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Chapitre 17 : Mises au point

Bonjour tout le monde <3 

(Vous avez vu comment je reprends bien le vendredi? Héhé, j'ai fait mentir Lina et son mème !) 

Je cherche à déblatérer pendant des heures, mais en fait je ne trouve rien sinon que j'ai "Fils de France" en tête. Voilà, vous êtes ravi.e.s, maintenant CHAPIIIITRE. 

TW : Mention de sexualité (très brève, à peine un paragraphe, et très soft mais je préfère prévenir) 

***

Nous allons tous mourir, chacun d'entre nous, quel cirque ! Cette simple vérité devrait nous faire nous aimer les uns les autres, mais ce n'est pas le cas. Nous sommes terrorisés et écrasés par des trivialités, dévorés par le néant.

- Charles Bukowski

***

Chapitre 17 : Mises au point

Samedi 17 Novembre 1990

Tout le monde est allé voir le match de Gryffondor et enfin – enfin – le dortoir était si calme, j'ai pu dormir c'était merveilleux. Enfin, si les filles ont gloussé en se réveillant dans l'optique de la rencontre ... Je crois qu'Ashley a le béguin pour Casper Derrick, le Batteur de Serpentard. En tout cas, je l'ai entendu faire des plans avec Diana pour l'attendre aux vestiaires après la rencontre ... Ah, O'Neil a raison : parfois ça a ses avantages d'être une ombre. Je suis retranchée dans mon lit, elles m'ignorent et ignorent que je consigne précieusement tous leurs ragots. Oh d'ailleurs, les choses s'accélèrent entre Elisa et Aidan ... Notre préfète-pas-si-parfaite serait allée voir Madame Pomfresh pour se renseigner sur la contraception. Je ne dis pas beaucoup de bien d'Elisa alors ouvre bien grand tes oreilles : je trouve la démarche admirable, beaucoup n'auraient pas osé aller en parler à l'infirmière et moi la première. J'aurais plus été du genre à aller voler des préservatifs dans son armoire ... Simplement j'espère que de son côté, Aidan fait aussi quelques efforts. Tout ce que j'espère, c'est qu'ils ne le feront pas dans le dortoir.

Oh, mince, moi qui pensais jouir de la salle Commune pour moi toute seule, je les vois tous remonter ... C'est que le match a été rapide. Alors cher journal, ton pronostique ?

Ah, Gryffondor a perdu. Je ne sais même pas si je suis surprise ou pas, mais Bérénice a l'air accablée. Parfois je me demande si elle ne s'est pas entichée de Charlie ... platoniquement, bien sûr, c'est Bérénice, mais j'ai l'impression qu'elle le met sur un tel piédestal ... Son alter-égo masculin. Parfait, préfet, gloire de la famille ... sans la moindre passion. Oh oui, il faudrait que je parle de l'asexualité à Bérénice, ça va peut-être lui parler ...

Oh mince. Papa a répondu.

***

-Ce n'est pas grave ...

-La saison est encore longue, Charles.

-Vous perdez que de cent points ...

-Centre trente.

La voix coupante de Charlie les réduisit tous au silence des plus assourdissants. Depuis dix minutes, il était prostré contre le mur des vestiaires, accroupis, la tête basse. Quelques mèches qui s'échappaient du chignon qu'il avait accroché à l'arrière de son crâne tombait devant ses yeux et ruisselaient de sueur, mais il n'y accordait aucune attention. La seule chose qui le maintenait en vie, c'était la balle dorée qui continuait de s'agiter dans son poing, comme pour provoquer une nouvelle chasse. En face de lui, Tonks, Aidan McColley et Farhan avaient tous les trois les mains dans les poches et étaient visiblement à court de mot.

En même temps, qu'y avait-il à dire ? Le match avait été catastrophique pour Gryffondor. Pourtant, il avait été optimiste la semaine précédant la rencontre. Il s'était inquiété d'une équipe constituée pour moitié de deuxième année – plus Lauren, certes plus âgée mais qui venait d'intégrer l'équipe. Mais tout compte fait, les trois poursuiveuses combinaient pourtant bien. Angelina était réellement celle qui avait le plus de potentiel, mais était encore très brouillonne, peu réfléchie dans son jeu. C'était compensé par Lauren qui justement cérébralisait parfois un peu trop et manquait d'instinct. Polly restait l'élément la plus fiable, à défaut d'être dans une forme étincelante. Les jumeaux étaient prometteurs : jamais Charlie ne les avait vu impliqués sur une tache qui n'était pas une bêtise. Et que dire de Dubois ? Dubois était sa pépite et elle s'affinait d'année en année. Bercé d'optimisme, il s'était mis à rêver.

Mais son rêve s'était fracassé contre la machine intraitable de Serpentard.

Il avait pensé que le Capitaine, Marcus Flint – certainement pas une lumière – serait moins vaillant que son ancien adversaire, Claudius Ottaway – qui venait de rejoindre les Faucons de Falmouth. Que Charlie profiterait de leur point faible, l'Attrapeur, qui changeait presque tous les ans. Mais cette fois, il lui avait dégoté un joueur de qualité qui semblait avoir pour seul mission de faire tourner Charlie en bourrique. Terence Higgs avait enchainé feinte sur feinte, et, paralysé par ses désirs de victoire rapide, le Gryffondor l'avait suivi bêtement. Pendant ce temps-là, la machine infernale s'était mise en marche. Les poursuiveurs de Serpentard étaient plus massifs et mieux aguerris que celles de Gryffondor et avaient fait subir un calvaire à Dubois. Fred et George avaient tenté de sonner la révolte de façon héroïque mais ils n'avaient que douze et pesaient peu face à Casper Derrick et Lucian Bole qui en avaient dix-sept et quinze. Alors que son équipe dont il était si fier sombrait, Charlie n'avait pas trouver d'autres solution que d'attraper le Vif d'or. Ça avait été très facile, mais ça n'avait rien changé : Serpentard l'emportait, 180 à 310.

-Cent trente, McColley, soupira Charlie en rejetant sa tête en arrière. Dubois a pris trente et un buts ... il doit déjà se noyer sous la douche. Ou de défoncer un mur avec sa tête.

-Il n'était pas particulièrement aidé, fit remarquer Aidan avec douceur. J'adore Lauren, mais on voyait qu'elle avait peur de se frotter à Flint et Pucey pour récupérer le souafle et Polly n'a fait aucun repli défensif ... La petite à la limite, elle a tenté mais ... C'est une gamine contre trois colosses.

-Tu ne pouvais rien faire, Charlie, ajouta Tonks avec douceur. Et tu as fait ce que tu avais de mieux à faire ... arrêter l'hémorragie.

Elle serra son mégaphone rose entre ses mains. Tonks était exceptionnellement fair-play, pour une commentatrice et elle l'avait prouvé au dernier match qui avait opposé Serdaigle à Poufsouffle en ayant chaque fois du respect et de l'admiration pour les beaux coups de l'adversaire. Mais contre Serpentard, elle n'avait pas pu s'empêcher de cracher un venin qui avait fait s'étrangler d'indignation McGonagall à côté d'elle.

