Chapitre 33 : Espoirs déchus
Hello tout le monde ! Comment vous allez bien?
Vous savez que je suis sortie de mon lit en m'écriant "C'est l'heure de POSTEEEER". Mon copain a éclaté de rire, et j'ai un peu galéré à trouver une citation, mais voilà c'est la première chose à laquelle j'ai pensé !
Well je vous remercie pour les réactions du chapitre précédent, j'avoue que j'avais très peur que mon choix ne soit pas compris, je suis rassurée que vous trouviez du sens à cette histoire ! C'est un sujet tellement sensible ...
Bon maintenant le chapitre ! Bonne lecture <3
PS : je suis juste trop refaite de la sortie de la série House of the Dragon apgrznjfal ! Vraiment je ne suis pas très série comme personne, mais là j'ai l'impression de retrouver la Hype de GOT !
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L'amour commence par l'éblouissement d'une âme qui n'attendait rien et se clôt sur la déception d'un moi qui exige tout.
- Gustave Lebon
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Chapitre 33 : Espoirs déchus.
Dimanche 3 mars 1991
Ça tourne
En boucle en boucle en boucle dans ma tête. Spirale infernale.
Ma tête tourne aussi.
Mais surtout ça tourne à l'intérieur.
Je me refais toutes les images. Elles ont un sens, des mots. Et ça tourne, ça tourne encore, mais cette fois avec le mot et les sens. Et c'est pire.
Arrêtez ça.
Pitié, arrêtez ça.
***
Joséphine avait complètement disparu.
Et au bout de deux jours sans nouvelles, Farhan commençait à sérieusement s'inquiéter. Joséphine avait été certes une habituée de l'absentéisme, il y avait une éternité qu'elle n'avait pas ainsi disparu pendant deux jours. Même Charlie s'était fait du souci et s'était rendu en quête de Bérénice pour avoir des nouvelles, les traits tendus, fuyant le regard de Farhan. Mais lui-même était trop occupé à éviter le contact visuel pour le remarquer. Regarder Charlie dans les yeux devenait chaque jour plus difficile, à mesure que les résolutions prenaient formes dans sa tête. Un fourmillement s'éprit de ses doigts, comme un écho fugace de ceux de Joséphine qui s'étaient noués aux siens. C'était presque pire qu'un baiser. Plus significatif qu'un baiser. C'était un geste de couple, calme, simple, loin de la folie éphémère qui les avait emportés dans la salle de bain.
Mais c'était surtout sa résolution qui le hantait. « Se mettre ensemble ... ou arrêter de se voir ». Et ces deux jours mettaient en lumière une chose : cesser de voir Joséphine, c'était littéralement s'arracher le cœur.
Parce qu'elle disparaissait peut-être physiquement, mais dans l'esprit de Farhan, elle était partout, presque tangible. Il pouvait entendre son rire résonner dans sa boite crânière, sa voix à son oreille susurrer d'un ton moqueur « je te manque O'Neil ? ». Oui, elle lui manquait. Il s'était senti orphelin lors du cours du Potion. Il l'avait cherché des yeux partout dans la Grande Salle à chaque repas, hier. Il faisait de même ce dimanche matin, alors qu'il savait pertinemment que Joséphine ne descendait jamais pour le petit-déjeuner et préférait se prélasser dans son lit pour mieux lui piquer des vivres. Il était en train de fouiller la table des Serdaigle du regard, le cœur serré, quand il se reçut une giclée acide proche de l'œil.
-Hey !
-Oups, s'excusa Lauren en face de lui. Désolée, O'Neil.
Puis elle se remit à presser son orange au-dessus de son verre d'un air concentré. Charlie la regarda faire en secouant la tête avec condescendance.
-Tu ne veux pas utiliser ta baguette ?
-Quoi ? Non, j'adore avoir le jus qui me dégouline entre les doigts !
Juste à côté d'eux, leurs camarades Leonard et Brett cessèrent de parler pour jeter un regard lubrique à Lauren. L'estomac de Farhan se retourna de dégoût, Charlie leur jeta un regard féroce, mais la préfète réagit la première en brandissant sa moitié d'orange.
-Vous en voulez dans l'œil ? lança-t-elle, l'œil embrasé.
Ils ne parurent pas réellement la prendre au sérieux mais se détournèrent tout de même avec des ricanements qui hérissèrent complètement la jeune fille. Quand elle se remit à presser son fruit, Farhan songea qu'elle s'imaginait serrer le cou de ses camarades tant la poigne était féroce.
-Crétins, lâcha-t-elle, dépitée.
-La prochaine fois ne demande pas et mets-leur du jus dans l'œil. J'en ai bien reçu gratuitement ...
Lauren lui adressa un pauvre sourire. Quand elle estima avoir recueilli assez de liquide, elle s'essuya les mains et fit disparaitre les carcasses d'orange de sa baguette. En ce dimanche matin, la table était relativement clairsemée. Nombre d'élève en profitait pour dormir ou s'étaient précipités dehors pour profiter du soleil qui commençait à faire son timide retour en mars. C'étaient les derniers instants d'insouciance pour Poudlard avant qu'ils ne soient plongés dans la course aux examens. Le moment charnière où le beau temps revenait et les ASPIC paraissaient encore trop loin pour s'en préoccuper. Farhan sursauta lorsque les hululements des hiboux emplirent la Grande Salle et qu'une belle chouette hulotte se posa à côté de Lauren. La jeune fille saisit la Gazette accrochée à sa patte, mais Farhan n'eut pas le temps s'apercevoir les gros titres. Stanford, le hibou de son père, referma ses serres sur le bord de deux gobelets d'argent dans l'espoir de se stabiliser mais il ne réussit qu'à tout reverser. La trainée de jus de citrouille dévala la table jusqu'au jeune frère de Charlie, Percy, qui recula précipitamment avec un cri de surprise lorsque le liquide s'abattit sur ses genoux.
