Chapitre 4 : Un chaudron sans passion
Bonjour tout le monde !
Bon, après un week-end très chargé mais fort plaisant à Toulouse, me voici enfin avec ce chapitre !
Dites-moi honnêtement : cette fanfiction vous plait-t-elle? Vous restez sur votre faim, vous êtes encore un peu dans l'attente? Parce que c'est l'impression que j'ai, je voulais savoir si c'était la bonne !
Maintenant je vous laisse avec le chapitre ! Bonne lecture !
***
Oh, viens, viens remuer mon chaudron
Et si tu t'y prends comme il faut
Je te ferai bouillir une grande passion
Pour te garder ce soir près de moi bien au chaud.
- Un chaudron plein de passion
Celestina Moldubec
Harry Potter et le prince de sang-mêlé
***
Chapitre 4 : Un chaudron sans passion.
Lundi 3 septembre 1990
Premier réveil. Quel réveil ? Première nuit blanche plutôt. Les filles sont en haut à glousser et je déteste ça. Je préfère dormir sur la banquette de la salle commune, face à la nuit et au lac noir plutôt que de les écouter derrière mes rideaux. Mes yeux commencent à piquer, il faudrait peut-être que je dorme mais ... si je dors, je ne me réveillerais pas. Et il paraît que ça ne se fait pas de sécher son premier cours de l'année.
Alors dessinons les étoiles. La constellation du Sagittaire n'est pas très jolie, je n'ai jamais eu un beau coup de crayon ... essayons Cassiopée ... mieux ? Hé mais c'est que j'ai retenu mes cours d'Astronomie. Pourquoi j'ai arrêté déjà ? Rien n'est plus beau que de regarder les étoiles ... et se sentir appartenir au monde. Car devant l'immensité du ciel, on est tous de la poussière et il n'y a que de la part des étoiles que j'accepte d'être ainsi écrasée. Elles, elles brillent. Elles le méritent.
***
-Me réveiller le matin et réaliser qu'en fait, je n'avais pas cours. Pire douleur du monde.
Farhan sourit face à la plainte de Charlie, qui s'était complétement écroulé en consultant leurs emplois du temps. C'était leur préfète Lauren qui les avait distribués dès leur arrivée à la table des Gryffondor pour leur petit-déjeuner en ce matin de reprise des cours. Depuis l'année dernière, leurs cours s'étaient rarifiés et leurs emplois du temps comportaient nombre de pauses, mais Charlie n'était pas le seul à avoir reçu une mauvaise nouvelle en découvrant le sien. Farhan relut le sien, complétement blasé.
-Me réveiller le matin et réaliser que j'ai Rogue la première heure. Non, Charles, désolé je te bats.
Il lâcha son emploi du temps pour se munir de nouveau de sa plume et se dépêcher d'achever le devoir de Potion qu'il était censé réaliser pendant les vacances. Sauf qu'il avait un peu trop flâné dans les rues du Chemin de Traverse et un peu trop visité les Weasley au Terrier. Lui qui avait grandi seul avec son père, l'ambiance électrique et chaleureuse du foyer de Charlie était parfois une véritable bouffée de bonheur qui justifiait qu'il ait négligé son devoir. Au moins il savait que dans cette matière, il pourrait rattraper la note.
-Il te reste beaucoup à faire ? demanda Charlie d'un ton inquiet.
A défaut de pouvoir aller se rendormir, il s'était servi une assiette conséquente pour le petit-déjeuner. C'était connu dans tout Gryffondor : Charlie Weasley était un véritable ventre sur pâte. Il mastiquait avec bonheur ses œufs brouillés en attendant la réponse de Farhan.
-Une partie et la conclusion, répondit-t-il sans quitter son parchemin des yeux. Et hors de question que je le rende en retard, Rogue serait capable de me mettre une retenue ... Je n'ai jamais été collé, ce n'est pas en septième année que je vais commencer ... Bref, tu vas faire quoi, toi, du coup ?
Charlie haussa les épaules et s'attaqua à sa saucisse. Farhan ne savait pas comment il faisait pour manger si gras dès le matin, lui-même était incapable d'avaler autre chose que des fruits et une tasse de thé.
-J'en sais rien. J'avais pensé à aller chez Hagrid, mais je pense que je vais essayer de passer un peu de temps avec Jo. Elle avait l'air pas mal remontée hier ...
-Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Le mutisme de Charlie força Farhan à lever le regard de son parchemin, interloqué. Les oreilles de son ami s'étaient brutalement colorées de rouge vif et il tripotait un morceau de saucisse. Il finit par sentir l'attention dont il faisait l'objet car il lorgna Farhan avant de plisser les yeux.
-Fais ton devoir, toi. On causera après.
-D'accord, céda Farhan, trop en retard pour protester. Mais si ça peut t'aider, Joséphine ne sera pas là, à cette heure-ci.
-Quoi ?
-Elle fait Potion aussi.
Et c'était presque fascinant de voir Joséphine Abbot concocter une Potion. Parce qu'elle pouvait faire tous les gestes avec un instinct et une assurance folle, obtenir un magnifique résultat plus vite et mieux que toute la classe avant de tout gâcher d'une négligence ou d'un coup de colère. Elle était le pire et le meilleur de la discipline.
Charlie plaqua une main contre son front. Farhan ne sut dire s'il était épouvanté ou rassuré.
-J'avais complétement zappé ça ! Et même si je vais éviter de relever que tu sais visiblement mieux son emploi du temps que moi (Farhan rougit devant le sourire moqueur de Charlie), merci pour cette information. Du coup après tu me trouveras chez Hagrid, si tu veux passer.
