Chapitre 28 : Un cri rageur
Hello everybody ! Vous êtes remis de la méchante surprise d'il y a deux semaines ?
Et comment ça va sous cette chaleur écrasante? Personnellement je me prépare à faire un trajet de 2H avec ma voiture sans clim je meurs d'avance - et mon copain encore plus.
Et pour celle.eux qui ont passé le bac, j'espère que ça a été ! Bonne chance pour les oraux qui se profilent <3
Etrangement pas grand-chose à raconter. Je commence à avoir une avance qui fond ici mais je ne panique pas ça va aller, mon plan est fait comme du papier à musique (comme celui de la P4 de O&P).
Ah justement j'ai oublié de le dire sur O&P, mais celle.eux qui ne l'ont pas fait : allez lire LHDIIII ça devient vital et en plus c'est si bien ! Go go go !
Et bonne lecture pour celui-là !
***
Le sport consiste à déléguer au corps quelques unes des vertus les plus fortes de l'âme.
- Jean Giraudoux
***
Chapitre 28 : Un cri rageur.
Mercredi 7 février 1991
JE VAIS DEVENIR FOLLE.
Je te jure cher journal, ci-tôt le concours de Potion passé, moi et mes affaires on déménage à l'autre bout de la salle de Potion, loin de Farhan O'Neil, son regard, son sourire et ses amandes diaboliques.
Deux semaines, deux semaines que j'essaie d'oublier le rêve, ce que ça a planté dans ma tête, que j'essaie de relativiser ce que je ressens de me dire que c'est rien ... mais rien que la façon dont j'ai du mal à me détacher me fait dire que c'est tout sauf rien. Ce n'est pas qu'une réaction épidermique : ça se répercute partout. Hier après la Botanique ... Charlie est vite parti pour son entrainement, il a mis des heures à ranger ses affaires et ... je ne sais pas, il avait l'air ... mélancolique. Affligé. En fait, Maya venait de recevoir la lettre de St-Eustache qui disait évidemment qu'il ne se souvenait plus de l'employé qui avait signé son dossier – OH MAIS QUELLE SURPRISE – et qu'ils ne retrouvaient sa trace nulle part. Honnêtement pour moi ça signifie forcément intervention magique et ça réépaissit le mystère, mais j'ai bien senti que ça l'angoissait. Qu'est-ce que je pouvais faire d'autre, à part fumer une cigarette avec lui derrière les serres de Botanique et tenter de lui arracher un sourire ? C'est moi qui aie provoqué cela, je n'ai pas le droit de l'abandonner maintenant ...
Et je n'en ai pas la moindre envie. Parce ne crois pas que je ne l'ai pas remarqué, Farhan O'Neil : chaque fois, c'est vers moi que tu te tournes. Pas Charlie. Pas Maya. Mais moi. Alors je ne sais pas ce que ça veut dire, mais ne viens pas me faire croire que ça se passe que dans ma tête. Que je suis seule face à ça. On est tous les deux dans ce bateau et c'est peut-être qui me rassure, ce qui m'empêche de complètement perdre pied.
Mais où on va comme ça ... ? Il n'y a pas que le mystère qui s'épaissit, je la sens presque physiquement à chaque fois, la tension dès qu'on est à deux. Les regards qui se croisent, puis se détournent. Le calcul de chaque geste. On est bloqué dans l'indécis, dans cet entre-deux désagréable, mais incapable d'en sortir. Je suis incapable de reculer, je n'en ai pas envie, je dois être là pour lui. Mais avancer ? Est-ce que je suis prête à prendre ce risque, à me laisser le fantasme devenir réel ? Oh parfois c'est tentant ... juste pour goûter, juste pour voir. Si justement ça peut être solide, avoir une consistance, ne pas rester simplement à flotter entre nous comme un spectre informe. Peut-être que ça m'aiderait à lui donner une forme justement, à mettre des mots ... Mais lui, dans tout ça, qu'est-ce qu'il veut ? Qu'est-ce qu'il ressent ? Quelque chose, forcément. Mais quoi ?
C'est ça qui va me rendre folle. Un jour j'aurais besoin d'une réponse à cette question. Sans ça, je serais incapable d'avancer. De verbaliser ce qui se passe. Tant que je n'ai pas de réponse, je préfère que ça reste à l'état de songe informe. C'est beaucoup plus facile à dissoudre ... si jamais les espoirs sont déçus.
***
-... et notez bien que le gagnant aura le droit à des cours particuliers avec Damoclès Smethwyk tout l'été. De ces cours découleront une possible bourse en sonnante et trébuchante selon votre projet professionnel ... C'est une occasion unique qui vous est présentée. Encore une fois, j'attends de vous la perfection vendredi prochain. Je propose même de vous imposer deux cours de Potion en plus la semaine prochaine pour être sûr que vous ne me couvrirez pas de ridicule ... Disons jeudi soir et samedi matin ...
-Professeur !
Farhan haussa les sourcils en voyant la main d'Aidan McColley fuser pour interrompre Rogue. Une témérité surprenante, qui se justifia vite lorsque le Capitaine ajouta d'une traite :
-Il y a match de Quidditch samedi matin, malheureusement, certains d'entre nous ne pourrons pas être présent ...
-Seulement miss Abbot et vous si je ne m'abuse, précisa Rogue de sa voix doucereuse.
-Et moi, rétorqua Tonks en levant la main à son tour. Je suis la speaker professeur, je doute que le professeur McGonagall appréciera de trouver un remplaçant en urgence ...
La mention de la directrice-adjointe parut indisposer Rogue qui se trouva incapable d'argumenter davantage. Son regard sombre se promena sur chacun des dix élèves présents devant lui, de son unique Serpentard sur laquelle se reposait tous ses espoirs à Farhan et Joséphine de l'autre côté de la salle. Le coin de la bouche du professeur se courba en un pli contrarié et Farhan faillit sourire en écho. Le cours d'aujourd'hui avait été une sorte d'entrainement au concours : Rogue leur avait confié une fiole de poison à laquelle il fallait trouver l'antidote. Joséphine s'était retrouvée remarquablement efficace et concentrée aujourd'hui et ils avaient été les seuls à rendre l'antidote dans les temps impartis, devant Tonks et Esmera.
-Très bien, céda-t-il d'une voix sèche. Alors ce sera vendredi, de seize heures à dix-huit heures. Je ne tolérerai aucune absence.
-Mais professeur, on avait entrainement de ...