-Mais honnêtement, il y a du positif, ajouta-t-elle avec un grand sourire. Vraiment, je l'ai trouvé très prometteuse, ton équipe ! Tes frères ont géré, c'est jusque que devant ils avaient des gorilles ... et ...

-C'est bon, j'ai compris. On est tombé sur plus fort. C'est tout.

Devant le ton froid et délibératif, Tonks parut vouloir rentrer sur terre et échangea un regard avec Farhan. Son meilleur ami était silencieux et Charlie ne sut dire s'il attendait qu'ils soient seuls pour ouvrir la bouche, ou s'il ne trouvait simplement rien à dire. Peut-être trouvait-il un match de Quidditch un peu marginal, trivial, par rapport aux problèmes qui secouaient son existence depuis deux semaines. Charlie observa Farhan à la dérobée. Il était emmitouflé dans sa cape et son écharpe aux couleurs de Gryffondor, un bonnet largement enfoncé sur son crâne – il avait toujours été d'un naturel frileux. Ses yeux sombres étaient cernés et veinés de rouge, preuve d'un manque de sommeil flagrant. Ce furent peut-être ces signes d'épuisement qui donnèrent la force à Charlie de se relever. Il vit tellement pire ..., relativisa-t-il amèrement. Est-ce que face à lui, j'ai le droit de me morfondre pour du Quidditch ? Avec l'impression de faire un effort colossal, il se releva, le Vif d'or toujours emprisonné dans son poing. Ça restait sa lueur de satisfaction. Il restait invaincu en tant qu'Attrapeur.

-Mais oui, ce n'était pas trop mal, concéda Charlie d'un ton morne. Disons que c'était le premier match ...

-Et je tremble à l'idée du second, plaisanta Tonks, encouragée par la reprise en main de Charlie. Parce que c'est Poufsouffle, et un Weasley revanchard avec cette équipe qui aura pris du métier, ça a quoi de faire trembler mes blaireaux.

-Ecraser tes blaireaux, rectifia Aidan avec un sourire coquin. Parce que eux, ils ont un Attrapeur de niveau international.

Charlie fronça les sourcils, sans savoir si son ami de Serdaigle souhaitait lui remonter le moral en l'encensant ou regretter le geste de Joséphine. Le match de son ex-petite-amie avait été très frustrant à voir pour Charlie : lui qui était dans l'attaque et l'action, il l'avait vu rester dans l'ombre de Diggory en attendant son heure. Plusieurs fois il avait aperçu le Vif d'or, bien avant les deux Attrapeurs sur le terrain et il avait étouffé des grognements d'agacement en remarquant que ni l'un ni l'autre n'était assez attentif pour le voir. Pourtant, le match de Joséphine n'avait pas été si mauvais. Elle avait été même proche d'arracher une large victoire pour son équipe, sans la quinte de toux. En tant que Capitaine, Charlie comprenait la frustration d'Aidan. Si Joséphine avait attrapé le Vif d'or, Serdaigle aurait été à hauteur de Serpentard. Au lieu de cela, c'était les verts et argents qui prenaient le large sur le reste de Poudlard – et c'était insupportable pour les trois autres Maisons.

Je ne déçois pas que Gryffondor, je déçois toute l'école ... Mais Charlie se refusa à laisser échapper la moindre plainte. Il prit même congé de ses camarades en s'engouffrant enfin dans les vestiaires. Le match était fini depuis plus d'une demi-heure, et pourtant son équipe était là, au complet, abattue sur les bancs. Lauren avait le visage si fermé que ses traits semblaient être gravé dans le marbre, et Angelina avait la mine de quelqu'un qui avait envie de frapper le mur très fort. Olivier Dubois était allongé sur un banc, les paumes pressées contre les yeux et les jumeaux carrément assis à même le sol, chuchotant à voix basse. Ils se turent quand Charlie entra et soudainement, le poids des regards s'abattirent sur lui. La gorge de Charlie se serra. Le pire, c'était qu'il n'avait rien à dire. Il sentait bien leur attente – une remontrance, un signe d'encouragement, peu importait mais un mot. Il était le Capitaine, celui qui devait clore ce fiasco. Charlie soupira en se passant la main dans les cheveux. Il passait souvent sur le discours d'avant-match, se contentant d'un joyeux « en route ! ». Mais dans ce contexte, il ne pouvait pas couper au discours d'après-match.

-Ecoutez, ne vous en voulez pas, finit par lâcher Charlie en tentant d'avoir l'air enthousiaste. D'accord, c'était dur mais rien n'est perdu. Il reste deux matchs et on va faire notre maximum pour nous rattraper. Au moins on sait sur quoi travailler maintenant.

-Et on sait qui doit travailler, ajouta Polly avec un regard tranchant pour Oliver.

Le Gardien ne réagit pas – sans doute occupé à s'auto-flageller intérieurement – mais Charlie le fit à sa place. Il s'avança vers Polly, brusquement courroucé et croisa les bras sur sa poitrine.

-Olivier a fait comme moi, il a limité les dégâts. Difficile de veiller sur ses buts quand on est complètement abandonné par ses poursuiveurs. Non, n'essaie même pas de protester, la coupa-t-il quand elle ouvrit la bouche. Je connais ton jeu, Polly, tu ne défends jamais, tu ne t'arraches pas pour aller chercher le souafle, tu te contentes d'être une marqueuse. Lauren est encore frileuse mais c'était son premier match, Angelina a tenté mais elle manque de maturité : c'était à toi de mettre en œuvre le pressing et tu ne l'as pas fait. Maintenant tu sais sur quoi travailler.

Charlie savait qu'il pouvait effrayer lorsqu'il était énervé : entre sa carrure, ses cheveux roux et un visage qui devait brusquement aussi dur et froid que la pierre, les gens avaient tendance à reculer devant lui. Ce n'était pas le visage qu'il préférait montrer, mais il fut satisfait de voir Polly perdre toute contenance et baisser honteusement la tête. Olivier était son protégé et il avait besoin de confiance : il était déjà bien assez critique avec lui-même pour qu'elle en rajoute.

-Oui Capitaine, acquiesça Polly entre ses dents.

-Parfait. Angelina ce n'était pas trop mal, on va continuer à travailler. Lauren, on ne peut pas faire du Quidditch si on a peur des adversaires. Je sais que les poursuiveurs de Serpentard sont des colosses et c'est comme ça qu'ils construisent depuis des années : une attaque monstrueuse et puissante. Les autres seront plus modeste et il ne faudra pas hésiter à leur foncer dessus.

Lauren hocha la tête, amorphe. Le match l'avait vidé de ses forces et confronté à son manque d'endurance. Charlie savait qu'elle saurait elle-même faire le bilan de son match, elle était plus lucide que Polly. Rassurée de voir ses poursuiveuses réceptives, il alla secouer Dubois par l'épaule. Le Gardien grogna sans ouvrir les yeux.

