une seconde pour lui. Il n'était pas contre l'idée de lâcher un peu de lest ... après tout, Lauren avait admis que la pilosité lui allait bien.
Songeur, il finit par reposer le rasoir, assez curieux de voir jusqu'où cela pouvait aller et rejoignit Tonks qui travaillait sur sa table. L'organisation de la Poufsouffle ressemblait à s'y méprendre à un désordre monstre, mais un désordre dans lequel elle se retrouvait parfaitement : elle n'avait aucune difficulté à retrouver un cours, un grimoire ou sa plume qu'elle avait à présent planté dans un chignon d'une vague couleur mauve.
-Bonjour petite étoile, lança-t-elle joyeusement en gardant les yeux rivés sur son morceau de parchemin. Bien dormi ?
-Très drôle ...
Farhan passa la main dans ses cheveux encore mouillé et fit chauffer la théière d'un mouvement de la baguette. Tonks ricana dans son dos.
-Je te jure, ce qu'il ne faut pas faire pour que tu dormes ... Lauren voulait mettre une Potion de sommeil dans son thé hier ...
-Pff ... Tu pouvais rester chez toi, tu sais. Pour réviser.
-Oh non, je révise bien ici, assura Tonks avec un sourire. Le fait qu'on soit ensemble, ça me motive un peu ... et ici j'ai le droit aux sucreries !
Elle piocha allègrement dans une boite de couine-souris en sucre qu'elle avait acheté la veille et dont la moitié avait déjà été engouffrée par la petite bande.
-Et au fait ... c'est pour qui ça ?
Tonks fit émerger de son bazar organisé trois bracelets de perle violettes avec chacun une petite breloque d'argent représentant une étoile, une lune et un soleil. Farhan frémit en voyant Tonks les passer à son poignet l'air à la fois perplexe et appréciateur.
-Ils me font de l'œil depuis ce matin ... Pas trop la couleur de Abbot pourtant le violet ...
-Le ou la prochaine qui me parle de Joséphine, je l'enferme dans la cave, promit Farhan avant de tendre une main. Et lâche-moi ça, c'est pour Maya. C'est son anniversaire demain ... (il fronça les sourcils et se reprit immédiatement) : non, aujourd'hui ! Mince, j'ai envoyé Stanford à mon père hier !
-Et c'est là que je suis ravie d'être fille unique, je pense que j'oublierais tous les ans l'anniversaire de mes frères et sœurs. C'est super joli, je suis certaine qu'elle va adorer.
Tonks lui adressa un sourire encourageant et n'insista pas davantage pour se remettre à ses révisions. Si, dans le sillage de Charlie, elle se permettait de lourdes références à sa relation avec Joséphine qui n'était désormais plus un secret pour les jumeaux McColley, elle avait été d'une appréciable sobriété concernant Maya et sa quête d'identité. Elle avait juste demandé à voir leurs dossiers d'adoptions et le rapport de l'attaque des Mangemorts pour se faire une idée – et certainement s'entrainer à son futur métier – mais sans faire de commentaire superflu. Quelque part, Farhan savait qu'elle sentait que la situation était épineuse, et que contre toute attente, Joséphine s'avérait être un sujet plus heureux pour lui, plus porteur d'espoir que le gouffre de son identité.
-Peut-être que Stanford reviendra bientôt, attends un peu, ajouta-t-elle distraitement avant de consulter sa montre. Ils ne vont pas tarder à remonter manger ... Madame Guipure et Mrs. Weasley se sont télescopées, on en a pour un régiment de bouffe !
Avec un petit rire, Farhan lorgna sur les marmites de ragoût apportés par Charlie la veille et les lasagnes de viandes et de légume qu'Elvezia s'était appliquée à leur préparer. Puis, il jeta un regard soucieux à la porte qui menait à l'escalier qui lui-même descendait dans la boutique. Il hésita quelques secondes, les mains crispées sur sa tasse de thé. Il avait conscience d'avoir toutes les difficultés du monde à lâcher la bride à ses amis, qu'il tombait dans tous les travers de son père. Mais c'était plus fort que lui : cette affaire, c'était sa vie et son avenir. Et définitivement, Farhan doutait être capable de travailler avec quelqu'un d'autre que Nolan.
Néanmoins, son indécision fut étouffée dans l'œuf lorsque la porte s'ouvrit sur Lauren. La jeune fille devait certainement s'être enfermée dans la réserve s'il en jugeait par le tablier qu'elle avait noué à sa taille et à ses cheveux qu'elle avait levé en un chignon garni de feuilles séchées. Ses yeux verts se posèrent sur Farhan et elle se mit à applaudir avec des gestes appuyés.
-Mais bravo ! Une matinée entière sans venir nous fliquer, quel progrès !
-Il vient de se lever, dénonça Tonks.
-Ah, je me disais bien aussi ...
-Je ne vous flique pas, je vous assiste, rectifia Farhan avec une certaine raideur.
Les prunelles de Lauren étincelèrent et elle envoya valser la conversation d'un haussement d'épaule. Elle trépignait étrangement, les mains croisées derrière son dos et avec un sourire impatient qui ourlait ses lèvres.
-Oui oui, bien sûr. Au fait, tu t'es brossé les dents ?
-Pardon ?
-Non rien, lança Lauren en s'engouffrant de nouveau dans l'escalier.
Ses gloussements retentirent dans la cage étroite et obligèrent Farhan à interroger Tonks du regard. Son amie haussa les épaules et tourna deux doigts sur sa tempe avant de suspendre son geste. Un sourire se dessina sur ses lèvres et elle abandonna soudainement plume et grimoire pour suivre les pas de Lauren. Farhan resta quelques secondes hébété, sa tasse de thé dans une main et les bracelets de Maya dans l'autre. Et alors son esprit lut enfin à travers la question absurde de Lauren il lâcha précipitamment les deux pour se précipiter à la suite des filles dans l'escalier. Il ne savait pas très bien ce qui faisait ce vacarme infernal à ses oreilles : le grincement poussif des marches sous ses pas appuyés ou son cœur qui tambourinait dans sa poitrine. Il prit le temps de réguler sa respiration devenue chaotique en arrivant devant le rideau qui dissimulait la boutique, passa une main dans ses cheveux, paniqua un instant de ne pas y trouver ses lunettes avant de se souvenir qu'avec son réveil tardif il n'avait pas eu l'occasion de les mettre. Un peu nerveux, il se contenta dans un premier temps d'écarter le rideau de façon infime, simplement pour entrevoir la pièce. Charlie se tenait derrière le comptoir, un coude nonchalamment appuyé dessus et discutait avec une Bérénice dont le sourire semblait aller d'une oreille à l'autre. Dans une jolie robe de sorcière lilas, elle tenait dans ses mains un paquet cadeau, fait que Farhan comprit une seconde plus tard quand ses yeux tombèrent sur Maya. Particulièrement apprêtée avec une longue jupe plissée et un chemisier blanc qui réhaussait son teint méditerranéen, sa sœur s'était revêtue d'un hijab de soie colorée au motif fleuri. Amusée, elle observait la personne que Farhan craignait d'apercevoir.