Le regard glacial de Rogue étouffa la fin de la phrase d'Aidan dans sa gorge. A côté de lui, Elisa Strettins notait religieusement chaque mot qui sortait de la bouche de leur professeur dans un petit carnet et en face d'elle, Mike Rickins semblait s'être figé comme une statue de sel. Farhan devait avouer qu'une certaine nervosité s'était éprise de lui dès que Rogue avait évoqué le concours, soufflant complètement l'euphorie qui l'avait empli lorsqu'ils avaient réussi l'antidote. Euphorie rendue plus brillante encore par l'immense sourire de Joséphine lorsqu'elle avait réalisé que cette fois, elle avait parfaitement exécuté chacune des étapes. Elle avait même eu d'excellentes intuitions à des moments où Farhan avait été bloqué par son approche trop scolaire. A dire vrai, maintenant qu'il la contemplait de nouveau, son sourire ne s'était pas estompé et flottait encore sur ses lèvres, même si c'était sur Rogue que son regard était fixé.
-Pas de Quidditch vendredi donc, conclut-t-elle à voix basse. A la limite tant mieux, les séances juste avant le match sont complètement anxiogènes et contre-productives ...
-J'avais complètement oublié qu'il y avait des matchs de Quidditch ce week-end ...
-Serdaigle-Serpentard, confirma Joséphine, toujours souriante. Aidan se met la pression parce que c'est censé être le match le plus difficile de la saison ...
Farhan coula sur elle un regard de coin, un brin vexé dans son orgueil de Gryffondor. Joséphine parut le percevoir car elle essuya un petit rire qu'elle vint étouffer dans sa main pour que Rogue ne le capte pas.
-Oui je sais, les Gryffondor sont très forts, Charlie est le meilleur joueur de l'école, la la la ... Mais jusqu'à preuve du contraire, ils ont perdu leur premier match, ils sont toujours composés pour moitié de novices inexpérimentés ...
-Comme Cédric Diggory, tu veux dire ?
Le coup de pied de Joséphine le prit à peine par surprise et il cacha sa grimace derrière sa main. La pique était mesquine, il l'admettait : il n'était pas prêt d'oublier la mine profondément frustrée de Joséphine après sa défaite personnelle contre le jeune Poufsouffle. Et visiblement, la jeune fille ne l'avait pas oublié : son beau sourire avait disparu et son regard s'était baissé pour contempler ses ongles coupés courts.
-Charlie va le manger tout cru, répondit-t-elle sobrement. Diggory n'est pas mauvais mais ... contre Charlie, il n'a pas de match. Je n'ai jamais réussi à le battre. Personne, d'ailleurs.
Le timbre de Joséphine était étrange, et cette étrangeté assourdissait l'amertume qu'il véhiculait. Farhan n'avait pas eu besoin de cela pour que ses entrailles s'alourdissent, comme si on venait d'y injecter du plomb. Indisposé, il fit un infime mouvement pour s'éloigner quelque peu de la jeune fille. Charlie. C'était à lui, à leur amitié qu'il ne cessait de penser chaque fois qu'il se trouvait face à Joséphine Abbot. La conversation avec Tonks avait au moins mis en lumière une chose : il n'avait aucune envie de se couper d'elle maintenant. Notamment parce qu'il avait réalisé que concernant l'enquête qu'il menait, il s'appuyait énormément sur elle. Il avait ouvert une brèche, le jour où il lui avait envoyé cette fameuse lettre « Si tu peux faire quelque chose, fais-le c'est tout ». A présent, il s'y était engouffré tout entier. Est-ce que c'était parce que c'était elle qui avait déclenché toute cette affaire ? Est-ce que c'était l'excuse qu'il se donnait simplement pour pouvoir passer du temps avec elle ? Il l'ignorait. Il n'était même pas sûr de vouloir une réponse à cette question. Alors plutôt que de laisser éclater le dilemme, il répliqua d'une voix aussi posée que possible :
-Charlie a un niveau international. L'année prochaine, il sera titulaire dans un grand club. Alors arrête de te comparer à lui. Ça aussi, c'est contre-productif.
Un petit ricanement lui répondit. Joséphine joua avec la bague qu'elle avait retiré avant de commencer le cours et la fit rouler sur la table. C'était un simple anneau argenté, étrangement sobre, simplement serti de quelques pierres bleues trop claires pour être des saphirs. D'ailleurs le métal était noirci et avait laissé une marque sur l'annuaire de Joséphine, indiquait une mauvaise qualité.
-Tu sais, ça fait quelques jours que je fais les comptes. Et sur les quatre Attrapeurs, je joue pour la troisième place honnêtement. Charlie est hors catégorie, et Diggory est prometteur. Très. Et Terrence Higgs ... il a presque réussi à déboussoler Charlie au dernier match ...
-Attends, tu dois jouer contre un Attrapeur dont la tactique est de déboussoler l'adversaire ? Et tu as peur de perdre ?
L'anneau de Joséphine cessa soudainement de rouler, stoppé par son index qui freina sa course. Elle le fixait toujours, mais un nouveau sourire s'était mis à jouer sur ses lèvres. Timide, à peine esquissé, mais il suffit à complètement fermer la gorge de Farhan.
-Oui, j'ai compris que j'étais douée pour déconcentrer, railla-t-elle finalement. Tu as fini ton devoir d'Etude des moldus, au fait ?
Farhan remercia le ciel de lui avoir donner un teint basané qui masquait assez efficacement les faibles rougeurs, car cette simple pique venait d'embraser ses joues. De façon fort peu discrète, il détacha son regard de Joséphine pour le river de nouveau sur Rogue, le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine. Il n'était pas prêt d'oublier ce moment deux semaines plus tôt où elle était venue le rejoindre dans la salle de travail. Lui qui avait décidé de travailler pour oublier le mystère qui baignait sa vie et la douleur que cela lui infligeait, c'était Joséphine Abbot qui s'était chargée de lui faire tourner la tête. Avec un mélange étrangement agréable de gêne et de nostalgie, il se souvint du moment où elle lui avait tendu la plume et où leurs doigts s'étaient effleurés. Il avait toujours eu un doute, mais ce ne fut qu'après avoir vu la réaction de Joséphine, entre embarras et déception, qu'il avait compris qu'elle était presque aussi troublée que lui. Et cette constatation avait nourri un vieux désir en lui, complètement assouvi un vieux fantasme.
Joséphine Abbot le regardait. Pour de vrai. C'était complètement enivrant – et dans la situation actuelle, il n'était pas prêt à renoncer à cette sensation grisante.
-A temps, oui, confirma-t-il d'une voix résolument neutre. Et j'ai envoyé la lettre à mon père qui m'a répondu qu'il verrait ce qu'il peut faire pour son ami. Apparemment les archives de St-Mangouste sont difficile d'accès et ça peut prendre quelques jours, voire semaines ...
-Mais il n'a pas dit que c'était impossible ?
-Non, mais ça ne veut pas dire qu'il y aura véritablement des réponses dedans ... sans mentir, j'attends plus de Fiona ...
-Elle part quand déjà, pour Jéricho ?
