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Chapitre 39 : Devenir une déesse

Bonjour tout le monde ! Comment vous allez? 

Derniers jours de vacances, je profite devant Big Bang Theory. Mais j'ai quand même hâte de rentrer parce qu'on aura certainement reçu nos livres et que je veux lire Heartstopper 3 et 4 et tous les découvriiiir. 

Si d'aventure certain.es d'entre vous souhaiterait un jour visiter Reims et en profiter pour visiter l'une de ses nombreuses caves de champagne, j'ai fait celle de Pommery avec mes parents hier et la visite était incroyable ! 

Je vous remercie de vos commentaires du dernier chapitre je suis super contente qu'il vous ait plu ! On continue avec celui-ci dans la lignée ! Bonne lecture <3


***

Et ses yeux disent : — « Je suis le dernier et le plus solitaire des humains, privé d'amour et d'amitié, et bien inférieur en cela au plus imparfait des animaux. Cependant je suis fait, moi aussi, pour comprendre et sentir l'immortelle Beauté ! Ah ! Déesse ! ayez pitié de ma tristesse et de mon délire ! »

Mais l'implacable Vénus regarde au loin je ne sais quoi avec ses yeux de marbre.

- Le fou et la Venus
Baudelaire

***

Chapitre 39 : Devenir une déesse.

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Dimanche 24 mars 1991

J'ai rêvé que je crachais la potion au visage de Morgan.

Je ne sais pas si c'est parce que depuis quelques jours j'essaie de m'endormir sans la potion de Pomfresh mais pour la première fois, j'ai rêvé de ça. Mais pas de façon négative, je ne me suis pas réveillée en ayant ... envie de pleurer. Je me suis réveillée en ayant envie de tout éclater – oui je considère que c'est plus positif. Au moins je suis active. Au moins je REAGIS.

Alors je suis allée me doucher à l'eau froide pour calmer mes nerfs et j'ai repensé à ce que je me souvenais de mon rêve. Je n'ai pas parlé à Aidan depuis qu'il est venu me voir dans l'infirmerie ... et je me suis demandée s'il n'avait pas pris un peu pour Morgan. Qu'on soit claire, il me méritait totalement, mais j'ai peut-être associé son comportement avec la violence à celui de Morgan et de l'intimité. Les deux ne voulaient pas faire mal. Les deux ont été aveugles aux souffrances qu'ils provoquaient. Les deux n'ont écouté que leur orgueil et leur testostérone de façon sourde. Les deux ont réagi à une pulsion ...

Ça m'horripile, il faut le dire. Vraiment, plus j'y pense et plus le comportement d'Aidan me donne envie de vomir, comme celui de Morgan. Mais je suis contente de comment j'ai réagi. De façon Joséphinienne certes, mais du grand Joséphine, avec un soupçon de dignité. Oui, je suis plutôt fière de moi... peut-être que ça m'a fait du bien d'affronter Aidan comme je l'ai fait. Je vais essayer de me dire qu'à travers ça, c'est Morgan que j'ai affronté. Que si j'ai réagi comme ça avec Aidan, je pourrais faire de même avec Morgan. Ça me rassure un peu.

C'est de LEUR FAUTE. C'est LEUR PROBLEME. Ce n'est PAS MOI le problème.

Non le problème c'est que ça m'a forcé à reparler à Farhan. J'ai réussi à mettre mes sentiments en sourdine pour me concentrer sur moi, mais entre Charlie qui a décidé d'y fourrer son nez et ça ... est-ce qu'il aurait vraiment cogné Aidan ? Pour être sincère je ne suis pas sûre que j'aurais apprécié ... non, je n'aurais pas aimé le voir s'abaisser à ça ... ça m'aurait déçue. Je sais que certaines filles fantasment les gars qui se battent pour elle, mais moi j'ai plutôt envie de les mépriser.

Mais j'ai apprécié qu'il ait fait le baume et les potions. J'ai apprécié qu'il soit resté, même si ça le mettait mal à l'aise. J'ai apprécié qu'il dise que ce que j'ai fait était magnifique, même s'il ne connait pas toute l'histoire derrière ... Le simple fait qu'il l'ait dit a fait briller quelque chose en moi. Farhan O'Neil, c'est toujours une lumière. Malgré tout. Il est incroyable.

J'ai juste apprécié sa présence. Merlin, même avec tous les problèmes que j'essaie de régler dans ma vie ... je ne suis toujours pas guérie de lui. Et je doute sincèrement qu'il le soit de moi.

***

Bérénice fut réveillée avant l'aube par une drôle de présence contre ses jambes. Effrayée, elle les replia contre elle, provoquant un miaulement indigné. Elle finit par trouver sa baguette à tâtons et un filet de lumière tomba sur Bastet, la chatte de Maya, qui s'étirait sur le dos en dardant sur elle un œil mauvais.

-Oh, c'est toi, marmonna Bérénice, désabusée.

Bastet bailla avant de se rouler en boule et de se remettre à ronronner si fort que Bérénice craignit qu'elle ne réveille ses camarades. A moitié réveillée, elle consulta sa montre avant de s'extirper de son lit. Le dortoir était encore plongé dans la pénombre et elle dut s'orienter avec l'aide de sa baguette pour trouver le lit de Maya. Elle ouvrit les rideaux avec douceur pour constater que son amie était encore dans son lit, la bouche ouverte et les boucles noires plaquées sur ses joues.

-Maya ... Le soleil va se lever.

Il n'en fallut pas plus pour que Maya ouvre les yeux, catastrophée. Ni une, ni deux, elle bondit du lit sous les yeux amusés de Bérénice et se précipita vers son armoire.

-Quoi ? Mais ... Oh par Merlin j'ai dû oublier de mettre mon réveil !

-Tu as de la chance que ton chat m'ait réveillée, alors ...

Maya étouffa un juron et sortit son nécessaire vital de son placard : des fruits, du pain, de l'eau : tout ce qui pouvait lui remplir durablement l'estomac pour survivre à sa journée de jeûne. Bérénice fut surprise de la voir même sortir un sachet de thé et la tasse qui allait avec.

-Depuis quand tu bois du thé ?

-Depuis toujours, mais normalement seulement celui de ma mère ou de ma grand-mère. Je ne bois pas de thé anglais moi, madame. Mais Farhan m'a fait des sachets pour que je puisse en avoir dans mon armoire, pour le Ramadan, alors je veux bien essayer s'ils viennent de lui ...

-Du thé irlandais c'est pire que du thé anglais ...