Qui dois-je tuer ?
Joséphine était bien là, toute mignonne avec une jupe à carreau rouge et beige coupée au-dessus de ses genoux, sobrement maquillée si on exceptait son habituel rouge à lèvre vermeille. Farhan dut la fixer plusieurs secondes pour comprendre pourquoi il était troublé par sa vision : à présent, une franche soignée couvrait son front et se dégradait autour de son visage. Cela donnait du sens à une chevelure qui gardait pourtant son aspect indiscipliné et cascadait librement dans son dos. La mine résolument neutre, elle écoutait en silence un Aidan que Farhan percevait de dos.
-... m'excuser cent fois, ça ne servira à rien de le répéter. Je veux juste passer à autre chose, voir plus loin et laisser cette histoire derrière nous. Je me demandais simplement si tu étais prête à le faire en revenant dans l'équipe.
-Evidemment qu'elle va revenir, sinon elle n'aura pas l'occasion de me faire briller au dernier match de la saison, plaisanta Charlie d'un ton goguenard.
Joséphine posa sur lui un regard somptueusement exaspéré. Farhan attendit la pique, mais elle le détrompa en reportant immédiatement son attention sur Aidan, toujours sans un mot. Derrière le comptoir, Tonks et Charlie échangèrent un petit regard surpris.
-Il a raison, on aura besoin de toi pour performer, enchérit le Capitaine de Serdaigle. Ce que tu as fait avec Serpentard, je sais que tu es capable de le refaire avec lui.
-Tu ne vas quand même pas le laisser quitter Poudlard aussi tranquillement ? lança joyeusement Bérénice.
-Dis donc, Miss Abbot, s'indigna Charlie, une main sur le cœur. Moi qui pensais que tu étais de mon côté !
-J'ai changé de camp.
Aidan se retourna pour lui lancer une petite œillade fière mais Joséphine plissa les yeux en leur direction, l'air suspicieuse. Farhan n'était pas sûr d'apprécier le sourire à moitié contrit, à moitié fier que lui servit Bérénice et encore moins le regard qu'elle échangea avec Maya. Sa sœur retenait avec de grandes difficultés son sourire.
C'est bon, je sais qui tuer.
Joséphine se détourna de sa sœur, l'air songeuse. Sa bouche fut plusieurs fois agitée d'un tic nerveux, mais elle finit par entonner lentement :
-J'ai perdu un peu de forme ...
-Tu as deux mois pour la retrouver.
-Un peu beaucoup, en réalité.
-Jo, j'ai pas de plan B. C'est toi mon Attrapeuse.
-Alléluia, glissa Charlie à Tonks d'un ton bas. Ce n'était pas le même discours avant les vacances ...
Tonks ne répondit pas, la tête rentrée dans les épaules. Farhan aurait pensé que l'insistance d'Aidan et la façon dont il prouvait qu'il avait besoin d'elle remplirait Joséphine de confiance, mais depuis sa cachette, il avait plutôt l'impression de la voir crouler sous la pression. Visiblement incapable de regarder Aidan dans les yeux, elle adressa son hochement de tête au vide.
-Très bien, j'essaierai. J'ai toujours lutté pour garder le Quidditch dans ma vie, ce n'est pas à trois mois de la fin de mes études que je vais craquer ... (Elle replaça nerveusement une mèche de cheveux derrière son oreille). Bon, les filles je viens vous rechercher ce soir. Ne me faites pas transplaner pour rien.
-Tu ne restes pas ? s'étonna Aidan.
-Bien sûr que si elle reste, protesta Maya en se tournant vers elle. Allez Jo, c'est mon anniversaire, ça me ferait plaisir que tu sois là ...
C'est donc cela le véritable visage des petites sœurs. Car pendant que Maya tentait de convaincre Joséphine, Bérénice s'était retournée pour dissimuler son sourire à sa sœur. Manque de chance, Farhan le vit et ne put s'empêcher de secouer la tête derrière son rideau, consterné. Joséphine contempla quelques secondes Maya, visiblement tiraillée. L'une de ses mains s'étaient portée sur son sternum et le cœur de Farhan manqua un battement lorsqu'il reconnut le camée sous ses doigts.
-C'est gentil, ma belle mais je préfère ne pas déranger.
-Tu ne déranges pas, lança Charlie à mi-voix.
-Je te demande pas ton avis, Weasley !
-Tu ne déranges pas.
Farhan fut extrêmement satisfait du sursaut collectif qui eut lieu et savoura la lueur de panique qui brilla dans les yeux de Charlie lorsqu'il se retourna sur lui d'un bond. Bérénice parut vouloir rentrer sous terre en le trouvant appuyé contre le chambranle, la main sur le rideau qu'il venait de lentement écarter. Tonks se laissa aller sur le comptoir avec un soupir soulagé.
-Mille gargouille tu m'as foutu une frousse ! J'étais prête à te lancer le pot de fleur sur la tête !
-Tu aurais visé ma tête mais il aurait atterri sur ton pied.
-Enfoiré !
Plutôt que de s'attarder sur la mine vexée de Tonks ou succomber à la tentation de poser les yeux sur Joséphine qu'il, malgré son intervention, ignorait soigneusement, il pivota vers Maya. La jeune fille eut un immense sourire lorsqu'il se dirigea vers elle qui s'agrandit encore lorsqu'il força sa nature pour l'embrasser sur le front. Le geste lui semblait si intime qu'il avait des scrupules à l'exécuter devant tant de paire d'yeux indiscrète, mais il ne voulait avoir d'yeux que pour la reine de la journée.