-Oh ! Ne commence pas à hiberner, j'ai besoin de toi en février !

-J'ai pris trente-et-un but ..., gémit-t-il, mortifié.

-Pour combien d'arrêt ?

Cette fois, Olivier ouvrit de grands yeux sur le plafond et Charlie vit littéralement les chiffres défiler dans ses prunelles. Peu à peu, ses traits se détendirent et il daigna même se redresser, sans toutefois perdre sa mine dépitée.

-Une quinzaine ... Pas ouf ... Mais pas catastrophique.

-Exactement, sourit Charlie en lui donnant un coup sur l'épaule. Hauts les cœurs. A vous deux maintenant ...

Il se tourna vers Fred et George, toujours assis contre le mur. Si le premier rentra la tête dans les épaules, le second leva effrontément le menton dans une attitude de défi. Mais quel insupportable petit moustique, songea distraitement Charlie, consterné. Il sait que je peux toujours l'attraper par le col et le jeter dans le lac noir ?

-On n'a pas été mauvais, c'est juste que les deux autres faisaient deux fois notre taille, attaqua immédiatement George.

Ce n'était pas faux, dut admettre Charlie. La différence de carrure – et donc de force dans les frappes – avait été l'une des faiblesses des Batteurs. Quelques mauvais choix aussi, des timings discutables, mais globalement, Charlie avait peu à reprocher à ses frères. Ils s'étaient démenés avec une abnégation belle à voir pour protéger leurs équipiers des cognards et rien que cette belle énergie dépensée leur valait des remerciements. Charlie devait l'admettre : il n'avait jamais vu ses frères aussi concentrés et impliqués dans une tache. Ça valait le coup qu'ils s'y attachent et qu'ils en soient fiers.

-C'est vrai, concéda alors Charlie. Vous n'avez pas été mauvais et ils font deux fois votre taille. Mais ça ne veut pas dire que tout était parfait, ne pensez pas qu'il n'y a rien à rectifier. Mais vous êtes sur la bonne voie.

Les épaules de Fred se détendirent, d'autant plus que Charlie lui ébouriffa gaiement les cheveux.

-Allez les microbes, allez manger de la soupe et de la viande pour devenir de grands et forts Batteurs. Et on se voit mercredi pour faire un nouveau débrief de la rencontre.

-Oui Capitaine ! lança Olivier en lançant ses gants en l'air.

Il les rattrapa d'un geste lest et cette habilité parut le détendre quelque peu. Un à un, ils quittèrent les vestiaires et Charlie se retrouva seul, au milieu de la pièce, avec l'envie d'immense d'aller se noyer sous la douche en espérant que ses problèmes disparaitront avec la saleté et la sueur. Pour une fois, il céda à ses envies et se débarrassa rapidement de sa tenue de Quidditch pour s'engouffrer dans la douche mise à disposition dans les vestiaires. L'eau se mit à couler à flot et la chaleur arracha à sa peau ses plus belles rougeurs. En cinq minutes, les bras de Charlie étaient écarlates, mais après le froid insupportablement humide de novembre, cette sensation de brûlure avait quelque chose de purgateur. Une fois qu'il ait récuré sa chevelure rousse, son visage crasseux et frictionner ses membres endoloris par le match, il se retrouva seul, pantelant et déconcerté. Avec un certain malaise, il s'appuya contre le mur carrelé et offrit son visage aux tonnes d'eau qui se déversaient sur lui.

Il éprouvait un grand désarroi depuis quelques semaines avec son corps, et il était certain que cela avait pour origine sa discussion avec Lauren au bord du lac. Ça l'avait frappé lorsque, après une séance de Quidditch harassante, il s'était autorisé une heure de pure détente dans la salle de bain des préfets. Là, il s'était remémoré ses premières caresses avec Joséphine et les malaises qui avait suivi devant l'absence totale de sensation que cela impliquait. De réflexion en réflexion, l'heure de détente s'était transformée en heure d'angoisse. Il avait tenté de la tromper en expérimenter des choses avec son corps dont il n'avait jusque là pas éprouvé l'envie. Il n'avait pas trop su quel était le but – peut-être prouvé qu'ils avaient tort, non non, qu'il n'était pas différent, qu'il réagissait comme tous les garçons. Malheureusement, il en avait été décontenancé. Le mécanisme l'avait suivi, mais tout ce que l'explosion avait provoqué chez lui tenait plus d'un vague soulagement qu'une réelle seconde d'extase. Même pas de gémissement, pas chaleur insoutenable dans les reins. Rien qu'un petit soupir, un souffle infime entre ses lèvres quand tout s'était fini. Rien qui ne le pousse à reprendre l'expérience. Au contraire, il était sorti de la baignoire en luttant contre les larmes, incapable de comprendre ce qui n'allait pas chez lui.

Depuis, il évitait la salle des bains des préfets. Même la douche était devenue difficile – tout ce qui demandait à ce qu'il se mette à nu ... Et surtout, il évitait de s'attarder visuellement ou physiquement sur son entrejambe. D'un geste rageur, Charlie coupa l'eau. L'instant purificateur était terminé. Le sentiment d'apaisement, envolé.

-Non sérieux, si elle ne me sert pas autant me la couper, marmonna-t-il en agrippant sa serviette.

Le pire dans tout ça ? songea-t-il en s'essuyant les cheveux. Il aurait aimé en parler à Joséphine. Pas à Farhan : il était prude, réservé, et surtout c'était quelque chose de difficile à sortir face à un autre garçon. Ni à Lauren, il ne lui faisait pas assez confiance pour cela. Mais Joséphine avait l'esprit ouvert, la langue sans filtre. Joséphine se moquait de la virilité. Joséphine savait ce que c'était d'être différent, de ressentir différemment, d'agir différemment.

Mais Joséphine ne lui adressait plus la parole. Elle n'était même pas venue au match. Leurs seuls contacts étaient lors des cours, les rares fois où il tournait le regard vers elle et qu'elle le gratifiait, selon son humeur, d'un doigt d'honneur ou d'un sourire triomphant. Car elle avait eu raison pour Maya et Farhan. Merlin, Maya et Farhan ... Comment je peux m'inquiéter de ne pas savoir faire fonctionner ce qu'il y a entre mes jambes quand eux sont face à ça ? Charlie finit de se rhabiller et retrancha toutes ses interrogations et ses malaises au fond de lui. Il y avait bien plus urgent. Farhan avait besoin de lui.