Maya lui jeta un regard ennuyé et plongea le sachet dans l'eau bouillante dans un geste presque provocateur. Désabusée, Bérénice l'observa engloutir sa poire à grande bouchée, tout en surveillant du coin de l'œil l'horizon dont la ligne s'éclairait d'une pâle lumière.

-Je lui ai parlé hier, renchérit-t-elle en jetant son trognon. Il avait l'air assez remonté contre Aidan.

Un regard de Bérénice suffit à lui faire comprendre qu'elle aussi l'était. L'histoire avait fait le tour de l'école : Aidan McColley avait envoyé Joséphine Abbot à l'infirmerie en lui envoyant son poing dans la figure. Ce fait avait complètement dépassé la bagarre initiale et par ailleurs aucune mention n'était faite des personnes avec qui Aidan s'était réellement battu et pourquoi. Certains spéculaient même que Joséphine était à l'origine de la provocation, qu'elle avait cherché le coup, d'une manière ou d'une autre. Bérénice s'était presque réconciliée avec Thomas Fawley lorsqu'il avait collé un sixième année qui avait sous-entendu que Joséphine était une prostituée en des termes bien moins glorieux et que cela justifiait le coup de poing.

Malgré son air ouvertement ronchon, Bérénice fit surprise de voir un sourire s'étirer sur les lèvres de Maya.

-Tu ne trouves pas qu'ils ... peuvent être proches, parfois ?

-Qui ? s'étonna Bérénice, un sourcil dressé.

-Farhan et Jo.

Bérénice écarquilla les yeux, stupéfaite, avant de lâcher avec un naturel désarmant :

-Maya, ça c'est un fantasme de petite sœur de vouloir mettre son frère avec la sœur de sa meilleure amie.

-Mais non ! protesta-t-elle, la mine vexée. Non, pas du tout ! Je trouve ... qu'ils ont quelque chose, c'est tout. Par exemple, quand j'ai coiffé Jo avant le concours de Potions... j'ai capté quelques échanges de regards, c'était trop mignon ...

Bérénice ouvrit la bouche pour objecter qu'elles ne les avaient jamais vu parler pour autre chose que l'enquête ... mais dans le même temps, elle se souvint de la vigueur avec laquelle Farhan avait défendu Joséphine contre elle à la fête des Gryffondor, quand elle était venue le féliciter pour ce même concours. Sa verve l'avait surprise, elle qu'il l'avait toujours considéré comme un garçon calme et taiseux. Son silence parut contenter Maya qui battit des mains, ravie.

-Tu vois ! Il y a quelque chose ...

-Peut-être, mais ça les regarde !

-Les petites sœurs n'ont pas le droit de mettre leur nez dans les affaires des grands ?

Un sourire retroussa les lèvres de Bérénice lorsqu'elle revit Joséphine investir le salon avec les lettres de Cassius, une Ophélia révoltée sur ses talons, ou alors elle-même sortant le journal de sa sœur de son sac. Tiraillée par le souvenir, elle s'occupa en attachant ses cheveux au-dessus de sa tête en un chignon lâche qu'elle réservait aux douches.

-Si, je dirais même que c'est presque institutionnel ... mais on risque toujours de se prendre un revers de flamme ...

Maya parut méditer ses paroles. Ses cheveux pointaient en touffe disparate autour de son visage, plus broussailleux que bouclés. Maintenant qu'elle était habituée au hijab, c'était étrange pour Bérénice de voir cette masse sombre cascader sur ses épaules.

-Mais si on se contente de quelques questions indiscrètes ?

-Alors on en informe immédiatement sa meilleure amie pour qu'elle puisse encore moins discrète avec sa sœur.

Maya brandit le poing avant de tendre une main enthousiaste à Bérénice. Malgré son manque de conviction sur l'idée, la préfète frappa dans sa paume avec un sourire, peu soucieuse d'entamer la bonne humeur de Maya – qui s'envolerait dès que la faim commencerait à se faire sentir ... Mais pour l'heure, la jeune fille dévorait avec envie tout ce qui lui passait sous le nez, y compris la tasse de thé qu'elle but en entier. Puis le soleil se pointa, petite bulle blanche à l'horizon et Maya cessa net son déjeuner. Avec un soupir, elle sortit son tapis de prière de dessous son lit.

-Je vais profiter que les filles dorment encore pour prier dans la salle de bain ...

-Tu n'as pas à prier dans la salle de bain, tu peux le faire ici ...

-Je ne veux déranger personne. A plus tard !

Elle lui adressa un signe de la main et partit s'enfermer dans leur salle de bain, son tapis de prière sous le bras. Bérénice retint un soupir excédé. Il avait suffi d'une remarque de Vivian McLairds pour que Maya cesse de prier dans les espaces communs. Et pourtant, ce n'était pas comme si elle le faisait cinq fois par jour comme les puritains de sa religion, mais elle avait toujours apprécié la prière matinale. Si elle dérogeait souvent pour dormir un peu ou simplement ne pas déranger, elle refusait de le faire pendant le Ramadan, quitte à devoir s'enfermer dans l'espace exigu de la salle de bain.

Sachant que Maya prendrait son temps, Bérénice se changea à l'abri des rideaux de son baldaquins et se coiffa face au miroir de sa penderie. Ses cheveux atteignaient enfin sa poitrine, réalisa-t-elle avec un soupçon de fierté. Elle avait toujours envié les longues chevelures de ses sœurs, elle qui avait eu jusqu'à son entrée à Poudlard un strict carré à l'épaule. Elle voulait voir dans ses mèches torsadées qui étincelait dès qu'un rayon de soleil les frappait l'épanouissement de sa féminité. C'était plus classe qu'une tache de sang au fond de sa culotte à chaque mois ... Puis immédiatement après que l'orgueil la frappe, elle se morigéna. C'était idiot de cultiver sa chevelure ainsi, de s'attarder à ces détails, à son apparence ... Ne pouvait-elle pas être simplement comme Maya, détachée de tout ? Maya avait eu une chevelure sublime et la cachait en quête de spiritualité. Elle l'enviait un peu. Quelque part, Bérénice sentait qu'elle n'était pas prête à faire un tel sacrifice.

Le réveil de Vivian la sortit de sa contemplation. Sans attendre et plutôt que de s'imposer une conversation aussi vaine que crispante avec ses camarades, Bérénice sortit de la chambre, sans trop savoir où elle allait. La réponse lui vint vite lorsque Elisa Strettins sortit de la chambre des septième années, tout habillée et l'insigne de préfète-en-cheffe qu'elle convoitant étincelant sur son uniforme.