-Joyeux anniversaire, lui dit-t-il en s'écartant. Même si je suis positivement sûr que normalement on ne vient pas réclamer son cadeau chez son grand frère.
-Bien sûr que si ça se fait, assura Charlie avec un grognement. Le jour de son anniversaire, Ginny dévale plusieurs fois les étages en hurlant « C'est mon anniversaaaaire ».
-Et Joséphine allait sauter dans le lit d'Ophélia et des parents quand elle était petite, ajouta Bérénice avec un petit sourire.
-Hé ! protesta la concernée.
Ne la regarde pas, s'enjoignit-t-il, même si l'image d'une petite Joséphine extatique et heureuse d'être la star de la journée avait de quoi l'attendrir. Fort heureusement, le sourire de Maya était si grand, si simple et si communicatif qu'il n'avait aucune envie de le voir échapper à son champ de vision.
-Je ne voulais pas mon cadeau ..., le détrompa-t-elle, les yeux étincelants. Je me suis juste dit qu'il y avait un peu trop longtemps qu'on n'avait pas passé mon anniversaire ensemble. Douze, en fait. Je me suis arrangée avec mes parents, je dîne avec eux ce soir ... Mais je voulais te voir quand même.
Le mélange d'indécision et d'espoir que véhiculait les mots de Maya résonnèrent profondément en Farhan qui ne put retenir un bref sourire ému. L'idée de refuser, même en arguant un travail à faire à la boutique ou des révisions, ne lui vint même pas à l'esprit. Ils auraient dû fêter leurs anniversaires ensemble pendant les premières années de leur vie, jusqu'à ce que le destin les sépare ... il était temps de reprendre le fil de leur histoire. En janvier, pour les dix-huit ans de Farhan, leur relation avait été trop jeune mais cette fois il ne voulait pas laisser filer l'instant.
-Je n'ai pas de quoi de faire de gâteau, précisa-t-il néanmoins.
-On mettra les bougies sur les lasagnes de Madame Guipure, proposa Tonks avec enthousiasme avant de lever les mains. Enfin, on va peut-être vous laisser ...
-Sérieux ? protesta Lauren, outrée. J'ai travaillé un dimanche matin, j'ai mérité les lasagnes de Madame Guipure !
-Ce n'est pas toi qui as dû nettoyer les tonneaux d'œil de Strangulot, marmonna Aidan avec une grimace.
-Eurk, commenta Joséphine. Mais j'ai presque envie de rajouter « bien fait ».
-Ne t'en fais pas, on lui donne toutes les tâches ingrates, plaisanta Charlie avec un clin d'œil. On ne te fait pas péter deux dents impunément.
Joséphine mit une main sur son cœur, la mine exagérément touchée, sous le regard blasé d'Aidan et Lauren. Tonks ramena par ailleurs Charlie à l'ordre d'un discret coup de coude dans les côtes et Maya essuya un petit rire.
-Ecoutez, c'est moi qui m'incruste alors je ne vais pas vous priver de votre repas ! Surtout que moi je ne risque pas d'en manger, je suis encore au jeûne ...
-Viens, on va aller fouiller les placards, je suis sûr qu'on va trouver quelque chose de plus décent pour mettre tes bougies, proposa Charlie. Qui a des talents de pâtisseries ?
-Mon père m'a appris deux ou trois trucs ! lança Tonks en s'élançant vers l'escalier.
-Quoi ? se récria Lauren en la suivant. Non, Tonks ça ne va pas, tu vas tous nous nous empoisonner !
-Abbot est revenue, tu n'as plus besoin de prendre ses répliques !
Un petit rire collectif descendit des escaliers que tous montaient avec enthousiasme. Lentement, la pièce se vida et après qu'Aidan ait retourné l'écriteau « ouvert » sur « fermé », il le resta même que Farhan et Joséphine. La jeune fille s'était contentée de lever les yeux au ciel à la pique de Tonks mais dans ses iris il voyait défiler toutes les répliques qu'elle stockait pour se venger. Puis son regard effleura celui de Farhan, silencieusement planté sur elle et elle se trouva un intérêt soudain pour les bouquets de plantes séchées qui pendaient au-dessus de sa tête. Au moment où elle ouvrit la bouche pour prendre la parole, Farhan lui coupa l'herbe sous le pied :
-C'est ta nouvelle lubie d'envoyer des gens dans ma boutique ? Toute la clique, maintenant Bérénice et Maya ...
-Alors elles, je n'y suis strictement pour rien. Si ça n'en tenait qu'à moi, elles auraient pris le Magicobus. (Elle fronça les sourcils et pencha la tête sur son épaule). Qui m'a balancé ?
-Charlie.
-Il est pénible, maugréa-t-elle en secouant la tête. Vraiment pénible.
-Ce n'est clairement pas un cadeau que tu m'as envoyé, c'est clair. Les autres non plus par ailleurs.
Un petit sourire ourla les lèvres de Joséphine et elle posa plus franchement les yeux sur lui. Farhan essaya de ne pas avoir l'air de la scruter, et pourtant il avait conscience que c'était précisément ce qu'il faisait. Il la dévisageait, à la recherche d'une trace physique de ses réflexions, de son état psychologique. Son sourire était prudent, maîtrisé, mais ses prunelles étincelaient. Sa mine était également rassurante : aucune trace de cerne ou de pâleur maladive. Elle semblait réellement s'être reposée chez son grand-père. Ses doigts tripotaient un bracelet sur son poignet gauche dans un geste qui trahissait une certaine nervosité. Lorsqu'ils cessèrent enfin, ce furent pour effleurer sa lèvre supérieure.
-C'est nouveau ?
Par miroir, Farhan exécuta le même geste et tomba sur le poile rêche. Immédiatement, ses craintes d'adolescent refirent surface mais il parvint à se composer un bref sourire.
-C'est surtout un mélange de manque de temps et de flemme.
-Ça te va bien.
-Tes cheveux aussi.
Il était sincère, il appréciait assez le caractère que donnait cette nouvelle coupe au visage de Joséphine. Elle effleura les mèches qui lui couvraient à présent le front et en replaça une derrière son oreille. Un sourire ourlait ses lèvres et Farhan percevait qu'elle faisait tous les efforts du monde pour le minimiser.