Emballée par la conversation et sans doute indisposée par leurs voix qui s'étaient réduites à des murmures, Joséphine s'était penchée vers lui. Comme chaque fois, Farhan était frappé par le parfum qui se dégageait de ses cheveux, cette vague senteur d'amande diffuse qui enivrait ses sens davantage. Des amandes, évidemment, songea-t-il, moitié amer, moitié amusé. L'univers avait décidemment un drôle de sens de l'humour. Acculé, il s'obligea à respirer un minimum et son souffle se bloqua au creux de sa poitrine.
-Début mars certainement, répondit-t-il sans quitter Rogue, toujours occupé à donner ses consignes, du regard. Là elle travaille justement pour se permettre de partir une semaine ... boucler ses articles ... faire le chiffre d'affaire du mois de la boutique ...
-Elle n'est pas parti rejoindre ... comment elle s'appelait déjà ? La péruvienne !
Farhan roula des yeux devant l'approximation si Joséphinienne dès qu'un détail entrait à la périphérie de son monde. Avec une fierté embarrassante, il réalisa qu'il ne faisait plus l'objet de ses approximations et que le fait que l'amie de sa tante soit entrée à la périphérie du monde de Joséphine était déjà significatif en soi.
-Felicia. Et elle est colombienne. Et apparemment c'est elle qui viendra lui rendre visite dans l'année ...
-Oh pardon, j'ai confondu des peuples, ironisa-t-elle d'un ton chantant. Pas bien Joséphine, Farhan va encore râler après ...
-Farhan et l'ensemble du monde concerné. Je suis sûr que Felicia serait outrée que tu sous-entendes qu'elle est péruvienne.
-Il n'empêche que la première fois que tu m'as reprise sur ça, j'avais raison et je n'ai toujours pas reçu d'excuse.
Perplexe, Farhan ne put se retenir de lui jeter un petit regard et il la vit extrêmement satisfaite de sa conclusion, les épaules redressées, l'air royal attendant lesdites excuses.
-Pardon ?
-J'avais dit que tu ressemblais à Maya. Ici même à cette table. C'était vrai non ? Donc tu m'as mal jugé O'Neil. J'attends des excuses. Je les avais demandés à genoux pour Charlie mais là je les accepterais accompagnées d'amandes.
Elle se retenait visiblement trop de rire pour être complètement sérieuse, et cette hilarité étouffée le gagna. Il laissa échapper la moitié d'un éclat de rire qu'il tenta aussitôt d'étouffer – mais malheureusement, l'ouïe affinée de Rogue le capta et son regard glacial se darda immédiatement sur eux. Farhan sentit aussitôt toute chaleur le déserter, comme balayée par le souffle d'un Détraqueur.
-Excusez-moi, O'Neil, aurais-je laissé échapper un détail ... amusant ?
-Bien sûr que non professeur, assura précipitamment Farhan.
-Alors prendriez-vous le concours à la légère ? attaqua-t-il plutôt, un sourcil dressé. Moi qui pensais que vous en faisiez une priorité ... Mais je vois que vous vous laissez facilement distraire. Surprenant de votre part ...
Il ne laissa même pas le temps à Farhan de protester – et de toute manière, il en aurait bien été incapable. Ses arguments avaient fondu sur sa langue et il crispa les mâchoires, frustré de voir ainsi le professeur se détourner avec un sourire cynique.
-Mais pour tous les autres, j'espère que vous avez été attentif. Mes conseils seront précieux pour parvenir à épater Damoclès ... ou ne serait-ce qu'à éveiller un petit peu de son attention, ce qui sera déjà un exploit. (La sonnerie noya le reste de sa phrasa dans un brouhaha, mais ils discernèrent facilement son grognement). Rangez vos affaires. Oh et O'Neil ? Cinq points pour cette interruption qui m'a empêché de finir mon cours dans le temps imparti ...
Temps imparti que j'ai parfaitement respecté pour vous rendre l'antidote et c'est certainement ce qui justifie ce retrait de point, rétorqua intérieurement Farhan en fusillant la nuque de son professeur. Puis son regard furieux se porta sur l'autre responsable de cette perte de point, qui contemplait sa bague de nouveau passé à son doigt avec la plus grande des attentions. Elle finit par lever les yeux sur lui et un sourire penaud retroussa ses lèvres. Le pire dans cette image ? Son air de sincère contrition aspira complètement la colère de Farhan pour ne laisser que les vagues de chaleur habituelles qui oscillait de son ventre à sa poitrine en remontant jusque sa gorge.
-Je sais, je suis le diable sur ton épaule, déclara-t-elle d'un ton placide. Je passe sur les excuses. Une clope ?
-Non merci, soupira-t-il, peu désireux de passer une seconde plus avec Joséphine. Je dois parler à Tonks ...
-A Tonks ? répéta Joséphine avec un déplaisir certain.
Jalouse ? s'interrogea distraitement Farhan, interloqué. C'était une possibilité crédible, quand il connaissait le sentiment de rivalité qui l'animait face à la Poufsouffle – et vu la façon dont elle fronça le nez et darda un regard exaspéré sur la jeune fille qui venait de passer joyeusement la porte, auréolée de ses cheveux roses. De nouveau, une sorte de fierté mal venue gonfla dans sa poitrine et il réprima de son mieux le sourire extatique qui menaçait de franchir ses lèvres.
-Oui, Tonks. A plus tard !
-Je rêve, lâcha-t-elle au moment où il se détournait.
Il fut terriblement tenté de jeter un regard par-dessus son épaule pour étudier son visage, sa réaction, récolter les indices qui lui permettrait de comprendre ce qui se jouait dans l'esprit de Joséphine. Oui elle le regardait, mais à quel point ? Qu'était-il en droit d'espérer d'elle ? Mais il parvint à maintenir le cap sur Tonks qui venait de filer seule dans le couloir d'un pas presque bondissant. Il la rejoignit en quelques enjambée mais il n'était pas encore parvenu à sa hauteur qu'il discernait déjà son rire moqueur.
-T'es mordu, annonça Tonks avec la suffisance de celle qui détenait la vérité suprême.
-Complètement.
Ce n'était même pas la peine de nier. Il avait basculé dans une nouvelle dimension depuis deux semaines où quelque chose avec Joséphine Abbot ne lui paraissait pas simplement acceptable, mais accessible. Et l'idée l'enhardissait autant qu'elle lui déchirait les entrailles.
-Et si je puis donner un point de vue extérieur ..., poursuivit Tonks d'un ton malicieux, j'ai cette impression qu'elle n'est pas complétement indifférente non plus.
-Toi aussi, tu crois ? gémit Farhan en plaquant une main sur son front. J'avais peur de me faire des idées ...