-Avec plaisir. Mais par pitié, apporte tes propres biscuits, j'ai failli me casser une dent l'année dernière.
-Il ne peut pas être talentueux en tout, ce brave homme !
-Hé, O'Neil !
Farhan se retourna pour voir Tonks se lever de la table des Poufsouffle. Aujourd'hui, elle avait les cheveux d'une couleur prune assez agréable, moins flashi que celles qui avaient sa préférence habituellement. Elle rajusta la lanière de son sac à dos et sourit à Farhan.
-Je vais en Potion, tu viens ?
-Je dois terminer mon devoir, mais on se voit là-bas.
-Ah ... Bon courage, à toute suite.
Elle lui fit un signe de la main et s'en fut joyeusement tout en saluant la moitié de sa table au passage. Farhan se retourna pour voir Charlie, le menton appuyé contre la paume de sa main, le fixant avec des airs d'araignée devant sa proie. Le jeune homme se dépêcha de se replonger dans son devoir plutôt que d'affronter les questions muettes de son ami. Malheureusement, il décida de les expliciter :
-Franchement tu es ridicule, O'Neil. Invite-la à sortir à la prochaine sortie à Pré-au-Lard !
-Charlie, je dois finir ce devoir en cinq minutes ! On parlera Tonks après, chez Hagrid. Après que tu m'as raconté pour Joséphine.
Le rappel eut pour mérite de faire taire Charlie, qui enfourna une bouchée conséquente d'œufs brouillés. Plutôt que de faire perdre du temps à Farhan, il lui ajusta son manuel de Potion sur la cruche de lait, remplit son verre de jus de citrouille et fit dégager la place à Percy qui vint se plaindre pour la dixième fois en vingt-quatre heures de Fred et George. En revanche, Charlie ne put rien quand un garçon bien bâti aux larges épaules et au sourire enthousiasme se planta à côté de lui, sautillant presque sur son banc.
-Salut Capitaine !
-Dubois, soupira Charlie, résigné.
-Alors il est quand le premier entrainement ? J'ai passé l'été à me perfectionner et à travailler de nouvelles parades, j'ai hâte de te les montrer !
Charlie échangea un regard désabusé avec Farhan. Olivier Dubois entrait en quatrième année et depuis son entrée dans l'équipe l'année dernière se voulait le lieutenant parfait du Capitaine Weasley. Il était capable de le suivre comme son ombre.
-On doit passer des essais d'abord ... pour trois postes, ça peut prendre une ou deux séances ...
Olivier fronça les sourcils et pointa un groupe de fille du pouce.
-Quatre, non ? J'ai croisé Selma hier, elle m'a dit qu'elle ne reprenait pas son poste ...
Le visage de Charlie pâlit sous ses taches de rousseur et sous l'indignation, il faillit recracher le morceau de saucisse qu'il venait d'avaler.
-Quoi ?!
-Elle a les BUSE cette année et elle préfère garder le club de Baveboule plutôt que ...
-Mais elle se fout de moi ! rugit Charlie en se levant. Merci Dubois ... Farhan, à toute.
Et il se précipita sur le groupe de fille de cinquième année qui consultait leur emploi du temps. Celle aux cheveux noirs qui était en train de rire d'une blague d'une amie, se figea complétement quand Charlie se planta devant elle, les poings sur les hanches, l'air absolument furieux. Devant Farhan et Olivier, son assiette gisait, à moitié entamée – ce qui disait à quel point l'heure était grave.
-Tu as lâché le lion, plaisanta Farhan à l'intention du Gardien. Mais du coup, vous êtes plus que combien ?
-Charlie, moi et Polly Bell, résuma Olivier avec une grimace. Ce n'est pas terrible, surtout que le premier match ... Bah c'est Serpentard.
Farhan soupira et jeta un coup d'œil à la table situé à l'extrême droite de la salle, toute de vert et d'argent vêtue. Il repéra Marcus Flint, le nouveau Capitaine de Serpentard, assis au milieu d'un groupe de garçon. Charlie espérait que le changement de capitanat déstabiliserait la toute puissance de Serpentard, qui raflait toutes les coupes depuis près de cinq ans, mais Farhan craignait plutôt que ce soit celle de Gryffondor qui soit désavantagée par son renouvellement. Et avec les ASPIC qui arrivaient ... Il se prépara mentalement à de nouveau prendre tous les cours et toutes les notes de Charlie, comme en cinquième année pendant les BUSE.
Olivier retourna avec ses amis de quatrième année, l'air abattu et Farhan se dépêcha d'achever son devoir sur les différentes façons de conjurer les effets de la Goutte du mort vivant. Il lui restait la conclusion à réaliser quand la cloche sonna et il gribouilla quelques mots de bilan d'une écriture tremblante comme sa main. Puis il rangea rapidement toutes ses affaires dans son sac, roula son devoir sur lui-même et piqua le sprint de sa vie vers les cachots. S'il arrivait en retard au cours de Rogue, il était fichu. Malheureusement, ce fut ce qui arriva car il trouva la porte de la salle de classe fermée. Quitte à être en retard, il prit le temps de calmer sa respiration chaotique et rajusta sa chemise et sa cravate avant de prendre son courage à deux mains pour frapper à la porte. Après un instant de flottement, elle s'ouvrit avec fracas et Farhan eut une vue parfaite sur son professeur de Potion, la baguette tendue vers lui, ses yeux noirs plissés en une expression presque triomphale.
-O'Neil. Vous êtes en retard ...