-Ravie que tu approuves ... Berry ne comprend pas, ma mère déteste. Mais j'avais vraiment envie de changer de tête.
La phrase fit tant échos à la conversation qu'ils avaient eu dans les serres que Farhan fut trop occupée à y réfléchir pour lui répondre. Je devais gérer quelque chose ... Ce jour-là, il avait trop éprouvé, trop bousculé par ses propres problèmes pour insister sur la raison qui bouleversait visiblement la vie de Joséphine depuis quelques semaines. Quelle qu'elle soit, le changement de coupe faisait parti du processus ... mais quel avait été le déclencheur ? Sa curiosité tenait de l'inquiétude et il réprima un soupir résigné.
Non. Impossible de couper le lien. Surtout pas maintenant que la porte était grande ouverte ...
La nervosité de Joséphine grandit avec la longueur de son silence. Après ses bracelets, elle s'attaqua au camée et à sa chaine qu'elle entortilla autour de ses doigts à s'en couper la circulation. Son sourire avait disparu au profit d'une expression ouvertement indécise et gênée.
-Ecoute, je comprendrais vraiment que tu veuilles que je parte, assura-t-elle sans le regarder. On s'est dit qu'on réfléchissait jusque la rentrée, je ne veux vraiment pas t'embêter ... J'inventerai quelque chose pour Maya. L'important pour elle, c'est que toi tu sois là.
Farhan apprécia l'échappatoire. Il l'apprécia d'autant plus qu'il était presque certain qu'elle ne le lui aurait pas laissé quelques semaines plus tôt, qu'elle se serait engouffrée dans la brèche sans demander son reste. Il l'apprécia un peu moins lorsqu'il réalisa ce que cela déclenchait réellement en lui : un véritable rejet. Non, aucune part de lui-même ne souhaitait qu'elle parte, et c'était certainement pour cela qu'il était intervenu si vite, si instinctivement en écartant le rideau.
Définitivement, Maya n'était pas la seule qui tenait à sa présence.
Si Farhan devait être parfaitement honnête, elle lui avait manqué dès les premiers jours de vacances. Dès que Charlie lui avait fait comprendre à demi-mot qu'elle était celle qui les avait envoyés pour sauver ses vacances. Le manque était d'autant plus criant que son spectre avait littéralement posé sur ses journées : les allusions plus ou moins discrètes de ses camarades, ses conversations avec Charlie et parfois des détails triviaux comme les amandes qu'il continuait de grignoter entre les repas. Elle avait hanté ses pensées. Et malgré ce qu'avait pu dire Charlie sur les deuxièmes chances, il s'en était senti parfaitement idiot. Tout ce que cette hantise disait, c'était qu'il n'avait absolument pas ni la volonté, ni la force d'esprit de la repousser.
-Sincèrement ... je doute qu'une semaine supplémentaire changera la donne.
Joséphine cilla avant de reposer les yeux sur lui, hébétée. Farhan réprima difficilement un sourire face à la réflexion qui se lisait sur son visage. Sa déclaration n'était pas une réponse en soit et le doute était ouvertement permis. Il devait paraître insupportable à Joséphine qui s'enquit immédiatement d'une voix prudente :
-Je vois ... et de ce fait, quelle est la donne en question ?
Farhan aurait pu aisément répondre. Il brûlait même de mettre fin à cette situation, d'enfin en finir avec la gêne et l'incertitude, d'explorer cette deuxième chance qu'il ne se voyait pas refuser malgré le mal qu'avait pu causer la situation. Il voulait l'avoir dans sa vie sans avoir à en rêver, en chair et en os et non comme fantôme et fantasme. Il voulait l'embrasser. Oui, ses lèvres vermeilles étaient bien trop attrayantes. Mais surtout, il se sentait assez fort pour chercher ce qu'il y avait derrière ce « quelque chose ».
Pourtant, tous ses désirs restèrent coincés derrière ses dents, bloqués par un lourd sentiment gênant qui continuait de l'entraver et qui se résumait par « c'est trop facile ». Parfois, le « non » résonnait encore cruellement dans sa tête, en échos de la colère qui pouvait parfois le parcourir à l'idée que tout ce mal avait été appliqué pour rien, pour que quelques semaines elle vienne le voir pour transformer son « non » en « oui ». Ce fut en voyant Joséphine se balancer sur ses orteils et observer la boutique comme si elle ne savait plus où poser les yeux, l'air de plus en plus nerveuse, qu'une idée lumineuse lui vint pour équilibrer quelque peu les choses et apaiser la chape de plomb que le « non » avait abattu sur son cœur. Un lent sourire dont il sentait tout le sadisme retroussa ses lèvres.
-On a dit qu'on se donnait rendez-vous à la rentrée.
-Sérieusement ? se récria Joséphine, sceptique. Mais si tu sais là ...
-Oui je sais. Mais tu vas attendre quand même.
Joséphine haussa les sourcils avec un mélange de surprise et de dédain qui rassura presque Farhan. S'il appréciait une version plus réfléchie de la jeune fille, il n'était pas prêt à renoncer ce qui faisait sa nature profonde, même le pire d'elle. Et au lieu de s'en extasier, il lui adressa un dernier sourire carnassier pour enfoncer le clou et se détourna pour se diriger vers l'escalier. Un petit rire retentit derrière lui, un rire fait d'incrédulité et de soulagement.
-Tu veux jouer à ça ... Ça va se payer ça, O'Neil !
Farhan sourit. Mais il espérait bien ... En attendant, sa journée promettait d'être radieuse. Pleine d'espoir, de célébrations et d'une Joséphine frustrée au bout de la table.
