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Chapitre 32 : Blessures enfouies

Hello tout le monde <3 

ça faisait longtemps que j'avais pas posté un jour en avance - ça équilibre la dernière fois où j'avais posté un jour en retard ! 

Et en plus je n'ai pas grand-chose à raconter - si ce n'est que mon rappel du tetanos m'a mis un uppercut, j'ai été HS 24H. Mais comme j'ai beaucoup de chose  à dire à la fin ça va compenser ! 

Bonne lecture <3

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TW (que j'ai la peine de mettre mais je me sens obligée ) : On va parler de violences sexuelles

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***

On dit que le temps guérit toute blessure. On dit que l'on peut toujours oublier. Mais la vie est toujours là et le temps qu'elle dure, par la joie ou par les pleurs, toujours mon cœur est travaillé. 

- George Orwell

***


Chapitre 32 : Blessures enfouies.

Jeudi 28 février 1991

POURQUOI IL A FALLU QUE JE PARLE A CHARLIE

C'était trop bien, j'ai vraiment eu l'impression qu'on avait drainé toute la tension et la colère qui nous a bouffé depuis qu'on a rompu. J'ai revu le garçon qui m'avait apprécié, respecté, valorisé. Et c'est exactement ce qu'il a essayé de faire en me mettant dans la confidence, en m'attendant pour aller voir Brûlopot. Il ne voulait pas me mettre sur la touche pour que je ne me sente pas à l'écart, ne pas me blesser. C'est Charlie, du vrai, le gentil Charlie dont j'ai cru un jour être amoureuse.

POURQUOI IL EST DE RETOUR MAINTENANT.

Qu'est-ce que je fais moi avec ça ?

Sans déconner, ça me donne un vrai cas de conscience. C'est le meilleur ami de Farhan. Quand je sortais avec Charlie, je disais même que c'était son âme sœur tant ils sont collés l'un à l'autre, tant ils font tout ensemble, tant Charlie le protège. Est-ce que j'ai vraiment le droit d'être le grain de sable qui risque de gâcher leur amitié ? Est-ce ça en vaut la peine ? Est-ce que j'en vaux la peine ?

J'avais réussi à minimiser ça, à me dire que tout était possible, que je pouvais passer outre Charlie mais il me parait insurmontable. J'ai l'impression d'être en train de gâcher quelque chose, c'est terrible. Ça me tiraille tellement que j'ai eu envie de pleurer. Je ne sais pas, une fois rentrée j'ai recroisé Farhan et l'avoir embrassé m'a paru être une trahison, pour la première fois. J'avais l'impression d'avoir trahi Charlie, ce qu'on avait vécu. Même s'il n'y a plus rien entre nous, qu'il n'y aura plus jamais rien. Rien ne se perd, tout se transforme et la romance c'est transformée en rage avant de devenir un souvenir affectueux.

Et pourtant, quelle est la première chose à laquelle j'ai pensé en voyant Farhan ? L'embrasser. Bon à moitié parce qu'il était avec Maya et qu'elle m'a dit tout ce que Charlie venait de me dire sur la lettre du guérisseur et que clairement ils avaient l'air vraiment dix pieds sous terres. Alors j'ai eu envie de le consoler. Vraiment, il était juste hors de question pour moi de juste passer mon chemin et retourner dans ma tour alors qu'il faisait cette tête-là.

Je suis foutue.

***

Joséphine n'avait jamais détesté être en retenue. C'étaient des moments solitaires, parfois même amusant, comme lorsqu'elle avait dû ranger la Salle des Trophée en troisième année et qu'elle s'était retrouvée fascinée par chacun des noms. Ou lorsqu'elle s'était retrouvée à écrire son journal sous la surveillance laxiste d'un professeur ou d'un préfet. Au pire, c'était ennuyeux mais rarement pénible. En revanche, cette retenue-là lui promettait l'enfer. Lauren McColley lui promettait l'enfer.

-On va devoir passer notre colle ensemble ?!

Lauren hocha longuement la tête, un sourire satisfait aux lèvres. Elle s'était glissée subtilement près de son bureau avec un petit sourire dès que la sonnerie avait retentie en cours de Potion, avant même que Joséphine ou Farhan n'ait rangé le moindre de leurs affaires, après être passée voir Tonks qui s'était enfuie d'un pas furieux.

-McGonagall m'a demandée de vous surveiller, poursuivit-t-elle, l'air ravi de son effet. Je pense que vous devrez faire du tri dans ses magasines de Métamorphose ...

-Tu vas nous surveiller ? réalisa Joséphine, suffoquée.

-Oh mon Dieu ...

Les filles baissèrent le regard sur Farhan, qui paraissait effaré par la situation. Joséphine dressa un sourcil mais Lauren la prit de vitesse :

-Un commentaire, O'Neil ?

-Je suis plutôt bon en Potions. Et là, vous êtes juste en train de mettre tous les ingrédients pour que ça explose.

C'est bien résumé, songea rageusement Joséphine. Déjà Tonks et elle ne seraient pas capable de se regarder sans d'écharper. Pas après l'incident de Métamorphose. Mais Lauren au milieu dans le rôle d'arbitre ? C'était une amie de Tonks. Pas celle de Joséphine, malgré des rapports qui s'étaient réchauffés suites aux rumeurs de janvier. Sincèrement, elle doutait que sa présence apaise réellement la retenue, mais la Gryffondor semblait sereine – et même ravie.

-Ouais et je serais aux premières loges ! se vanta-t-elle avec un grand sourire.

-Tu brûleras avec nous, McColley, prévint Joséphine.

-J'attends de voir. En attendant, rendez-vous dans une heure dans la salle de McGonagall. En attendant je vais préparer avec elle ce dont on aura besoin. Ne sois pas en retard, si c'est le cas tu resteras plus longtemps ! Et ne penses pas à sécher, sinon la retenue sera doublée. A tout à l'heure !

Elle s'en fut joyeusement en rejetant ses cheveux blonds vénitiens derrière son épaule et Joséphine fit volte-face pour donner un coup de pied dans son chaudron. Il résonna avec un boucan du tonnerre qui fit tourner de nombreuses têtes et affola Farhan qui se précipita pour faire cesser le vacarme.

-Oh ! Tu veux que Rogue nous colle ? Tu n'en as pas assez avec celle-ci ?

-Comment ça « nous » ?

La question, dite sur le ton de l'énervement, les fit s'empourprer tous les deux. Farhan baissa la tête et remit précautionneusement le chaudron en place pendant que Joséphine faisait quelques pas pour faire passer la fébrilité qui venait de s'éprendre d'elle. Elle passa une main dans ses cheveux et libéra les quelques mèches qu'elle avait retenue dans une pince. Il avait réussi à lui faire prendre au moins cette habitude ...

-Je suis à Gryffondor, rappela finalement Farhan après une quinte de toux. Même si je ne fais rien, je serais coupable à ses yeux alors bon. Evite de me mettre en situation délicate ?

-Trop tard, non ?

Cette fois, un léger sourire effleura les lèvres de Farhan et il parut lui concéder silencieusement ce point. La main de Joséphine se promena sur son sternum jusqu'à accrocher le camée. Ce simple contact réveilla beaucoup trop de chose, le fourmillement du souvenir, les frissons des baisers qui avaient parcourus sa peau durant cet impensable instant d'oubli et de déconnexion total dans la Salle de bain des Gryffondor. Troublée par sa propre allusion, elle détourna le regard et entreprit de ranger ses affaires. Une semaine, moins d'une terrible semaine depuis ces enivrants moments et elle se sentait à fleur de peau. Proche d'imploser. Proche de recommencer. Le tout sans avoir pris la moindre décision sur la suite des événements. Un dernier moment de folie, avant de se mettre à réfléchir ... Il était clair que son cerveau était resté dans la salle des bains des Gryffondor, éteint, rompu, broyé par la masse de sensation qui l'avait envahie. La seule fois où elle avait senti qu'il se réactivait, c'était lorsqu'elle avait parlé à Charlie sur les gradins de Quidditch hier. Un entretien ambivalent, bizarre, où elle avait à la fois senti se retisser leurs liens d'amitié, mais qui une fois l'hilarité morte dans sa poitrine, l'avait laissée complètement glacée.