La voix doucereuse de Rogue hérissa la nuque de Farhan. C'était un homme qui lui avait paru singulièrement antipathique dès la première année. Froid, inutilement méchant avec les élèves qui n'étaient pas de Serpentard, Rogue était aussi brillant en Potions que mauvais à l'intérieur, songeait Farhan. Et son apparence douteuse avec sa cape éternellement noire et ses cheveux gras qui entouraient un visage aux traits lourds n'apportait pas davantage de sympathie. Dans la salle, la dizaine d'élève qui avait poursuivi le cours en ASPIC lui jeta un regard et il sentit son visage s'embraser.
-Excusez-moi mon professeur, je ...
-Vos explications m'indiffèrent, le coupa sèchement Rogue. Dix points de moins pour Gryffondor. Dès le premier cours, mes félicitations O'Neil.
La préfète Lauren jeta un regard noir à Farhan. Elle rêvait de pouvoir arracher la coupe des Quatre Maisons à Serpentard et elle avait passé le banquet de rentrée à les seriner sur ses objectifs. Rogue rangea sa baguette dans sa cape.
-Pour le premier trimestre, vous allez travailler en binôme. Asseyez-vous à côté d'Abott.
De qui ?! Farhan embrasa la pièce du regard et découvrit qu'en effet, les élèves avaient formés des binômes. Aidan McColley, le Capitaine de Serdaigle que Farhan appréciait beaucoup en raison de sa nationalité irlandaise, s'était assis avec sa petite amie Elisa Strettins, la préfète-en-cheffe. Tonks était elle-même à côté de l'un de ses camarades de Poufsouffle et lui adressa un « désolée » du bout des lèvres. Un peu à l'écart à gauche de la salle, Joséphine Abbot était seule devant son chaudron, l'air de s'ennuyer royalement. Elle coupait la pointe de ses mèches cuivrées de ses ciseaux, l'air indifférente à la scène.
C'est une immense blague ? songea-t-il, contrarié. Mais le regard insistant et sadiquement amusé de Rogue lui indiquait qu'il était on ne pouvait plus sérieux et il se résolut à s'assoir à côté de Joséphine. Elle ne réagit pas à son installation et Farhan prit soin de mettre le maximum de distance possible entre lui et elle. De l'autre côté de la salle, Tonks lui jetait un regard peiné. Il n'y croyait pas ... Trois ans à observer Joséphine Abbot de loin, sans rien espérer, trois ans pour réussir à l'oublier et voilà que pour leur dernière année ils se retrouvaient ensemble en Potion ... L'univers avait un drôle de sens de l'humour.
-Comme je vous le disais avant d'être irrespectueusement interrompu par monsieur O'Neil, j'espère que vous avez profité de votre sixième année et de sa simplicité enfantine car à présent, la récréation est terminée, annonça Rogue avec son optimisme habituel. Pour la septième année, je vous emmène dans la difficulté la plus absolue de l'art délicat de la Potion et le programme me demande même de vous initier à la recherche et la création de filtre, pour lesquels vous travaillerez évidemment en binôme. Je ne tiens pas à avoir dix chaudrons fondus à la fin de l'heure ...
Il promena son regard noir sur chacun de ses élèves. Ils étaient trois Serdaigle, deux Gryffondor, quatre Poufsouffle et une unique représentante de Serpentard, Esmera Pucey, disposés sur trois tables de quatre. Farhan et Joséphine étaient seuls à la leur. Rogue donna un coup de baguette sur le tableau qui se retrouva immédiatement couvert d'une écriture à la craie dictant les instructions d'une Potion.
-Mais pour l'heure, révisons les bases. Voyons qui est capable de me concocter un élixir d'euphorie dans l'heure impartie ... Quoi, Tonks ?
-Professeur, excusez-moi mais il ne faut pas deux heures de préparation pour l'élixir d'euphorie ? s'assura-t-elle en baissant la main. Il faut au moins trois quart d'heures de mijotage ...
-C'est vrai ? fit mine de s'étonner Rogue, indifférent. Alors voyons donc qui sera le plus avancé ... Qu'est-ce que vous attendez pour commencer ? aboya-t-il alors que la classe le regardait avec des yeux ronds.
Farhan sentit la lassitude l'envahir devant la tâche qu'il l'attendait. L'élixir d'euphorie n'était pas simplement long : c'était une Potion très technique et très fragile qui nécessitait une vigilance hors du commun. Il se dépêcha de réunir ses ingrédients et prit même en prime du sirop d'ellébore, absent de la potion mais qui accélérait le processus de mijotage qu'avait évoqué Tonks. Cela amoindrissait les effets de la Potion mais personne n'allait la goûter. Il ajouta quelques feuilles de menthe à son panier et revint à son chaudron. Joséphine n'était plus là. Il en était déjà à la deuxième étape quand elle revint à son tour de l'armoire et elle n'avait pas pris assez d'armoise, constata Farhan d'un œil. Elle fit chauffer son chaudron et ajouta la solution qui devait constituer la base avant de lâcher du bout des lèvres :
-Cache ta joie, surtout.
-Quoi ?
Elle leva les yeux au ciel, un geste qu'elle faisait énormément pour faire savoir son exaspération au monde entier. Elle n'avait pas pris la peine d'attacher ses longues mèches et quand elle se pencha, Farhan craignit que l'une d'elle ne prenne feu.
-D'être en binôme avec moi. Ça a l'air de te ravir.
L'ironie était palpable et elle en fit chauffer son chaudron un peu trop fort : le liquide qui devait passer à l'orange se teinta d'une couleur rouge vif. Joséphine pesta devant le résultat.