-Tu veux rire, ça crève les yeux qu'elle flirte ! Mais surtout, elle a réussi une potion ! Je l'ai rarement vu si attelée à une tache, tiens – tout en flirtant, c'est assez incroyable ... Je ne sais pas ce que tu as fait, O'Neil, mais ça lui fait de l'effet. Peut-être que finalement tu es ce qu'il lui faut. Est-ce que elle, c'est ce qui te faut à toi, ça reste une question toute ouverte ...
Farhan se trémoussa, mal à l'aise. Cela lui faisait un bien immense d'avoir Tonks pour partager cet aspect de sa vie qui le rongeait depuis quelques semaines mais elle avait tendance à rendre les choses si concrètes qu'à chaque fois, une pointe de peur faisait son apparition dans l'équation.
-On est loin d'en être là ...
-C'est clair, d'abord il faudrait que vous parliez ...
Un couinement de souris lui répondit et Tonks le lorgna avec une certaine surprise. Elle vérifia la fiabilité des environs d'un coup d'œil et se rapprocha de Farhan pour plus de discrétion.
-C'est la prochaine étape, non ? lui chuchota-t-elle, incertaine.
-On est obligé d'avoir une prochaine étape ?
-Quoi, tu veux rester comme ça ? A moitié à la dévorer du regard, à moitié à la fuir ? Ce n'est pas possible Farhan. Ou elle craquera avant. Ou tu craqueras avant. Tiens d'ailleurs, je parie dix gallions que tu l'embrasses avant le concours.
L'hypothèse provoqua une flambée dans les entrailles de Farhan. Ce serait un mensonge de dire que ce n'était pas une envie qui le tenaillait depuis quelques jours, dès qu'il posait les yeux sur les lèvres de Joséphine, ou qu'elle repoussait ses cheveux pour dévoiler sa gorge. Chaque fois il le ressentait, cet élan, cette faiblesse qui le poussait à incliner le visage et contre lequel il luttait de ses forces. Tonks avait raison, combien de temps aurait-il la force d'encore repousser cette inclination ? Il s'apprêtait à pousser un soupir de désespoir lorsqu'il remarqua le léger sourire qui flottait sur les lèvres de son amie. Une telle marque de plaisir souffla les interrogations de Farhan pour les remplacer par d'autres.
-Et la perspective a l'air ... d'étrangement te réjouir.
-Disons que je suis curieuse de voir ce que ça peut donner, un Farhan égoïste qui se laisse aller à ses pulsions, expliqua-t-elle sans rougir. Et très clairement si tu embrasses Abbot ... C'est que tu auras su passer par-delà ...
-Non, refusa Farhan en pointant un index sur elle. Non, ne prononce pas son nom. Laisse-moi encore dix minutes avant de me remettre à me sentir écartelé.
La réplique exaspéra Tonks qui jeta ses bras au ciel. Ses cheveux virèrent brusquement du rose au pourpre sans la moindre transition.
-C'est sans avenir ! décréta-t-elle d'une voix un peu trop forte. Très clairement si tu te soucies de ce que peux penser Tu-Sais-Qui – pas le Mage-Noir, l'autre – évidemment que tu ne peux pas réfléchir à si tu pourrais être bien avec elle ! Tu te fermes les portes, Farhan !
-Quoi ?!
Farhan fit un véritable bond lorsqu'il entendit la voix derrière son dos, bond si prononcé que ses lunettes vacillèrent sur son crâne et se fracassèrent aux pieds de Charlie Weasley. Celui-ci parut si penaud d'avoir provoqué le sursaut de Farhan qu'il se dépêcha de se baisser pour les ramasser.
-Oh désolé ... Attends ... Reparo ! Voilà, comme neuves !
Charlie lui tendit ses lunettes avec un immense sourire, mais Farhan ne pensa même pas à s'en saisir, trop occupé à réguler son souffle, une main pressée contre sa poitrine qui contenait son cœur affolé.
-Tu n'étais pas chez Hagrid ?!
-Euh ... Non, cette fois j'ai juste fait la grasse-mat'. J'ai un match dans moins de trois semaines, il faut que je recharge les batteries.
Tonks s'éclaircit la gorge. Ses joues étaient passées à l'écarlate devant l'apparition de Charlie, mais elle semblait s'être assez reprise pour prendre la perche qu'il leur tendait.
-Ah oui, le fameux match où je risque de déprimer ... Ne traumatise pas trop Cédric, ils en auront besoin pour la suite ...
-Promis. Du coup, pourquoi Farhan se ferme des portes ? Ce n'est pas le concours de Potion, hein, tu vas le passer ?
L'inquiétude sincère qu'il percevait dans la voix de Charlie rassura Farhan sur ce qu'il avait entendu. Puis une seconde après, il eut l'impression qu'une poigne de fer se refermait sur ses entrailles. Cet éclat soucieux dans le regard de Charlie, il ne la connaissait que trop. C'était celle du grand frère anxieux.
-Bien sûr que je compte le passer. C'est juste que ...
-Je lui ai dit qu'il pourrait profiter de la bourse pour tenter d'être médicomage, mentit Tonks de façon si admirable que Farhan eut envie de la serrer dans ses bras. Mais tu le connais, pour le sortir de sa boutique ...
Charlie plissa des paupières, si bien que Farhan craignit l'espace d'un affreux instant qu'il ne croyait pas un mot de ce que lui débitait Tonks. Il resta quelques secondes silencieux, les yeux rivés sur la jeune fille, quelques secondes où Farhan eut la sensation que son cœur était en chute libre dans sa poitrine.
-Je pense que là-dessus personne ne lui fera changer d'avis, évalua finalement Charlie avec un haussement d'épaule. Farhan n'est heureux qu'au milieu du humus et des plantes bien vertes – et là-dessus, je ne peux pas le blâmer, c'est un univers bien plus attrayant qu'un hôpital !
Le soulagement faillit faire exploser la cage thoracique de Farhan. Sa main se crispa sur sa chemise, là où son cœur s'était arrêté une seconde de battre. Fort heureusement, Charlie était trop occupé à ébouriffer les cheveux de Tonks pour remarquer son trouble.
-Arrête de vouloir le détourner de son but maintenant !
-Oh il n'a pas besoin de moi, insinua malicieusement Tonks en accrochant le regard de Farhan.
Je vais te tuer Dora. Et il était tant en colère que sa langue aurait pu fourcher et qu'il aurait utilisé son ancien surnom – ce qui aurait été la preuve ultime aux yeux de Tonks que Joséphine avait une mauvaise influence sur lui.
Ce qui était le cas. Quoique ... il n'était sûr de rien.
***
-Higgs prend ses virages très larges, j'ai remarqué ça la dernière fois, et toi je sais que tu es hyper souple alors peut-être que ça peut te donner un avantage ...
-Weasley ? Pour la centième fois – et je l'espère sincèrement, la dernière – casse-toi !