Ce fut pour cela qu'il rangeait ses vêtements de Quidditch bien au fond dans son sac, qu'il se revêtu de son uniforme, et qu'il quitta les vestiaires son balai à la main. Le stade s'était largement vidé : tout le monde s'était précipité vers la Grande Salle pour fuir la bruine automnale. Charlie monta lui directement à la Tour de Gryffondor : il ne comptait pas affronter le regard de ses camarades maintenant. Et dans son esprit embrouillé, sa défaite devenait une humiliation largement liée à ses problèmes corporel, et il avait l'impression que ses camarades pouvaient sentir cela. Il se sentait déjà émasculé – et c'était déjà assez douloureux d'en avoir conscience lui-même, il refusait que l'école entière assiste à son supplice. Agacé d'y songer encore, il profita du couloir désert pour se frapper le front, dans l'espoir que cela refourguerait l'idée au fond de son cerveau. Malheureusement, il avait oublié l'œil averti de la Grosse Dame.

-Une mouche sur le front ? supposa-t-elle avec un sourire sardonique.

-Plutôt à l'intérieur, marmonna Charlie. Serre-volant.

-Il ne s'envolera pas si vous le serrez.

Charlie leva les yeux devant son habituel pauvre trait d'esprit et attendit qu'elle pivote pour s'engouffrer dans la Salle Commune déserte. Farhan était allongé à plat ventre sur son lit, comme il l'escomptait. Penché sur son devoir de Potion, ses lunettes sur son nez, il parut à peine prendre conscience de l'arrivée de Charlie jusqu'à ce que celui jette son balai dans sa malle. Il releva la tête et esquissa un pâle sourire.

-Pas la peine de martyriser la malle, ce n'est pas elle qui a marqué tous ces buts ...

-Très spirituel, grimaça Charlie. Tu n'es pas avec Maya ?

Farhan secoua la tête en signe de négation. Charlie fut soulagé de constater que la mention de la jeune fille ne plongeait plus son ami dans le profond désarroi de ces derniers temps : à dire vrai, son sourire s'agrandit et il sembla même enthousiaste quand il entonna :

-Non, j'ai ce devoir de Potion à finir ... C'est pour lundi, Rogue va m'écharper si je ne le rends pas à temps – et complet. J'étais avec elle tout le match de toute façon ... Enfin, elle et Bérénice. Je doute qu'on soit près de se débarrasser des Abbot ...

Charlie retint au dernier moment la grimace qui faillit lui tordre les lèvres. Farhan l'avait prévenu qu'ils n'en avaient pas fini avec Joséphine, qu'elle était décidée à mettre son nez à cette affaire et que ni lui, ni Maya ne l'en empêcherait. Il n'était pas surpris, Joséphine était pit-bull : jamais elle ne lâcherait son jouet. Et à présent, c'était précisément ce qui l'inquiétait, plus que le fait de devoir côtoyer son ex-petite-amie. L'espace d'une seconde, il revit le visage furieux de Joséphine lorsqu'il était venu la débusquer, furieux qu'elle cherche à l'atteindre à travers Farhan. Rétrospectivement, la scène lui semblait violente – injustement violente. Il se laissa tomber sur son lit et soupira :

-Tu crois que je devrais aller m'excuser ?

-Quoi ? réagit distraitement Farhan, occupé sur sa Potion. A qui ?

-A Jo. Pour ... la dernière fois.

-Oh. Oui.

Charlie papillonna des yeux et leva le regard sur Farhan, estomaqué d'une réponse si tranchée pour quelqu'un qui avait l'habitude de tout garder pour lui. Le pire était qu'il n'avait même pas relevé la tête et restait concentré sur son parchemin, les sourcils légèrement froncés, la plume virevoltante à sa surface.

-Excuse-moi mais où est passé la Suisse ?

-Et moi qui pensais que c'était quelque chose que tu détestais chez moi, ricana Farhan sans détourner les yeux de son devoir. Ça ne te plait pas que pour une fois je dise mon avis ?

Charlie plissa les yeux, à moitié contrarié par le ton catégorique et le sourire presque amusé de son ami.

-Disons que je ne suis pas habitué ... Surtout un avis si tranché dans la situation présente. C'était si irréaliste de songer qu'elle se servait de ça pour se venger à travers toi ?

-Ce n'était pas irréaliste, on y a tous pensé et moi le premier. Mais tu es celui qui n'aurais pas dû y croire. Tu te vantais de décoder le Joséphine Abbot, non ? De savoir la gérer ?

Charlie garda le silence, pris à son propre piège. Oui, il s'en était vanté, mais la rupture avait ébranlé ses résolutions concernant Joséphine. Il l'avait cru renvoyée à ses pires instincts, ceux qu'elle avait toujours su brider le concernant. Jusqu'à ce qu'il la croise grand sourire avec Maya Tabet, plus épanouie qu'elle l'avait été depuis une éternité – et l'éternité remontait à bien avant leur rupture. Pas amère, ni ravagée – et elle n'avait eu aucun regard pour lui ce jour-là alors qu'il était pile dans son angle de vue. Joséphine ne se cachait pas et elle n'avait pas le comportement de quelqu'un qui voulait le détruire. Farhan parut satisfait de son mutisme et poussa le vice à asséner :

-Je ne dis pas qu'elle l'a fait pour de bonnes raisons. Ce n'était pas par bonté d'âme, c'était juste pour se changer les idées, parce c'est le premier mystère qui s'est présenté à elle. Si elle était tombée sur une carte menant à la Chambre des secrets, elle n'aurait jamais posé les yeux sur Maya et moi. Et aujourd'hui, on se retrouverait avec un monstre qui se balade dans le château et moi je n'aurais pas de sœur.

Si Charlie avait souri au début de l'exposé – par Merlin, il espérait sincèrement que pareille carte ne se retrouvait jamais dans les mains de Joséphine – le sourire se fana lentement sur ses lèvres quand Farhan finit par évoquer Maya. Il sentait que le mot « sœur » avait eu des difficultés à passer sa bouche, comme si ses cordes vocales n'étaient pas habituées à la sonorité. D'ailleurs, cela s'était traduit par un semblant trouble sur le visage de Farhan qui s'arrêta d'écrire pour fixer le vide. Plutôt que de le laisser s'attarder sur ses doutes, Charlie embraya tranquillement :

-C'est quoi cette histoire de Chambres des secrets, déjà ? J'ai complètement oublié ...

-Une chambre qu'aurait aménagé Serpentard, je crois. Avec un monstre à l'intérieur. Je ne me souviens plus des détails, j'ai lu ça dans L'Histoire de Poudlard il y a une éternité ...

-Au moins tu l'as lu, toi. Tu dois être le seul de la promotion ...

Farhan leva les yeux au ciel et se remit à travailler. Il était très souvent vu comme l'intello dans la promotion, mais selon Charlie c'était un sacré délit de faciès. Les gens se fiaient aux lunettes, à l'air réservé, à ses bonnes notes dans la matière exigeante de Potion. Mais la vérité, c'était qu'il avait déjà vu Farhan s'endormir en cours d'Histoire de la Magie, complètement oublier de rédiger un devoir de Métamorphose et aller à un examen de sortilège « au talent ». Mais seul Charlie avait conscience de cela – pour le reste de la classe, Farhan était le prototype du bon élève plongé dans les livres. Assez pour que certains s'étonnent qu'en cinquième année pour le poste de préfet, Charlie ait été préféré à lui.