-C'est rattrapable si tu rajoutes un peu de solution et que tu baisses le feu, lui conseilla Farhan d'un ton bas, espérant à moitié qu'elle ne l'entendrait pas.
-Je le sais, rétorqua sèchement Joséphine. Et toi tu devrais rajouter ton jus de figue si tu ne veux pas que ta Potion ne devienne une pâte.
Farhan posa les yeux sur son chaudron, dont l'intérieur était en effet en train de s'épaissir en une texture crémeuse. Paniqué, il se dépêcha de suivre les instructions et baissa son chaudron. Puis il observa un instant la jeune fille du coin de l'œil. Les lèvres de Joséphine s'était étiré d'un sourire teinté de mesquinerie et elle lorgnait son chaudron, comme si elle cherchait autre chose à critiquer. Sachant très bien qu'il pouvait être très pénible de l'avoir à dos, Farhan finit par lâcher du bout des lèvres :
-Et pour répondre à ta question, j'étais plus contrarié par les points que je viens de faire perdre que par le fait de me retrouver à côté de toi.
C'était faux, mais les points avaient bon dos. Cela parut convaincre Joséphine car elle laissa échapper un petit rire moqueur.
-Oh, trop mignon on dirait un première année ! (Il s'empourpra et elle le toisa, les yeux étincelants). Désolée, j'essaie mais je n'arriverais jamais à retenir son prénom. Je sais que ça ressemble à « Farrell » mais je sais que ce n'est pas ça.
-Farhan.
-Farhan !
Elle claqua des doigts, comme si la mémoire venait brusquement de lui revenir.
-C'est ça ! Je l'ai entendu dans le train et je me suis dit « retiens, Joséphine ! ». Scoop : je n'ai pas retenu. Tu devrais porter une étiquette avec ton prénom.
Farhan ne sut quoi répondre et se sentit coupable lorsqu'il fut heureux qu'elle se souvenait l'avoir croisé dans le train, lorsque les frères de Charlie avaient débarqué en espérant l'arbitrage de leur grand frère. Joséphine avait déstabilisé les jumeaux en les menaçant et Farhan avait profité de sa présence intimidante pour leur faire accepter en douceur de rendre le rat. Il n'avait pas grandi dans une famille ordinaire, mais il savait que « Méchant flic/Gentil flic » était un duo qui marchait. Néanmoins, une partie de lui demeura blessé par le fait que, malgré leur relation commune avec Charlie, elle n'avait pas pris la peine d'imprimer son prénom. Il ne s'attendait pas à ce qu'elle se soit intéressée à lui mais tout de même ... Charlie était son meilleur ami. Il se pencha sur son chaudron pour en vérifier la consistance.
-Je pense que je vais plutôt faire travailler ta mémoire ...
Joséphine haussa très haut les sourcils et se reconcentra sur sa Potion. Elle devait la tourner sept fois dans le sens des aiguilles d'une montre mais ses gestes étaient laconiques, peu énergique et Farhan compta qu'elle s'était arrêtée un tour trop tôt.
-Ne le prends pas contre toi. J'ai une mémoire extrêmement sélective. Et tu portes à confusion, je m'attendais à un prénom irlandais pour aller avec « O'Neil ».
-Au moins tu as retenu ça ..., marmonna Farhan.
Joséphine eut un sourire tordu.
-Rogue l'a rappelé quand le drame est arrivé et que tu as fait perdre des points à ta Maison.
-Je me disais bien ...
-Mais je suis curieuse. Ça vient d'où « Farhan » ? Ça n'a ni une sonorité anglaise ni irlandaise ...
Il devait l'admettre, il était surpris qu'elle s'y intéresse, même si ce n'était visiblement que pour satisfaire une curiosité qui semblait propre aux Serdaigle.
-C'est arabe, répondit-t-il en ajoutant quelques feuilles de menthe à sa préparation.
-Mais ce n'est pas dans la liste de Rogue !
Farhan sentit un petit sourire fier effleurer ses lèvres. L'avantage à avoir grandi dans une boutique d'apothicaire, c'était qu'on intégrait des réflexes extrêmement utiles dans la préparation des Potions. C'était pour cela que c'était sans doute la matière la plus intuitive pour lui. Il lança un petit regard à Joséphine.
-On n'est pas toujours obligé de faire ce que Rogue nous dit.
Une étincelle appréciatrice étincela dans les yeux couleur noisette de la Serdaigle. Sans vergogne, elle arracha quelques feuilles de la branche de menthe de Farhan qu'elle laissa tomber dans son chaudron dans un geste presque théâtral. Il se mit immédiatement à embaumer de cette senteur fraiche et végétale que Farhan adorait. Il en avait quelques pousses dans un bac dans sa chambre à Gryffondor pour son thé le matin.
Farhan finit par arriver à cette fameuse phase de mijotage qu'il accéléra en incorporant le sirop d'ellébore. Il lui restait quelques gouttes qu'il proposa à Joséphine, mais celle-ci fronça du nez.
-Ça va atténuer les effets, non ?
-Mais l'aspect restera le même. Rogue ne va pas tester la Potion de toute manière ...
Mais Joséphine secoua la tête et préféra accélérer le mijotage en augmentant la chaleur du chaudron. Une telle opération nécessiterait qu'elle soit absolument vigilante sur la qualité de sa Potion et Farhan doutait que ce soit le cas.
-Risqué.
-On verra bien quelle méthode sera la meilleure, chantonna-t-elle doucement en observant les bulles dorées se former sur la surface. Des origines arabes, donc ?