-Oh ! Abbot, lança-t-elle avec un sourire fatigué. Déjà débout ? Vous êtes matinales, aujourd'hui ...

-Vous ?

-Ta sœur est réveillée aussi et je crois qu'elle a été la première, elle griffonnait dans son lit quand je me suis levée ...

-Et elle m'a réveillée à cinq heures du matin en allant se doucher ! ajouta une autre en étouffant un bâillement. A cinq heures du matin, par Merlin ! Je suis ravie qu'elle ait des notions d'hygiène, mais j'apprécierais qu'elles soient plus tardives ...

-Peut-être qu'il lui restait du sang quelque part, gloussa une troisième.

Bérénice écarquilla les yeux, outrée mais Elisa la devança en se fendant d'un claquement de langue agacé. Une mine penaude se peignit sur le visage de la fille et elle et ses copines descendirent les escaliers en vitesse. Il fallut deux marches avant que leurs éclats de rire retentissent de nouveau.

-Désolée pour ça, s'excusa Elisa en passant une main lasse dans ses cheveux. Elles sont terribles ... elles ne pensent pas que Joséphine puisse encore souffrir d'avoir été frappée ... ou que je puisse avoir honte d'être la copine de celui qui l'a frappé.

-Tu n'as pas à avoir honte, Elisa. Toi tu as arrêté tout ça ...

Ça ne parut pas rassurer la préfète-en-cheffe dont les épaules s'affaissèrent. Elisa avait toujours était trop froide et rigide pour que Bérénice l'admire pleinement, malgré son beau visage aux pommettes hautes et la jolie teinte blé de ses cheveux aussi lisses qu'un étang, en plus d'une élève remarquable. Mais là, elle paraissait trop porter pour se redresser et se contenta d'un courageux sourire.

-C'est plutôt Charlie et Farhan, mais j'ai fini le travail, je suppose. Tu descends ?

-Non, décida finalement Bérénice. Non, je vais aller voir comment va Josie ...

Utiliser le surnom de l'enfance la conforta dans l'idée et Elisa s'effaça pour la laisser entrer. La pièce était déjà abondement éclairée par la lumière matinale et on sentait que la préfète-en-cheffe y régnait en maitre car tout était incroyablement bien ordonné. Enfin, si l'on exceptait le lit sur lequel Joséphine se tenait en tailleurs. Vêtue d'un débardeur et d'un jogging qu'elle utilisait pour les entrainements de Quidditch, elle était penchée sur un carnet que Bérénice reconnut aisément comme son journal. Au grincement d'une latte de parquet, elle darda un regard suspicieux sur sa sœur avant de sourire.

-Je dois cacher mon journal ?

-Pourquoi, tu écris sur moi ? plaisanta Bérénice en grimpant sur son lit.

Joséphine glapit en refermant précipitamment son précieux carnet sur sa plume, mais eut la gentillesse de se décaler pour que sa sœur puisse s'étendre à ses côtés. Bérénice la contempla discrètement du coin de l'œil alors qu'elle roulait sur le dos avec un soupir à fendre l'âme. Elle paraissait un peu fatiguée, mais ne gardait aucun stigmate physique du coup qu'Aidan avait pu lui porter. Une drôle de sensation lui acidifia le ventre et elle détourna le regard. Elle aussi, elle avait honte. Comme Elisa ...

-Comment tu te sens ? demanda-t-elle en jouant avec les draps en vrac de Joséphine.

-Je n'avais plus de douleur dès que je suis sortie de l'infirmerie. Donc je suppose que ça va ...

-Moi je ne pense pas. Une Joséphine qui va bien ne se réveille pas à cinq heures du matin ...

Joséphine éclata d'un rire étrange, le genre qui semblait forcé, mais quand Bérénice baissa de nouveau les yeux sur elle, elle s'étirait paresseusement sur son matelas, telle Bastet un peu plus tôt.

-J'ai fait un cauchemar, prétendit-t-elle avec un sourire caustique. Au fait, tu as reçu la lettre de Lili, hier ?

Bérénice papillonna des yeux devant le brusque changement de sujet et étouffa un grognement qui fit ricaner Joséphine. Leur sœur ainée leur avait écrite à toutes les deux pour les prévenir de la date d'essayage des robes – la sienne et les leurs – pour le mariage de cet été. La lettre respirait le stresse et la rigueur et Bérénice se préparait depuis à l'enfer qui l'attendait dans la boutique de Madame Guipure. Elle se sentait déjà cruche chaque fois qu'elle montait sur ses maudits tabourets pour l'uniforme, alors pour une jolie robe ...

-Elle t'a prévenu qu'on porterait la même couleur ? enchérit Joséphine, mutine. Maman pencherait sur le rose poudré ...

-Oh pitié ...

-Je vois donc qu'on va être alliées sur ce point, Berry. Je contrattaque avec le rouge.

-Euh ... Tu ne veux pas contrattaquer avec quelque chose de plus ... doux ?

Joséphine roula des yeux, visiblement exaspérée qu'elle se permette de contrarier ses plans. Bérénice considéra quelques secondes sa sœur, à qui le rouge allait de façon sublime puisqu'il s'accordait à merveille avec son caractère volcanique. Sa belle chevelure avec laquelle elle jouait comme d'une entité vivante, si fascinante alors qu'elle n'y apportait aucun projet, qu'elle se contentait de cascader sur ses épaules et de battre son dos. Sa bouche si expressive, parfois boudeuse, parfois mutine, le petit nez retroussé qui pouvait la rendre mignonne ... Et dans la foulée, Bérénice repensa aux allégations de Maya. Elle l'admettait, sa sœur avait un magnétisme certain, quelque chose qui fascinait, qui aurait pu attirer Farhan ... en revanche, elle voyait mal Joséphine lui rendre ses sentiments. C'était un garçon adorable, mais Bérénice ne voyait pas sa sœur s'intéresser à quelqu'un de si paisible.

-Tu proposes quoi ? hasarda Joséphine.

-Je ne sais pas ... du bleu ... pas du bleu, ajouta-t-elle précipitamment lorsque sa sœur jeta un regard irrité sur elle. Je sais, tu en as marre du bleu ... mais c'est la seule couleur que je porte bien !

-Arrête Berry, tout te va ! Je te le prouverai aux essayages ...

-Oh misère, gémit Bérénice en se frappant le front. Pourquoi je t'ai provoqué ...