S'ils le voyaient en train de se dépêcher pour finir un devoir de Potion qu'il a commencé beaucoup trop tard, songea Charlie, amusé, alors que Farhan continuait de noircir son parchemin. Il s'apprêtait à s'installer sur son lit, Balai-Magazine à la main, quand finalement, son ami l'interpella :

-Tu veux qu'on aille voir Hagrid ?

Charlie papillonna des yeux et abaissa son journal. La proposition avait fait bondir son cœur et il s'en voulait de ne pas y avoir pensé plus tôt.

-Tu n'as pas un devoir de Potion à finir ?

-Je peux le finir là-bas, pendant que vous débattrez sur le meilleur moyen de nourrir les licornes, assura Farhan avec un sourire moqueur. Et je crois que j'ai besoin de thé pour carburer.

Il était déjà en train de remballer ses affaires, l'air lui-même enthousiasmé par l'idée. En vérité, Charlie avait remarqué que Farhan avait du mal à se concentrer plus d'une demi-heure sur quelque chose depuis les révélations de Joséphine. Peut-être cherchait-il cette promenade autant que lui pour régénérer son esprit. En tout cas, Charlie était prêt à lui donner satisfaction et bondit sur ses pieds, soudainement ragaillardi. Il se dépêcha de mettre sa cape et de relacer ses chaussures, impatient. Avec l'approche du premier match, il s'était consacré au Quidditch et avait oublié de prendre le temps de visiter le Garde-Chasse et de goûter à l'air entêtant de la forêt. Peut-être que Hagrid l'y emmènerait pendant que Farhan travaillait sa potion dans la petite masure ... Quand il se redressa, son ami était prêt, ses affaires sous le bras, les lunettes repoussées dans les cheveux. Il l'observait avec un étrange sourire aux lèvres, les yeux étincelants et Charlie finit par dresser un sourcil perplexe.

-Quoi ?

-Non rien. Juste difficile de croire que tu viens de perdre un match ...

Le laissant avec cette réflexion, il se dirigea vers la porte sans même attendre, avec un air entendu qui obligea Charlie à rouler des yeux. Son regard tomba alors sur son balai abandonné et il n'hésita pas une seul de seconde à lâcher son magasine pour suivre Farhan dans les couloirs. Il était trop centré sur lui ces derniers temps : il était temps de s'ouvrir au monde.

***

Ma chère fille,

Très heureux de savoir que tout se déroule comme tu veux à Poudlard. Fais néanmoins attention à ne pas te relâcher : l'année de BUSE est décisive pour ton avenir et je sais que tu as les capacités pour nous ramener les meilleures notes pour t'assurer une poursuite d'étude sereine. Si tu pouvais venger l'injuste Effort Exceptionnel que j'ai reçu en Métamorphose à mes propres BUSE, je serais un père comblé – tout ça pour une moustache de rat qu'il restait sur mon verre à pied ...

Concernant ta question, j'ai bien peur de ne pas pouvoir y répondre. Tu sais combien d'attaques ont eue lieu rien que dans l'année 1978 ? Et oui, surtout à Belfast, les Mangemorts profitaient du chaos provoqué par la guerre chez les moldus ... Et même si je le pouvais, je ne pourrais pas te répondre : les Aurors sont tenus à la discrétion concernant les affaires. Ne sois pas naïve ma chérie, beaucoup de Mangemort courent encore les rues et je m'en voudrais toute ma vie de ne pas avoir trouvé une preuve compromettante contre Lucius Malefoy. Et ces Mangemorts ne seraient que trop content de tomber sur ce genre de dossier, finir le travail ou se venger de nous. Il va falloir que ton amie trouve d'autres moyens de se renseigner – une demande officielle auprès du Ministère ? Sait-on jamais ...

Ta mère et moi avons hâte de te retrouver pendant les vacances. Elle emballe déjà vos cadeaux de noël ... Tu aurais une idée pour Joséphine ? C'est le seul qui lui manque et elle est tellement susceptible ... ta mère pensait à une nouvelle robe de soirée mais je pense sincèrement que ladite robe finira au feu aussitôt déballée.

Embrasse ta sœur de notre part, et surtout prends soin de toi, ma chérie.

Ton père.

Bérénice lut et relut la lettre, la joue appuyée contre son poing, blasée. En face d'elle, Joséphine griffonnait sur son journal et Maya caressait Magnus, son hibou qui venait de rapporter la lettre.

-Je t'avais prévenu, chantonna sa sœur sans lever les yeux des pages noircies. Les Aurors emportent leurs secrets dans la tombe ...

-Et la « demande officielle » ? enchérit Maya. Ça pourrait marcher ?

Bérénice grimaça et abaissa la lettre pour jeter un regard peiné à son amie.

-Il faut être majeur ou parrainé par un sorcier majeur – et tes parents sont moldus ... Farhan peut le faire, à la limite mais le bureau des Aurors peut très bien décider qu'il n'a pas envie de lui répondre ... C'est mieux si tu es appuyé par quelqu'un de l'intérieur.

-Qui ne sera pas notre père, acheva Joséphine avec un petit rire sardonique.

-Je pourrais demander à Ophélia, objecta Bérénice, agacée par le pessimisme de sa sœur. Son fiancé est le petit-fils de Cornelius Fudge, non ? Autant que ça nous serve.

Joséphine leva enfin les yeux de son carnet pour lui sourire avec une telle condescendance que Bérénice se retint de répondre à ses instincts primaires et se jeter à sa gorge toute griffe dehors. Qu'elle n'avait plus sept ans.

-Tu peux essayer. Ils seront sans doute là à noël, non ? D'ailleurs, papa a tort, la tenue de soirée est peut-être le meilleur cadeau que maman est capable de me faire.

Un soupçon d'amertume rendit la voix de Joséphine presque tranchante et Bérénice comprit parfaitement le sous-entendu sous la froideur. Son père ne la connaissait pas, n'était même pas capable de comprendre que Joséphine, bien que de loin la plus sportive de ses sœurs, était assez coquette pour apprécier une jolie robe.

-Je lui dirais, promit Bérénice.

-Mais pas une bleue, ajouta Joséphine d'un ton sec. Maman m'en achète toujours des bleues. On a compris que j'avais été répartie à Serdaigle, changez de disque.

Maya pouffa devant le ton cassant, sans cesser de caresser Magnus. Allongée sur le divan derrière elle, contorsionnée dans une position étrange, Bastet suivait des yeux chacun des mouvements de sa maîtresse, l'air d'attendre le meilleur moment pour sauter sur ses doigts – ou sur Magnus. Bérénice plissa des yeux. Ça faisait longtemps que cette chatte de malheur lorgnait son hibou.

-Je suis sûre que le vert, ça doit bien t'aller, proposa Maya avec enthousiasme.