Elle le détailla une seconde et Farhan préféra s'occuper de nettoyer son bureau le temps que sa potion mijote, les entrailles nouées. Non, il avait beau dire, sa fascination pour Joséphine Abbot n'était pas totalement oubliée. Mais une fascination était loin d'être de réels sentiments. C'était le simulacre d'une attirance, unique provoquée par un geste, un sourire. C'était aussi artificiel qu'irrépressible.
-Tu n'as pas de sœur, par hasard ?
Farhan cligna des yeux avant de tourner les yeux sur Joséphine, perplexe. Elle paraissait parfaitement sérieuse, et ses yeux continuaient de parcourir son visage comme pour analyser ses traits avec la plus grande précision.
-Non, je suis fils unique.
Il avait conscience d'avoir été sec dans son ton, mais la question relevait douloureusement que la vérité, c'était qu'il n'en savait rien. La seule chose de probante, de tangible qui lui restait de sa vie d'avant était le nom de Shahrazade, sans qu'il ne sache à quoi il renvoyait. S'il avait eu une sœur, il l'avait oublié.
Joséphine fronça les sourcils.
-Vraiment ? Il y a une fille à Serdaigle qui te ressemble beaucoup. La meilleure amie de ma sœur, Maya. Elle est ... je ne sais plus, Syrienne ou Egyptienne d'origine ...
Farhan ne savait pas ce qui l'agaçait le plus, mais il remerciait Joséphine de l'énerver ainsi pour casser la fascination qu'elle avait recommencé à exercer sur lui. Entre son approximation sur les origines de la dénommée Maya et la proposition en tant que telle : rien n'allait.
-Je sais que tous les arabes se ressemblent pour les Anglais mais non, ce n'est pas ma sœur, railla-t-il d'un ton cinglant.
Sans attendre sa réaction, il se concentra de nouveau sur son chaudron, l'agacement bourdonnant toujours à ses oreilles. Il était très sensible à cette question, comme tous ceux qui avait subi un jour ou l'autre la question du racisme. Ce n'était pas forcément de grosses actions, mais des petites piques qui laissaient entendre que malgré sa nationalité anglaise et la culture irlandaise que lui avait inculqué son père, il restait un étranger. Que malgré la multitude de langue et la myriade de culture différentes, tous les arabes se ressemblaient – et étaient même mélangés avec d'autres peuples comme les Turcs ou les Perses. Ils mélangeaient tout : peuple, terrorisme, islam ... C'était insupportable à entendre.
Les bulles commencèrent à se multiplier à la surface de sa Potion et il chercha sa baguette de la main pour baisser l'intensité de son feu mais il vit du coin de l'œil Joséphine l'écarter d'une pichenette. Elle roula sur quelques centimètres, hors de la portée de Farhan et celui-ci jeta un regard exaspéré à la Serdaigle. Sa mâchoire était contractée.
-Inutile d'être désagréable, je ne faisais qu'une observation ... Tu regarderas, ça doit être la seule élève de Poudlard qui porte le hijab.
Farhan s'efforça de masquer sa surprise – de la connaissance sémantique de Joséphine comme de l'information en tant que telle. Jamais en six ans à Poudlard il n'avait vu un hijab. Mais la jeune fille dut en percevoir quelques traces parce qu'un petit sourire retroussa ses lèvres.
-Maintenant dépêche-toi de récupérer sa baguette. Ton élixir brûle.
Et elle se pencha de nouveau sur son chaudron, l'air fière d'elle-même, pendant que Farhan contemplait le sien d'un air horrifié. Au lieu de passer au jaune, le liquide s'orientait vers une couleur caramel qui brunissait à chaque bulle qui éclatait à sa surface. Il se dépêcha de récupérer sa baguette et baissa le feu au minimum avait tenté de rattraper la potion. Il poussa un soupir de soulagement quand la couleur jaune réapparut progressivement. Joséphine paraissait déçue par le résultat. La sienne ne parvenait pas à s'éclaircir. Ses cheveux gonflaient du fait de la vapeur aux odeurs mentholées qui s'élevaient de son chaudron et ses mèches effleuraient de temps à autres la surface.
-Tu ferais mieux de t'attacher les cheveux, attaqua à son tour Farhan. Tu vas finir par bousiller la Potion ...
Un étrange sourire vint s'accrocher aux lèvres de Joséphine. Ce n'était pas un beau sourire. Tordu, il donnait à son visage à la mâchoire carrée un aspect presque inquiétant. Elle effleura l'une de ses mèches d'un doigt et l'examina d'un air vaguement intéressé.
-Vraiment ? On peut vérifier si tu veux ...
Farhan ne comprit parce ce qu'elle voulait dire, jusqu'à ce qu'elle saisisse les ciseaux avec lesquels elle coupait ses pointes au début du cours. Elle sectionna une petite mèche qu'elle roula entre ses doigts. Elle n'allait quand même détruire sa Potion par pure contrariété ? Elle n'était pas parfaite, mais encore rattrapable ... Puis très vite, Farhan se sentit incroyablement naïf. Elle n'avait pas que ses cheveux entre ses doigts, mais aussi une épine de porc-épique. Le sang de Farhan se figea dans ses veines.
-Non mais arrête, si tu mets ça dans ta Potion ça va ...
Joséphine ne l'écouta pas et jeta la mèche et l'épine. Mais pas dans son propre chaudron. Dans celui de Farhan.
Prévoyant la suite, elle s'écarta vivement et Farhan se laissa tomber en dessous de son bureau pile au moment où le chaudron explosait de gerbe de liquide d'or et de jaune à la forte odeur de menthe.