-Grave erreur en effet ! Tu vas essayer plus de robe que la mariée.

-Lili porte la robe de grand-mère Melinda.

Elles grimacèrent de concert. Elles avaient toutes vue la robe sur le portrait qui trônait fièrement dans leur salon : impressionnante et époustouflante, mais qui appartement définitivement à un autre siècle.

-Ça j'attends de voir, murmura Joséphine, songeuse. Lili a du goût, elle n'aura pas besoin de cinquante essayages pour comprendre que ce n'est pas la robe de sa vie ...

Bérénice haussa les épaules avec indifférence. La mode était loin d'être son domaine, mais si elle en croyait les commentaires, c'était le seul dans lequel Ophélia était véritablement douée. Sa sœur avait l'œil, disait-on et c'était l'unique personne que Joséphine se permettait d'écouter en la matière.

-Elle a juste parfois la main lourde, elle ne connait pas la sobriété mais ça va avec son caractère, soupira Joséphine. Et le milieu. L'héritage de maman, ça ...

-Maman. C'est pour lui échapper que tu as demandé à aller une semaine chez grand-père ?

-Maman, papa, Mrs. Glenfyre et une Ophélia stressée par son mariage. Je te les laisse, bonne chance ! Moi je vais respirer l'air du grand nord.

-Il habite dans les highlands, c'est exactement le même air qu'on respire ici ... Et de toute manière je resterai dans ma chambre pour réviser mes BUSE.

Joséphine eut un sourire entendu et brin condescendant. Visiblement, faire de même pour réviser ses ASPIC ne semblait pas lui être venu à l'esprit et c'était sans doute pour s'éviter les remarques qu'elle avait demandé à passer les vacances chez leur grand-père, Max Abbot. Si elle avait exigé les deux semaines, les essayages d'Ophélia les avait réduites à une seule et Bérénice ne doutait pas que leur mère la mettrait à profit en dîner ou thé où elle pourrait présenter de jeunes hommes fréquentables à sa fille future-diplômé. A l'âge de Joséphine, Ophélia badinait déjà avec Cassius depuis un an ... Sa poitrine se plomba lorsqu'elle songea que toute son attention se porterait bientôt sur elle. Elle avait songé qu'être une élève et une fille modèle l'épargnerait, mais vu l'échec qui se profilait pour Joséphine, sa mère se vengerait certainement sur elle ...

-Evidemment que c'est ce que tu vas faire, souffla Joséphine, le regard dans le vague. Tu vas faire la fierté de papa ...

-Oh, Josie, tu ne vas pas commencer ...

-Pardon. Je me tais.

Pour le prouver, elle fit mine de fermer ses lèvres à double-tour et d'en jeter la clef. Bérénice la contempla, estomaquée.

-Un réveil à cinq heures du matin, des excuses et une promesse de silence ? Qui êtes-vous et qu'avez-vous fait de ma sœur ?

Joséphine mima ne pas pouvoir parler avec de grands gestes exagérés qui arrachèrent un éclat de rire à Bérénice. Face à la mine peu sérieuse de sa sœur, elle finit par lui planter son coude dans les côtes.

-Arrête, je suis sérieuse ! Je te trouve ... changée.

-Se prendre un poing en pleine face ça remet les idées en place, chantonna Joséphine.

-Il n'a rien fait de plus que ce qu'on a tous rêvé de faire un jour, se moqua Bérénice avant de gommer son sourire. Non, vraiment, je te trouve bizarre depuis quelques semaines. Tu sembles ... moins explosive.

C'était le moins qu'on pouvait dire et dans un premier temps, Bérénice l'avait mis sous le compte de la maladie qui l'avait prise au début du mois, une vilaine grippe qui l'avait assez affaiblie pour qu'elle s'inquiète, mais l'état perdurait. Ce n'était pas de la léthargie ... ça ressemblait à une douce tristesse qui l'enveloppait sans cesse et qu'elle retrouva dans le faible sourire que produisit Joséphine.

-Et très songeuse, ajouta Bérénice, perplexe. Vraiment, j'ai l'impression que tu médites ... tout le temps.

-Je médite, répéta Joséphine, l'air amusé. C'est peut-être ça, je me suis mise au yoga ...

Elle se redressa brusquement en tailleur, joignit le pouce à l'index et se fendit d'un long « huuum » caricatural qui fit soupirer Bérénice. Comprenant qu'elle n'obtiendrait d'elle, la jeune fille abandonna d'un sceptique :

-Si ça t'aide à te rendre plus sereine ...

Joséphine n'ouvrit pas les yeux mais un sourire ourla ses lèvres.

-Etrangement, oui. Tu devrais essayer.

-C'est ça ... Au fait, Maya pense qu'il y a quelque chose entre Farhan et toi.

Son stratagème réussit au-delà de ses espérances : non seulement Joséphine cessa son manège pour ouvrir de grands yeux éberlués sur Bérénice, mais en plus elle quitta son masque de tranquillité pour exploser avec une verve plus Joséphinienne :

-Non mais c'est quoi, ça, le gang des petites sœurs qui veulent arranger des coups ?

-Ça veut dire qu'il y a un coup à arranger ?

-Dehors, exigea Joséphine en désignant la porte.

Mais c'est que j'ai vraiment touché une corde sensible ..., comprit Bérénice, assez estomaquée. La surprise était telle qu'elle ne chercha même pas à creuser et sauta du lit, peu désireuse d'attiser l'irritation de sa sœur. Alors qu'elle prenait la porte, elle entendit dans son dos Joséphine retomber sur son matelas avec un petit gémissement et un sourire se dessina sur ses lèvres. Oui, décidément Maya avait eu le nez creux ... C'était une corde sensible et Bérénice se demandait déjà comment elle pourrait en jouer.

***

Un réveil à l'aube et une information croustillante sur sa grande sœur était ce qu'il fallait à Bérénice pour que sa journée soit mise sur des bons rails. Elle étudia avec Maya dans leur Salle Commune toute la matinée, surveilla Farhan O'Neil du coin de l'œil pendant le repas, puis révisa seule à la bibliothèque l'après-midi. Maya l'avait abandonnée, un peu faiblarde et Bérénice soupçonnait qu'elle se soit roulée en boule pour dormir et oublier qu'elle devrait attendre le soir pour boire et manger. La première semaine était la plus difficile, assurait-t-elle pour rassurer Bérénice, un peu inquiète de voir son amie si fébrile. Elle ne savait pas exactement si elle était consternée ou impressionnée par la volonté de Maya, mais elle se sentait obligée de la soutenir. Quelque part, elle savait que ce que si Maya tenait tant à faire un Ramadan complet cette année en particulier, c'était aussi pour purifier son corps et son esprit de toutes les pensées négatives qui pouvaient la paralyser depuis des mois. Digérer enfin tout ce qu'elle avait appris.