Ils sont meilleurs amis. Je peux vraiment leur faire ça ?

La réponse à cette question changeait tous les jours. Après la conversation avec Charlie, elle était très clairement « non ». Mais après une heure passée aux côtés de Farhan ? Elle glissait tout doucement vers une pente moins honorable. Bon sang Joséphine, dans quoi tu t'es encore fourrée ? Farhan finit par se redresser, son sac sur une épaule et son chaudron à la main et fronça les sourcils en croisant son regard. Un sourire incertain se dessina sur ses lèvres.

-Je rêve où tu es en train de m'attendre ?

La vérité, c'était qu'elle était trop plongée dans ses pensées pour songer à se mettre en mouvement, mais vu qu'elles étaient toutes tournées vers lui, elle préféra partir sur un autre argument :

-En fait j'essaie de retarder le plus possible le moment où je vais devoir aller en retenue.

-Ah ... Essaie de laisser Tonks intacte, j'y tiens.

Là-dessus, il passa devant elle et son souffle se bloqua dans sa gorge lorsqu'elle réalisa que son sourire s'était teinté d'une certaine malice. Outrée, Joséphine se dépêcha s'attraper son chaudron et de le suivre en dehors de la salle. En quelques enjambées, elle fut à sa hauteur dans le couloir désert où ils s'étaient embrassés la première fois. Ses lèvres picotèrent en écho du souvenir mais elle chassa l'impression pour mobiliser tout son sens de la dérision :

-Oui j'avais remarqué ...

Loin de le décontenancer, la raillerie dans sa voix agrandit son sourire. Il ne la regardait même pas, pourtant Joséphine sentit tout de même ses entrailles se retourner face à l'étincelle qui dansait dans ses prunelles.

-Fais attention, Jo ..., chuchota-t-il. Ça commence à ressembler à de la jalousie.

-Moi, jalouse de Nymphadora Tonks ? Tu parles d'un scoop, ça crève les yeux depuis quelques années, non ?

Farhan leva les yeux au ciel face à la réponse qui faisait davantage référence à leur rivalité scolaire. Son sourire s'était quelques peu estompé et sa main libre alla frotter sa nuque avant de retomber le long de son corps.

-Parfait, tu ne prends pas la perche. Je vais être plus explicite : où on va comme ça ?

-Ah ...

Le pas de Joséphine ralentit quelque peu et elle jeta un bref regard derrière son épaule. Face à cette déconcentration, elle dévia assez de sa trajectoire pour effleurer le bras de Farhan. Le simple contact lui coupa le souffle et elle s'attendait à ce qu'il s'écarte, par pudeur. Il ne le fit pas. Son sourire se fana juste simplement sur ses lèvres jusqu'à disparaître et Joséphine perçut la façon dont il relâcha son souffle, lentement, comme pour évacuer une tension venue des tréfonds de lui-même. Amusée de le voir aussi troublé qu'elle pouvait l'être, Joséphine laissa son instinct laissé complètement galopant par son absence totale de cerveau la brider. Elle bougea légèrement la main jusqu'à atteindre celle de Farhan et l'effleurer doucement du bout des doigts. Il essuya un petit rire.

-Qu'est-ce que tu es en train de faire ?

-Une expérience ...

Rassurée par la réaction, elle glissa plus franchement sa main dans celle de Farhan. Si sa prime raideur transforma son cœur en plomb et referma complètement sa gorge, ses doigts finirent par se mouvoir contre les siens, les caressant avec curiosité jusqu'à complètement se nouer. Pour garder la face, Joséphine garda son soupir de soulagement coincé derrière ses dents et baissa la tête. Du soulagement. Merlin, ça veut tout dire.

-Ça va mal finir cette affaire ..., souffla Farhan. Genre, derrière cette armure, à l'ombre de tout.

L'image était si tentante que Joséphine étudia l'armure en question, située sur un piédestal dans le coin du couloir, dans le clair-obscur des torches qui jetaient des ombres contre les murs. Dans les entrailles du château, personne ne viendrait les chercher ici...

-Hum, laissa-t-elle échapper, songeuse.

-Je plaisante, Joséphine.

Comme elle s'était presque immobilisée, étirant son cou pour garder l'armure dans son champ de vision, Farhan tira sur sa main pour l'entrainer avec lui. Un grondement sourd fit trembler ses cordes vocales mais elle parvint à le réprimer pour lancer joyeusement :

-Je vois. Tu as été sage une première fois, tu as peur de craquer la seconde ?

-Hum.

Devant le son équivoque qui se traduisait de façon évidente par un « oui », Joséphine sourit. Elle se laissa entrainer, dépassant à regret l'armure qui auraient pu leur servir de refuge et suivit Farhan au détour du couloir qui n'allait pas tarder à les ramener à la surface. La surface. Joséphine jeta un regard déçu à leurs doigts entremêlés. La peau mate de Farhan tranchait avec la sienne, pourtant elle trouvait en ce geste et cette dualité une beauté singulière. La sensation était agréable mais déjà Joséphine sentit la nervosité la ronger, de pair avec l'impatience d'explorer plus. Sa poitrine se referma sur son cœur.

-On ne peut pas rester comme ça, pas vrai ?

La bouche de Farhan se tordit. L'escalier qui menait au hall les attendaient au bout du couloir, auréolé d'une sinistre lumière au bout du couloir et leurs pas ralentirent en conséquence pour prolonger l'intimité de l'instant.

-J'étais en train de me dire la même chose ... Comme ça, c'est juste ... comment dire ... ?

-Tendu, gênant, parfois un peu effrayant, prise de tête, frustrant ...

-Un peu de tout ça, confirma Farhan en penchant la tête sur le côté avec un sourire penaud. Donc très clairement rien de positif. Donc option à éliminer.

Joséphine coula sur lui un regard de biais, osant à peine faire plus que ce simple mouvement des yeux.

-Ce qui nous laisse ... ?

Dans la semi-obscurité du couloir et l'angle visuel qu'elle s'imposait, c'était difficile de lire l'expression de Farhan. Néanmoins, elle avait senti ses doigts se figer entre les siens, être animé d'une torsion compulsive qui traduisait un certain embarras.

-Bien ... je suppose que soit on se met ensemble ... soit on arrête de se voir.

Les deux propositions jetèrent une pierre sur le cœur de Joséphine qui sembla s'enfoncer en elle et creuser un puit jusqu'à des profondeurs insoupçonnées. C'était radical, les deux extrêmes. Les deux solutions les plus évidentes et auxquels jusque là elle avait préféré rester volontairement aveugle. Les voir éclairées avec une telle brusquerie lui donnait le vertige. Une boule brûlante faite d'un mélange d'excitation et de panique grossit dans sa poitrine, à l'endroit où s'était tenu son cœur un souffle plutôt.

-Waho, murmura-t-elle. Grosse décision.

-Je ne te le fais pas dire ...

-Et Charlie ?

-Charlie, soupira Farhan en secouant la tête. Nom d'un farfadet ...

Joséphine sourit devant l'accent qui avait brièvement enrobé sa voix, comme toujours quand il utilisait cette expression. Pourtant, il avait été gommé par les semaines passées à Poudlard, mais certains mots en semblait naturellement empreint dans la bouche de Farhan. Ils finirent par atteindre l'escaliers et s'immobilisèrent quelques mètres avant pour jouir encore de l'ombre des cachots. Joséphine savait que dès qu'ils atteindraient la moindre flaque de lumière naturelle, il lui faudrait dénouer ses doigts des siens et rebrancher son cerveau. Se laisser de nouveau envahir par les questionnements qu'elle tentait de dénouer, démythifier dans son journal sans parfaitement parvenir à enrailler leurs dynamiques infernales. Est-ce que j'en vaux la peine ? Et d'une certaine manière, Farhan vint faire écho à la question. Il lâcha son chaudron et vint porter sa main à sa tempe avec une grimace.