-Merlin ! jura Farhan en rattrapant son hibou. Désolé, Perce !
-Ce n'est pas grave, ça lui fait du bien de se salir, lui lança Charlie à voix basse avec un sourire sardonique. Il a oublié qu'il était gros, ton hibou ?
-Hé ! C'est faux, il n'est pas gros !
-Non il a juste son plumage d'hiver, se moqua Lauren depuis sa Gazette.
La photo de Cornelius Fudge s'étalait en Une, accompagné de l'une de ses collaboratrices au visage de crapaud. L'article titrait « vers une nouvelle législation pour les Gobelins ? ». Charlie fronçait du nez.
-Sérieusement ? Ils veulent qu'on reparte en guerre contre eux ou quoi ? (Il jeta ensuite un regard à Farhan, qui lisait sa lettre tout en caressant son hibou). Alors, c'est ta tante ?
-Non, mon père. Il a eu sa première inhalation à Ste-Mangouste hier ... Apparemment ça l'a mis K-O mais ça lui a fait du bien donc bon ...
-Mais oui, ça va bien se passer, tenta de lui rassurer Charlie avec une tape dans le dos. Ils ont dit que ça le guérirait, qu'il a été pris à temps.
Farhan hocha vaguement la tête, à moitié soulagé. Oui, c'était aussi de l'optimisme qui véhiculait la lettre de son père, mais il attendait de le voir pour y croire. C'était bien le style de son père d'étouffer ses douleurs pour le rassurer. Las, il appuya sa tempe contre son poing pour achever sa lecture. Il n'avait pas ses lunettes et le déchiffrement finit par lui donner mal à la tête. Cela et son estomac tordu firent naître une nausée qu'il tenta de faire passer avec un quartier de pomme.
-Et au fait, entonna Charlie avec lenteur. Tu nous racontes comment s'est passé la colle entre Tonks et Joséphine ?
Farhan sentit son souffle se bloquer dans ses poumons et fit tous les efforts du monde pour garder les yeux rivés sur sa lettre. La réponse de Lauren tarda à venir : il l'entendit boire, boire longtemps, avaler bruyamment puis prendre le temps de poser son verre avant de déclarer d'une voix détachée :
-Oh, j'ai cru qu'elles allaient se frapper dès qu'elles sont entrées dans la salle ... J'ai essayé de les asseoir et de les faire s'entendre avant de commencer.
-Et tu as réussi ? s'étonna Charlie, l'air stupéfait.
-Je ne me suis pas trop mal débrouillée. Et maintenant que j'y pense, je crois que c'est pour ça que McGonagall m'a demandé de surveiller la retenue, elle espérait que je puisse faire le trait-d'union entre elles ...
-Tu as vraiment réussi ?
La surprise était telle que Farhan ne put s'empêcher de lâcher l'interrogation. Après l'épisode de Métamorphose qu'il avait trouvé d'une certaine violence, les plaintes de l'une et les piques de l'autres, il n'aurait jamais parié qu'un apaisement soit possible en retenue. Les lèvres de Lauren s'ourlèrent d'un sourire étrange et elle se retrancha de nouveau derrière sa Gazette.
-Je te l'ai dit, je me suis pas trop mal débrouillée. J'ai forcé Tonks à raconter un peu son histoire, ça a calmé Abbot. Et inversement ...
Le dernier mot s'était fendu dans le froissement de la page que Lauren tourna. Farhan fronça les sourcils, sceptique. C'était tellement incongru que, comme la rémission de son père, il attendait de voir pour y croire. Puis le regard de Lauren dévia une seconde de son article pour se planter sur lui. Un nouveau sourire s'étira sur ses lèvres avant qu'elle n'élève le journal, comme un bouclier. Le cœur de Farhan tomba dans sa poitrine.
C'était un aveu, ce sourire.
-Tiens, les Canons ont perdu ..., commenta-t-elle distraitement.
-Tu me donner une bonne nouvelle ? marmonna Charlie, mortifié.
-Ouais. Ils auront certainement besoin d'un bon Attrapeur l'année prochaine.
-C'est ça ... Bon, je vous laisse, j'ai promis à Hagrid de passer ce matin pour l'aider à ramasser du crin de licorne. A plus !
-Il espère certainement croiser une licorne dans l'opération, ricana Lauren sans baisser son journal. Ah mille gargouilles, je me souviendrais toujours de sa tête quand il a dû rester à l'écart des licornes en quatrième année parce qu'il était un garçon ... première fois que je l'ai vu crever de jalousie, ce garçon.
Farhan ne tint pas plus de cinq secondes. Dès que Charlie passa les immenses portes de la salle, il attrapa un coin du journal pour forcer la préfète à le baisser. Si elle le fusilla du regard dans un premier temps, elle finit par le gratifier d'un sourire moqueur.
-Quoi O'Neil ? Tu veux vraiment qu'on en parle ?
Au moins elle avait choisi d'être honnête ... Mais la confirmation acheva de faire poindre la nausée de Farhan. La tête lourde, désespéré, il enfouit son visage entre ses mains avec un gémissement.
-Je n'en reviens pas qu'elles t'aient parlé de ça ... (Il se redressa si brusquement que ses cervicales protestèrent). Attends, laquelle des deux t'as parlé de ça ?
-Mais enfin O'Neil, c'est moi qui aie deviné ! Tu crois vraiment que personne n'a remarqué que vous aviez tous les deux disparus à la fête ? Je t'ai cherché une demi-heure pour chanter en irlandais avant de voir Abbot descendre de la chambre des garçons et de comprendre !