***
Charlie s'était senti revivre en se baladant dans le parc de Poudlard et son être avait été comblé lorsqu'il avait atteint l'orée de la Forêt Interdite. Depuis la veille, la pluie avait cessé et l'odeur de mousse et d'humus humide avait détendu absolument tous les muscles de son corps. Il en avait besoin après une dispute avec sa Poursuiveuse Selma. La jeune fille n'en avait pas démordu : le Quidditch et ses deux à trois entrainements par semaines drainerait trop d'énergie et de temps pour une année de BUSE. Elle refusait de mettre son avenir en danger et quittait l'équipe. Même si Charlie pouvait comprendre sa décision mais cela le mettait dans une situation presque intenable. Comment pouvait-il gagner le titre avec quatre joueurs à intégrer et former ? Dubois était certes un Gardien absolument prometteur mais encore un peu trop brut et Polly n'était sans doute pas la meilleure joueuse de l'école. Après sa dispute avec Selma qu'elle avait entendu, elle était venue lui parler de sa jeune sœur Katie qui venait d'entrer en première année, mais la petite ne serait capable d'intégrer l'équipe que l'année prochaine.
Non, c'était absolument insoluble.
Enervé, il avait fait quelques pas à la frontière de la forêt, à respirer cet air de nature sauvage qui le faisait sentir si bien, prêt à l'aventure, avant de rejoindre la petite bigote de Hagrid. Il s'était vite noué avec le Garde-Chasse de Poudlard, dès ses premières années. Charlie avait trouvé des salamandres lovées dans la cheminée de la Salle Commune de Gryffondor et le professeur McGonagall lui avait proposé de les confier à Hagrid, l'homme massif qui arpentait régulièrement le parc et qui lui avait fait traverser le Lac lors de sa première année. Il avait passé une après-midi merveilleuse à s'occuper des salamandres dans la petite maison et découvert un homme avec le cœur sur la main. Charlie était sensible à ce genre de personnalité.
Ce fut tout sourire qu'il l'accueillit, son molosse Crockdur à ses pieds, de la bave s'écoulant de ses babines.
-J'pensais pas te voir si tôt, dit Hagrid en lui servant une tasse de thé bouillante. T'as pas cours ?
-Pas ce matin, non, je commence avec Sortilège après la récréation. Vous avez passé de bonnes vacances ?
Charlie gratta les oreilles de Crockdur, qui posa la tête sur ses genoux – il faudrait qu'il aille se changer avant d'aller en cours ... Hagrid lui raconta son été à prendre soin d'une licorne qui s'était cassée la pâte mais quand Charlie réclama de la voir, il avoua qu'il avait dû la relâcher une semaine plus tôt. Il en avait profité pour récupérer quelques crins qui lui servirait de corde. Avec un sourire amusé, Charlie se demanda quelle était la valeur en sonnante et trébuchante de ses longs poils argentés. Pas qu'il était intéressé par leur valeur marchande, mais cela l'amusait de voir cette matière précieuse servir de corde dans la cahute d'Hagrid.
Charlie aurait préféré rester sur cette conversation sur la licorne blessée par le Garde-Chasse lui adressa un immense sourire qui fit frémir sa barbe.
-Alors ? Tu as hâte de remonter sur un balai ?
Charlie touilla son thé, la bouche tordue. Ses sombres calculs vinrent de nouveau hanter son esprit et il se prit la tête d'une main.
-Non mais je vous jure, ce casse-tête ! Quatre joueurs en moins ! Le temps qu'ils s'adaptent ils ne seront jamais prêts pour Serpentard !
-Qu'est-ce que tu en sais, ils peuvent te surprendre, le tempéra Hagrid avec calme.
-C'est ma troisième année en tant que Capitaine, Hagrid. J'ai déjà fait deux séances d'essais, j'ai vu absolument tous les Gryffondor jouer. Sincèrement, je ne vois pas quatre personnes que je pourrais recruter.
C'était peut-être cela le plus frustrant. Ces deux dernières années, il avait vu des joueurs défiler devant lui : des Batteurs, des Poursuiveurs, des filles, garçons ... Chaque fois, quelque chose pêchait. Le vol, un emploi du temps surchargé, une mentalité en inadéquation totale avec l'esprit d'équipe ... Mais Hagrid semblait toujours confiant et proposa :
-Mais d'autres élèves arrivent, cette année. Tu verras de nouvelles têtes ...
-Mais je ne vais pas prendre quatre deuxième année, Hagrid !
Le Garde-Chasse haussa les épaules.
-Au moins ils auront le temps de s'améliorer pour les années à venir ...
Charlie demeura dubitatif face à la proposition. La vérité, c'était qu'il voulait gagner, cette année, maintenant. C'était sa dernière chance. Il trouvait ça incroyablement frustrant d'être vanté comme étant le meilleur joueur de son école, unanimement reconnu comme était le meilleur Attrapeur que Poudlard ait vu depuis des années et qu'il soit incapable de rien gagner parce qu'il était tombé dans une génération creuse dans sa Maison. Il trouvait cette injuste absolument criante et difficile à digérer. Hagrid dut le sentir car il lui tapota l'épaule.
-Tu trouveras une solution. T'es débrouillard, comme garçon. Et quand la pression deviendra trop forte, n'oublie pas que la forêt sera toujours là pour t'accueillir. (Il soupira). Je devrais pas dire ça, vous n'avez pas le droit d'entrer dans la forêt. Mais une promenade juste à la lisère est toujours très agréable. Ça vide la tête. Remet les choses en perspective.