Mais Charlie resta fermement ancré dans les pas de Joséphine qui laissa échapper un cri de frustration. Il la suivait depuis qu'elle avait quitté seule la table des Serdaigle, son balai en main, pour le stade. D'un geste impatient, elle repoussa la longue tresse qui lui battait l'épaule. La coiffure avait été faite en quatrième vitesse et plusieurs mèches s'en étaient déjà échappées pour venir brouiller sa vue.
-Sur ce point on veut la même chose, Jo : la défaite de Serpentard, poursuivit-t-il de nouveau avec fébrilité. Alors si ...
-Tu veux la défaite de Serpentard. Moi je veux juste voler. Ne nous confonds pas, Weasley.
-Tu veux perdre ? la tança-t-il avec un sourire tordu. C'est ça que j'entends ?
L'irritation monta brusquement à la tête de Joséphine qui pivota souplement sur elle-même pour plaquer la pointe de son balai sur la poitrine de Charlie, le stoppant net dans son élan. Le coup lui arracha même une grimace qui laissa Joséphine de glace.
-Non, je ne veux pas perdre. Mais je te jure Charles Septimus Weasley que si tu continues de me casser les pieds, je laisse Higgs attraper le Vif d'or par pur esprit de contrariété, tu m'entends ? Ne me tente pas, tu sais que j'en suis capable !
La menace parut atteindre son but et Charlie leva les mains au ciel immédiatement pour se rendre. Il avait même un poil blêmi sous ses taches de rousseurs. Néanmoins quelque chose dans ses yeux s'était mis à étinceler.
-Attends ... C'est maintenant qu'on est séparé que tu retiens mon nom complet ?
-Et toi c'est tout ce que tu retiens de mon exposé c'est ça ?
-Non, tu es une gamine égoïste sans cœur, ça je le sais depuis longtemps. Mais que tu es capable de retenir mon nom complet, ça c'est une première !
Cette fois, le sourire s'était largement épanoui sur les lèvres de Charlie, si bien que Joséphine fut forcée de lui donner un coup de balai dans l'épaule. Le Gryffondor poussa un glapissement et recula d'un bond pour se maintenir hors de la portée d'une nouvelle attaque, puisque Joséphine avait réarmé son balai.
-Oust Weasley ! Fiche-moi la paix, laisse-moi me concentrer !
Charlie éclata de rire et écarta largement les bras, comme pour offrir sa poitrine à la fureur de Joséphine. Cependant, il continuait de reculer sur le chemin caillouteux, à reculons en direction du stade.
-Mais c'est qu'elle veut gagner finalement, pourquoi je m'en fais ?
-Va te faire voir, Weasley !
-Et peut-être même que tu sais ma date d'anniversaire maintenant que ça fait quatre mois qu'on a rompu !
-C'est le douze décembre ! lui hurla Joséphine alors qu'il descendait en direction du stade.
Le rire de Charlie lui parvint par écho, ainsi que ses applaudissements nourris, avant que sa tête rousse ne devienne un point lointain dans son horizon. Malgré elle, un petit sourire était venu ourler les lèvres de Joséphine et elle se dépêcha de le faire disparaitre d'une torsion. Elle devait l'admettre, c'était apaisant de pouvoir se retrouver à deux pas de Charlie sans avoir cette colère sourde qui pulsait au fond de sa poitrine, cette incompréhension qui avait agi comme des pics glacés dans son ventre. « Si c'est ça que tu as envie d'entendre, il n'y absolument rien qui cloche chez toi », lui avait assuré Farhan dans le pub, et elle avait choisi de le croire. Ce qui avait causé leur rupture concernait Charlie et Charlie seulement, ses propres sensations, sa propre identité ... Le reste, c'était simplement l'incompatibilité de leurs deux personnalités. Merlin que ça avait été difficile de croire en cela, de ne pas rapporter cela à elle, à sa désirabilité ... était-ce devenu plus facile maintenant que cette partie d'elle n'était plus tournée vers Charlie mais vers un autre ? Un grognement jaillit de sa gorge.
-Un autre qui préfère visiblement passer du temps avec Tonks ... Bon sang, il faut toujours qu'elle soit dans mes pates celle-là ...
Joséphine les avait vu partir ensemble vers le stade. Il se pouvait même que ce soit eux qu'elle ait suivi en partant prématurément, avant son équipe, avant que Charlie ne lui tombe précipitamment dessus pour la supplier de faire de son mieux pour provoquer la chute de Serpentard. L'irritation initiale finit par fondre devant l'urgence de la situation et elle exhala un profond souffle chargé d'humidité. Il avait plu toute la nuit, une pluie glacée qui avait battu les vitres et l'avait maintenu éveillée longtemps avant que ça ne s'arrête à l'aube. Ne demeurait à présent qu'un sol trempée et des nuages perles à travers lesquels on pouvait presque deviner les rayons timides du soleil. Un bon temps pour du Quidditch. Pas de pluie, pas trop de soleil ... Un peu froid et l'humidité l'ancrait davantage dans les chairs mais l'activité la réchaufferait bien assez tôt.
Joséphine resta quelques secondes sur les hauteurs, à observer le stade en contrebas et la procession d'élève et de professeur qui se formait sur le chemin. Au milieu, elle repéra l'équipe de Serdaigle qui l'avait depuis quelques mètres dépassée sans la remarquer. Elle se contenta de lever les sourcils. Elle n'avait jamais été particulièrement intégrée dans les équipes successives de toute manière, pas plus que dans son dortoir. Joséphine avait toujours été l'unique fille – son quota, comme le soulignait ironiquement Aidan. Elle avait cru l'année de son entrée dans l'équipe, en quatrième année ... qu'elle parviendrait à se construire socialement grâce à Quidditch, à trouver sa place dans cette école. Mais tout s'était brisé dans un vestiaire un jour d'avril, fracassé contre la réalité. Joséphine croisa les bras sur son ventre qui venait de douloureusement se nouer, si douloureusement qu'elle s'affaissa quelque peu sur elle-même. Les yeux fermés, elle prit une profonde inspiration qui lui glaça les poumons, lui arracha un violent frisson, mais chassa l'éprouvant souvenir.
-Allez Jo, ressaisis-toi, souffla-t-elle, les paupières toujours closes. Aujourd'hui, ça peut être ta revanche. Allez ...