-Oh par Merlin ...
Lauren se fendit d'un petit ricanement lorsqu'il se prostra de nouveau. Dans l'obscurité moite que lui procurait ses mains, il entendit simplement le feutrement d'une page sur l'autre et les ongles de la préfète qui claquaient contre la table.
-Juste ... Joséphine n'a rien voulu nous dire mais ... qu'est-ce c'est en fait ?
-Je ne parlerai pas de ça avec toi, Lauren.
-Evidemment, souffla la jeune fille, visiblement résignée. Du grand Farhan. Ou peut-être que tu as peur que j'en parle à Charlie mais là-dessus, sois tranquille. C'est juste que ...
Elle laissa quelques secondes sa phrase en suspens, si bien que Farhan finit par écarter les doigts pour la contempler. Les traits de son visage s'étaient crispés, son regard perdu sur la table des Poufsouffle à côté. Mais quand elle remarqua que l'attention de Farhan s'était de nouveau porté sur elle, elle lui adressa un petit sourire.
-Non rien. Prends le temps de réfléchir, O'Neil. Tout ton temps.
Là-dessus, elle replia sa Gazette, la coinça sous son bras, et s'en fut avec un dernier signe de la main. Un peu décontenancé, Farhan caressa machinalement les plumes de son hibou qui lui mordilla affectueusement les doigts. Il n'était pas sûr d'apprécier le secret qui prenait de l'ampleur ... Si Lauren avait pu le voir, qui d'autres ? Bien des élèves avaient les yeux acérés pour ce qu'il s'agissait de collecter des ragots ... A commencer par l'ensemble du dortoir de Joséphine, rompue au flux infernal des rumeurs. Cela ne fit que renforcer une idée qui germait lentement dans l'esprit de Farhan depuis la veille, nourrie par l'absence et l'inquiétude.
Il faut qu'on mette ça au clair. Vite.
Un soupir coincé dans la gorge, il effleura la lettre de son père, cette lettre qui se voulait rassurante et dont il n'arrivait pas à lire entre les lignes. Comme Charlie, il avait espéré que ce soient des nouvelles de sa tante en séjour en Israël ... et se sentait à présent honteux d'avoir été déçu lorsqu'il avait reconnu l'écriture de Nolan. Pas de réponse : seulement de l'eau rajoutée au moulin de l'incertitude. Il allait finir par se noyer.
Rectification. Très vite.
Contrairement à ce que disait Lauren, il n'avait pas tout son temps. Toute sa vie n'était qu'un marasme sans nom, un immense trou noir dont deux lumières avaient failli : Maya et Joséphine. Il n'était pas prêt à laisser Joséphine être à son tour emportée dans le trou noir, appartenir aux méandres qui le tiraillaient sans cesse et empêchaient sa vie de poursuivre son cours. Dans ces moments faits d'attentes, il avait besoin de certitude.
-Salut !
Farhan réalisa à peine que Maya venait de se matérialiser devant lui avec un immense sourire. Il mit même un moment à l'intégrer à sa réalité tant son esprit résonnait encore de toutes les problématiques qui le secouaient mais il finit par lui adresser un petit sourire.
-Salut. Comment ça va ?
-Berry vient de me lâcher pour travailler l'examen de Sortilège, annonça-t-elle avec une moue. Alors je me suis peut-être dit que mon grand-frère pourrait me donner un cours particulier de Potion !
La chose lui paraissait passablement inutile mais il garda cela pour lui pour accepter. Peut-être que c'était ce dont il avait besoin. Maya, c'était du concret, l'unique lumière sûre dans sa vie depuis qu'ils se questionnaient, et les Potions avaient toujours été le meilleur moyen de se maintenir occupé. L'unique chose qui avait réussi à détourner son attention de Joséphine ... Avec un petit sourire, il repoussa les restes de sa pomme, donna quelques miettes de biscuit à Stanford qui prit son envol et enjamba le banc pour rejoindre sa sœur.
-Si tu veux. Quelle est l'excuse que Berry a osée te servir ?
-Argh. (Une grimace vint tordre les lèvres de Maya). Elle est allée voir sa sœur. Apparemment, elle est à l'infirmerie ...
-Joséphine ?
Le cœur de Farhan manqua un battement et lui-même faillit trébucher sur les dalles parfaitement régulières de la Grande Salle. L'avidité qui venait de monter comme un feu ardent dans sa poitrine ne le surprit qu'à moitié mais il s'efforça de la juguler pour ne pas alarmer Maya. Celle-ci ne paraissait par ailleurs pas être inquiète et éluda la question d'un haussement d'épaule.
-Elle doit être malade, elle était un peu pâle hier dans la Salle Commune quand je l'ai croisé ... Peut-être même ses règles, elle se tenait le ventre. Elle a souvent des règles douloureuses, Berry m'a dit que c'était souvent pour ça qu'elle séchait ... peut-être que là, c'est pire que d'habitude. Oh pardon, peut-être que ça te gêne ...
-Quoi ? Oh non, pas du tout ...
A dire vrai, il était au courant pour les douleurs menstruelles de Joséphine et il doutait que ça soit cela parce qu'il l'avait laissé dormir en Potion en pleine préparation du concours, deux semaines plus tôt, pour cette exacte raison. Farhan se mordit l'intérieur de la joue. Par Merlin, il était capable de calculer ses cycles ... cette histoire allait beaucoup trop loin. Farhan porta une main à sa tempe avant de lancer à Maya :
-Tu as vu quelle tante j'ai ? Je suis sûr que j'ai su ce qu'étaient les règles avant toi.
-Possible, évalua Maya avec prudence. Moi j'ai compris ce que c'était vers treize ans, quand les filles de ma classe ont commencé à les avoir ... Enfin, vraiment. Ma mère m'en avait parlé, mais je l'associais au fait de devenir une femme, porter le voile. Pas à ...