Charlie sourit, touché par la sollicitude du Garde-Chasse. Il devait l'admettre, il avait été intimidé par sa stature et son imposante barbe noire la première fois qu'il s'était retrouvé devant lui, et il avait fallu qu'il traine Farhan de force les premières fois. Mais il ne regrettait pas une seconde d'avoir un jour passé la porte de la petite maison : Hagrid était chaque fois une véritable bouffée d'optimisme.
-En plus de ça, je dois aider Sylvanus – pardon, le professeur Brûlopot – à nourrir les crabes de feu pour le cours des sixième année. Je suis sûr qu'il acceptera ton aide, tu dois être l'un de ses meilleurs élèves.
-Avec plaisir, oui ... Et nous vous savez ce qu'on va étudier cette année ? Toujours pas de dragon au programme ?
-Malheureusement, non, soupira Hagrid d'un ton affligé. Mille gargouilles ce que j'aimerais en avoir un !
Charlie laissa échapper un petit rire au moment où la porte tournait sur ses gongs. Un affreux grincement emplit la pièce, accompagné d'une bouffée d'odeur de menthe et Farhan entra dans la pièce d'un pas absolument furieux.
-C'est officiel : je déteste ta copine !
Charlie et Hagrid le contemplèrent, estomaqués. Il était recouvert d'une substance qui ressemblait à de la mayonnaise, que ce soit dans ses cheveux noirs ou sur uniforme dont la cape intacte cachait la misère. Charlie l'avait rarement vu aussi furibond et en recula sur sa chaise, vaguement effrayé.
-Bon sang, qu'est-ce qu'elle a fait ?
-Explosé mon chaudron ! s'écria Farhan en jetant son sac dans un coin de la pièce. Tout ça parce que ... Argh !
-Calme-toi mon petit, le tempéra Hagrid en sortant une tasse de thé de son buffet. Assis-toi et raconte-nous.
Farhan parut hésiter avant de céder et de s'écrouler contre sa chaise, aussi mortifié qu'en colère. A mi-mot, il leur raconta alors son retard qui l'avait forcé à s'assoir à côté de Joséphine et Charlie songea avec un triste amusement que la situation arrivait trois ans trop tard. Il voyait presque le drame arriver quand la double culture de Farhan arriva dans la conversation et cela ne manqua pas. Elle était incroyable pour trouver avec une exactitude déconcertante les points sensibles de ses interlocuteurs ... Confondre un Palestinien avec une Egyptienne : c'était trop pour le cœur de Farhan et Joséphine n'aimait pas qu'on lui répondre.
« BOUM ».
-Rogue m'a enlevé des points, juste à moi : évidemment il ne l'a pas vu glisser ses cheveux dans mon chaudron et moi je suis à Gryffondor, écuma Farhan en essorant une mèche de cheveux. En tout, j'ai fait perdre trente points, dès le premier cours. Tu aurais vu la tête de Lauren ...
-On s'en fout de ce que pense Lauren. Je vais essayer de parler à Jo ...
-Merci, soupira Farhan, l'air vidé. Je te jure ... je savais qu'elle avait un côté comme ça, mais c'est atroce de l'expérimenter.
-Je t'avais prévenu qu'elle était moins belle vu de près, plaisanta Charlie en tapotant l'épaule de son ami. Définitivement guéri, alors ?
-Ça tu peux le dire ...
Charlie s'efforça à sourire au grognement de Farhan. La vérité, c'était qu'une partie de lui restait embarrassé à l'idée de sortir avec la fille qu'il n'avait pas lâché du regard pendant trois ans et même si ses dernières années tout semblait s'être effacé. Peut-être que maintenant qu'il avait découvert son véritable visage, Charlie allait être libérer de sa culpabilité.
-Ça se fête ! décréta-t-il d'un ton joyeux. Hagrid, vous avez du Whisky Pur-Feu ?
-Tu veux que Dumbledore me tape sur les doigts ? Non, mais il doit me rester quelques bouteilles de bièraubeurre ... Attendez ...
Il prit une grosse clef dans son trousseau et sortit de la petite maison. Charlie se retrouva seul avec Farhan, qui attendit visiblement que Hagrid soit hors de portée de voix pour se tourner vers lui, ses yeux plissés étincelants.
-Je pense qu'après m'être pris ma potion dans la figure par sa faute, je mérite de savoir ce qui s'est mal passé entre elle et toi récemment.
Le sourire toujours amusé de Charlie mourut sur ses lèvres et il se couvrit la bouche de la main pour ne pas montrer son trouble. Les images et sensations défilèrent en lui de façon très dérangeante et il hésita à revenir sur sa promesse de tout raconter à Farhan. Mais la vérité, c'était qu'il avait besoin d'aide. D'un retour d'expérience pour y voir clair.
-On a couché ensemble.
Farhan le contempla en silence. Avec les restes d'élixir d'euphorie qui tâchait son visage, Charlie eut le plus grand mal à lire son expression et finit par comprendre qu'il attendait simplement la suite. La chute.
-Ça ne s'est ... pas très bien passé, on va dire.
-Pour elle ?
-Non. Non, pour moi.
-Comment ça ?
Charlie croisa les bras sur sa poitrine et détourna le regard. A travers la fenêtre, il vit Hagrid fouiller en chantonnant les bouteilles qu'il rangeait dans un petit abri adossé à la maison.
-J'ai ... j'ai eu du mal à ... Enfin, tu vois.
-Hum, laissa échapper Farhan, l'air néanmoins perplexe. On va dire que oui ...
-C'est juste que ... j'en avais pas envie, en fait. Sauf que ce n'est pas la première fois. Je te jure ... On s'est retrouvé plusieurs fois dans une situation où tous les gars se seraient évidemment jetés à l'eau, avec plaisir. Et moi ... j'en avais pas envie.