-S'il n'y avait que Charlie ... peut-être que ... j'en sais rien, ce serait ... dommage. Mais il n'y a pas vraiment que Charlie ...

Il n'est pas sûr de lui, songea la jeune fille, la gorge serrée. De moi. L'expression de Joséphine devait trahir une certaine déception, un certain choc, à moins que ce ne soit un mouvement de la main que Farhan tenait toujours.

-Ne pense pas que ... enfin Jo, c'est tellement ... un bordel monstre dans ma vie en ce moment. (Mal à l'aise, il se frotta la nuque, les lèvres pincées). Mais c'est aussi pour ça que je dois vite réfléchir. Je ne veux pas que la situation s'éternise ... je veux être sûr. Pour une fois.

L'incertitude, ça les bouffe de l'intérieur, souffla Charlie en écho. Oui, elle-même l'avait expérimenté ... L'incertitude était le pire des poisons. Joséphine ne sut quoi répondre, tant les mots de Farhan résonnaient en elle, répondaient à tout ce qu'elle avait pu craindre. Le souafle était dans son camp, réalisa-t-elle assez brusquement, surprise de voir la décision lui filer ainsi entre les doigts. Charlie, c'était son problème – en tout cas, plus que le sien. Sa vie, c'était son problème. S'il acceptait tout, alors Joséphine pouvait se permettre d'être égoïste. Elle baissa les yeux sur leurs mains, toujours nouées dans une prise légère, naturelle.

-Alors, l'expérience ?

Farhan papillonna des paupières avant de suivre le regard de Joséphine. Un lent sourire s'étirait sur ses lèvres alors qu'il reportait son attention sur elle. Le souffle de la jeune fille se bloqua dans sa poitrine lorsqu'elle rencontra de nouveau ces iris de velours, sombres mais pétillantes.

-Edifiante.

-Parfait, chuchota-t-elle, le cœur battant un peu partout en elle sauf dans sa poitrine. Par contre je te jure que si tu continues de me regarder comme ça, je te traine jusque l'armure O'Neil.

Une petite partie d'elle espérait qu'il céderait, mais Farhan O'Neil semblait avoir une volonté de fer. Immédiatement et avec un sourire mutin qui fut insupportable pour Joséphine, il la lâcha et leva les mains en reculant.

-Oulah, je m'en voudrais de te mettre en retard pour ta retenue ...

-Je passais un si bon moment, gémit Joséphine en rejetant la tête en arrière. Tant pis pour toi, O'Neil. Viens me chercher quand tu auras pris ta décision.

L'effort qu'elle fit pour arracher son regard à Farhan, faire volte-face et avancer résolument vers les escaliers, sans jeter le moindre regard derrière son épaule, malgré le petit rire de Farhan qui résonnait derrière elle, malgré le fait qu'elle en mourrait d'envie. Mais il était le premier à avoir rompu le contact : la fierté ne lui laissait pas d'autre choix qu'être la première à quitter dignement l'autre. La lumière du Hall lui piqua les yeux dès qu'elle posa un pied sur l'escalier et l'éblouit momentanément. Et ce fut pendant ce bref instant d'aveuglement d'une image lui traversa l'esprit et lui arracha un sourire.

Il avait préféré lâcher le chaudron que sa main. Et elle voulait y voir un signe, un aveu. Une certitude.

***

-Cinq minutes en retard, Abbot ...

Joséphine leva les yeux au ciel lorsqu'elle entendit la voix blasée de Lauren. Tonks était bien évidemment déjà là – certainement depuis dix minutes, voire quinze : arriver en avance était bien dans son genre ... Assise sur une table de devant habituellement occupée par Elisa Strettins, elle toisa une seconde Joséphine avant de croiser les bras sur sa poitrine et reporter son attention sur Lauren. La préfète de Gryffondor était elle installée en tailleurs à même le sol, occupée à ouvrir des cartons à l'aide de sa baguette, ses cheveux blonds retenus dans un vague chignon au-dessus de son crâne. Joséphine réprima son agacement de se retrouver ainsi enfermer pendant une heure avec les deux filles et alla poser son sac à l'exact opposé de Tonks, au fond de la classe.

-Désolée, je devais absolument prendre une douche avant de venir. Quoique maintenant que j'y pense, j'aurais sans doute dû la prendre après ...

-Peur que je te contamine d'une quelconque façon, Abbot ? persiffla Tonks.

-Oh sérieux les filles, déjà ? râla Lauren en relevant la tête. Vous ne pouvez pas vous tenir ?

-C'est de la faute de Nymphodora qu'on est là, répliqua sèchement Joséphine. Franchement je m'en serais bien passée.

Piquée au vif, Tonks se dressa sur ses pieds. Elle avait sorti sa baguette si vite et si souplement que Joséphine ne la remarqua pas d'un prime abord et réagit beaucoup trop tard. Mais moins vite que Lauren qui bondit prestement entre elles deux, les bras levés avec affolement.

-Quoi ? Mais stop, mais vous êtes pas possibles ! Tonks, range ça !

-Je vais devoir supporter ça pendant une heure, c'est une blague ? s'écria la Poufsouffle en pointant sa baguette sur la Serdaigle. Qu'elle me provoque, qu'elle m'appelle par mon prénom ?! Qu'est-ce qui a pris à McGonagall de nous réunir pour cette retenue ? Que je sois collée, d'accord mais certainement pas avec elle ! Tu parles de se tenir ? C'est elle qui ne sait pas se tenir, il faut toujours qu'elle fasse sa diva, son intéressante !

Joséphine avait réussi à attraper sa baguette dans ses affaires, mais le discours de Tonks lui donnait envie de la lui jeter de rage à la figure plutôt que de lui jeter un sort. Son cerveau était trop paralysé par la colère pour cela, de toute manière, ce qui expliquaient que les mots fusent seuls :

-Faire son intéressante ? Mais tu t'es regardée ? Les cheveux roses, les dons prodigieux, regardez je peux jeter des maléfices et surtout comme si ça ne suffisait pas, je suis trop exceptionnelle pour qu'on m'appelle par mon prénom ? Tu es littéralement un singe de cirque ! C'est ça, tu fais des tours simplement pour plaire à la foule et te nourrir de son approbation et son amour, c'est pathétique !

A la fureur qui embrasa le regard marron de Tonks, Joséphine fut certaine qu'elle allait se prendre un maléfice en plein visage, un maléfice si vif et puissant qu'elle n'aurait pas le temps de parer. La baguette de Tonks, toujours pointée sur elle, tremblota dans sa main mais avant qu'elle ne puisse faire le moindre mouvement, elle disparut du champ de vision de Joséphine, remplacée par le dos de Lauren qui venait de se placer entre elles.

-Mais arrêtez ! Tonks, par Godric Gryffondor et tous les mages de ce monde, donne-moi cette baguette ! Et que ça saute !

L'irritation dans sa voix faisait ressortir son accent irlandais, qu'elle avait plus prononcé que Farhan. Elle, même les années à Poudlard n'avaient pas réussi à l'infléchir. Elle affronta quelques secondes Tonks du regard jusqu'à ce que cette dernière cède avec un cri de rage et lui lance sa baguette. Lauren la rattrapa avec un réflexe impeccable avant de pivoter vers Joséphine, la main tendue.

-La tienne, Abbot. Je ne veux pas d'accident. Même si ta meilleure arme c'est ta bouche et que je ferai bien de te bâillonner ... Alors avant de me dire non, réfléchis. La baguette ou le bâillon.