Satisfaite de la journée, Bérénice rangea ses affaires, ne gardant en main que sa plume qu'elle laissa couler entre ses doigts comme une caresse rassurante. D'un geste distrait, elle l'a fit effleurer sa joue et son esprit la remplaça par une main de chair et de sang, tiède et douce sur sa peau. Cet élan soudain la surprit et elle rangea précipitamment sa plume dans son sac, les joues écarlates. C'est juste parce que j'ai vu Vivian embrasser son copain à la bibliothèque ... Parce que Maya m'a parlé de Jo et Farhan ... ça va finir par me mettre des idées romantiques en tête.

Embarrassée, elle jeta un regard à la ronde pour vérifier que personne n'avait capté son geste, mais les couloirs étaient déserts. Il lui fallut encore faire quelques pas et monter quelques escaliers pour enfin croiser quelqu'un et lorsque ce fut le cas, son cœur manqua un battement. La main vissée à l'épaule, Aidan remontait péniblement vers leur Salle Commune. L'air plongé dans ses pensées, il lui fallut quelques secondes qu'à présent, l'ombre de Bérénice le suivait. Il lui adressa un petit sourire par-dessus son épaule.

-Hé, bébé-Abbot ! Je suis désolé, je reviens de ma journée de labeur à l'infirmerie ... donc ce soir je pense que je serais trop fatigué pour une partie d'échec ...

Bérénice crispa les mâchoires et accéléra le pas. Dans son ventre s'était mis à tourner un mélange acide de gêne et de honte.

-Je ne comptais pas te proposer ...

Elle fut extrêmement satisfaite de son ton glacial et du fait qu'en prime, elle le dépassa à ce moment précis, le menton fièrement dressé. En revanche, elle n'avait pas prévu qu'Aidan l'attrape par le bras. Prise de cours, elle baissa un regard éberlué sur lui. Il s'était immobilisé au milieu de l'escalier, une main sur la rambarde et l'autre agrippée au poignet de Bérénice. Dans ses prunelles verte mousses, elle lut une sincère surprise.

-Attends, tu m'en veux pour Joséphine ?

-Et pourquoi je ne t'en voudrais pas ? Tu l'as cogné en plein visage !

Elle se dégagea sèchement et acheva de grimper les escaliers d'un pas lourd et appuyé qui marquait littéralement ses émotions. Elle s'en voulut aussitôt : elle devait avoir l'air d'une enfant capricieuse alors qu'elle aurait voulu être une déesse méprisante ... et pour preuve, Aidan ne la prit pas au sérieux et la suivit dans les couloirs pour tempêter :

-Mais Bérénice, je n'avais pas vu que c'était elle !

-Excuse-moi mais à quel moment s'est une excuse ? répliqua sèchement la jeune fille sans se retourner. Tout ce que ça veut dire c'est que tu te battais aveuglément, de façon stupide et primaire et je suis désolée mais ça ne plaide pas en ta faveur ...

C'étaient les arguments de Joséphine pour ne pas lui pardonner et Bérénice les avait trouvés très juste, assez pour les jeter allégrement à la face d'Aidan. Son sang se mit à bouillir dans ses veines. Comme cette école pouvait-t-elle trouver ce comportement acceptable et fustiger sa sœur qui en avait été victime ? Et alors qu'elle était en train de rager contre la stupidité du monde, Aidan apparut brutalement devant elle, les mains levées en signe de paix. Bérénice coupa net sa course, de nouveau déstabilisée, pas son apparition ainsi que par la dureté imprégnée dans ses traits.

-Tu n'étais pas là, bébé-Abbot, lança-t-il, le souffle court. Tu ne les as pas entendus, personne, pas même O'Neil et ses grandes leçons de morale. Ça j'en reviens toujours pas, il l'ouvre jamais et là il prend le droit de me juger ?

-Tu venais de frapper ma sœur ! J'espère bien qu'il t'a fait la morale !

Et ça étayait davantage la théorie de Maya, nota-t-elle dans un coin de son esprit. Elle avait vaguement entendu dire que Farhan était intervenu, mais pas qu'il était allé jusqu'à ouvertement sermonner Aidan ... Celui-ci ouvrit de grands yeux face à Bérénice.

-Ne me dis pas que tu vas être aussi butée que lui ? (Il désigna vaguement les hauteurs du château). Bérénice, ça fait plus d'une heure qu'ils me parlaient de ma sœur ! De ma sœur et de sa copine, de ma sœur et du fait qu'elle est lesbienne, ils ont dit des choses ... des trucs ... ignobles, à vomir ... je devais juste les laisser dire ?!

-Non, mais il y a d'autre moyen que de cogner, assura Bérénice avec hauteur.

Là, elle devait paraître dédaigneuse, mais n'en prit aucun ombrage. Non, vraiment, le dédain avait du bon. Il le méritait après les montagnes russes que son cœur venait de subir.

Parce qu'il avait fallu qu'il la déçoive outrageusement pour qu'elle l'admette. Oui, elle avait un faible pour lui, depuis des semaines, des mois. Et c'était chuter de très haut qui lui avait fait réaliser pleinement ce fait. En un instant, dès qu'Elisa lui avait expliqué, furieuse et penaude, que sa sœur était à l'infirmerie parce qu'Aidan l'avait frappée dans une bagarre, tous ses rêves et ses mensonges s'étaient écroulés sur elle.

Aidan se fendit d'un ricanement amer et la contempla quelques secondes, l'air étrangement radouci.

-Oh, j'en doute pas que tu en aurais trouvé un, toi ... Tu es tellement ... classe, intelligente, je suis certain que tu aurais réussi à les enfoncer juste en les regardant de haut comme tu es en train de le faire ... Tu es intimidante, bébé-Abbot.

Pour peu, Bérénice en aurait rougi mais elle parvint à simplement plisser les yeux en une expression circonspecte. Elle n'était pas certaine de la sincérité des compliments : n'était-ils pas là simplement pour lui faire baisser le regard ? Une déesse méprisante ne baisse pas les yeux.

-Et tu es classe et intelligent, me semble-t-il, alors pourquoi tu t'es conduit comme un gorille ?