Néanmoins, le poison du souvenir s'était distillé dans son esprit, assez pour qu'elle reste encore plusieurs minutes à chercher son souffle, avançant à pas de tortue vers les vestiaires pour se trouver incapable d'y entrer. Des larmes de frustration lui montèrent aux yeux. Pourquoi avait-il fallu qu'elle l'invoque maintenant ? Certes elle y songeait chaque fois qu'elle voyait son équipe la mettre à l'écart – chaque fois qu'elle se rappelait pourquoi c'était elle qui avait d'un prime abord décidé de prendre ces distances avec ces mâles bourrés d'hormone. Mais elle avait grandi, depuis. Elle était devenue la doyenne, l'une des plus anciennes. Elle s'était même rendue compte qu'elle intimidait les recrues comme Roger Davies, avec son franc-parler et sa haute stature. Et surtout, il y avait quelques années qu'elle avait cessé de paniquer à l'entrée d'un vestiaire alors pourquoi aujourd'hui ? La réponse lui parvint assez simplement. Elle s'affala sur le banc à l'entrée, le souffle court, le balai rageusement tenu dans ses poings.
-Farhan, tu es en train de complètement me dérégler. Ça va sérieusement devenir un problème ...
Elle porta distraitement la main à sa gorge où son pouls s'était emballé depuis quelques minutes et s'efforça de calmer son rythme cardiaque avec de grandes inspirations qui la laissèrent frissonnante contre les vestiaires. Elle venait tout juste de parvenir à parfaitement assécher ses yeux quand la porte s'ouvrit sur un Aidan désabusé.
-Evidemment, devinez qui sèche le discours de début ...
-Tu dis la même chose depuis deux ans, rétorqua-t-elle sèchement. C'est l'heure ? Oh non pitié, soupira-t-elle finalement quand Aidan fronça les sourcils, apparemment prêt à la sermonner. McColley, je n'ai pas besoin que tu me répètes à quel point il est important que j'attrape le Vif d'or cette fois, j'ai compris. Je connais mon rôle et je ferais de mon mieux. A toi de me croire sur parole.
Visiblement, c'était au-dessus des forces d'Aidan. Il avait passé les derniers entrainement son œil rivé sur elle, chacun de ses mouvements. Après le cours rajouté de Potion, il avait tenu à faire une dernière séance tactique avec Joséphine qui s'était endormie en plein milieu tant elle lui avait paru inintéressante. Là encore il la jugea littéralement du regard, un regard qui hérissa complètement Joséphine. Elle se leva du banc d'un bond et le dépassa rapidement d'un pas furieux.
-Grouille-toi Capitaine, c'est l'heure, lui lança-t-elle par-dessus son épaule.
Fort heureusement pour sa santé mentale, elle n'eut pas à repasser par les vestiaires pour rejoindre le couloir qui menait au stade. Ses coéquipiers étaient déjà alignés contre le mur et lui jetèrent tous un regard torve – sauf Roger Davies qui riva le sien sur ses pieds dès qu'elle fit son entrée. Elle réprima un rictus en se plaçant en queue de ligne pendant qu'Aidan prenant la sienne au tout début. Les Serpentard firent leur entrée en même temps que Madame Bibine, sept garçons vêtus de leur robe émeraude. Terence Higgs, un jeune homme de sixième année, se posta en face de Joséphine avec sur ses lèvres le rictus suffisant de celui qui semblait fort de sa force. La jeune fille sentit la façon dont il la reluqua, sans doute pour l'évaluer mais elle choisit de l'ignorer. Elle savait ce qui se passait dans sa tête. Elle n'était pas la meilleure attrapeuse de l'école ; elle s'était fait battre par un novice de douze ans au premier match ; elle n'était pas connue pour son assiduité aux entrainement, Aidan s'en plaignait assez.
L'un dans l'autre, elle était loin d'être l'adversaire la plus dangereuse. Ce fut peut-être pour cela que les Serpentard ricanèrent – ou peut-être pas, peut-être que Marcus Flint venait de faire une blague hilarante. Peu importe, Joséphine prit les rires contre elle. Sa poitrine se gonfla d'indignation au moment où Madame Bibine les fit entrer dans le stade. Les oreilles bourdonnantes, elle entendit à peine les clameurs du stade ou la voix criarde de Tonks amplifiée par son mégaphone rose. En revanche, elle entendit distinctement le sifflet de l'arbitre qu'elle prit pour une véritable libération : elle enfourcha son balai et fila ci-tôt le souafle libéré.
-Et c'est parti pour cette rencontre ! s'écria joyeusement Tonks. Et c'est évidemment Flint qui s'empare du souafle, Flint qui passe à Pucey, Pucey qui évite Appleby ... Oh la la, dix secondes et déjà dix-zéro pour Serpentard ...
-Ça va être une boucherie, ricana Higgs en passant par-dessus Joséphine.
Il la frôla même assez pour la déstabiliser sans commettre de faute et elle fut obligée de descendre un niveau en dessous. Soucieuse d'avoir la paix pour entamer ses recherches, elle vola à l'extrémité du stade et prit de la hauteur. Malheureusement, elle ne pouvait que donner raison à l'attrapeur ... Son équipe se faisait littéralement rouler dessus. Au bout de dix minutes, Serpentard menait dix buts à un : leur gardien semblait se liquéfier dès que la flèche émeraude qui faisait la force de l'équipe fondait sur lui. Les Poursuiveurs étaient excellents, leurs réflexes rôdés. L'unique point où le match semblait égal était les Batteurs : ceux de Serpentard étaient féroces, mais Aidan était puissant, tactique, intelligent dans ses coups. Il sauva plusieurs fois son équipe d'un nouveau but d'un cognard salvateur. Cela dit, c'était une mauvaise nouvelle pour Joséphine. La bataille pour le souafle faisait rage : elle avait donc peu d'espoir d'obtenir l'aide des Batteurs. Si elle repérait le Vif d'or, il faudrait qu'elle l'attrape. Elle ne pouvait pas compter sur son balai, Higgs en avait un de puissance égale. Joséphine lui jeta un petit regard. Il volait à un niveau un peu plus bas, à vitesse réduite. Sa tête tournait souvent, mais c'était surtout pour suivre des yeux une action de Serpentard qui finissait inexorablement dans les buts adversaires.
-Bon, Joséphine c'est maintenant, décida-t-elle en reprenant un peu de hauteur. Il ne te regarde pas, son équipe est en train d'exploser la tienne ...
Mais ce ne fut pas par elle que les bronze et bleu eurent l'occasion d'exulter dans un premier temps : Roger Davies, du haut de ses treize ans, avait décidé de prendre les choses en main et avait marqué deux buts d'affilés, dont un épique pour lequel il avait traversé la moitié du terrain après une interception. Enfin, c'était ce que Tonks avait amoureusement décrit : Joséphine s'était elle complètement déconnectée du match et aurait même loupé le second but si elle n'était pas passée proche des tribunes des Serdaigle à ce moment-là. Ne parvenant à rien depuis les hauteurs, elle avait décliné quelque peu en altitude. L'absence de soleil rendait le repérage difficile : pas d'éclat doré, pas de rayon qui se reflétait sur la petite balle ... Elle avait décidé de retenir davantage les mouvements vifs et inhabituels du stade plutôt que la couleur.