L'image parut beaucoup amuser Tonks car elle passa outre sa colère pour lâcher un petit rire qui hérissa tout l'être de Joséphine. Comprenant que sur ce coup, elle était seule contre deux, elle jeta sa baguette à Lauren. Visiblement soulagée, la préfète les rangea dans un tiroir du bureau avant de s'appuyer contre lui. Les bras croisés sur sa poitrine, le menton relevé, elle avait la mine sévère de la mère qui se retrouvait face à deux gamines indisciplinées.

-Bien. Maintenant vous vous asseyez toutes les deux. Avant toute chose, je pense qu'il plus qu'utile – vital, en vérité – de mettre deux-trois chose au clair. Oh bon sang, lâcha-t-elle en constatant qu'aucune des deux de bougeaient. Vous voyez le bel insigne qui brille sur ma poitrine ? Ça veut dire que si je le juge nécessaire, on reprend cette joyeuse retenue demain. Alors évitez-nous cette peine, et venez poser vos fesses ici !

-On appelle ça de l'abus de pouvoir, il me semble.

-Abbot !

Joséphine prit soin de gonfler ses joues pour montrer son exaspération, mais obtempéra de mauvaise grâce. Aussi pénible que promettait d'être cette retenue, elle préférait qu'elle reste la seule et ne pas prolonger l'expérience. Avec une tension palpable, elle se retrouva assise à côté de Tonks, devant Lauren qui les surplombait avec un air de supériorité insupportable.

-Parfait. Maintenant, Tonks, explique à Joséphine pourquoi tu ne veux pas qu'on t'appelle par ton prénom.

-Non.

-Merlin que tu as la tête dure ... Elle n'est pas idiote, elle va comprendre. Tu veux qu'elle arrête de te « provoquer » ? (Joséphine apprécia les guillemets qu'elle fit avec ses mains pour atténuer le terme). Si elle ne comprend pas, elle n'arrêtera pas. Allez.

-Et le tri des livres de McGonagall ? répliqua Tonks.

-Ils attendront. Allez, dis-le, c'est tout. A moins que tu préfères que je le fasse ?

Tonks la fusilla du regard, mais Lauren le soutint sans broncher. Joséphine les regarder toutes les deux alternativement, la colère lentement étouffée par la gêne et la curiosité. Ainsi il y avait une raison à la décision excentrique de la jeune fille ? Tonks repoussa une mèche rose qui lui tombait sur les yeux et ce fut sans adresser le moindre regard à Joséphine qu'elle entonna froidement :

-Je m'appelle Nymphadora par ... tradition familiale. C'est typiquement un nom de Sang-pur, j'ai vite fini par le comprendre. Mais ... j'ai réalisé il y a deux ans que la famille sang-pure en question, celle de ma mère, était les Black. Et surtout que sa sœur était ...

-Bellatrix Lestrange, compléta Joséphine. Je sais, j'en ai entendu parler ...

Les poings de Tonks se serrèrent sur la table.

-Tu en as entendu parler ? Et tu ne comprends pas pourquoi je ne supporte pas qu'on m'appelle ainsi ?

-On a des noms sang-pur dans ma famille aussi, fit remarquer Joséphine avec un geste négligent de la main. Mes deux parents sont de Sang-Pur, un cousin de ma mère était même Mangemort, il a été tué pendant la guerre ... Evan Rosier. Ma sœur s'appelle Ophélia et ...

-Milles gargouilles Abbot ! Tu as au moins pris la peine de lire l'article qui était sorti dans La Gazette ? Tu sais vraiment qui étaient les Black, qui était, Bellatrix Lestrange ? Elle est presque aussi crainte que Tu-Sais-Qui ! Elle a tué ... des gens, des moldus, des sorciers, torturé des dizaines de personne ...

Une main glacée se referma sur le cœur de Joséphine. Oui, elle savait quel genre de femme avait été Bellatrix Lestrange. Son père était Auror et avait personnellement souffert de la guerre avec la mort de sa tante et de ses cousins, les McKinnon. Ces histoires affreuses, elles les avaient entendus sur ses genoux, dès sa plus tendre enfance. C'était peut-être l'unique fois où elle avait vu les yeux de son père s'embuer, le jour où il lui avait parlé de sa cousine Marlène, assassinée à la toute fin de la guerre. Là, c'était ceux de Tonks qui se voilaient d'une couche brillante, indentifiable qui fit froncer les sourcils de Joséphine.

-Peut-être que tu étais trop occupée par ta petite personne pour le remarquer, mais des gens m'en ont voulu après la parution de cet article, poursuivit-t-elle, furieuse. M'ont tenu comme responsable des crimes de ma ... tante. Le journaliste s'interrogeait ouvertement sur le rôle que ma mère avait bien pu jouer dans la guerre ! Ma mère ! Mais Bellatrix l'aurait tué sans la moindre hésitation ! Mon père est né-moldu, tu comprends ? Et elle a essayé de ... enfin de ... elle m'a ...

Elle buta sur les mots jusqu'à renoncer et inspirer profondément pour reprendre le contrôle de ses nerfs. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, ils étaient parfaitement secs, si sombre et dur qu'ils paraissaient être ciselés dans l'onyx.

-On est la branche pourrie de l'arbre des Black. Mais on fait partie de leur arbre quand même. Je m'appelle Nymphadora en honneur de leur tradition, un prénom qui sonne comme Bellatrix, comme Narcissa, la femme de Lucius Malefoy. Un nom qui pue la magie noire. Comment je peux le porter, Abbot ? Je ne l'aimais déjà pas beaucoup avant, je le trouvais ... idiot, pompeux. On m'appelait Dora pour simplifier et ça m'allait. Mais depuis c'est juste que ... je ne peux plus. En portant ce nom, c'est leur héritage que je porte ...

Le dernier mot sonna comme la conclusion et elle s'autorisa un petit regard en direction de Joséphine. Pas sur son visage, plus centré sur ses mains qu'elle avait posé sur le bureau et qui jouaient avec un anneau qu'elle portait au majeur, trop lâche pour son doigt. Songeuse, Joséphine le fit rouler sur le plateau, grignotée par le même sentiment étrange qui l'avait envahi lorsqu'elle avait compris que Lauren McColley était homosexuelle. Qu'elle l'avait jugé sur du vent. C'était pire dans cette situation. Elle avait blessée Tonks, chaque fois qu'elle lui avait jeté son prénom à la figure. Elle ne lui avait pas simplement jeté son prénom : elle lui avait jeté vingt ans de passé haineux aux relents nauséabonds, des actes ignobles auxquels elle n'y pouvait absolument rien.

Incapable d'affronter Tonks, Joséphine leva plutôt les yeux sur Lauren. La Gryffondor la contemplait, les dents plantées dans sa lèvre inférieure, l'air d'appréhender son jugement. Ses prunelles verts d'eau brillaient d'une supplique muette. « J'ai vu comme tu pouvais être compatissante avec moi. S'il te plait, ne me fais pas avoir tort ». Non, là-dessus, il pouvait difficilement avoir de situation plus semblable ...

-Tu peux refuser qu'on t'appelle « Nymphadora » mais ... ça fait partie de toi, articla-t-elle finalement. Maintenant que tu le dis, je pense que ta décision de devenir Auror n'est pas complètement étrangère ? Ce passé, ça t'a complètement modulé Tonks. Alors soit tu l'acceptes, soit il te broie.

-Comme si c'était facile, railla-t-elle avec un ricanement.

-Je ne dis pas que ça l'est. Mais si ça peut t'aider, je vais arrêter de t'appeler Nympha ... enfin, comme ça.