Elle se trémoussa, visiblement gêné de poursuivre et Farhan ne lui en voulut pas. C'était visiblement courant pour les mères d'enjoliver l'histoire et d'oublier le sang et la douleur. Maya finit par conclure :
-Enfin bref. Tu aurais dû rappliquer dans ma vie plus tôt pour m'expliquer, Farhan O'Neil !
-Désolée, Joséphine a un peu trop tardé à remarquer notre ressemblance.
-La peste soit d'elle.
Ils partirent d'un petit rire qui ne parvint pas complètement à détendre Farhan. Il suivit sa sœur dans les couloirs, jetant simplement un œil à celui qui menait à l'infirmerie, espérant presque voir Joséphine en sortir. Il était au moins rassuré d'avoir une raison rationnelle à l'absence de la jeune fille ces derniers jours, mais ce simple regard acheva d'enfoncer le clou. C'était cela, c'était le dernier coup de marteau qui chevillait Joséphine au corps de Farhan, de façon irrémédiable.
Elle lui manquait. S'il ne le tentait pas ... ça risquait d'être quelque chose qu'il regretterait toute sa vie.
-On travaille sur les pierres de lune en ce moment, entonna joyeusement Maya quand ils arrivèrent à la bibliothèque. C'est moins difficile à comprendre que les venins à action lents, je te jure ça a donné des nœuds dans la tête de Berry ce chapitre ...
-Hum ...
-En plus je suis excellente en Astronomie, ça peut m'aider non ?
Non, ça ne l'aida pas. Farhan s'échina une heure durant de lui faire comprendre l'intérêt des pierres de lune pour la Potion, mobilisa ses connaissances, son cours, et alla même chercher d'autres ressources au sein de la bibliothèque. En fouillant les rayonnages, il crut apercevoir Tonks mais lorsqu'il releva la tête il n'y avait nulle trace de chevelure rose. Les schémas n'aidèrent pas davantage Maya qui les fixa, l'œil singulièrement vide malgré toute sa volonté de comprendre.
-Bon, céda Farhan, un peu désespéré. Je peux être honnête ?
Un pauvre sourire retroussa les lèvres de Maya.
-Je n'ai aucun don en Potion ?
-Aucun. Et Rogue n'acceptera aucune note en dessous d'Optimal, Maya. Aucune. Donc tu veux vraiment t'échiner alors qu'après la fin de l'année tu pourras simplement abandonner ?
-Arrête, ça m'angoisse ...
-D'abandonner la Potion ?
Maya grimaça, mais ferma le manuel qu'elle avait devant elle. Leur table était jonchée de tentative de Farhan de lui faire la leçon, d'une pile de livre qu'il était maintenant inutile d'ouvrir et du paquet d'amande qu'il avait sorti pour tenir.
-Non. Mais ce qui va se passer à la fin de l'année. C'est une année charnière, c'est là, en BUSE, qu'on construit notre avenir et ... enfin, je ne sais pas du tout ce que je vais faire. C'est pour ça que j'insiste en Potion, je ... enfin, je ne sais pas ce que je veux faire, donc je ne sais pas quelles matières garder donc je voulais garder toutes les portes ouvertes, tu comprends ?
A moitié, il l'admettait. Pour lui qui avait toujours su, il avait fonctionné à l'instinct et l'affinité, sans réelle prise de tête à chacune de ses étapes si ce n'était les examens en eux-mêmes et leur stresse. Mais pour Maya ... C'est un nouveau trou noir, réalisa-t-il, peiné. Une nouvelle incertitude, une de plus ...
-Normalement tu vas voir Flitwick bientôt pour ça, la rassura-t-il avec douceur. Il va convoquer tous les cinquième années pour déterminer quel projet vous pouvez avoir, et sur quelles matières tu vas devoir concentrer tes forces. Et désolé de te le dire, ce ne sera pas la Potion ...
Maya essuya un petit rire. Elle rajusta machinalement son hijab sur son front avant de lisser sa jupe sur ses cuisses. Tant de marque de nervosité interpellèrent Farhan qui poursuivit :
-Tu ne sais vraiment pas ce que tu veux faire ... ? Même pas une petite idée, un rêve ?
-Quand j'étais petite, je voulais être institutrice, avoua-t-elle avec une moue. Comme beaucoup de fille de ma classe, d'ailleurs ... Maintenant je ne sais pas. L'enseignement, ça ne m'attire plus autant maintenant que j'ai appris tant de chose ...
Elle jeta un regard dépité à leurs tentatives de révisions.
-Je ne suis pas comme Bérénice, moi, je n'ai pas une folle ambition. Elle, elle veut entrer au Ministère, avoir de l'influence et elle peut l'avoir, elle est brillante ... Mais moi ...
-Tu es brillante aussi. Ce que tu retiens en Astronomie, je ne serais jamais capable de le faire.
Un sourire confus s'étala sur les lèvres de Maya et elle se contenta de détourner pudiquement les yeux. Farhan la contempla, un peu peiné et frustré de ne pas pouvoir plus l'aider. Malheureusement, elle se retrouvait dans une voie qu'il n'avait jamais expérimenté ...
-Peut-être que tu prends le problème à l'envers, hasarda-t-il maladroitement. Peut-être qu'il faut que tu détermines les domaines que tu aimes et dans lequel tu prendrais plaisir à travailler. Je pense que c'est le plus important à l'étape des BUSE ... et quand tu auras validé tout ça, tu pourras réfléchir à la suite et tu auras deux ans pour le faire.
-Mais si finalement je trouve ma voie dans quelque chose qui demandent des Potions ?