-Mais vous avez ... vraiment couché ensemble ou pas ?
Charlie poussa un gémissement devant la question. Réellement, rien n'avait été ce jour-là. La façon dont ça avait été fait, les raisons, les conclusions ... Il avait même de grandes difficultés à mettre des mots dessus, même s'il savait que, assez paradoxalement, Farhan était capable de parler de tout. Il avait besoin de libérer cette humiliation qui l'étreignait. Parce que ne pas réussir cela, dans l'imaginaire masculin, c'était une véritable humiliation.
-Difficilement, mais oui. Mais je te dis, je n'en avais pas envie alors ... ça n'a pas été très loin. Ni été particulièrement satisfaisant, ni pour elle ni pour moi.
-C'était la première fois, Charles ..., tenta de le rassurer Farhan. Et si tu n'étais pas prêt ...
Mais Charlie secoua la tête. Ce n'était pas nécessairement le problème. Oui, c'était la première fois. Oui, elle avait été particulière avec l'état émotionnel de Joséphine et la fête qui s'était déroulé deux étages plus bas. Oui, rien n'avait été idéal. Mais ce n'était pas ce qui le dérangeait.
-C'est idiot mais ... je me demande si je serais prêt un jour.
Farhan ouvrit la bouche en un « Ah ! » silencieux. Il se donna le temps de la réflexion en s'épongeant le visage à l'aide d'une serviette qui trainait sur le dos de l'une des chaises. Charlie attendit sa réponse avec une certaine angoisse mais il ne semblait pas pressé de la rentrer. Farhan sortit également sa baguette de sa poche et entreprit de nettoyer enfin les tâches jaunes sur sa chemise et son pantalon.
-Tu ne penses pas que ... C'est peut-être parce que ce n'est pas la bonne personne ?
Charlie comprit dans la prudence de son ton la raison de son mutisme. Il craignait que la question soit mal interprétée, vue comme une volonté de casser son couple plus que de l'aider. Mais jamais Charlie ne penserait cela de Farhan. Ils étaient trop liés pour de telles mesquineries.
-Honnêtement ... j'adore Joséphine. Je sais qu'elle vient de te faire vivre un cauchemar, ajouta-t-il avec un petit rire quand Farhan laissa échapper un sourire désabusé. Mais elle n'est pas qu'une peste. Elle est ... je n'en sais rien, fragile. Ça m'a touché, quelque part. J'ai toujours eu un faible pour les petites choses perdues. Comme toi.
Il donna un petit coup de pied dans le tibia de Farhan, qui secoua la tête, vaguement amusé. Il avait toujours été un enfant assez timide, assez pour être surpris lui-même d'être réparti à Gryffondor. Mais comme la provocation chez Joséphine, la timidité chez Farhan n'était qu'un voile à soulever.
-Bref. Je n'ai jamais été aussi proche d'une fille ... C'est un peu mon combat, Jo. Je veux la faire sortir de sa spirale. Montrer à tous qu'elle n'est pas que cette fille infecte qu'elle peut être parfois ...
-Je ne veux pas te démoraliser, mais pour l'instant c'est un cuisant échec. Mais du coup tu penses que ... si ça ne marche pas avec elle, ça ne marchera jamais ?
Charlie hésita quelques secondes avant d'acquiescer en silence. C'était un soulagement immense de partager ce sentiment qu'il portait comme un poids honteux sur sa poitrine et il était rassuré de voir son meilleur réagir avec autant de calme, autant de compréhension face à quelque chose qui semblait indicible pour un homme. Farhan pinça des lèvres, la tête appuyée contre la main qui tenait sa baguette.
-Tu ne veux pas attendre de voir un peu ? hasarda-t-il. C'était particulier ... Essaie de ... je ne sais pas, retrouver un peu de simplicité ? Je sais que ça m'a aidé avec Alice l'année dernière quand ça n'allait pas.
-Vous avez fini par rompre quand même, fit remarquer Charlie avec dépit.
-Oui, mais sur le coup ça nous a fait du bien. Genre faire des promenades, parler de Botanique ... c'est juste qu'on s'est rendu compte dans l'opération qu'on était plus ami qu'amoureux. Peut-être que ça peut te permettre de faire le point aussi. Si tu l'adores vraiment, ça vaut peut-être le coup d'essayer au moins d'y voir clair ...
-Peut-être, admit Charlie en un soupir avant de lorgner vaguement Farhan. Incroyable que de nous deux se soit toi qui donnes des leçons de couple, quand même.
Farhan s'esclaffa devant l'absurdité de la chose. Charlie ne trouva pas cela absurde, cependant : il était sorti presque un an avec une de leurs camarades de Poufsouffle, Alice, avant que le manque de sentiment ne se fasse ressentir. Malgré les apparences, il avait plus d'expérience dans ce domaine que Charlie. Cela rappela à son esprit le visage souriant de Nymphadora Tonks, trop amie avec Farhan pour être net et il adressa un sourire carnassier à son meilleur ami. Le jeune homme dut sentir le vent tourner car son sourire se fana et il prit sa tasse de thé pour en prendre une grande gorgée. Il faillit s'étouffer.
-Bah, trop amer ! Bon, passe-moi le sucre si tu veux que je survive à ton interrogatoire. C'est parti !
***
Voilà, j'espère que ce chapitre vous aura plu ! On se retrouve dans deux semaines avec le chapitre "les pièces du puzzle" !
Et à la semaine prochaine pour O&P (oui je sais c'est ça que vous attendez !)
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