Elle sentit plus qu'elle ne vit la stupéfaction de Tonks qui se tourna vivement vers Lauren. Joséphine réprima un sourire. Oui, elle adorait surprendre ses détracteurs, mais la honte et l'embarras l'étouffait trop pour qu'elle s'en réjouisse ouvertement. Encore une fois, elle avait appliqué sur Tonks ce qu'elle détestait qu'on fasse sur elle. Maintenant qu'elle réfléchissait, la blessure de l'article et du passé des Black éclaboussait toute la vie de Tonks. Sa volonté d'être solaire, serviable, parfaite n'était-elle pas là pour oublier que le reste de sa famille était tout le contraire ? Alors ça n'éteignait en rien la jalousie qui l'animait mécaniquement face à elle. Non, elle sentait toujours cette petite pointe acide qui la piquait au vif chaque fois qu'elle posait le regard sur ses cheveux roses. Mais elle était trop sensible à l'histoire pour continuer d'attiser la blessure.

-Tu vois, je te l'avais dit, lança joyeusement Lauren. Voilà, c'est réglé pour le prénom, tu n'auras pas à subir ça ! Vous avez d'autres chose à dire ? A vous demander ?

-Peut-être tant qu'on y est ... (Tonks se tourna plus franchement vers Joséphine). Pourquoi tu me détestes ? Sérieusement, je ne t'ai jamais rien fait. Pour être honnête, je ne savais même pas que tu existais au début et soudainement je devenais la cible de toutes tes attaques !

Joséphine jeta un regard ennuyé à Lauren, peu désireuse de répondre à cette question. En parler en toute confiance à un Farhan qu'elle savait être une tombe, dans un échange de confidence sous la lumière tamisée d'un pub, c'était une chose. Mais évoquer ce sujet face à ces deux filles qu'elle doutait apprécier ? Mais Lauren l'encouragea d'un signe de tête si enthousiasme qu'elle ne put que soupirer :

-Ce serait compliqué de remonter les ramifications qui remontent à loin mais ... disons succinctement que ... j'ai une relation difficile avec mon père. Et que tu es la fille qu'il aurait rêvé d'avoir ...

Elle n'était pas parvenue à endiguer l'amertume dans sa voix et lança un regard à Tonks qui la défia de le lui faire payer. Les yeux de la jeune fille s'écarquillèrent légèrement et sa bouche s'arrondit en un « Oh » silencieux, mais ce fut tout. Ni l'une, ni l'autre ne semblait vouloir ouvrir davantage la boite de Pandore. La situation était déjà bien assez embarrassante comme ça.

-C'est bon, on peut se mettre au tri maintenant ? demanda Joséphine à Lauren. C'est fini le moment de confidence ?

-Pas tout à fait, je n'ai pas eu ma partie, rectifia Lauren avant de prendre une chaise, de repousser un carton de livre pour s'installer en face d'elle et de poser son menton sur ses mains jointes). Allez Abbot, dis-moi : il se passe quoi avec Farhan O'Neil ?

-Oh non ! réagit immédiatement Tonks en se bouchant les oreilles. Non, je ne veux rien entendre, je ne veux rien savoir, l'idée me débecte déjà bien assez !

Joséphine était beaucoup trop occupée à s'empourprer pour former une réponse cohérente. En revanche, son esprit capta parfaitement chacun des mots de Tonks et elle suivit son instinct en pivotant vers elle, les yeux prêts à sortir de leurs orbites. La réalisation était telle que son cœur s'était arrêté de battre dans sa poitrine.

-Attends, il t'a parlé ?!

-Tu voulais qu'il en parle à qui ? rétorqua Tonks, les mains toujours plaquées de part et d'autre de son visage. A Charlie ?

-Donc il y a bien quelque chose ! conclut triomphalement Lauren en brandissant le poing. Je n'étais pas complètement sûre, c'étaient des spéculations ...

-Non mais stop ! tenta de tempérer Joséphine, affolée. On est où, là ? En retenue, ou dans la chambre des septième année de Serdaigle ? Parce que là ça ressemble beaucoup trop à une conversation que ces pestes pourraient avoir et je refuse d'en faire l'objet !

Le regard étincelant de Lauren disait pourtant très clairement qu'elle n'en avait pas fini et Joséphine serra les dents, frustrée et tentée de prendre la porte pour retourner le château, mettre la main au collet de Farhan et l'étriper. Mais quelle idée absurde de parler à Nymphadora Tonks. Et quand bien même elle pouvait comprendre le besoin de se confier face à des problématiques si particulière, l'idée lui donnait envie d'aller se terrer dans la Forêt Interdite et d'aller vivre avec les Centaures jusque la fin de ses jours.

-Ça, il va me le payer, murmura-t-elle avant de faire face à Lauren. Comment ça des spéculations ?

-Non mais je rêve, ricana Tonks en secouant la tête. Tu t'es vue, Abbot, tu flirtes ouvertement !

-C'est faux !

-C'est vrai, insista Lauren avec un immense sourire. C'est flagrant en Potion, encore aujourd'hui ...

Joséphine avait sa fierté. Sa dignité. Mais face à leurs regards étincelants et insistants plantés sur sa personne, elle ne put s'empêcher d'enfouir son visage dans ses mains, les joues brûlantes. Son monde avait tant été réduit à Farhan ces derniers temps qu'elle n'avait même pas pris la peine de réfléchir à l'ambiguïté de son comportement. Maintenant qu'elle y réfléchissait, elle sautait aux yeux. Ils s'étaient rapprochés rapidement. Ils passaient leurs cours de Potion à parler – Rogue l'avait ouvertement fait remarquer plusieurs fois. Peut-être même avaient-ils eu des gestes équivoques ces derniers jours, ce n'était pas exclu ... Hors d'haleine, elle se redressa et repoussa ses cheveux derrière ses épaules. Son cœur battait toujours la chamade mais le feu s'était résorbé sur son visage, ce qui était le principal.

-C'est toujours exclu que je vous parle de ça. Ecoutez, je vais faire ce pourquoi on est là, d'accord ? Continuez de commérer si vous voulez.

Elle se leva, contourna la table et Lauren avant de s'assoir à mêle le sol face au carton de grimoire poussiéreux. Elle fut prise d'une quinte de toux dès qu'elle en ouvrit un. Lauren se laissa glisser en face d'elle mais Joséphine se déroba derrière le grimoire ouvert pour échapper à un quelconque interrogatoire. Après avoir feuilleté le grimoire, elle finit par le considérer comme étant de niveau ASPIC et le jeta dans le carton correspondant. Elle aussi visiblement gênée, Tonks s'était assise à côté de Lauren et s'occupait elle des magasines. Elles restèrent quelques minutes dans un silence de plomb, évitant le regard les unes des autres. Les cheveux de Tonks étaient passé à un pourpre étrangement agréable, mélange de son identité flamboyante et de gêne. Seule Lauren continuait d'être sereine, un léger sourire aux lèvres, à trier joyeusement les manuels avec Joséphine. La Serdaigle finit par la lorgner, circonspecte. A la fois si tranquille, elle venait de se souvenir comment elle avait pu être jalouse d'elle quand elle tous ses mois ...

-Au fait. Pas un mot à Charlie, n'est-ce pas ?

Lauren lui jeta un petit regard, toujours avec ce sourire serein qui se teinta étrangement de satisfaction.

-Evidemment Abbot. Je sais garder des secrets.

Elle ouvrit un grimoire sur ses genoux et en lut le sommaire avant de le ranger dans le carton des BUSE.

-Mais si c'est Charlie le problème, tranquillise-toi. Il ne dira rien. Ou ce serait sacrément hypocrite de sa part de dire quoique ce soit ...

-C'est clair, enchérit Tonks avec un petit rire. Il est quand même sorti avec toi alors que Farhan avait le ...

Mais elle parut aussitôt horrifiée d'avoir laissé échapper cela et plaqua une main contre sa bouche pour se bâillonner. C'était trop tard, cependant. Les yeux de Joséphine s'étaient franchement posés sur elle, agrandi par le choc, et Lauren la lorgna d'un air dépité.

-Je ne comptais pas en parler ouvertement, fit-t-elle valoir.