***
Joséphine avait la mine renfrognée lorsque Maya posa la part de gâteau devant elle. Mais la jeune fille ne s'en formalisa pas : elle était véritablement sur son petit nuage. La pièce de vie des O'Neil était peut-être étroite pour tous les accueuillir, mais il y régnait tant une ambiance de joie et de bonne humeur que peu importait l'exigüité. Elle qui avait parfois trouvé les gens de son âge puérils, elle avait adoré échanger avec la meilleure amie de Farhan, la fameuse Tonks aux cheveux mauves qui l'avait désappointé d'un prime abord, mais dont elle avait grandement apprécié la candeur et la fraîcheur. Elle connaissait Lauren de loin, comme préfète et sœur jumelle d'Aidan et avait ri aux éclats lorsqu'elle avait forcé Farhan à esquisser quelques pas de danses irlandaise. Charlie l'avait aidé à concocter son gâteau d'anniversaire avec des ingrédients sortis du fond des placards et de la fleur d'oranger que Bérénice et Aidan s'étaient proposé d'aller acheter pour que Maya ait une saveur à son goût. Le pire dans l'affaire était en raison du Ramadan, la seule chose qu'elle avait pu faire était de souffler les bougies mais cette fois la faim n'avait aucune prise sur elle. Après des mois d'incertitude et d'angoisse, elle était tout simplement heureuse.
-Tu es sûre de ne pas vouloir faire une petite exception ? insista Bérénice. C'est pour toi qu'on l'a parfumé à la fleur d'oranger ...
-Je le goûterai ce soir, promit Maya avec un sourire. C'est super gentil d'avoir fait ce sacrifice, je sais que c'est très clivant la fleur d'oranger ...
-Moi j'aime bien, mais c'est parce que tu as habitué mon palais à ça depuis quatre ans.
Amusée, Maya brandit le poing en signe de victoire et Bérénice essuya un petit rire. Comme pour prouver ses dires, elle prit une bouchée du gâteau et ferma les yeux pour le savourer. Lorsqu'elle les rouvrit, elle pointa sa cuillère sur le poignet de Maya.
-Pour une première, il a géré, non ? C'est joli.
Un sourire retroussa les lèvres de Maya et elle effleura les perles violettes qui ornait à présent son poignet. Elle avouait avoir été perplexe lorsque Farhan lui avait offert les bracelets – elle n'était pas une fille matérielle, encore moins une fille à bijoux – avant de remarquer les petites breloques en forme d'astre qui donnaient tout leur sens à l'objet.
-C'est mignon, oui ... regarde la lune, elle est super jolie je trouve !
-Tu as de la chance. Pour mon anniversaire, Ophélia m'a offert des boucles d'oreille hyper chargées et hyper lourdes. Je crois qu'elle s'attend à ce que je les mette pour le mariage ...
-Et Joséphine ?
-Elle a relevé un peu le niveau, convint Bérénice en jouant avec les miettes de son gâteau. Un traité sur les échecs, pour que je peaufine mes techniques. J'en ai déjà lu la moitié.
Maya haussa les sourcils – l'anniversaire de Bérénice avait eu lieu deux jours plus tôt, mais ils l'avaient fêté la veille avec le retour de Joséphine des highlands. N'ayant pas les moyens de lui payer un cadeau, elle lui avait envoyé une carte qu'elle avait peinte elle-même et un paquet de pâtisserie orientales qu'elle avait cuisiné avec sa mère. Bérénice elle, en guise de cadeau, avait débarqué sur le bas de sa porte avec une Joséphine d'humeur exécrable, visiblement peu heureuse de servir de taxi. Et pour zéro noises dépensées, Maya trouvait que c'était un magnifique cadeau.
-Déjà que tu battais tout le monde à plate couture, tu ne vas plus trouver aucun adversaire à ta taille ...
-Hum ..., laissa échapper Bérénice, le regard au loin.
Planté sur Aidan McColley, remarqua Maya, mortifiée. Il discutait avec Lauren qui s'était assise sur le fauteuil où était vautrée Joséphine et qui de temps à autre leur jetait un regard presque méfiant, comme si une partie d'elle peinait à complètement pardonner le coup de poing d'Aidan. Mais visiblement, ce n'était pas le cas de Bérénice qui esquissa un sourire attendri quand le Capitaine rit aux éclats devant une blague de sa sœur.
-Berry ...
Les joues de Bérénice s'échauffèrent quelques peu, mais sa mine était interrogative lorsqu'elle tourna de nouveau le regard sur Maya. Celle-ci secoua lentement la tête, désabusée.
-Berry, arrête. Il a une copine.
-On n'a pas déjà eu cette conversation un millier de fois ? rétorqua Bérénice en levant les yeux au ciel.
-Justement. Tu es une fille intelligente, je pensais qu'une fois aurait suffi pour te ramener à la raison, mais visiblement ce n'est pas assez.
Bérénice baissa les yeux et joua nerveusement avec son morceau de gâteau pour ce qui était du point de vue de Maya un point de vue criant de culpabilité. Soulagée de la voir silencieusement admettre ce qu'elle niait depuis des mois, la jeune fille se permit d'ajouter avec douceur :
-Tu sais, ça ne veut rien dire sur toi. Ça n'a même aucun rapport avec toi, avec ce que tu es ... c'est juste que ...
-On s'est embrassé.
C'était dit d'un ton si bas que Maya était certaine d'avoir mal entendu, d'avoir rêvé cette petite voix, ces petits mots. Mais un coup d'œil sur le visage désemparé de son ami suffit à lui faire comprendre qu'ils avaient bien été prononcés. Sa bouche s'entrouvrit légèrement sous le choc.
-Quoi ?
-On s'est embrassé, répéta Bérénice à voix basse, en détachant chaque syllabe. Juste avant les vacances. (Elle baissa la tête). Et tout à l'heure, en allant aux courses ...
La bienveillance et l'absence de jugement étaient les boussoles de Maya. Pourtant, face à cette découverte, elle ne put s'empêcher de couvrir sa bouche pour contenir l'indignation qui montait en elle. Elle n'eut pas besoin de l'exprimer verbalement : Bérénice le perçut parfaitement.
-Je sais ce que tu vas dire, murmura-t-elle précipitamment. Je sais qu'il a une copine, je sais que c'est idiot, je sais qu'il n'y a ni sens ni avenir. Mais je ne suis pas obligée d'être parfaite tout le temps ! Moi aussi j'ai le droit à mon petit dérapage ...
-Ton petit dérapage ? Tu appelles ça un « petit dérapage » ? Berry, pense à Elisa ! C'est dégueulasse pour elle !
Bérénice abandonna la contemplation de son gâteau pour écarquiller les yeux sur Maya, estomaquée de la voir employer ce genre de vocabulaire. Ses pommettes s'étaient colorées d'un rouge qui tenait presque de l'écarlate.
-Ils sont en froid depuis quelques temps ...