-Il faudra changer de voie, assura Farhan d'un ton plutôt ferme. Maya, c'est quoi la meilleure note que tu as obtenu en Potion ?
La mine de Maya fit un petit peu honteuse lorsqu'elle laissa échapper dans un filet de voix :
-Acceptable ... et encore c'est la fois où j'étais en binôme avec Berry ...
-Alors tu n'auras jamais un Optimal à l'examen, trancha Farhan. Désolé, je ne veux pas être méchant ... mais les BUSE sont déjà assez stressants, si tu cours après une note qui t'es inaccessible, ce sera encore plus difficile ... Je suis sûre qu'il y a plein d'autre matière où tu es plus proche de l'accessibilité et qui mériterait bien plus tes efforts.
-Je suis un peu juste en Botanique, convint-t-elle en penchant la tête.
-Mais pourquoi tu ne l'as pas dit plus tôt ? Ça c'est une matière où je peux vraiment t'aider !
Maya éclata d'un rire beaucoup plus joyeux face à la mine enjouée de Farhan et rangea de bonnes grâce ses affaires de Potions. L'heure suivante passée à lui apprendre les vertus des feuilles de Mandragore et à différencier un Filet du Diable d'un Snargalouf fut beaucoup plus sereine et satisfaisante pour eux deux. Les connaissances de Maya étaient meilleures et son enthousiasme plus grand. En terminant leur séance, elle avait un immense sourire et lorsqu'elle sortit de la bibliothèque pour regagner sa tour, sa démarche était plus sereine, presque bondissante. Avant de la suivre, Farhan grignota quelques amandes et rangea les livres empruntés. Cette fois, il tomba véritablement sur Tonks qui travaillait seule à une table accolée au mur et très peu éclairée, la langue pincée entre les dents. S'approchant sur la pointe des pieds, il jeta un œil sur son parchemin.
-Tu as oublié un « T » à « goutte ».
Cela ne manqua pas : Tonks sursauta si fort qu'elle en renversa son encrier. Fort heureusement, Farhan était vif et habitué à la maladresse de son amie : il avait déjà sorti sa baguette qui aspira toute l'encre avant que la moindre goutte ne tâche son devoir.
-Enfoiré ! ragea tout de même Tonks en repoussant une mèche rose tombée sur son front dans l'affolement. Tu ne pouvais pas t'annoncer ?
-Et toi, tu ne voulais venir avec moi plutôt que de t'isoler comme ça ? C'est sinistre ce coin !
-Désolée, je ne t'ai pas vu.
Farhan haussa les sourcils. Non seulement il était certain d'être arrivé avant Tonks puisque cette table était déserte lorsqu'il avait fait le tour des rayons, mais en plus Maya et lui s'était installé dans l'un des espaces les plus visibles de la bibliothèque quasiment déserte.
-Et je dois finir ce devoir, ajouta-t-elle précipitamment, l'air un peu agacé.
-Si c'est celui de Sortilège, on a encore une semaine ...
-Je l'ai commencé en retard, j'ai été un peu occupée ces derniers temps. Et collée, surtout, rappelle-moi de remercier Abbot pour ça ... (Elle fronça les sourcils puis secoua la tête) Maintenant si tu n'as rien de mieux à faire que de me faire peur ou perdre du temps, oust O'Neil !
Elle le poussa mollement avec un petit sourire, mais riva rapidement les yeux sur son parchemin, même si sa plume resta elle suspendue, comme hésitante. Farhan la considéra quelques secondes, tiraillé. La mention de sa retenue ramena à lui le sourire de Joséphine et son estomac se tordit de nouveau. Il ouvrit la bouche, prêt à avouer à Tonks tout ce qu'il n'avait pas osé lui dire ses derniers temps : qu'il avait embrassé Joséphine, qu'il commençait à ressentir pour elle quelque chose de profond qu'il ne se voyait plus ignorer, que chaque jour qu'il passait, Charlie s'effaçait dans ses calculs ... Il avait besoin que son amie le rassure, le conforte, lui fasse reprendre pied avec la réalité. Les confessions étaient là, brûlantes sur sa langue, mais restèrent bloquer derrière ses dents. Tonks s'était plongée résolument dans la lecture d'un épais grimoire, sa poing soutenant sa tête et un rideau de cheveux roses étaient venus lui masquer son visage et briser ses confidences dans l'œuf.
-OK, lâcha-t-il, incapable de retenir un petit soupir. Travaille bien.
Tonks ne répondit pas – mais il ne l'attendit pas non plus. Il remonta la bibliothèque sous le regard aigre de Madame Pince qui vérifiait visiblement s'il n'avait rien emporté illégalement et ressentit un profond soulagement quand la sortie le priva de cette attention presque glaçante. En l'espace d'une minute, toute la joie et la légèreté qu'il avait acquis pendant son instant de paix avec Maya semblait s'être évaporée.
Mais le pire l'attendait lorsqu'il jeta un coup d'œil furtif au couloir de l'infirmerie en passant à nouveau devant. Dans son for intérieur, il espérait y apercevoir Joséphine sans vraiment y croire. Alors quand son œil capta un reflet cuivré, il fut persuadé que son imagination lui jouait des tours. Pas acquis de conscience, il rebroussa rapidement chemin et son cœur manqua un battement lorsqu'il constata que c'était bien Joséphine qui sortait de l'infirmerie, fermant précautionneusement la porte derrière elle. D'un geste impatient, elle repoussa ses cheveux derrière son épaule en se redressant et son regard accrocha celui de Farhan. Sa main se suspendit au niveau de son menton avant que ses doigts ne se replient sur son poing qu'elle laissa tomber contre sa hanche.
-O'Neil, ce n'est pas le moment.