Bérénice ne sut dire s'il fut surpris de la question ou de la méchante pique, mais il eut pour mérite de réfléchir sincèrement à la question. Il était tellement plus grand qu'elle, tellement plus imposant, réalisa-t-elle, une boule dans la gorge. Comment pouvait-il dire qu'elle le prenait de haut ? Elle était une gamine, une enfant qui essayait de jouer à la grande, qui tentait maladroitement de rattraper des semaines de comportement de cruche amoureuse indigne d'elle. Et pourtant, quelque part, elle sentait qu'avec son interrogation, elle venait de le mettre au pied du mur, face à ses contradictions. Et cette simple certitude la fit grandir dans son esprit.

-Tu sais, ça fait un moment que ça dure, avoua-t-il finalement, les épaules affaissées par la lassitude. Depuis que toute l'école sait que ma sœur aime les filles ... Elle prend beaucoup, d'accord, mais je prends ma dose aussi ...

-Mais qu'est-ce que ça peut leur faire qu'elle aime les filles ?

Elle sentit toute la naïveté de sa question dans le rire d'Aidan. Elle avouait que l'affaire lui était complètement passé au-dessus la tête : pour elle, ce n'était que l'un de ses stupides ragots dont raffolait les camarades de dortoir de Joséphine. Du vent, rien de plus. Mais Aidan eut un sourire amer :

-Dans ce monde de merde, ça peut faire beaucoup, crois-moi. Entre toutes les filles qui venaient me demander une vérification et les garçons des détails croustillants ... Tu sais dans l'imaginaire masculin, deux filles ensemble ça fait ... comment dire ça avec classe ? Ça intrigue, disons.

Comprenant qu'il y avait un sous-entendu sexuel là-dessous, Bérénice ne put s'empêcher de délicatement s'empourprer, mais Aidan ne parut pas le remarquer. Il exhala un soupir et passa une main dans ses cheveux blonds-roux. Ils étaient épais, coupés plutôt court et de façon assez stricte. La façon dont les mèches au-dessus de son front se rebiquaient avait toujours fasciné Bérénice.

-Les conversations comme hier, j'en ai eu des dizaines et j'ai serré les dents en attendant que l'orage passe. J'ai fait le don rond, je l'ai fait pour Lauren parce que je savais qu'elle souffrait de la situation et que je ne voulais pas en rajouter ... Mais c'est la première fois que ... je ne sais pas, on s'attaquait à moi à travers ça. Bérénice, ils m'ont ... non, je peux pas te dire ça, tu as quinze ans ...

-Bientôt seize, répliqua-t-elle, un brin vexée. Je ne suis pas un bébé, Aidan. Qu'est-ce qu'ils ont dit ?

Aidan la contempla quelques secondes, d'une façon si intense qu'une fois de plus, Bérénice sentit son visage s'embraser. Il avait littéralement l'air d'examiner si elle était oui ou non un bébé et il fallut à la jeune fille mobiliser toute sa volonté pour ne pas croiser les bras sur sa poitrine qui à elle seule trahissait la transformation de son corps ces derniers temps. Elle commençait à être serrée dans ses soutiens-gorges et le pire, c'était qu'elle ne pouvait même pas en emprunter à Joséphine qu'elle avait déjà dépassée depuis un an.

-Non, tu n'es pas un bébé, excuse-moi, assura Aidan avec une certaine douceur. C'est juste bizarre, je t'ai vu entrée à Poudlard, avec Jo à côté de moi qui répétait « regarde c'est ma petite sœur ! ». C'est facile d'oublier que ... tu deviens un sacré bout de jeune femme.

C'était trop pour les pauvres joues de Bérénice. Cette fois s'il n'avait pas remarqué qu'elle était cramoisie, c'était qu'il était véritablement devenu aveugle, aussi aveugle que lorsque son poing s'était abattu sur la mâchoire de Joséphine. Une déesse méprisante ne baisse pas les yeux, se répéta-t-elle en enfonçant son regard dans celui d'Aidan.

-Le sacré bout de femme a besoin d'entendre tout pour savoir si oui ou non elle te pardonne d'avoir frappé sa sœur. J'attends.

Parfait, Berry, on en oublierait presque que tu es rouge comme un souafle. Ses paroles eurent d'autant plus d'impact qu'Aidan eut l'air de les prendre au sérieux : son petit sourire s'effaça et une mine contrite se peignit sur ses traits.

-Ecoute, ils m'ont demandé si je fantasmais sur ma sœur. Ma propre sœur, ma sœur jumelle. C'était bien assez pour me faire vomir et derrière Leonard a enfoncé le clou en sous-entendant que ... si on a les mêmes gènes, on a les mêmes tares.

Le poing serré, Aidan frappa mollement le mur, plus par nervosité que par envie de cogner, estima Bérénice, relativement touchée par le récit. Elle devait admettre qu'il y avait quelque chose d'écœurant dans la façon dont Aidan présentait les choses et il appuya en poursuivant :

-Alors tu as raison, j'aurais dû garder mon calme, trouver quelque chose d'intelligent à répondre ou simplement me taire. Mais je te dis : ça fait des mois je fais le dos rond, que j'encaisse pour Lauren. Là ce n'était plus que Lauren, ça me concernait moi ... qu'est-ce qui se serait passé si je m'étais tu, hein ? La rumeur se serait répandue. J'ai bien vu comment les filles ont réagi avec ma sœur, alors que c'était quelqu'un de très apprécié. Si ça arrivait aux oreilles de mon équipe ... s'ils croyaient que ... Je suis Capitaine, Bérénice, j'ai un rang à tenir, une coupe à aller chercher. Je ne peux pas me permettre de mettre mon équipe à dos ...

Il battit des paupières, la mâchoire serrée.

-Quand Leonard a laissé échapper ça je me suis dit « mais quel connard, il va briser mes rêves ! ». Simplement avec un mot, une rumeur. Je pense que c'est surtout ça qui m'a fait vriller. Je me suis littéralement vu chuter ...

-Et ça fait mal, pas vrai ?

Elle-même ressentait encore les échos de la sensation dans sa poitrine : son cœur avait laissé une trace là il où était tombé, creusant un sillon brûlant en elle qui l'élançait comme une cicatrice. Elle ressentit un plaisir sauvage à comprendre qu'Aidan avait la sienne puisqu'il était celui qui l'avait causé chez elle. L'objet de sa chute, elle qui ne songeait qu'à s'élever à l'instar de l'aigle. Je m'élève de nouveau, là.