-Et alors ? répliqua Maya. Ça lui donne la permission d'aller voir ailleurs, juste parce qu'ils se sont disputés ?!
-Baisse d'un ton, supplia Bérénice, inquiète.
Elle jeta un regard paniqué à Aidan, Lauren et Joséphine. Farhan les avait en plus rejoint et Maya ne put s'empêcher de remarquer le regard qu'il échangea avec la jeune fille, le sourire entendu qui ourla ses lèvres et la façon dont Joséphine releva immédiatement le nez avec dédain. Mais Maya se détourna vite pour en revenir à Bérénice qui cherchait visiblement quelque chose sur son visage. Un salut ?
-Je sais, je sais, je sais, martela-t-elle, l'air désespéré. Je sais, tout ce que tu vas me dire, je le sais. C'est horrible pour Elisa et je ne suis pas sûre que cette histoire révèle le meilleur d'Aidan. Mais ... je ne sais pas, il m'a vu, d'accord ? C'est certainement horriblement puéril comme excuse mais ... ça fait du bien, d'être vue.
Une partie de l'indignation de Maya se mua en peine pour son amie. Elle savait à quel point Bérénice souffrait d'un véritable complexe, lié au fait qu'elle se comparait sans cesse aux autres et particulièrement à ses sœurs. La belle Ophélia qui avait fait tourner toutes les têtes à Poudlard et Joséphine la flamboyante. C'était elle, l'amie d'Aidan, elle vers qui son regard aurait pu se tourner mais non. C'était vers Bérénice qu'il l'avait fait et Maya pouvait imaginer l'enivrement que cela aurait pu provoquer chez elle. Elle lissa son hijab sur son épaule en repoussant d'une inspiration ses doutes au fond d'elle.
-Je vois. Et ce n'est pas possible de te dire que ... c'est bon, tu as vécu cela et maintenant ça s'arrête ?
-Je ne sais pas vraiment ce que je veux, avoua Bérénice. Je ne sais même pas si je suis vraiment amoureuse de lui. Enfin je ressens définitivement quelque chose, je deviens complètement une autre dès qu'il est dans la pièce, c'est un problème que je suis en train de résoudre parce que j'ai juste horreur de ça ...
-Que tu ressentes quelque chose ou non, le principal problème restera Elisa, Berry. Tu ne peux pas sortir avec lui.
-Je sais. Mais si je lui demande de choisir, je sais qu'il la choisira elle, tu comprends ?
Oui, Maya comprenait un peu trop bien. L'égo à peine redoré de Bérénice risquait d'en prendre un sacré coup. De nouveau, son regard vagabonda jusqu'au groupe de septième année. Farhan avait pris place sur l'autre bras du fauteuil de Joséphine, une tasse de thé à la main et parlait avec Aidan par-dessus la tête cuivrée et blasée de la jeune fille. L'espace d'un instant, Maya songea que c'était son devoir de meilleure amie d'en parler à l'un d'entre eux. A Aidan pour qu'il cesse de profiter de sa situation, ou à Joséphine qui était certainement mieux placée pour résonner les deux.
-Qu'est-ce qu'il cherche, lui ?
La question était surtout adressée à elle-même, mais Bérénice y répondit tout de même :
-Honnêtement ? Je pense surtout qu'il cherche à se rassurer à cause de ce qui s'est passé avec les gars de Gryffondor. Et ... (sa voix se fondit dans un filet) il dit qu'il m'aime vraiment bien. Qu'il adore la façon dont je réfléchis et que j'étais la seule dont il acceptait les raclées.
-Pardon ?
-Aux échecs. Je le bats tout le temps aux échecs. On doit être quelque chose comme à dix-huit parties à zéros.
La fierté rayonnait faiblement dans la voix de Bérénice et Maya lui jeta un regard de biais, complètement désabusée par la situation.
-C'est vraiment une question d'égo, conclut-t-elle avec une pointe de déception. Vous flattez l'égo l'un de l'autre, c'est ça ?
-Et d'enfin embrasser un garçon, ajouta Bérénice avec un pauvre sourire. Je pensais que j'allais trouver ça écœurant et sans intérêt mais ... en fait si, je comprends l'intérêt, c'est plutôt sympa.
-Non mais je rêve ...
-Je te jure ! Tu n'es pas curieuse ?
-Comme tout le monde, je suppose. Contrairement à toi, je ne m'en suis jamais cachée.
Une pointe d'acidité s'était glissée dans sa voix et les lèvres de Bérénice se pincèrent en échos. C'était peut-être ce que Maya comprenait le moins dans cette histoire, que sa meilleure amie se permette ce genre de comportement en ayant passé sa vie à clamer haut et fort mépriser l'amour et ses déboires. Qu'elle ait fini par s'y trouver sensible, Maya ne pouvait que s'en réjouir mais c'était ce qui s'appelait un sacré virage ...
-Je sais que tu me juges ..., souffla Bérénice d'une voix résolument indifférente.
-Allah te juge depuis les cieux. Moi je ne fais que t'indiquer le droit chemin.
-En me jugeant quand même. Toi non plus tu ne peux pas être parfaite, Maya, je le vois dans tes yeux que je te déçois. Ce n'est pas grave, venant de toi je comprends ... Tu as une moralité tellement irréprochable que tu peux de temps en temps te permettre de nous regarder de haut. C'est humain.
May n'aimait pas particulièrement qu'on la rapporte à son statut d'humaine imparfaite et faillible, mais elle devait admettre que Bérénice avait lu en elle comme dans un livre ouvert. De quoi avait-elle l'air, sincèrement ? songea-t-elle, un brin mortifiée. Pour qui se prenait-elle à la juger ? Ce n'était pas la religieuse bigote que Bérénice était venue chercher avec sa confidence. C'était son amie.
-Berry, j'ai juste peur que rien de bon ne ressorte de cette histoire, finit par expliquer Maya. C'est le genre d'incident qui peut te réduire en miette et ce n'est pas ce dont j'ai envie, d'accord ? Fais comme bon te chante mais s'il te plait, protège-toi. Que tu ne veuilles pas lui demander de choisir frontalement, très bien je comprends, mais ne le laisse pas user de toi à ta guise non plus. Tu vaux mieux que ça.