Sa voix était un peu rauque, du même timbre que celle qu'elle avait lorsqu'il l'avait retrouvée dans les serres de Botanique. Le souvenir réveilla en Farhan des sentiments ambivalents et il réussit à se mobiliser pour lancer :
-J'ai entendu dire, oui ... ça va mieux ?
Joséphine battit des cils, le regard un peu vitreux. Qu'elle ait été malade, Farhan ne put en douter. Même avec la faible luminosité du couloir, il percevait à quel point elle était pâle, à quel point ses épaules étaient voûtées. Son poing callé contre sa hanche ne suffisait pas à masquer l'impression qu'elle était vidée de toute énergie. D'ailleurs elle abandonna vite sa posture pour soupirer et se pencher sur son sac. Dans son autre main, Farhan remarqua alors deux fioles qui teintèrent quand elle les rangea. Il était presque certain d'avoir reconnu une potion de sommeil.
-Moyen, avoua-t-elle en s'efforçant de sourire. Et c'est bien pour ça que je n'ai vraiment, mais alors vraiment pas envie de discuter maintenant ... En fait j'aspire à retourner dans mon lit et ... j'en sais rien, hiberner.
-L'hiver est bientôt fini.
-Je le prolonge, insista Joséphine d'un ton buté qui lui ressemblait déjà un peu plus.
La verve amusa Farhan qui ne put retenir un petit rire et Joséphine sourit en écho. Ce n'était pas un sourire cynique ou moqueur et c'était à peine esquissé sur ses lèvres, mais il le toucha profondément, résonna partout en lui. Nerveusement, sa main se porta à l'arrière de sa nuque et son pied amorça un mouvement en avant.
-Bon ... Bah quand tu te sentiras mieux, viens me voir. Dès que tu peux ...
Lui-même avait senti l'urgence qui avait glissé dans sa voix et qui se traduisait par un « vite ». Se retrouver devant elle ne faisait que confirmer ce qui le parcourait depuis ce matin, tout comme sa séance d'étude avec Maya. Si les liens avec sa sœur se renforçaient, savoir que leur histoire leur échappait toujours lui était pénible, et le poids de tout ce qu'il ignorait encore l'écrasait totalement. C'était déjà une sensation assez lourde à laquelle vinrent s'ajouter l'incertitude de sa relation avec la fière jeune fille qui le contemplait à présent les sourcils froncés :
-Parce que tu es prêt, toi ?
Elle paraissait stupéfaite, mais aussi dubitative, presque sur la défensive. L'univers de Farhan se réduisaient à des méandres de sentiments qui tentaient de se dénouer dans le tas informe qu'étaient ses entrailles et ce furent certainement d'elle que jaillirent sa réponse :
-Disons que je commence à avoir mon idée ...
-Farhan, ce n'est pas le moment ...
Il nota l'utilisation de son prénom comme la note presque suppliante dans sa voix. Elle l'atteint assez pour qu'il se dépêche de lever les mains dans un geste qu'il espérait rassurant :
-Tu es malade, je sais ... On en reparlera demain si tu te sens mieux.
Mais à la façon dont le teint de Joséphine passa au verdâtre en une demi-seconde, il imagina que demain, elle serait roulée en boule au fond de son lit. Son état l'inquiéta autant qu'il le frustra. Combien de temps encore devrait-il subir cette situation alors même que dans son cœur, les choses commençaient enfin à s'éclaircir ? Il s'apprêtait à mobiliser ses forces pour faire volte-face, quitter ce couloir avant de céder à son impatience pour exiger une réponse dans la minute quand la voix de Joséphine s'éleva faiblement avec un désarroi qui faillit lui briser le cœur :
-Et si demain je ne vais pas mieux ?
-Ça attendra que tu te sentes mieux, soupira-t-il résolument avant d'ajouter d'un ton penaud. Désolé si j'ai pu paraître abrupt, pardon ... C'est juste que ...
Il s'interrompit en remarquant que Joséphine venait de prendre appuis sur le mur, le souffle court. Son teint ne s'était pas particulièrement réchauffé et cette fois Farhan céda à son instinct en se portant immédiatement à côté d'elle pour lui attraper le bras avant qu'elle ne s'écroule.
-Tu ne veux pas retourner à l'infirmerie ? s'inquiéta-t-il.
-Non ..., répondit-t-elle d'un ton qui excluait la moindre protestation. Non, je ... je vais juste m'asseoir pendant que tu finis ta phrase...
-Jo, ça peut attendre ... Tu l'as dit, ce n'est pas le moment et je veux bien te croire ...
-Peut-être mais cette réponse-là je veux l'entendre avant d'hiberner.
Elle se laissa tomber à terre, faisant fi de la main de Farhan qui la retenait toujours. Son bras lui fila littéralement entre les doigts et elle se retrouva assise, les jambes pressées contre sa poitrine, le front plaqué contre ses genoux. Farhan la contempla, gêné.
-Tu es sûre que ... ?
-Plus tu protesteras, moins vite j'irai hiberner. Accouche, O'Neil. Juste quoi ?
Le ton péremptoire eut raison de son inquiétude et avec un soupir, il se laissa glisser à côté d'elle en prenant soin de garder une certaine distance. Joséphine réagit à peine ; un frisson par parcourut simplement et Farhan se résolut à vite en finir :
-Juste ... Je viens encore de passer un peu de temps avec Maya ... et même si je l'adore, ça m'a surtout rappelé que jusque là, on n'a absolument rien réglé. On est dans un brouillard monstre et on a beau faire tous les efforts possibles, chercher dans toutes les directions, on n'arrive pas à en sortir. Je suis déjà ... plongé dans l'incertitude jusqu'au cou, je n'ai pas envie de m'y noyer ...