-Si j'étais toi, je ne me fierais pas aux goûts de Maya, enchérit tranquillement Bérénice avec un sourire. Après tout, elle a choisi un chat au lieu d'un hibou !

Maya plissa les yeux en une expression qui se voulait inquiétante, mais l'effet ne réussit pas car un sourire frémissait sur ses lèvres. Bérénice se garda bien de lui faire remarquer : ça lui faisait un bien fou de retrouver sa meilleure amie. Il y avait eu quelques semaines de tâtonnement, où Maya avait oscillé entre désespoir, tentative de reprendre sa vie en moi et crise de panique. Mais elle avait su gérer et d'une main de maître, sans l'aide de personne. Certes, avoir clarifié ses relations avec Farhan et dessiné avec lui les semblants d'un plan semblait avoir contribué à l'apaiser. Mais si Maya avait relevé la tête, c'était à elle seule qu'elle le devait, à force de détermination et d'introspection. Elle avait prié un peu plus que d'habitude, penchée sur son tapis orienté vers l'est et elle avait même jeûné pendant trois jours en espérant retrouver l'esprit du Ramadan. Bérénice l'observa à la dérobée, toujours occupée à cajoler son hibou d'une main et à effleurer un pan de son foulard de l'autre. Parfois, Bérénice songeait que c'était de cette simple pièce de tissu que lui venait sa force. Elle était d'un calme olympien, sous son hijab. Comme s'il était magique et que quiconque le portait était habitué d'une sérénité surnaturelle. Mais ça ne pouvait marcher que sur Maya. Il fallait y croire. Avoir la foi. Il n'y avait que la foi qui protégeait ainsi.

-Peu importe la couleur, trancha Joséphine avec indifférence. Du moment que ce n'est pas du bleu ... (Elle releva la tête et plissa les yeux). Et toi Berry, qu'est-ce que tu veux pour ton noël ? Je n'ai pas commencé mes cadeaux.

-Tu le feras le 24 décembre, comme d'habitude ...

-Certainement, mais ça ira plus vite si tu me dis ce que tu veux.

Bérénice se retint de grimacer. Elle détestait cette question qui revenait chaque année et qui la laissait très embarrassée. Ses sœurs, c'était simple : Ophélia était heureuse avec un bijou, Joséphine avait toujours besoin d'un gadget pour le Quidditch, mais tout le monde se trouvait perplexe au moment de trouver un présent à Bérénice. Elle n'était pas coquette, lisait mais pour l'étude et rarement pour le plaisir, n'avait pas beaucoup de passe-temps en dehors des échecs – et elle refusait obstinément de changer son jeu qu'elle tenait de son grand-père Max. Elle-même ne savait pas ce dont elle avait envie et se contenta de hausser les épaules.

-Je n'en sais rien. Surprends-moi.

Joséphine leva les yeux au ciel et se replongea dans son carnet. Bérénice s'efforça de ne pas trop le lorgner – dès qu'elle le remarquait, sa sœur courrait d'enfuir dans sa chambre pour ne pas risquer qu'on en lise ne serait-ce qu'un mot. Bérénice s'était toujours interrogée sur ce que sa sœur mettait dans son journal. Son cœur, certainement. C'était une pratique courante dans la famille : cacher son cœur quelque part, le verrouiller pour que personne n'y ait accès et se constituer une froide carapace. Leur mère était ainsi à cause de son éducation de sang-pure. Leur père se l'était constituée en devenant Auror. Ophélia l'avait réservé au fond de sa poitrine pour l'homme de sa vie. Joséphine avait bien tenté de rompre la malédiction, mais elle s'était fracassée contre un mur – et le mur s'appelait Aloyssius Abbot. Son père était rigide, rompu à l'honneur et au devoir et n'avait pas supporté de voir sa si prometteuse fille s'abaisser à lui montrer ses émotions. Alors à son tour, Joséphine avait caché son cœur dans son journal.

Evidemment que Bérénice avait plusieurs fois été tentée de le voler, de l'ouvrir et d'enfin lire les mots que sa sœur ne laissait jamais filtrer. Peut-être qu'à l'intérieur se trouvait le meilleur de Joséphine – ou le pire. Peu importait, Bérénice voulait savoir. Mais elle savait sa sœur assez maline pour verrouiller son journal de toutes sortes de protection. Des remords pour violer son intimité ? Bérénice en aurait peu. Elle aussi avait verrouillé son cœur, la première fois qu'elle avait vu sa sœur hurler et pleurer devant son père impassible.

-Et moi, qu'est-ce que je vais bien pouvoir t'acheter ..., lança Bérénice, détachant son regard de la main de sa sœur qui virevoltait sur les feuilles. Ta plume est usée, je vais peut-être t'en acheter une nouvelle ...

La pique était un test, et il réussit : aussitôt, Joséphine cessa d'écrire et ferma son carnet dans un claquement sec, tout en décochant à Bérénice une œillade suspicieuse. Si elle avait évalué l'état de sa plume, c'était qu'elle avait posé les yeux sur ses précieuses pages et elle savait que l'idée lui était intolérable. Les lèvres de Joséphine se retroussèrent en un sourire d'avertissement.

-Pourquoi pas. Mais offre-moi en une spectaculaire, Berry. Pas de paon, je trouve qu'elles écrivent mal ... mais ... surprends-moi. Bon, ce match, nous ne m'en avez pas raconté les détails – mais si j'ai bien compris, Maya était plus intéressée par Farhan ...

-Arrête, souffla Maya, affolée. Ce n'est pas toi qui as dit que sans la discrétion, on aurait des regards « indignes » sur nous ?

-Et le match, on t'a déjà tout raconté, abonda Bérénice en hochant la tête. Equipe de Gryffondor prometteuse, mais trop inexpérimentée. Et Serpentard ... à la hauteur des autres années.

Joséphine poussa un grognement sonore tout en roulant des yeux. Bérénice était surprise de la voir s'intéresser au tableau de score, elle qui ne faisait du Quidditch que pour se défouler mais se faire battre par le jeune Cédric Diggory semblait l'avoir piquée au vif.

-Je vois ... ça va être encore une lutte acharnée cette année.

-Je n'aime pas beaucoup ça, avoua Maya en tordant un pan de son hijab. Je veux dire, vous vous souvenez de l'année dernière, du match Serpentard-Gryffondor, l'année dernière ? Les élèves étaient carrément entrés sur le terrain pour en découdre ...

-Ah oui ! se souvint Joséphine, les yeux étincelants. C'était drôle ...

-C'était pathétique, rétorqua fermement Bérénice. Ce n'est pas ça le sport.

-Mais c'est pour ça que c'est drôle. Derrière les Gryffondor vont te faire des grandes leçons sur le courage, l'honneur et la bravoure et les Serpentard sur la dignité et la maîtrise. Mais dès que ça concerne leur petite lutte intestine, ils sont réduits à leur plus primaires instincts ... Ce n'est la scène en elle-même qui est drôle, mais son ironie.