-Je ne comptais me laisser utiliser, au contraire. Chaque fois qu'on s'est embrassé, c'est parce que j'en avais envie. En un sens, c'est moi qui l'utilise ... J'avais juste envie de vivre ça. (Elle baissa les yeux sur ses genoux). Mais tu as raison sur un point ... C'est clair tout peut me retomber sur la figure et me briser.
Elle poussa un profond soupir et se prit le visage entre les mains.
-Je ne sais pas ce que je veux, ni ce que je veux faire. Je ne suis même pas sûre d'avoir envie de sortir avec lui ... Je n'ai pas envie de me prendre la tête, Maya ... Une fois dans ma vie, j'aimerais juste vivre sans avoir à planifier ni à me poser cinquante mille questions.
-Tu pourrais le faire dans plein d'autres aspect de ton existence, mais tu t'obstines à ce que tout soit réglé comme du papier à musique. Si tu lâchais un peu de lest autre part, peut-être que tu n'éprouverais pas le besoin d'aller embrasser le copain de quelqu'un d'autre ?
La pique glissée fut noyée dans le sincère conseil de Maya et ce fut cette partie sur laquelle Bérénice parut méditer. Malheureusement, sa réflexion dont elle avait cruellement besoin pour se remettre les idées en place fut coupée par la voix traînante de Charlie :
-Maya, tu es vraiment certaine que tu ne veux rien manger ? C'est triste pour ton anniversaire ...
-Fiche-lui la paix, répliqua immédiatement Farhan. Elle mangera mieux ce soir.
-Ah, ah ! Tu vois que tu commences à jouer au grand frère protecteur !
-Oh arrête, marmonna Joséphine en roulant des yeux. Toi ce n'est pas « protecteur », Weasley. Le mot exact serait « étouffant ».
Charlie la contempla d'un air amusé, nullement vexé et se permit même de jouer des sourcils d'un air entendu. Cela exaspérant grandement Joséphine qui se leva de son fauteuil en décrétant qu'elle avait besoin d'une pause. Farhan profita de son départ pour se glisser dans le fauteuil, un sourire aux lèvres mais un regard d'avertissement pour Charlie. Joséphine s'approcha elle de Bérénice pour fouiller son sac accroché à sa chaise.
-Je pensais que tu avais arrêté de fumer ? s'étonna-t-elle lorsqu'elle sortit son étui à cigarette.
-Ralenti, pas arrêté, rectifia Joséphine en plantant la tige au coin de ses lèvres. Des claques se perdent, ici ... Et les petites sœurs ? (Elle les pointa toutes les deux de son menton). Je vous déteste, je tiens à ce que ce soit dit.
Et pourtant ce fut un étrange sourire qui effleura ses lèvres lorsqu'elle se redressa. Elle hésita un instant dans la pièce, sa cigarette à la bouche et à jouer avec ses bracelets avant de revenir d'un pas rapide vers Farhan qui venait de se lever, la main tendue vers un paquet d'amande que Joséphine attrapa une micro-seconde avant lui. Un petit rire s'échappa de sa gorge lorsqu'elle ramena le paquet contre sa poitrine.
-Le talent de l'Attrapeuse !
-Contre moi, tu n'as aucun mérite, rétorqua Farhan avec un certain amusement. Tu n'en as pas marre de me taxer ?
-Tu t'attendais vraiment à ce que je sois sage ?
Avec un dernier sourire caustique, Joséphine s'en fut en pivotant gracieusement sur elle, faisant voler sa jupe et ses cheveux dans un tournoiement hypnotique. Maya remarqua avec un certain ravissement que Farhan mit quelques secondes à la lâcher du regard et que lorsqu'il le fit, ce fut pour se retrouver nez à nez avec Charlie et Tonks qui dissimulaient bien mal leur hilarité compulsive. Farhan les fuit d'un bond et Maya se redressa, aux aguets. Elle tapota le bras de Bérénice.
-On reparlera d'Aidan plus tard. Maya va jouer à la petite sœur pénible.
Bérénice éclata de rire et la jeune fille se dépêcha de suivre son frère qui prétextait visiblement faire la vaisselle pour ne pas à avoir à répondre aux remarques de Charlie et Tonks. Malheureusement, Maya était tout aussi mauvaise qu'eux quand il s'agissait de dissimuler ses sentiments et Farhan posa un regard circonspect sur le grand sourire qui ornait ses lèvres.
-Alors celle-là, maugréa-t-il avant de l'enjoindre à le suivre d'un geste de la main. Viens là, toi, j'ai un autre cadeau mais je ne suis pas sûre que tu le mérites ...
-Enfin pourquoi ? Je suis adorable !
Un peu de vantardise sous le couvert de la plaisanterie n'était pas mauvaise, songea-t-elle en suivant un Farhan désabusé. Il la conduisit jusqu'à une petite pièce qu'elle devina être sa chambre et qui lui fit perdre son sourire. Sa propre chambre à Leeds était spacieuse et lumineuse, avec un lit double et un superbe lustre fait de lune et d'étoile pendantes. Celle de Farhan était aussi exiguë que le reste de l'appartement, avec un lit étroit plaqué contre un mur et le bureau accolé qui lui servait en même temps de table de nuit. Le même sang coulait dans leurs veines, il suffisait de les regarder ... c'était si cruel qu'ils n'aient pas eu la même vie. La malle qui faisait les allers-retours à Poudlard prenait presque la moitié de la surface du parquet et Farhan sauta par-dessus pour retrouver son lit. Un étrange sourire retroussa ses lèvres.
-Adorable mais vicieuse. C'est quoi ce plan pour amener Joséphine jusqu'ici ?
-Oh ... Je ne pensais pas que ça te dérangerait, désolée, ânonna-t-elle innocemment. Je pensais que vous étiez amis ...
La mine dubitative de Farhan lui indiqua qu'il n'était pas dupe une seule seconde et elle abandonna ses airs de blanche colombe pour sauter sur son lit avec lui, un grand sourire aux lèvres.
-Mais si c'est plus qu'une amie, tu peux le dire à ta petite sœur !
-Tu as fait un pacte avec Berry, c'est ça ? hasarda Farhan, dépité.
-Non, j'ai juste remarqué que lorsque Joséphine était dans les barrages, tu avais l'air heureux, c'est tout.