Il laissa sa phrase en suspens, espérant désespérément que Joséphine comprenne le parallèle qu'il tentait de mettre en lumière. Sa posture prostrée le mettait au supplice : il brûlait de se rapprochait d'elle, de simplement la soutenir, de lui éviter la pénibilité de cette discussion. Mais elle brisa ses espoirs lorsque sa voix s'éleva, étouffée :
-Pourtant je n'ai pas eu l'impression que ça te dérangeait ces derniers temps ...
-Non, admit Farhan du bout des lèvres. Parce que je ne savais pas ce que je voulais, j'étais perdu ... Mais ... euh ... maintenant que j'ai ma petite idée ... Jo, je n'ai pas envie que les choses trainent.
Le mot tombait comme une bombe, il en avait conscience. Malgré la périphrase, il ne pouvait littéralement pas faire plus clair, plus limpide. Exprimer sa décision à voix haute lui fit un drôle d'effet, mélange de gêne, d'excitation mais un nouveau poison s'instilla dans ses veines. Parce que maintenant qu'il avait laissé envoler l'espoir, il attendait désespérément un retour. Joséphine resta longtemps silencieuse, cachée par un rideau de mèches cuivrées qui effleuraient même le sol, la couvrait comme un châle.
-Mais moi je ne peux pas te donner une réponse maintenant ..., articula-t-elle, toujours de cette voix rauque.
-Je t'ai dit, on peut attendre que tu te sentes mieux ...
-Que je me sente ...
Joséphine se redressa pour rejeter sa tête en arrière. Elle cogna si fort contre le mur que Farhan sursauta, alerté mais les yeux de la jeune fille étaient obstinément fermés, ses traits crispés en un masque d'albâtre.
-Ce n'est pas le fait que je sois malade ... C'est simplement que ... je ne sais pas. Je suis perdue aussi ... mais moi je le suis toujours ...
Sa voix s'était réduite à un murmure, mais ce murmure suffit à envoyer un uppercut dans la poitrine de Farhan. Il bloqua sa respiration pour masquer son trouble et son souffle vint douloureusement se coincer au creux de sa poitrine.
-Tu n'avais pas l'air de l'être quand tu as pris ma main ...
Il s'en voulut d'avoir laissé échapper cette phrase au moment même où elle lui brûla les lèvres. Mais toute ses filtres pourtant savamment et absurdement entretenus pendant des années avaient été un à un rompu avec Joséphine. Elle avait abaissé toutes ses défenses avec sa franchise désarmante, son sourire caustique, son esprit libre et tortueux à la fois, avec comme point de non-retour ce moment dans le couloir, ce geste intime qu'elle avait esquissé en nouant ses doigts aux siens, comme un aveu silencieux. Quelque part, c'était à ce moment précis que Charlie s'était effacé dans l'esprit de Farhan, à ce moment qu'il avait compris que ce n'était pas qu'une simple alchimie mais quelque chose de plus pérenne. C'était de ce geste qu'était né ses espoirs ... « Viens me voir quand tu auras pris ta décision », avait-elle lancé par-dessus son épaule avant de se rendre en retenue. Entre les lignes, Farhan avait compris qu'elle était prise pour elle ... que son avis était arrêté. Son cœur se plomba lentement alors qu'un terrible doute s'insinuait en lui. Avait-il surinterpréter ... ? Non, ça avait été limpide ...
Les lèvres de Joséphine se pincèrent. Pendant quelques secondes d'un silence pesant, Farhan se demanda si elle ne réprimait pas une nausée, mais elle la détrompa en prenant de nouveau la parole :
-Je suis sincèrement désolée ... Vraiment, je ... je ne sais même pas comment t'expliquer ...
Quelque chose remua dans le ventre de Farhan, le reste de vieilles craintes qu'il avait fini par étouffer mais que les mots de Joséphine ravivaient. Que la profondeur de ses sentiments étaient loin d'être réciproque. Qu'il n'avait été qu'un énième coup de tête de Joséphine Abbot. Il prit une discrète inspiration pour les repousser au fond de lui, avec le doute qui s'était réveillé quelques secondes plus tôt.
-C'est Charlie ? tenta-t-il en jugulant le désarroi pour y mettre toute sa douceur possible.
-Non ... Pas que ... (Elle pressa les paupières). Je te l'ai dit, je suis perdue ... je ne peux pas ... pas maintenant ...
Elle se massa la tempe, comme si une douleur venait d'y poindre et de nouveau, Farhan s'en voulut de lui infliger cette épreuve. Mais cette fois, la culpabilité demeura assourdie par une vague de déception qui montait de plus en plus intensément dans sa poitrine. Ce n'était pas qu'une déception, réalisa-t-il, lourdement conscient de son souffle qui se faisait erratique, de son cœur qui se retrouvait étouffer par sa cage thoracique. C'était presque de l'angoisse.
-Jo, je ne veux pas d'un autre brouillard, d'une autre situation intenable qui traine et me ronge ... Je ... je ne peux pas, c'est aussi simple que ça, tu peux le comprendre non ? Je suffoque déjà avec tout ce que je vis, ne me torture pas non plus !
Les mots durs lui écorchèrent les lèvres et parurent heurter physiquement Joséphine, qui tressaillit. Farhan détourna les yeux, le cœur au bord des lèvres, brusquement incapable de poser les yeux sur elle. Il perçut ses mouvements par échos, la sentit se recroqueviller, son souffle se raccourcir, se faire irrégulier. Puis lentement, la tendance s'inversa et il s'approfondit considérablement, si bien que Farhan tenta presque de calquer sa respiration sur la sienne pour contrôler les battements effrénés de son cœur.
-Alors non.
Farhan rouvrit les yeux brusquement. La lumière lui agressa la rétine, mais moins que les mots le firent à son esprit. Ferme, mais murmurés, ils lui percèrent les tympans.