La réflexion ressemblait tellement à Joséphine que Bérénice en échangea un regard blasé avec Maya. Sa sœur en eut cure et rassembla ses affaires. Son carnet à la couverture pourpre et d'arabesque dorés, elle se dépêcha de le cacher dans son sac – sans doute dans une pochette invisible et indiscernable.

-Bon, je vous laisse. Je vais profiter d'avoir le terrain de Quidditch pour moi toute seule pour voler un peu – Aidan a insisté pour qu'on s'entraine cet après-midi, mais il est passé en mode entrainement militaire et ce sera pire après avoir vu jouer les Serpentard. J'ai besoin de me détendre avant, sinon je risque fort de le faire tomber de son balai. A toute !

Mutine, elle leur envoya un baiser et se dépêcha de monter dans sa chambre se changer et chercher son balai. Quand elle redescendit, Bérénice eut l'impression de contempler une autre personne : le visage dégagé, volontaire, la démarche souple, rendue humaine par une absence de maquillage et un simple jogging. Elle faillit assommer un deuxième année en jouant avec son balai comme d'une arme et Maya secoua longuement la tête d'un air désabusé.

-Elle a repris du poil de la bête, depuis Charlie ...

-Et je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise chose, soupira Bérénice en reportant son attention sur la lettre. Tu veux que je réponde quoi à mon père ? Que j'insiste un petit peu ?

Maya pinça des lèvres et cessa de caresser Magnus pour poser son regard sur le parchemin que Bérénice tenait toujours entre ses mains.

-Non, laisse tomber, je doute qu'une nouvelle lettre changera les choses ... peut-être que tu auras plus de chance pendant les vacances ? Avec ta bouille et tes fossettes ?

Bérénice tenta de dissimuler ladite « bouille » en plaquant une main sur sa joue et tenta d'ignorer la brûlure sous ses doigts. Le sourire de Maya était l'écho de tout ce qu'elle avait entendu sur elle : elle était toute mignonne, avec ses bonnes joues et ses fossettes. Mais la vérité, c'était que Bérénice attendait avec impatience qu'elles fondent, ces joues et qu'enfin s'effacent les rondeurs de l'enfance. Malheureusement pour elle, les rondeurs avaient tendance à s'affirmer depuis l'arrêt de sa croissance. Depuis sa première année, elle avait pris dix kilos sans avoir pris un seul centimètre et ses hanches se creusaient de larges cicatrices brunes qu'elle avait fini par identifier comme des vergetures. Des vergetures, à quinze ans ! La honte l'avait submergé et elle s'était sentie envieuse de la taille de guêpe d'Ophélia pendant ses fiançailles. Avec un plaisir coupable, elle avait songé que les grossesses qu'elle voulait tant se chargerait de déformer son corps comme la prise de poids le sien.

Bérénice secoua la tête, comme pour chasser une mouche agaçante. Il fallait qu'elle oublie ses complexes, qu'elles les dédramatisent. Ophélia était mince, et alors ? Elle allait s'enfermer dans une existence morne où elle serait l'heureuse épouse d'un homme sans intérêt. Elle n'échangerait sa place contre la sienne pour rien au monde. Résolue, elle se décida à travailler ce qu'elle avait de mieux : son esprit. Elle fouilla son sac à la recherche de devoir et finit par en tirer son journal des rêves de Divination qu'elle ouvrit à une page blanche. Peut-être était-elle influencée par Joséphine et son propre carnet. Ou voulait-elle commencer ses devoirs par quelque chose de peu prenant. Toujours était-il qu'elle se mit en quête de son dernier rêve, concentrée, quand Maya demanda d'une voix timide :

-Dis ... Tu penses que je devrais lui faire un cadeau ?

-A qui ? s'enquit distraitement Bérénice.

Elle avait rêvé de Quidditch récemment, songea-t-elle, contrariée. Pourquoi de Quidditch, c'était un mystère. Elle appréciait les matchs, mais plus pour l'ambiance que par réel amour du jeu.

-Farhan, répondit Maya, sur la réserve. Je ne fête pas noël personnellement ... mais lui, sans doute que si. Tu penses que je devrais lui faire un cadeau ... ?

La question était épineuse et Bérénice cessa de s'interroger sur l'interprétation de son rêve pour reporter son attention sur le visage anxieux de Maya. Elle savait que, malgré sa sérénité affichée, son amie continuait de tâtonner dans sa relation avec Farhan. Ça avait été flagrant pendant qu'ils regardaient Gryffondor se faire atomiser par Serpentard. Ils alternaient entre moment de franche complicité où la conversation coulait toute seule et instant de gêne où le silence flottait, lourd et pesant, presque comme pour rappeler le vide qui caractérisait leur relation. Ce silence, c'était tous les souvenirs qu'ils n'avaient pas ensemble, avait songé Bérénice. Tous les souvenirs qui tissaient un lien unique entre un frère et une sœur.

-Ce que je pense n'a pas beaucoup d'importance, évalua Bérénice avec prudence. C'est si toi, tu en as envie ...

-Oui, assura immédiatement Maya, les yeux brillants. Je veux dire ... je l'aime vraiment bien. Et même si je n'arrive pas encore à le voir comme un frère ... Berry, je veux vraiment essayer.

Elle s'était crispée pendant son plaidoyer, si bien qu'en resserrant ses jambes, elle désarçonna Magnus qui poussa un cri perçant de protestation. Il commença à battre des ailes d'un air menaçant, Bastet se redressa, aux aguets et feula en retour. Avant qu'elle ne se jette sur son hibou, Bérénice se dépêcha de récupérer Magnus sur son bras et s'approcha d'une fenêtre pour le libérer dans le ciel. Maya l'avait suivie, pressant contre elle une Bastet qui lorgnait toujours le point qu'était devenu Magnus au milieu des nuages.

-Petite teigne, pesta Maya. Enfin ... tu offres des cadeaux à tes sœurs, toi ?

Malgré l'agitation de la chatte, elle lui gratta la tête, entre les oreilles. Aussitôt, la « petite teigne » se mit à ronronner et à se blottir dans les bras de sa maîtresse. Bérénice se laissa aller contre le chambranle de la fenêtre, et apprécia l'éclat du soleil froid sur son visage autant que la caresse glaciale du vent.

-J'offre des cadeaux à mes sœurs depuis que j'ai de l'argent de poche, personnellement, mais c'est souvent des petits trucs ... je vais garder l'idée de la plume pour Josie et pour Lili ce sera certainement un petit bijou ...

-Je peux faire ça, songea Maya, soulagée. Quelque chose de petit, qui n'engage à rien. Il aime les Potions et la botanique, je vais bien trouver quelque chose ... Ou quelque chose sur la Palestine ? Je sais qu'il fait beaucoup de recherche ...

Elle secoua la tête, et un rayon de soleil arracha un chatoiement à son hijab. C'était un foulard de soie orné de motifs en losange, le genre qu'elle mettait pour les occasions. Comme passé une matinée à parler avec son frère retrouvé ...