-Mal, je ne sais pas mais j'ai une sacrément la trouille, oui, admit Aidan avec un ricanement. C'est ce qui a mis le feu aux poudres. Alors je suis d'accord, c'est mal, c'est répréhensible mais sérieusement, qui n'a jamais rien fait de répréhensible, dans sa vie ... ? Qui n'a pas déconné au moins une fois ? C'est la première fois en dix-huit ans que je dérape et tout le monde me tombe dessus ... Et je ne sais pas ... je me dis que si ça avait été quelqu'un d'autre, on aurait plus vite passé l'éponge ... Est-ce que O'Neil se serait permis de juger Weasley, par exemple ?

-Je ne trouve pas que tout le monde te tombe dessus. Enfin ce que j'entends surtout depuis deux jours, c'est que ma sœur l'a bien cherché.

-Je l'entends aussi, concéda Aidan. J'ai même des gens qui sont ... enfin, venu me féliciter. Je m'étonne encore que Tonks n'en fasse pas parti, elle a dû en rêver de lui mettre une droite ... Mais les gens qui disent ça sont idiots, ajouta-t-il précipitamment face aux yeux plissés de Bérénice. Je parle de ceux qui importent vraiment, dont je me soucie de l'avis ... Flitwick me traite comme si je l'avais trahi, ta sœur ne me laisse pas en placer une et Pomfresh m'a interdit de la harceler ... (Il déglutit et ajouta d'une voix plus faible). Et Elisa m'adresse à peine la parole depuis ... j'en viens même à me demander si on est encore ensemble ...

Il secoua la tête, l'air d'ors et déjà désabusé par sa situation.

-Si tu ajoutes à ça Farhan et Charlie qui sont vraiment deux personnes que j'apprécie énormément ... Charlie je me doutais, même s'il n'est plus avec Jo ça crève les yeux qu'il tient encore à elle ... Dès qu'elle est tombée à terre, il s'est précipité sur elle et rien d'autre n'a compté ... Farhan, ça me surprend un peu plus. Lauren m'avait dit qu'il pouvait être comme ça mais je l'ai jamais vraiment crue ...

-Et ta sœur, justement ? Elle en pense quoi ?

-C'est la seule qui m'a écoutée jusqu'au bout. Elle comprend que j'ai pu perdre les pédales ... mais je pense qu'elle aurait préféré que je ne le fasse pas sur ce sujet précis. Et elle est surtout mortifiée par le fait qu'on parle encore d'elle comme ça alors qu'elle pensait sincèrement que ça s'était tassé, surtout depuis ce qui s'est passé avec Polly Bell. Oui, c'est surtout ça qui lui a fait mal, pas tant que je me sois mis à ... et bien devenir un gorille, selon tes propres termes.

Refusant de renier ce qu'elle pensait toujours, Bérénice carra les épaules pour répliquer :

-Et gorille tu étais. Mais ... (Elle marqua une pause, incertaine). Je suppose que ce serait idiot de t'en vouloir pour ton seul manquement ... que c'est humain de parfois ... craquer.

Un sourire soulagé fendit le visage d'Aidan, si soulagé que Bérénice se sentit obliger d'ajouter avec un index brandit :

-Mais tu as quand même frappé ma sœur et ça demande de faire amende honorable.

-Et combien de partie d'échec vais-je devoir perdre face à toi pour effacer mon ardoise, bébé-Abbot ?

-Je ne suis pas un bébé, rappela Bérénice d'un ton ferme et exaspéré.

Et pour le prouver, elle se remit en route en s'efforçant cette fois de glisser sur les dalles et non pas de les marteler avec ses talons comme une enfant en plein caprice. Aidan se porta rapidement à sa hauteur.

-Pardon, c'est vrai ... C'est juste que dans ma tête, « Abbot » c'est déjà ta sœur.

-C'est pour ça que dans son infini sagesse, l'humain a inventé le prénom. Et j'aime plutôt le mien. Tu pourrais l'utiliser, non ?

Sa verve parut amuser Aidan qui lâcha un petit rire. Il était considérablement plus détendu, comme si le jugement de Bérénice compensait tous les autres et lui permettait de s'élever à nouveau.

-C'est vrai qu'il est joli, admit-t-il avant de demander du bout des lèvres : Comment tu fais, toi ?

-Comment ça ?

-Tu subis une pression énorme. Tu as deux sœurs plus grandes avec de fortes personnalités, des parents strictes qui te demandent d'être une parfaite jeune fille et une parfaite écolière, tu as la pression des professeurs parce que justement tu es bonne en classe et qu'ils doivent te donner la pression des résultats. Comment tu fais pour ne pas craquer ?

-Euh ... déjà je craque, estima Bérénice, se répugnant à laisser échapper cet état de fait. Tiens, rien qu'aux vacances dernières je me suis disputée avec Joséphine ... et parfois j'ai conscience d'être ... irascible, émotive parce que tout ne se passe pas comme je l'avais prévu, donc je ne dirais pas que je ne craque jamais ... Mais la pression, ça ne me dérange pas. Je la comprends, je la tiens. Je l'ai complètement intégrée, j'ai fait corps avec. Je me la mets moi-même et j'estime que ma pression surpasse les leurs et que si j'arrive à remplir mes objectifs, alors j'ai déjà réussi. C'est ma propre pression qui m'importe, pas la leur. Ça se passe plutôt bien parce que ça converge ... mais je suppose que comme l'élan vient de moi, alors je l'accepte et ça me pousse. Ça me nourrit. Je ne sais pas si je suis claire ...

-Très claire. Admirable, quelle sagesse ... Je vais essayer de m'en inspirer ...

-Tout homme s'enrichit quand abonde l'esprit.

Aidan rit à la citation de Rowena Serdaigle et le cœur de Bérénice vibra en échos. Elle se maîtrisa d'une discrète inspiration. Ce n'était pas grave que son cœur se remette à battre : l'important était qu'elle garde son état d'élévation. Qu'elle ne chute pas de nouveau. Une déesse ça ne chute pas non plus. L'entrée dans un escalier étroit, coincé entre deux murs de pierres qui menait plus directement à la Tour des Serdaigle fut l'occasion parfaite de se tester : Aidan lui laissa galamment la primeur, mais elle eut lourdement conscience de sa présence dans son dos, toute proche, de son bras qui effleurait le sien par intermittence. Et chaque fois, elle parvint à garder la tête haute et un souffle régulier malgré un rythme cardiaque qui s'accélérait.

Non, ça n'a pas tout brisé. La chute était juste là pour m'ouvrir les yeux ...