-Pardon ? chuchota-t-il, sonné.
-Tu voulais une réponse, tu l'as, renchérit Joséphine d'un ton qui se voulait neutre malgré sa voix étouffée. Non. On s'arrête là.
On s'arrête là. Les mots se répétèrent à l'infini dans la boite crânienne de Farhan, s'entremêlèrent aux souvenirs, à la brûlure du baiser de Joséphine, à l'écho de ses soupirs, à la caresse de sa main contre la sienne. Cette dernière image fit naître un bouchon douloureux au creux de sa gorge, une boule chauffée à blanc qui lui broya la trachée. On s'arrête là.
Il cligna des yeux, étourdi, avec l'impression vertigineuse qu'il faisait une chute à pique. C'était cela, il tombait de haut en trainant dans son sillage surprise, colère et incompréhension.
-Tu es sérieuse ? murmura-t-il avec une pointe d'acidité.
-Oui ...
-Après tout ce qui s'est passé ? Après tout ce que tu m'as fait espérer ? Juste « non » ?
« C'est toi qui m'as cherché », eut-il envie d'ajouter, mais la remarque lui semblait trop piteuse, trop puérile. Et pourtant c'était peut-être ce qui le déchirait. Jamais il n'aurait osé rêvé à Joséphine Abbot ... jusqu'à ce qu'il remarque son œil planté sur lui. Et maintenant ... maintenant ...
-Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? soupira Joséphine, sans émerger. Tu veux une réponse claire et je ne suis incapable de te donner une autre que celle-ci, d'accord ? Je ne suis pas prête, Farhan, je ne suis pas prête à te dire « oui ». Je ne peux pas être avec toi ... C'est comme ça. Ça vaut mieux ...
-Tu ne peux pas être avec moi officiellement mais officieusement aucun problème ?
-Farhan ...
Joséphine s'interrompit, inspira profondément, le visage caché dans ses genoux. Ses cheveux s'étaient mis à la couvrir comme une couverture dérisoire et plus il la contemplait, plus son attitude ouvertement fuyarde hérissait complètement Farhan. Elle était incapable de lui dire tout cela dans les yeux ? Non, évidemment ... Joséphine n'avait jamais été courageuse. Flamboyante, orageuse mais jamais courageuse. Alors l'affronter alors qu'elle était en train de briser ses rêves, ça devait être au-delà de ses forces. Il avait envie de la forcer à se redresser, de la forcer à le contempler pendant qu'elle lâchait ses mots, mais même en songe le geste lui semblait bien trop brutal. Pourtant, Joséphine répondit à moitié à ses désirs en relevant le visage, mais loin de porter le regard sur lui, elle fixa obstinément le mur. Les traits de son visage s'étaient figés en un masque dur.
-Je ne peux pas être avec toi, tout court, décréta-t-elle finalement. Je ne peux rien te dire de plus que ça. Je ne peux pas, c'est tout. Je ne veux pas. On s'arrête là.
Farhan accusa le coup en silence, mais avec l'impression qu'en lui tout s'écroulait. La chute se poursuivait, impitoyablement sans trouver d'impact. Un cri monta dans sa poitrine, et il pressa son poing contre ses lèvres pour le réprimer. Dans son ventre, les craintes éclatèrent, parasitèrent son esprit. Elle est perdue. Son esprit est volatile, ne s'attarde sur rien ... elle ne s'attache à rien ... Les éléments rationnels s'alignaient comme une tentative dérisoire de le rassurer. Cela échoua lamentablement. La boule dans sa gorge surchauffa.
-Très bien, lâcha-t-il, presque surpris de pouvoir prononcer ces mots sans que sa voix ne tremble. Comme tu veux ... comme tu veux ...
Un rire étranglé jaillit de la poitrine de Joséphine et c'en fut trop pour lui. Plus que sa vue, sa présence était devenue un supplice. Il se leva d'un bond, ramassa son sac, hésita une seconde avant de fuir – puisque c'était une fuite, une véritable fuite en avant. Il aurait voulu ajouter quelque chose, n'importe quoi. Ne pas simplement finir là-dessus. Mais le simple fait d'entrouvrir les lèvres faillit faire éclater la boule dans sa gorge et il renonça. Il fit volte-face et s'éloigna de Joséphine à grands-pas. La dernière chose qu'il perçu d'elle fut des pas précipités et un claquement de porte si typique d'elle qu'une humidité suspecte à laquelle il s'était attendu apparu sur sa cornée. Une larme lui échappa et il l'écrasa d'un revers de manche.
-Tu voulais ta réponse, tu l'as, murmura-t-il au vide, amer. Débrouille-toi avec maintenant ... Putain ...
Loin de le calmer, exposer les choses à voix haute ne firent qu'accroître son désarroi. D'autres larmes s'accumulèrent et il pressa les paupières pour les refouler, la mâchoire serrée.
Plus les espoirs étaient grands, plus la chute était rude une fois qu'ils étaient déchus. Et Farhan venait de chuter de très haut.
***
Yeaaah vous avez le droit de me détester, je suis méchante avec vous en ce moment.
Mais honnêtement c'était l'issue la plus logique à l'instant T. Jo vient de subir un choc émotionnel important, Farhan ne veut pas s'éparpiller : clairement un problème de timing. L'alchimie ne suffit pas ...
(crée par mes soins je vous l'accorde ! Oh ça va, c'est ennuyant les histoires d'amour linéaires où tout se passe bien, laissez moi mettre un peu d'obstacles !)
Voilà, j'espère que ce chapitre vous aura plu quand même !
PS : Le chapitre 34 est disponible à la suite ;) Oui j'ai craqué, pour votre plus grand plaisir !
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