-Je n'arrive pas à me faire à l'idée que je suis d'origine palestinienne ... ça remet ... énormément de chose en cause, pour moi, tu ne t'imagines pas.

-C'est une culture si différente, par rapport à l'Egypte ?

Pourtant, elle avait regardé sur une carte, et les deux pays n'étaient pas si éloigné. D'ailleurs, si elle avait bien compris, l'Egypte avait même parfois annexé des parties de la Palestine. Le visage de Maya s'assombrit.

-Ce n'est pas tant ça, le problème ... C'est très compliqué, en Palestine. Elle est détruite, annexée partout. Elle n'existe même plus. D'un point de vue technique, mes parents sont ... israéliens. (Elle poussa un profond soupir). C'est déjà une situation qui me mettait en colère avant, mais maintenant que je sais que mes parents sont originaires de là-bas ... que Farhan y est carrément né ... que c'est la guerre qui les en a chassé ... ça rend la chose plus personnelle.

Bérénice avait rarement perçu cet éclat dur dans le regard de Maya, toujours d'une douceur et d'une compréhension remarquable. Mais là, il transperçait ses prunelles, les rendait froides et menaçantes.

-C'est idiot mais ... je me demande ce que mes parents biologiques pensaient de tout ça. S'ils étaient moldus, dans quel clan ils se situaient. S'ils étaient sorciers, est-ce que la question de la souveraineté de la Palestine les intéressait vraiment ... (Elle cligna des yeux et en un battement de paupières, ses iris retrouvèrent leur douceur habituelle). Ils devaient être sorciers, pas vrai ? Farhan et moi sommes magiques ...

-C'est aléatoire, protesta Bérénice, peinée. Regarde Vivian, elle a des frères qui sont moldus. Et à la fois, regarde les Strettins, Elisa, Jeremy – et il me semble qu'ils ont aussi un grand frère ... Ils sont trois sorciers de parents moldus ... ça fait parti des mystères de la magie. Parfois, elle touche la fratrie et parfois, elle n'en touche qu'un seul. Je suis désolée, Maya mais comme ça c'est impossible de savoir si tes parents biologiques étaient sorciers ...

Le coin de la bouche de Maya s'affaissa, marquant sa déception, mais elle s'en remit vite en souriant à Bérénice.

-Oui, je me doutais que ça n'avait pas d'importance ... Bon, je monte un peu me reposer en haut. Tu restes là ?

-Oui, je dois écrire mon journal de rêve ...

Maya éclata de rire et Bastet se tendit dans ses bras, alertée. La jeune fille ne l'en serra que plus contre elle, ce qui provoqua un miaulement étranglé de la part de la chatte.

-Franchement, je ne comprendrais jamais pourquoi tu as pris Divination ! Salut Berry ...

Elle monta, Bastet toujours fermement pressé contre elle, comme si Maya se nourrissait de sa chaleur. Ça aussi, c'était symptomatique de la passa que traversait la jeune fille : elle s'était énormément raccrochée à sa chatte. Un cadeau de ses parents, pour qu'elle pense à eux à Poudlard. Qu'elle avait appelé « Bastet », comme la déesse-chatte dans la mythologie égyptienne, comme l'étaient ses parents adoptifs. Toutes les revendications de Maya : son héritage égyptien et moldu, et l'amour de ses parents. Tout ce qui se trouvait à présent brisé.

Bérénice soupira et se remit au travail avec néanmoins moins d'engouement. Elle tenta de trouver une signification à son rêve dans L'oracle des rêves, mais le Quidditch était trop précis pour le manuel. Parler de voler, peut-être ? Non, elle n'avait pas volé, elle avait observé depuis sa basse position terrestre ...

-Hé, coucou bébé-Abbot.

Une main vint lui ébouriffer les cheveux qu'elle avait noué en un chignon lâche au-dessus de sa tête. Bérénice, occupée à mâchouiller sa plume en tournant les pages, sursauta face au geste et porta une main à sa coiffure. Elle eut le temps d'effleurer des doigts avant que son regard ne se lève sur Aidan McColley. Le Capitaine de Quidditch avait revêtu sa tenue de Quidditch et tenait son balai dans une main. Son autre venait tranquillement se replacer sur son flanc après avoir caressé les cheveux de Bérénice.

-Tu n'aurais pas vu ta sœur ? C'est entrainement de Quidditch et si elle arrive encore en retard ...

Il souriait mais son regard resté voilé, concentré et Bérénice remarqua que le reste de l'équipe l'attendait devant la porte. Que des garçons, observa-t-elle une nouvelle fois avec déplaisir. Puis elle effleura de nouveau les yeux d'Aidan et sentit ses joues rougir.

-Euh ... elle est déjà descendue. Elle voulait voler au calme avant l'entrainement ...

-Hé bien, s'étonna Aidan. C'est qu'elle devient consciencieuse ! Merci, petite-Abbot. Et au fait, j'attends ma revanche pour les échecs. Tu m'as battu trop vite la dernière fois.

Et je le referais, rétorqua-t-elle intérieurement alors qu'Aidan s'éloignait avec un dernier sourire charmeur. Il était gentil, aimable et plutôt intelligent, mais son jeu sur un plateau de noir et de blanc était limité, Bérénice l'avait tout de suite perçu. Avant de sortir, il embrassa sur la tempe sa petite-amie, Elisa Strettins. Occupée à travailler, elle le repoussa au visage mais Aidan prit la chose avec un éclat de rire et s'en fut avec le reste de son équipe. La porte se referma sur eux et il fallut que la préfète-en-cheffe tourne le regard vers elle pour que Bérénice s'en retourne à son journal de rêve. Ses maudites « bonnes joues » devaient être écarlates et elle se fustigea d'avoir refermé la fenêtre après avoir libéré Magnus.

Elle prit une grande inspiration et se saisit de sa plume pour enfin noter : « 12 Novembre 1990. Je suis sur le terrain de Quidditch et je regarde un match. Peut-être pas un match, un entrainement, je crois qu'il n'y avait que des Serdaigle ... ». Elle s'arrêta devant la case « Signification ? », perplexe. Lentement, son regard se porta sur la porte que venait de franchir l'équipe, puis sur Elisa, de nouveau penchée sur son parchemin, la mine concentrée. La voix insidieuse de Maya s'infiltra dans son esprit. « Depuis quand tu t'intéresses aux garçons ? »

Oh non, Berry, se morigéna-t-elle en rayant sa case d'un grand point d'interrogation. Tu es trop intelligente pour ça ... 

***

Alors votre avis ? :D 

Encore une fois, si j'aborde mal Charlie et l'asexualité, n'hésitez pas à me le dire (bien que je pense que chaque réaction est singulière, du au spectre extrêmement large de l'asexualité). Je sais que ça peut faire mal de ne pas le voir s'accepter, mais je pense sincèrement que dans un premier temps ce n'est pas intuitif pour lui ! 

A la semaine prochaine pour O&P <3 

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