-Merci de m'avoir écouté, lâcha finalement Aidan. Tu es la première à le faire avec ma sœur et ... oui, ça m'importe vraiment.

-Vraiment ?

-Je ne te laissais pas me mettre des raclés gratuitement aux échecs, Bérénice. Je t'aime vraiment bien.

Son cœur se gonfla d'émotion contradictoire, un spectre qui allait de l'exaltation à la déception. C'était aussi cela qui lui permettait de se maîtriser : la certitude absolue que ça ne resterait qu'un vague béguin d'adolescente qui n'aurait aucune chance d'aboutir. « Je t'aime vraiment bien » était loin d'une déclaration d'amour, mais simplement savoir qu'il l'appréciait sincèrement devait être suffisant pour son amour-propre.

-Tu es nul aux échecs, lança-t-elle sans se retourner. En fait chaque fois je suis capable de te battre vite et je suis obligée de truquer mon jeu pour rendre la partie intéressante ...

-Sérieux ? Alors pourquoi tu jouais avec moi ?

La question la prit de court et son pas ralentit tant qu'il obligea un Aidan à la foulée plus grande à s'immobiliser derrière elle. Ils étaient deux marches sous Bérénice et pourtant elle ne parvenait qu'à avoir un centimètre d'avance. Ne pouvait-elle pas être aussi grande que Joséphine ou Ophélia ? Non, il avait fallu qu'elle hérite des courbes ... Faute de trouver une réponse acceptable, Bérénice se contenta de hausser les épaules. La vérité était claire, à présent : elle avait simplement profité de ces purs moments de tête à tête pour entretenir sa fascination d'une façon pure, aussi innocente qu'une partie d'échec. Elles avaient aussi eu pour effet de flatter son égo, de réduire la distance qui la séparait d'Aidan. Elle s'était sentie enfant et pataude face au grand Capitaine de Quidditch, mais face à l'échiquier, c'était elle la reine. Joséphine avait eu raison dans son journal, là-dessus.

-J'aime les échecs, éluda-t-elle finalement. Et je suis tellement bonne que peu de personne acceptent de jouer avec moi, sauf mon père – même si lui aussi je le bats.

-Oh, lâcha Aidan, l'air un peu déçu. Je suis donc juste ton souffre-douleur d'échec ?

-Non ! Non, pas seulement ... je t'aime bien aussi.

L'aveu sous forme d'euphémisme s'échappa de ses lèvres en un souffle et de façon inexplicable, Aidan parut comprendre la réalité derrière ses mots. Un sourire entendu s'étira sur ses lèvres et la respiration de Bérénice se trouva bloquer au point que ses poumons la brûlèrent.

-C'est bien que j'espérais ...

Il était proche, réalisa-t-elle brusquement, hypnotisée. Et se rapprochait davantage, lentement, avec une lenteur calculée destinée à tester sa réaction. La portée du moment faillit alors l'écraser tout entière. Etait-ce un rêve ? Se jouait-t-elle d'elle ? Même si son couple ne tenait qu'un fil, il avait une petite-amie et Bérénice n'était qu'une gamine, la sœur d'une de ses amies, pas une fille sur laquelle on se penchait avec ce regard étincelant ...

Non Berry. Aujourd'hui, tu t'élèves. Aujourd'hui tu es la déesse.

Aussi la déesse laissa-t-elle l'humble mortel en quête de rédemption réduire la distance entre eux. Elle ne bougea pas, ne se précipita pas, goûta son souffle sur son visage sans réagir. Ce n'était ni de la paralysie, ni la passivité. Bérénice ne voulait pas quémander : si c'était ce qu'il voulait, qu'il vienne. Elle donna son approbation en fermant les yeux, les jambes flageolantes. L'espace d'un terrible instant, elle craignit s'être trompée sur ses intentions, d'être une idiote aveugle plantée au milieu d'un escalier ... la panique faillit la gagner, jusqu'à ce que la chaleur des lèvres d'Aidan sur les siennes vienne tout balayer.

Sans l'admettre ouvertement, pas même à elle-même, Bérénice s'était imaginé souvent son premier baiser, dans toutes les largeurs du spectre. La salive et l'humidité qui le rendrait écœurant, l'euphorie qui le rendrait grisant, son inexpérience qui le rendrait gênant ... La réalité fut un mélange étrange de tout cela. Perdue, elle le fut durant quelques secondes où elle ne sut que faire de ses lèvres mais très vite elle trouva son rythme contre celle d'Aidan. Humides elles étaient certes, mais juste assez pour rendre la chose agréable. Elle ne fut pas grisée par le baiser en tant que tel, mais par l'instant.

Bérénice avait toujours cherché la perfection, l'élévation suprême, c'était répété durant plusieurs minutes qu'elle était une déesse mais ce ne fut qu'à ce moment précis qu'elle se sentit parfaite et divine. Elle n'avait pas exposé en plein vol, elle ne s'était pas reniée dans leur échange : elle n'avait pas été cette adolescente cruche qui lui avait fait horreur ces derniers temps. Elle avait été un véritable bout de femme qu'Aidan était venu chercher, et qu'il cherchait encore de ses lèvres dans un doux et lent baiser qu'il ne précipitait en rien, comme s'il voulait laisser le temps à Bérénice de savourer. Il posa ses mains sur sa taille, sans réelle pression, simplement pour la tenir contre lui et de nouveau elle se sentir grandir, devenir précieuse entre ses doigts.

Peut-être que ce baiser était une erreur. Peut-être que c'était sa façon à elle de craquer. Ou un objectif qu'elle ne s'était jamais avoué. Mais elle balaya les interrogations d'un revers de la main : pour la première fois, Bérénice se sentait spéciale et puissante. Et cela méritait bien qu'elle profite ... 

***

Alors, votre verdict? 

Je me doute que ce chapitre peut provoquer un peu des controverses, mais c'est l'angle d'attaque que j'ai choisi ! 

J'espère aussi que vous avez réussi à un peu comprendre Aidan. Le but c'est de faire des personnages tout en nuance : Aidan n'est pas parfait, et c'est surtout parce que c'est un produit de son temps et des attentes qui pèsent sur lui. On peut vraiment reprocher aux gens d'être le produit de leur époque? 

J'espère que ça vous a plu quand même et ... à la semaine prochaine pour le chapitre d'O&P ! (D'ailleurs vous avez lu le bonus d'Anna? Je relis vos commentaires parfois et vos réactions au dernier chapitre, ça me donne un immense sourire !) 

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