-Farhan avait quoi ?

Les filles échangèrent un regard moitié coupable, moitié entendu. Elles parurent débattre silencieusement pendant quelques secondes avant que Lauren ne pousse un profond soupir. Elle referma le manuel qu'elle tenait et le posa sur ses genoux, renonçant visiblement à travailler.

-Disons qu'il avait le béguin pour toi depuis quelques années. Charlie le savait, et il est quand même sorti avec toi ...

-Il avait demandé à Farhan d'abord, précisa Tonks du bout des lèvres. Il disait que c'était d'accord, que c'était fini depuis longtemps ...

-Ah bah on voit ça, s'esclaffa Lauren.

Joséphine ne répondit pas tout de suite, complètement pétrifiée par le choc. D'un geste machinal, elle attrapa une mèche de cheveux qu'elle entortilla autour de son doigt à s'en couper la circulation, histoire d'avoir un contact avec la réalité.

-Attendez c'est ... absurde ... on ne s'est pas parlé avant cette année ...

-On n'a jamais dit que c'était logique, confirma Tonks en hochant la tête. Et honnêtement, je n'ai jamais su dire ce qu'il te trouvait. Mais c'était un fait : il ravalait sa langue dès que tu entrais dans une pièce. (Elle se piocha un nouveau magazine pour faire mine de se désintéresser mais ajouta tout de même : ) C'était fini, cela dit. C'est apprendre à te connaitre qui a ... tout transformer.

La formulation fit manquer un battement au cœur de Joséphine, et elle réalisa qu'elle n'était pas simplement choquée. Quelque part, elle était flattée. Oui, la part d'elle qui réclamait de l'attention, qui demandait à être rassurée, caressée, en quête constante d'affection ronronnait dans sa poitrine. Surtout que Tonks répondait à une vague question qui avait fusé dans son esprit au moment de la confidence. Est-ce qu'il ne fait qu'assouvir un vieux fantasme, alors ? Non, avait-elle répondu sans le savoir. Non ... ça s'était transformé. C'était autre chose. Plus qu'un simple béguin ... et cela réveillait le talisman en elle qui rayonnait d'optimisme.

-Donc tu vois, Charlie est mal placé pour dire quoique ce soit, conclut Lauren avec un petit sourire. Et s'il dit quelque chose, compte sur moi pour le mettre face à ses contradictions. Je ne vais pas mentir, je suis sacrément curieuse de voir ce que ça pourrait donner, vous deux ...

Moi aussi, admit Joséphine à part elle, le cœur battant à tout rompre. Lauren glissa un regard appuyé sur Tonks qui haussa les sourcils. Elle leva un index qu'elle secoua frénétiquement :

-Oh ! J'en ai assez dit, moi ! J'en suis déjà quitte pour me prendre un sortilège Chauve-Furie par Farhan alors clairement stop ! (Elle vrilla sur Joséphine des yeux où brillait une demande désespérée). Pitié, je sais que tu ne m'aimes pas, mais ne lui dit jamais que c'est moi qui aie lâché le morceau pour le béguin !

-Tu peux dire que c'est moi, ça ne me dérange pas, se proposa Lauren avec un haussement d'épaule. Je me suis déjà prise un maléfice d'O'Neil, je survivrai à un deuxième.

-Mon Dieu, qu'est-ce que tu as bien pu faire ?

-Dis un truc bien raciste comme il faut. Je le méritais complètement.

Joséphine fut presque surprise du rire qui jaillit de sa poitrine, un rire presque attendri tant c'était une réaction qui ressemblait à Farhan. S'il y avait bien une chose sur laquelle elle le voyait perdre le contrôle, c'était celle-là. Lauren lui adressa un petit sourire. Une étincelle malicieuse pétillait dans ses prunelles vertes.

-Maintenant que tu es plus disposée, tu vas peut-être pouvoir résoudre un mystère pour moi ... J'ai rêvé, où je t'ai vu descendre de la chambre des garçons à la fête samedi dernier ?

-Pardon ?! s'exclama Tonks, sidérée.

Joséphine s'étrangla avec sa salive et porta une main sur sa poitrine où son souffle venait de se coincer. Face à son mutisme à la fois coupable et stupéfait, Lauren éclata de rire et battit des mains, l'air extatique.

-Mille gargouilles galopantes ! Je le savais ! Enfin à moitié, je pensais que Farhan serait plus prudent ... Il cache bien son jeu !

-Ça il ne m'en a pas parlé ! s'offusqua Tonks, sincèrement vexée. Il ... enfin vous ... mais ... ?

-Cette fois la conversation s'arrête définitivement ! décréta Joséphine en levant les mains, le visage empourprer. Non mais c'est fini maintenant, vous pensez vraiment que vous êtes les personnes idéales avec qui je peux parler de ça ? Mêlez-vous de vos affaires !

Mais Lauren ne cessa pas de glousser et Tonks de la fixer, une moue boudeuse aux lèvres. Dans ce marasme fait d'embarras, apprendre que malgré tout, Farhan lui avait caché cet événement était l'unique pointe de lumière qui permit à Joséphine de ne pas simplement prendre la porte.

-Bon sang, Abbot ..., haleta Lauren en essuyant une larme d'hilarité. Entre ça et la façon dont tu embrassais Charlie chaque fois que tu étais en public, je me demande comment on a pu un jour dire que tu étais frigide ...

L'allusion glaça le feu sur le visage de Joséphine. Elle sentit ses traits se figer dans le marbre et ses doigts se crisper compulsivement sur le grimoire qu'elle tenait encore. Son changement d'humeur flagrant eut pour mérite de faire mourir le rire dans la poitrine de Lauren, d'autant que Tonks lui jetait un regard de coin, moitié curieux, moitié réprobateur.

-Parce qu'on a un jour dit ça d'elle ? douta-t-elle.

-Il y a longtemps, éluda Joséphine d'un ton sec. Et je pensais que c'était resté dans le cercle des Serdaigle ...

Du vestiaire de Quidditch, pour être honnête. Dont faisait parti Aidan, le frère jumeau de Lauren, se souvint-t-elle avec amertume. Plutôt que de s'attarder, Joséphine se replongea dans les manuels, mais se retrouva incapable de déchiffrer le moindre mot, trop consciente du nœud douloureux qui s'était créer dans ses entrailles. Une main compatissante vint se poser sur son genou, mais ça ne fit que les nouer davantage et Joséphine se refusa à lever les yeux.

-Désolée ..., s'excusa Lauren, visiblement penaude. Je ne voulais pas te froisser, je te pensais sincèrement au-dessus de ça ...

Elle aurait dû l'être, oui. Mais c'était épidermique : chaque fois que quelqu'un faisait référence à ces rumeurs, ou qu'elle-même, poussée par un mot, une sensation, un souvenir, se la remémorait, tout son être se glaçait et bouillonnait à la fois.

-Et bien non, tu vois, cingla-t-elle froidement. Tu peux mettre ça dans le carton des premières années ?

A dire vrai, elle n'avait pas lu un traitre mot du livre, mais elle éprouvait le besoin ardent de passer à autre chose. Elle tendit le volume à Lauren, qui s'en empara prudemment, l'air perplexe – et même un peu inquiet.

-Tu es sûre que ça va ? Tu es devenue toute pâle ...

-Qu'est-ce qui s'est passé, Joséphine ?

Elle ignorait si c'était la question, ou le fait que Nymphadora Tonks ait décidé de l'appeler par son prénom avec une telle sollicitude, mais cela provoqua un reflux de douleur dans sa poitrine qui lui donna la nausée. Joséphine prit une profonde inspiration pour chasser l'impression, remplit ses poumons de l'air à la saveur de poussière et de vieux parchemins avant de saisir un nouveau grimoire.

-Rien, pas grand-chose. Une histoire qui a mal tournée ...

-Avec Morgan Erikson ? murmura Lauren.