Elle était sincère sur ce dernier point. Ses soupçons étaient nés des échanges qui avaient fusés alors qu'elle coiffait Joséphine, des mots qui ne l'avait pas trompé elle qui avait passé sa vie à observer les autres en silence. Dès lors, elle avait un œil accru sur toutes leurs interactions et n'avait pas manqué de remarquer le sourire de Joséphine dès qu'elle s'approchait de Farhan ou les regards que celui-ci lui lançait dès qu'elle entrait dans une pièce. D'un geste distrait, Maya replaça ses nouveaux bracelets sur son poignet.
-Ce n'est pas parce que c'est la sœur de ma meilleure amie, ou que je suis sensible aux ragots, pas du tout – quoique je dois l'admettre, parfois c'est distrayant. Mais vraiment, c'est parce que j'ai envie que vous soyez heureux. C'est une année difficile pour toi ... et elle au moins, elle arrivait à te faire sourire.
Farhan se contenta de la considérer en silence pendant quelques secondes, l'air moins irrité. Parfois en le dévisageant, Maya se demandait comment elle avait pu passer toutes ses années devant lui sans jamais que la vérité ne lui saute aux yeux. A présent, chacun de ses traits, des éclats dans ses yeux sombres, chacune de ses expressions lui apparaissaient avec une familiarité désarmante.
-C'est gentil, concéda-t-il finalement. Ça change de ses énergumènes qui attendent impatiemment qu'un truc se passe sous leur nez.
-Et ton public va attendre encore longtemps ? se moqua Maya.
-Jusque la rentrée.
-Pourquoi la rentrée ?
-Parce que je l'ai décidé, répondit Farhan avec un sourire mutin.
Maya essuya un petit rire mais n'insista pas. Elle devinait l'histoire en filigrane derrière mais ne souhaitait pas arracher les confidences. Qu'il admette déjà que quelque chose se jouait réellement avec Joséphine était un trésor en soi. Pour tromper la curiosité, elle observa les photos que Farhan avait collé au-dessus de son oreiller. Elle sourit devant celle où Charlie en tenue de Quidditch et aux traits encore juvéniles l'avait monté sur ses épaules dans un équilibre précaire, et écarquilla les yeux face à celle où il buvait un verre avec Fiona O'Neil dans un pub alors qu'il n'avait très clairement pas un âge pour fréquenter ce genre d'endroit. Mais celle qui lui fit monter les larmes fut celle prise dans le salon même de cet appartement, devant un immense gâteau aux six bougies et un Farhan enfant qui se cachait dans les bras de Nolan. De ce fait, elle ne voyait qu'une partie de son visage, mais elle reconnaissait aisément le jeune homme sous les traits de l'enfant. Maya cilla, troublée. Maintenant, tout en Farhan lui semblait familier et évidemment que ce petit garçon lui évoquait quelque chose. Mais était-ce ses souvenirs réels ou ceux qu'elle s'était forgée ? Farhan devait ressembler peu ou proue à cela lorsqu'ils avaient été séparés ...
-Tiens.
Maya sursauta lorsqu'un livre à la couverture de cuir brune apparu dans son champ de vision. Emue, elle reconnut un Coran aux coins noircies et aux pages gondolées. Elle le saisit avec révérence et lorsqu'elle l'ouvrit, une odeur âcre de poussière et de fumée lui chatouilla le nez, mais ses sens n'avaient d'attention que pour les lettres arabes qui s'étalaient sur le papier jauni.
-Je t'avais dit que je te le donnerai, souffla Farhan avec douceur. Nolan l'a retrouvé dans une table de nuit avec le khamsa, c'est ce qui l'a préservé des flammes ...
Farhan tira le pendentif de son col pour le poser à plat sur sa paume. La petite main d'or gravé d'un œil fait de petites pierres brillantes, un œil qui semblait planté sur Maya comme une lumière bienveillante. Une boule douloureuse vint gonfler sa poitrine. Etait-ce ses parents qui l'observait à travers cet œil et prenait soin d'elle comme le disait les coutumes auxquelles elle n'avait accordé aucune foi ? Maya tourna les vieilles pages qui craquelaient sous ses doigts, avant de revenir au début. Ce fut là qu'elle découvrit une phrase manuscrite, des mots arabes tracés rapidement, délavés. Juste en dessous, c'était des caractères occidentaux beaucoup plus récent inscrits d'une encre verte et brillante. La traduction, devina Maya, le cœur battant. Elle n'en avait aucunement besoin, mais lut tout de même.
La vérité plane, mais ne se laisse jamais dominée
-C'est moi, avoua Farhan, penaud. C'était au moment où je réapprenais l'arabe ... j'avais peur d'oublier dans la seconde.
Maya balaya les excuses induites d'un bref signe de la tête et ramena le Coran ouvert contre son cœur, la vue brouillée. C'était un cadeau d'anniversaire depuis l'au-delà ... La vérité plane, mais ne se laisse jamais dominée ... Elle avait presque l'impression d'entendre la voix de sa mère biologique dans ses mots. De Sirine, diplômée de Ouagadougou, animagus caracal, musulmane pratiquante. C'était sa main, tiède et vivante qui avait caressé ses pages comme Maya venait de le faire. C'était son sang qui voulait dans ses veines. Cette vérité qui avait plané en elle depuis toujours sans jamais se laisser écraser.
-Merci, murmura Maya. Merci, tu n'imagines pas ce que ça signifie pour moi ...
-Oh, je crois que si, souffla Farhan en posant sa main sur l'épaule. En réalité, je suis même certain que personne ne comprend mieux que moi ...
Un rire étranglé jaillit de la gorge de Maya et elle se laissa aller contre la poitrine de Farhan, le Coran pressé contre son cœur. Son frère referma ses bras sur elle, l'enfermant dans une étreinte qu'elle avait dû connaître un jour sans s'en souvenir. Et pourtant, comme Farhan, il avait la chaleur et la familiarité des souvenirs qui restaient gravés dans la chair à défaut de l'être dans l'esprit.
-Joyeux anniversaire, petite sœur ...
***
Voilà ! C'était un petit chapitre tranquille mais j'espère qu'il vous aura plu !
Je vous souhaite une excellente fin d'année ! Profitez bien de la fin des vacances et des derniers jours de 2022, on se retrouve en 2023 pour de nouvelles aventures !
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