-Et maintenant cent-quatre vingt à trente en faveur de Serpentard ! annonça Tonks sans entrain. Si seulement cette équipe était composée de trois Roger Davies et de quatre Aidan McColley ...
-Ce serait compliqué sans attrapeur, Nymphadora, rétorqua rageusement Joséphine piquée au vif.
Mue par l'irritation, elle exécuta un vif demi-tour pour tourner le dos à la commentatrice et se retrouva ce faisant face à la flèche d'attaque qui se rompit précipitamment devant elle. Joséphine eut un sourire caustique. Une faute sur l'attrapeur était facilement sifflée et visiblement ils n'étaient pas assez en confiance pour vouloir provoquer un pénalty.
-Higgs ! hurla Flint derrière elle. Grouille, je veux qu'on gagne quand on a la max d'avance, allez !
-Davies !
Joséphine ne savait pas ce qui lui avait pris d'interpeler ainsi le jeune poursuiveur, mais il profita du temps mort pour voler à sa rencontre, l'air quelque peu réticent. Ses cheveux blonds étaient plaqués sur son front et ses joues rougies par le froid.
-Quoi ? Vite Abbot, le souafle va bientôt être remis en jeu ...
-Je sais. Il faut qu'on garde le contact, qu'on reste dans les points du Vif d'or ... Essaie de le monopoliser, quitte à marquer seul. Ça a marché sur les deux derniers, continue. File-leur entre les doigts. Profites-en tant que tu es encore petit, bientôt tu ne pourras plus le faire ...
L'allusion à sa taille encore modeste parut vexé Roger qui pinça des lèvres. Joséphine laissa échapper un grognement de frustration face à l'orgueil manifeste du garçon.
-Oh allez, arrête de te vouloir grand et fort ! On fait ce qu'on doit avec ce qu'on a – et parfois ce qu'on a c'est un sacré avantage. Ouvre les yeux ! Les Pousuiveurs de Serpentard ont peut-être la taille d'un troll, mais ils ne savent pas comment gérer une puce pour toi. Essaie d'en faire un avantage au lieu de te lamenter.
La remontrance empourpra violemment Davies. Il toisa rapidement ses adversaires, la mâchoire contractée, avant de revenir à Joséphine.
-Si je marque, ça ne servira strictement à rien si ...
-Je sais, le coupa Joséphine. Dis à Aidan de te protéger, j'essaie de faire vite. Mais pas facile avec ce temps ...
Roger jeta au ciel un regard inquiet mais hocha lentement la tête. Visiblement, il avait conscience d'être seul face à la flèche mais il s'arma de courage pour voler vers son capitaine. Satisfaite d'avoir été écoutée à défaut d'avoir été entendue, Joséphine reprit quelques mètres de hauteur. Mais au moment où le souafle fut libéré, tout s'emballa :
-Higgs a aperçu quelque chose ! s'égosilla Tonks, dédaignant Davies qui venait de mettre la main sur la balle rouge. Il file vers les buts de Serdaigle, vers le Gardien, il ...
Mais Joséphine n'amorça pas le moindre virage pour le suivre. Elle savait très bien ce que Higgs avait perçu : la montre du Gardien de Serdaigle qui se réfractait dans les buts et donnait des lueurs dorées au loin. Il cherche de l'or, pas ce temps ... Le cri de déception que poussa les tribunes de Serpentard lui arrachèrent un sourire. Par acquis de conscience, elle jeta un regard à Higgs par-dessus son épaule et son cœur s'arrêta de battre. Dans le dos de l'Attrapeur qui remontait vers les cieux, éructant, elle perçut le mouvement vif et alerte du cheminement de la petite balle. Il lui fallut plisser les yeux pour être certaine qu'il s'agissait bien du Vif d'Or et non d'un moucheron ou d'une illusion d'optique. L'incertitude dura quelques interminables battements de cœur pendant lesquels Tonks conclut :
-Et bien ce fut une action ... complètement inutile mais au moins un attrapeur a bougé. Ça a laissé Abbot de glace, elle doit être dans les nuages visiblement ... A quoi pense-t-elle ?
-A gagner, souffla-t-elle, faisant fi du ton moqueur de la commentatrice.
Mais entre elle et le Vif d'Or il y avait Higgs, Higgs beaucoup plus proche qu'elle, Higgs qui venait de faire un effort ... Higgs qui devait exécuter un demi-tour avant de se lancer à la poursuite. Et là lui revint le conseil de Charlie, alors qu'elle s'efforçait de ne pas quitter la petite balle rendue terne par le temps gris des yeux. Il est lent dans les virages.
C'était à tenter.
Elle exécuta rapidement son demi-tour en épingle à cheveux avant de foncer vers Higgs. Celui-ci écarquilla les yeux devant l'attaque avant de comprendre. Mais Charlie avait vu juste : il prit son virage large, si large que Joséphine eut le temps de revenir à sa hauteur avant qu'il n'ait pu se mettre sur la bonne trajectoire. Lancée à pleine vitesse, elle prit quelques mètres d'avance quand le Vif d'Or commença à s'échapper, acculé. Il remonta, Joséphine avec, le bras tendu. Il eut un à-coup qui faillit la stopper net dans son élan. Son cœur manqua plusieurs battements, comme si elle venait de louper une marche et elle détourna une seconde les yeux du Vif d'or pour voir l'attrapeur de Serpentard juste derrière elle, la main tendue à tenter d'attraper les brindilles de son balai pour la ralentir.
-Oh, penalty ! râla-t-elle en prenant de la vitesse pour lui échapper.
-Penalty là ! confirma Tonks en écho. Madame Bibine, c'est faute là, sifflez ! Mais avant on attend le dénouement, Abbot à quelques longueurs d'avance sur Higgs ... Le Vif d'Or est toujours là et ... OUIIII !
Le cri amplifié de Tonks et la clameur qui monta dans le stade masqua complètement celui qui s'échappa de la gorge de Joséphine quand elle referma ses doigts sur la petite balle glacée. C'était un cri de pure jouissance, venu tout droit de ses entrailles et qui évacuait en un souffle toutes les frustrations des derniers mois, tout le marasme de sentiment négatif qui avait pu la ronger. Il vibrait encore dans ses cordes vocales quand ses pieds touchèrent le sol et qu'elle se retrouva debout, son poing contenant le Vif d'or plaquée contre sa poitrine tambourinante. La pluie s'était mise à tomber dans le stade et si les gradins se couvrirent de parapluies colorées, Joséphine au contraire offrit aux gouttes gelées son visage, leva les bras en direction du ciel, euphorique. Elle ne se rappelait plus avoir été ainsi envahie d'une telle vague purificatrice. Comme si on avait allumé un brusque, soudain et incontrôlable feu dans ses veines qui avait brûlé les résidus de crasse, de colère et de désespoir dans ses veines. Et alors qu'elle était en train de savourer ces sensations inédites, elle se sentit arrachée de terre et ouvrit les yeux avec un glapissement pour voir son capitaine la brandir comme un trophée.