-Je vais tuer Aidan. S'il te plait, ne le préviens pas je veux avoir toutes mes chances.

Lauren eut un pauvre sourire avant de se tourner vers Tonks pour lui expliquer :

-C'était un joueur de Quidditch ... Poursuiveur ?

-Batteur, rectifia Joséphine dans un grognement.

Elle rangea le grimoire dans la pile des BUSE avant d'en prendre un nouveau. Enchainer, occuper ses mains et son esprit avant que les souvenirs ne prennent le dessus. Elle ne songea même pas à arrêter Lauren qui continuait d'expliquer à Tonks :

-Voilà. Il était un peu plus âgé que nous, je crois ... Et un jour, il a commencé à raconter dans les vestiaires que Joséphine était « frigide ». Alors je ne sais pas le pourquoi du comment mais ... je suppose que vous êtes sortis ensemble ?

Joséphine se fendit d'un petit rire sans joie. Quand elle leva les yeux sur Lauren, celle-ci se dépêcha de lever les mains.

-Ce n'était pas une vraie question, si tu ne veux pas en parler, on ne parle pas !

-Je vais quand même répondre là-dessus parce que je refuse qu'on appelle ça une « relation ». On a flirté, c'est tout. Mais on n'a jamais ... été ensemble. J'étais en quatrième année, j'avais quatorze ans ...

-Et lui il avait quel âge ... ? s'enquit Tonks.

-Dix-sept. Dix-huit ?

La Poufsouffle fronça les sourcils, visiblement réprobatrice. Cet air de miss Parfaite Bien-Pensante hérissa complètement Joséphine qui se retrouva sans le vouloir à tenter de se justifier :

-C'était une période de ma vie où je me cherchais ! J'étais ... je sais pas, une pleine révolte contre ma famille, je ne savais pas quelle direction je voulais donner à ma vie. La seule chose que j'aimais, c'était le Quidditch. Et aussi surprenant que ça puisse te paraître ... (sa langue faillit fourcher et elle se rattrapa au dernier moment pour poursuivre : ) Tonks, je n'avais pas une très bonne image de moi à l'époque. Alors que la star de l'équipe de l'époque te regarde ... ça m'a fait du bien. Je ne dis pas, c'était stupide et un peu vaniteux. Mais ça m'a fait du bien. Sur le coup.

-Je vois, entonna lentement Tonks, visiblement toujours réticente. Mais désolée, c'est juste ... Enfin, tant d'écart, à cet âge-là ... on ne veut pas les mêmes choses.

-Mais ton cerveau est aussi rose que tes cheveux ? Réfléchis Tonks, pourquoi il a dit de moi que j'étais « frigide » à tout le vestiaire de Quidditch après ça ?

Sa voix claqua comme un fouet, même à ses propres oreilles et elle fut satisfaite de voir Tonks rentrer sa tête dans ses épaules, honteuse. La bouche de Lauren s'était entrouverte et une expression horrifiée passa sur son visage.

-Il a tenté de .... ?

-Non ! la coupa Joséphine en balayant l'allégation d'un geste de la main. Non, non c'est juste ... enfin ...

Elle n'avait pas la moindre envie de raconter cela. Elle voulait rattraper avec précipitation chaque mot qui sortait sa bouche, complètement affolée de les laisser d'envoler. Mais elle ne pouvait pas laisser l'hypothèse se déployer dans l'esprit de Lauren. De nouveau, elle prit une profonde inspiration et agrippa une mèche de cheveux pour jouer avec.

-Non, non. C'est juste ... Tonks l'a dit, c'est évident qu'à quatorze ans et à dix-huit, on ne veut pas les mêmes choses. Surtout que moi c'était ma première expérience avec un garçon ... Je ne sais pas ce qui s'est passé. Je pense que je faisais plus âgée que mon âge, que je faisais ma brave, et il s'est laissé tromper par ça.

Calme-toi, souffla une voix suave à son oreille. Ça va bien se passer, il faut juste que tu détendes ... Attends, je vais te montrer. Joséphine porta une main à sa tempe et repoussa le souvenir loin dans son esprit, à l'abîme auquel elle l'avait relégué et auquel il appartenait. Malgré l'agitation qui devenait de plus en plus forte, elle s'efforça de hausser les épaules avec nonchalance.

-Enfin bref. Il y a eu quelques baisers, des baisers volés dans le vestiaire, après les entrainements. Mais une fois, il m'a attendu après ma douche et ... il a tenté d'aller plus loin. (Elle papillonna des yeux). Je n'étais pas prête. Je m'en suis rendue compte quand ... enfin, quand il a commencé à passer sa main sous mes vêtements. Alors quand il a trop insisté, qu'il a commencé à ... enfin bref, je lui donné un coup de genou dans les couilles et je me suis barrée. 

La fin était crue, faute de trouver de meilleur terme, avec les restes de la colère qui l'avait animée ce jour-là. En rentrant dans son dortoir, elle se souvenait avoir tout retourner, rongée par la fureur, d'avoir hurler, jeter ses affaires contre les murs en espérant que ça extirperait le sentiment d'humiliation et de honte. Et comme si cela n'avait pas suffi, elle s'était précipitée vers la douche, priant cette fois pour que ce soit l'eau qui la lave, la purifie. Mais seul le temps y était partiellement parvenu ...

Le petit ricanement qui émana Tonks à la conclusion arracha un petit sourire à Joséphine et quand elle la regarda, elle fut surprise de voir un sourire appréciateur ourlé ses lèvres.

-Ça a dû lui remettre les idées en place, plaisanta-t-elle avant de se recomposer une mine plus sérieuse. C'est dégueulasse qu'il soit après aller raconter ça à l'équipe ... je ne sais pas comment tu as fait pour rester ...

-C'était vers la fin d'année, en avril ou mai je crois. Il ne restait qu'un match et après c'était fini donc je n'ai pas eu à le supporter longtemps ... Et après ça, Morgan est parti, la moitié de l'équipe avec lui et Aidan est devenu Capitaine. L'été s'est chargé de tout faire oublier à tout le monde ... et honnêtement, j'avais trop besoin du Quidditch dans ma vie. Je n'avais pas envie d'y renoncer, même pas à cause de ça ...

-C'est courageux, convint Lauren, avec néanmoins une grande prudence. Juste ... Quand tu dis « aller plus loin » ... Il a été jusqu'où, au juste ?

-Euh ... (Joséphine hésita sur le vocabulaire à utiliser, indisposée par la pointe de douleur qui venait de se réveiller dans son bas-ventre). Il voulait que ... enfin, que je le touche. Et comme je ne voulais pas, il m'a touché moi pour me montrer, c'est tout ... Mais je l'ai arrêté avant que ça n'aille plus loin ...

Mais l'épouvante qui se reflétait dans le visage des deux filles montrait déjà que ça avait été trop loin à leurs yeux. La poitrine compressée, Joséphine s'efforça de les rassurer :

-Mais vraiment, ça n'a pas été loin ... Juste ... OK, il a passé la main dans ma culotte mais ...

-Est-ce qu'il est rentré ? demanda Lauren d'une voix sourde.

Tonks se prit le visage entre les mains visiblement affectée. Joséphine les contempla toutes les deux, sonnée, incapable de savoir quoi faire pour les rassurer davantage. Ce n'était pas grave, elle avait surmonté ça. C'était une mauvaise expérience qu'elle s'était efforcée d'effacer pendant trois ans, d'abord en oubliant puis en créant de nouveaux souvenirs, de meilleurs souvenirs, en se réconciliant seule avec son intimité. Ce n'était pas grave. Mais Lauren insista avec empressement :

-Joséphine, réponds-moi. Est-ce qu'il a mis les doigts dans ton vagin ?

-Oui ... ça m'a fait mal, c'est pour ça que j'ai réagi en ... Mais quoi ? s'agaça-t-elle quand Lauren plaqua une main contre sa bouche, effarée. Ce n'est rien, calme-toi ! Enfin oui, c'était abusé de sa part, ce n'était pas classe mais ce n'est pas non plus comme s'il m'avait violée !

-Joséphine ... un doigt, c'est un viol.

La sentence de Lauren semblait résonner dans la petite salle, faire écho contre les murs, se répétait à l'infini, perdre chaque fois en rythme mais devenir plus mythique jusqu'à ce qu'enfin elle se fonde dans le silence. Mais en se fondait, elle vint l'imprégner, l'alourdir, penser comme du plomb sur leurs épaules, les figer toutes les trois dans leurs positions comme des statues de glace. Joséphine n'avait conscience de rien d'autre que ce silence, ce silence tourmenteur dont elle percevait chacune des nuances. Il avait tout éteint en elle.

-Quoi ... ? murmura-t-elle, abasourdie.

Lauren semblait désireuse de ravaler ses mots. Elle échangea un regard désemparé avec Tonks qui secoua lentement la tête. Ses cheveux tournaient à présent vers le brun et elle lâcha dans un souffle à peine audible :

-Il fallait qu'elle sache ...

-Mais non, protesta Joséphine d'une voix légèrement aigue. Non, non, ce n'est pas ... Ce n'était pas classe, c'était juste ... enfin, c'était juste les mains, il n'a pas ... ce n'est pas ...

Mais son esprit s'était complètement vidé, écrasé par le silence qui avait suivi les mots de Lauren. A présent, lui et sa sentence horrifique imprégnait ses neurones qui se chargeait de transmettre l'information de synapses en synapse jusqu'à emplir tout son corps. Ce n'était ni des mots, ni des syllabes qui s'éprenait d'elle, mais une réalité. Seule ses lèvres continuaient de mécaniquement objecter :

-Ce n'est pas vrai, il n'a pas ...

-Joséphine, l'interrompit Tonks avec une grande douceur. Ecoute ... J'ai pas mal passé de temps dans les textes législatifs cette année. Pour l'entrée à la formation d'Auror, tu vois ? Et je peux t'affirmer que la loi sorcière définit un viol comme est ... Bon, on va y aller crûment ... la pénétration de l'importe quoi – doigt, objet, pénis – sur n'importe quel orifice. Lauren a raison ...

Les arguments froid et administratifs de Tonks étaient pire que la sentence brutale de Lauren. Car eux, Joséphine ne pouvait les repousser d'une pichenette. Elle ne pouvait pas les occulter comme elle l'avait fait ces dernières années, à les renvoyer de force dans l'abîme, l'autorisant à la toucher que dans les grands cas de vulnérabilité. Elle ne pouvait pas simplement dire « ce n'est pas vrai ».

Oh mon Dieu. Oh mon Dieu, c'est vrai.

Et l'accepter craqua un barrage en elle.

Soudainement, elle se retrouva noyée. Noyée par les souvenirs, par la main chaude et moite de Morgan qui se promenait sur sa peau, par la douleur qui avait irradié quand il avait franchi ce qu'il n'aurait jamais dû pénétrer. Noyée par les sensations, la douleur, l'humiliation, que rien, ni les douches ni le temps n'était venu à complètement masquer. Noyée par sa vie qui défilait devant elle, sous un prisme complètement différent. Chaque image semblait être noircie, pervertie. Et au milieu de cela, elle se revit dans la salle de bain, embrassant Farhan O'Neil, jouissant de cette sensation grisante de triomphe et de bien-être ... Même cela fut balayé par le prisme, réduit à des cendres qui vinrent recouvrir les morceaux épars du corps de Joséphine. C'était cela, dans l'opération, elle avait l'impression de s'être complètement disloquée. Passée la transmission du silence, son esprit avait cessé d'émettre, se taisait pour laisser son corps absorber la nouvelle. Et coupé de son cerveau, son corps dériva complètement.

Ce furent d'abord des larmes. Silencieuse, comme le reste mais aussi lourde que du plomb sur sa peau. Puis ses mains se mirent à trembler de façon incontrôlables, tremblement qui affecta ensuite ses épaules, puis son être tout entier. Enfin le premier sanglot jaillit de sa bouche. Elle l'entendit à peine : déjà, Lauren comme Tonks s'étaient précipitées sur elle. L'une l'entoura de ses bras, l'autre lui prit la main, comme pour faire cesser les tremblements. Joséphine se laissa faire, comme une poupée de chiffon, molle et brisée entre les pattes du destin. Elle enfouit son visage dans le cou de Lauren et laissa tout éclater, les sanglots, la douleur, quatre ans de répression d'un mal qui la rongeait et qu'elle n'avait jamais pris soin de nommer.

-Ce n'est pas vrai, continuèrent désespérément de prétendre ses lèvres. Ce n'est pas vrai ... ce n'est pas vrai ...

-Oh, Jo ..., souffla Lauren, chagrinée. Jo, si, ça l'est. C'est réel. Et on sera avec toi pour que tu l'acceptes ...

Seul un nouveau sanglot lui répondit et là, même les lèvres de Joséphine s'avouèrent vaincues. Elles bougeaient dorénavant au rythme des pleurs qui n'en finissaient plus de la secouer. Je suis plutôt bon en Potions. Et là, vous êtes juste en train de mettre tous les ingrédients pour que ça explose, avait dit Farhan avec une assurance inébranlable. Il avait eu raison ... d'une effroyable manière. 

***

C'est de très très loin l'un des chapitres les plus douloureux qu'il m'ait été donné d'écrire. Vraiment je me suis faite mal au ventre. 

Bon. Je me doute que partir sur ce terrain là peut vous laisser perplexe, certain.e vont se dire "ça sort de nulle part" "c'est trop facile" ou "attention ça peut être mal traité". Voui Voui. Je comprends et entends les réticences et je vais tenter quand même de justifier mon choix. 

Déjà ce n'était pas prévu à toute base - mais c'est arrivé très vite dans mes plans, à la rédaction du chapitre 3 quand Jo réfléchit à ses anciennes relations. Normalement, je déteste qu'on utilise le viol comme ressort narratif commode, mais là je me suis dit que ça s'intégrait et que je pouvais faire ça de façon plus subtile. C'est ma troisième (longue) fanfic' et c'est la première fois que je fais subir ça à mes personnages, je pense qu'on ne peut pas m'accuser de facilité. 

Ensuite certain.es seront peut-être sceptiques et se diront "mais elle s'en rend compte que maintenant?!". Je pense que vous seriez surpris.es du nombre de personne qui ne savent pas qu'un doigt c'est un viol (moi-même je sais grâce à ma prof de français de 3e que je remercie, sinon jamais je n'aurais su, ou tard) Surtout que ce cas très précis se déroule dans le cadre d'une "relation" et ça brouille toujours les signaux et entretient le flou (dans certains pays, le viol conjugal n'est même pas considéré comme un viol et les plaintes pour viol sont parfois pas prises au sérieux quand elles sont dans le cadre du couple ...) 

Enfin j'espère que vous savez que je fais des recherches avant de parler de chose. J'ai déjà vu et lu des témoignages, j'ai essayé de faire ça bien pour que ce soit réaliste et en effet, certain.es n'ont réalisé que des années plus tard ce qu'elles ont subies et ça leur a fait un choc. 

Et pour celle.eux qui se disent "ça sort de nulle part" : j'ai posé plein de jalons et j'ai été surprise qu'ils soient jamais ou rarement notés (à part le dernier où elle se sent mal dans les vestiaires). Je pense que vous les capterez si vous relisez un jour ! 

Voilà, c'est un sujet assez lourd, ça m'a fait fait mal au ventre et peut-être à vous aussi mais pour une fois, je me sentais de le traiter. N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez (et accessoirement ce que vous avez pensé du chapitre !) 

Et merci à Anna pour sa relecture ! 



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