-Aidan, lâche-moi ! Aidan, laisse-moi danser sous la pluie !
-On va danser toute la nuit, promis Jo ! Ah ! (La laissant retomber, il l'étouffa dans une étreinte d'ours et plaqua un baiser sur son crâne). Je savais que j'avais raison de te garder malgré ta mauvaise humeur et ta tendance en retard !
-Aidan, je meurs !
-Deux-cent dix à deux cents ! s'extasiait Tonks dans son mégaphone, couvrant la liesse ambiante. De dix points, mais c'est une défaite quand même pour Serpentard, la première depuis trois ans ! Je n'en reviens pas, c'est incroyable ! Je ne vais pas mentir, Serdaigle, je n'aurais pas parié sur vous !
Aidan lâcha Joséphine pour adresser un signe grossier à Tonks, sautillante dans son estrade sous le regard désabusé de McGonagall. L'attrapeuse éclata de rire, un rire qui s'étouffa vite quand le reste de l'équipe vint entourer le Capitaine. Roger adressa un sourire rayonnant à Joséphine – il avait marqué les deux buts qui leur avait permis de passer devant Serpentard – et le gardien, Applebee, tenta même de passer son bras derrière les épaules de la jeune fille, mais Joséphine s'écarta souplement, brusquement indisposé. Ils l'ignoraient la plupart du temps : c'était hors de question qu'elle partage sa victoire avec eux. Aidan et Roger à la limite, qui avaient également participé au succès mais là s'arrêtait sa générosité. Ramenant son Vif d'or contre sa poitrine, elle s'éloigna de quelques pas, laissant les garçons s'étreindre avec des cris de satisfaction. La pluie tombait drue à présent et plaquait les quelques mèches châtains qui s'étaient échappées de sa tresse contre ses joues. Des gouttes s'accrochaient à ses cils et lui brouillaient la vision, mais elle remarqua que le terrain n'avait pas été envahi par une nuée de Serdaigle comme elle aurait pu s'y attendre : tous étaient restés bien au chaud sous les parapluies, se contentant de scander le nom de leur maison à tue-tête pour compenser. Une personne en revanche était descendue sur le terrain, sans même songer à s'abriter. Une personne qui avait prouvé mainte fois qu'il n'avait pas peur de se salir. Joséphine lui ouvrit les bras et s'inclina humblement, un immense sourire aux lèvres :
-Alors, un commentaire ?
Charlie ne chercha même pas à lui faire payer son attitude moqueuse ou le fait qu'elle venait de réussir là où il échouait depuis quelques années : battre Serpentard. Lui aussi souriait largement, les yeux pétillants d'excitation et il leva la main en direction de Joséphine pour qu'elle puisse taper dedans avec entrain. Elle dût bondir pour l'atteindre et faillit glisser sur le terrain humide en se réceptionnant. Elle se rattrapa au bras de Charlie hilare et s'y accrocha. Elle était si étourdie par sa victoire qu'elle avait peur d'à nouveau glisser si jamais elle traversait le terrain.
-Il vire lentement, lança Charlie, l'air fier de lui.
-Il vire lentement, oui ...
-Je ne t'ai absolument pas été utile, alors.
-Pas du tout, assura Joséphine en redressant le menton. Tu es aussi utile d'un verracrasse né un douze décembre et se nommant Septimus.
Un éclat de rire secoua la poitrine de Charlie et il baissa un regard presque fier sur elle. La proximité aurait pu l'embarrasser, ainsi que ce regard qui semblait appartenir à un autre temps, mais la victoire avait fait rayonner en Joséphine un talisman qui la maintenant au-dessus de tout.
-Tu m'as manqué Jo, murmura-t-il, comme s'il craignait que quelqu'un d'autre l'entende.
Un sourire retroussa les lèvres de la jeune fille. Elle comprenait très bien les nuances du mot : ce n'était pas la petite-amie qui lui avait manqué, mais l'amie qu'elle avait pu être si longtemps auparavant, cette fille insupportable qui était venue interrompre ses entrainements de Quidditch en solitaire. Elle flirtait déjà cela dit en ce temps-là ... alors avait-elle réellement été son amie ?
-Je ne suis pas capable de te dire la même chose, désolée.
-Pff ! Je m'en fiche, t'as battu Serpentard pour moi, c'est plus qu'une preuve d'amour.
Il lui tapota la tête avec condescendance et s'enfuit avant que Joséphine ne puisse protester ou armer son balai. De toute manière, elle n'y avait même pas songé : riante sous la pluie, elle laissa Charlie s'échapper. En quelques bonds, il rejoignit un groupe de personne qui contenant Lauren, mais surtout Farhan. Le jeune homme n'avait pas de parapluie et avait rabattu le capuchon de sa cape sur son front. Malgré cela, il parvint furtivement à accrocher le regard de Joséphine. Cette fois, la jeune fille ne chercha même pas à se détourner, même pas à fuir : elle le fixa en retour, un petit sourire aux lèvres, rendue vivante par deux battements : celui de son cœur qui venait de s'affoler et celui des ailes du Vif d'or au creux de son poing. Farhan parut hésiter, sans doute indisposé par la présence de Charlie et Lauren dans son dos. Mais quand ils se mirent en mouvement pour sortir du stade, il rendit son sourire à Joséphine en levant le pouce.
Un rire absurde se déploya dans la gorge de Joséphine. Elle avait envie de franchir les derniers mètres qui les séparaient, de l'arracher à Charlie et Lauren et d'incliner son visage vers le sien, enfin l'embrasser comme elle l'avait rêvé. Elle ne sut réellement ce qui la retint de le faire tant le désir était fort, dans la lueur dans son regard semblait l'appeler, tant elle se sentait capable de tout. Pourtant, elle resta les pieds ancrés au sol, avec ce rire au bord des lèvres, contemplant le pouce de Farhan se baisser avant qu'il ne quitte le stade derrière Charlie et Lauren, sans un regard en arrière.
Puis elle comprit. Ce n'était pas pour aujourd'hui. Aujourd'hui, elle se sentait fière, puissante.
Aujourd'hui, c'est juste pour moi.
***
Allez un petit chapitre plein d'optimiste pour Joséphine, pour une fois ! J'espère que vous avez apprécié !
On se retrouve dans deux semaines pour le prochain <3 Keur sur vous, hydratez vous bien ! Et dimanche ON VA VOTER ! Si on est mineur.e, on pousse les parents dehors, si on est majeur.e, on bouge son cul, l'avenir est entre nos mains !
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro