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Chapitre 12 : Se défaire du vide

Qui a encore une tonne de chose à faire ce week-end et qui profite de cette excuse pour poster plus tôt? 

MAIS C'EST PERRI BIEN SÛR 

J'ai refait une série d'Aes sur cette histoire, tiens. S'il y a des personnages qui ont votre attention et qui mériterait son aes, n'hésitez pas à me le dire au fur et à mesure ! (je ne les posterais pas tout de suite) 

Et vous voyez l'épilogue des Fantômes des oubliés ? Et bien je suis déjà en train d'imaginer celui pour LDP (oui oui alors que je suis loin de la fin, mais la trame de LDP est déjà toute tracée alors mon cerveau va plus loin). Bref tout ça pour dire que l'épilogue a un certain potentiel et que je prépare des surprise *rire machiavélique* 

Ah et je voulais mettre un petit warning que j'aurais dû peut-être mettre sur les chapitres d'avant : pour des raisons de réalisme, je suis obligée de mettre des propos sur la communauté LGBT+ qui ne sont évidemment pas du tout le fond de ma pensée. Je suis désolée pour ceux.elles que ça peut heurter. 

L'objectif de la fanfic est justement de faire évoluer les personnages dans le bon sens, et il faut bien commencer quelque part ! 

ALLEZ CHAPITRE MAINTENANT ! Bonne lecture <3 

***

Oh ! l'absence ! le moins clément de tous les maux !
Se consoler avec des phrases et des mots,
Puiser dans l'infini morose des pensées
De quoi vous rafraîchir, espérances lassées,
Et n'en rien remonter que de fade et d'amer !

- Quinze longs jours encore et plus de six semaines
Paul Verlaine

*** 

Chapitre 12 : Se défaire du vide.

Mardi 16 octobre 1990

Je n'ai pas réussi à me lever, ce matin. C'était tout simplement au-dessus de mes forces. J'ai à peine fermé l'œil : tout brûle en moi, à commencer par mon cerveau et mes yeux. C'est atroce. J'aimerais dormir mais j'ai peur que Charlie s'invite dans mes rêves. Le problème c'est que même les yeux ouverts, ce n'est pas mieux. Mes méninges surchauffent : je m'imagine tous les scénarios, les meilleurs comme les pires. Et je ne sais même pas quels sont les meilleurs, et quels sont les pires. Tous font souffrir.

Je ne comprends pas. J'étais pourtant bien hier. Je me suis levée, je suis allée déjeuner, allée en cours, j'ai joué aux échecs avec Bérénice ... tant que j'étais occupée, que quelque chose mettait mon esprit sur pause, ça allait. Même la Potion, ça a été : j'ai essayé d'envoyer des baies de Belladone dans le chaudron de Farhan, ça m'a maintenue occupée. Non, le pire ça a été les Sortilèges juste après. C'était la première fois que je revoyais Charlie. Ça m'a fait vriller. Enfin, j'en ai assez parlé hier ... je ne sais toujours pas comment j'ai trouvé la force de rester assise à ma table. Et je ne sais pas si j'en aurais la force aujourd'hui. De toute manière, le cours de Défense contre les Forces du mal est commencé ... Non, je vais rester dans mon lit. Tenter de dormir. Au moins dans mes rêves, je ne contrôle rien. Il faut que je me laisse allée, au moins un peu parce que sinon je vais devenir folle. Je ne sais pas parfois ce que me retient de rompre ma résolution et d'aller voir Charlie, soit pour le frapper soit pour l'embrasser. En tout cas, Farhan a bien transmis le message parce que lui n'est pas venu me voir ... Je ne sais pas si je dois en rire ou en pleurer.

Je crois que je vais en dormir, c'est mieux pour tout le monde. Dormir et ne jamais me réveiller. Dormir pour oublier qu'une nouvelle fois, j'ai perdu le fil de ma vie. Bon sang, qu'est-ce qui cloche chez moi ... ?

***

Salut Charlie,

J'avoue que je n'ai pas compris grand-chose à ta dernière lettre alors je vais éluder ça tout de suite : je viens à Pré-au-Lard la semaine prochaine, on se verra là-bas et on discutera de Joséphine. La seule chose que j'ai à te dire, c'est de ne pas trop te prendre la tête. Tu as dix-sept ans, bon sang, t'es encore un bébé, tu as la vie devant toi. Tu ne la joues pas sur cette relation. Je sais que c'est hyper difficile d'avoir ce recul quand on a le nez dedans mais essaie de faire cet effort. Prends un balai et monte haut pour te rappeler la globalité de la vie.

Et par pitié, arrête de t'inquiéter pour Fred et George. Papa et maman ne t'en veulent pas de les avoir pris dans l'équipe : au contraire, je pense que papa espère que ça les canalisera. Pour une fois qu'ils sont fiers d'eux ... laisse-leur ça, Charlie et arrête de t'inquiéter. Pour tout te dire, c'est moi qui leur ai suggéré de postuler. Tu t'es plains tout l'été que tes Batteurs partaient, je n'allais pas de priver des meilleurs lanceurs de gnome de tout le Devon ?

Sinon je vais bien, c'est gentil de demander ! J'ai validé ma formation de Briseur de sort et j'ai envoyé plusieurs candidatures au Ministère et à la Banque. J'ai même eu un entretien à Gringrotts, leur réponse ne devrait plus tarder ... Tu verrais maman, elle est plus stressée que moi. La vérité, c'est qu'elle est stressée depuis que je lui ai dit que ça pourrait être un poste à l'étranger. Voir son aîné quitter la maison, c'est déjà difficile pour elle mais alors le pays, je crois que je vais lui briser le cœur. Mais les postes étrangers payent mieux et surtout sont vraiment plus intéressant en terme de travail. J'ai toujours rêvé de voir du pays donc ... Je suis ouvert à toutes les possibilités, on verra bien ce qu'ils me proposent.

Bon. On se voit la semaine prochaine, d'accord ? Aux Trois Balais, ça fait une éternité que je n'ai pas vu Madame Rosemerta. Dis à Perce qu'il peut venir, aussi, s'il veut lever le nez de sa bibliothèque. Et surtout, prends du recul.

Prends soin de toi, petit frère,

Bill.

Allongé sur son lit, Charlie relut pour la dixième fois la lettre de son frère aîné déployé au-dessus de sa tête. Il ne savait pas exactement ce qu'il cherchait dans cette lettre. Un conseil caché derrière celui de « prendre du recul », il supposait. Prendre du recul, ce n'était pas suffisant, et pourtant Dieu savait qu'il avait tenté pendant la semaine écoulée. Il s'était de nouveau jeté à corps perdu dans ses devoirs de Capitaine et était resté même avant et après tous les autres pour se faire des séances en solitaire de recherche du Vif d'or. Des séances atroces. Chaque fois il avait espéré voir surgir sous lui la robe bronze et bleue de Joséphine qui lui piquerait la balle sous le nez avant de le gratifier d'un sourire railleur.

Milles gargouilles. Elle lui manquait.

Charlie laissa tomber le parchemin sur son visage pour étouffer le gémissement qui lui montait à la gorge. Il fallait qu'il arrête de se répéter ça, de se focaliser sur le vide immense que signifiait l'absence de Joséphine dans sa vie. C'était le problème avec une personnalité comme la sienne : elle prenait de la place, se déployait en l'autre, se rendait indispensable et à présent qu'elle n'était plus là, Charlie prenait conscience du poids que sa désormais « ex » avait pris. Farhan disait que cela passerait, qu'il avait ressenti la même chose après sa rupture avec Alice : un immense manque, un vide dû à l'absence de tout ce pan de son quotidien qui venait de s'effondrer. Il fallait combler le vide pour se remettre mais Charlie peinait à mettre le processus en marche. Il n'était pas parfaitement sûr de le vouloir ...

La porte s'ouvrit sur l'un de ses camarades de classe, Nicholas, qui se contenta de silencieusement se glisser jusque son lit pour prendre quelques affaires, sans faire attention à Charlie. Heureusement, Nicholas était sans doute l'un des plus discret de leur dortoir : Brett et Leonard n'avaient pas la même décence et avaient passé le week-end à l'interroger sur sa rupture avec Joséphine. « De toute manière tu vaux mieux Weasley », lui avait assuré Brett en lui donnant une grande tape dans le dos. « T'en trouveras une plus canon dans une semaine », avait ajouté Leonard avec un sourire narquois. « Lauren est disponible, non ? Elle est cent fois plus sexy que Abbot ! ».

C'étaient les derniers mots qu'il avait besoin d'entendre et Charlie avait préféré fuir le dortoir le reste du week-end pour plutôt aller avec Farhan chez Hagrid. Mais même son meilleur ami était d'une piètre utilité : il semblait sur la retenue, incapable de donner son avis sur la situation malgré les sollicitations de Charlie. Et celui-ci ne pouvait s'empêcher de mettre cela en relation avec le fait que c'était lui qui avait contre toute attente retrouver Joséphine endormie dans la serre mercredi dernier. Charlie ne savait pas exactement ce qu'ils s'étaient dits, ce jour-là, ni comment une telle scène avait pu se produire mais la seule chose qu'il avait réussi à arracher à Farhan était que Joséphine préférait être seule. Et cela mettait la volonté de Charlie à rude épreuve. La rupture n'effaçait pas tout : il voulait savoir comment elle allait, ce qu'il avait provoqué chez elle ... Jusqu'à se remettre avec elle ? Sur cette question, Charlie devenait bipolaire. Après avoir laissé Joséphine dans le parc, il avait absolument voulu revenir en arrière, la récupérer et avait fustigé Lauren pour lui avoir mis ces idées dans la tête. Il avait été plus mesuré ce week-end : reprendre pour quoi ? Avait-il réellement trouvé une solution à leurs ennuis ? Y-en avait-il une autre ?

La porte grinça et Charlie crut que c'était Nicholas qui partait mais en réalité il vit émerger du battant la tête fatiguée de Farhan. Il avait son chaudron à la main et Charlie se redressa vivement, aux aguets.

-Alors ?

Farhan fronça les sourcils et posa son chaudron à côté de son lit.

-Alors quoi ?

-Elle a fait quelque chose ? Saboté ta potion ? Réussi à te faire coller ?

Un rire étouffé se fit entendre du côté de Nicholas, qui s'était confortablement allongé dans son lit avec un magazine de Quidditch. Farhan lui jeta un regard noir avant de jeter son sac sur son lit. Charlie le détaillait du regard, à la recherche d'une brûlure ou d'une trace de substance visqueuse.

-Elle n'était pas là.

-Quoi ?

-Elle n'était pas là, répéta Farhan en détachant chaque syllabe. Elle a séché. Ça a dû la frustrer que j'arrive à tout parer hier.

-Je l'ai pas vu en étude des runes non plus, ajouta Nicholas en tournant une page.

-Elle a continué l'étude des runes ? s'étonna Charlie. Mais elle ne rend jamais ses traductions !

-Non, elle passe son temps à parcourir le dictionnaire au fond de la salle et à recopier les plus jolies runes qu'elle trouve. Mais Babbling est vieille : du moment qu'elle ne l'embête pas, elle la laisse faire. Bref, elle a séché aussi.

Charlie poussa un gémissement et se laissa retomber sur son lit, les bras en croix. Il eut juste le temps de capter le regard qu'échangèrent Farhan et Nicholas. Celui-ci releva sa revue de telle sorte à cacher son visage, comme pour s'effacer. C'était un garçon excessivement discret et solitaire dans un dortoir constitué en duo : Farhan et Charlie d'un côté, Brett et Leonard de l'autre. Mais ça ne paraissait pas le déranger : il avait son propre groupe d'ami à Serdaigle et contrairement à Farhan qui s'effaçait face à l'inconnu, il avait un naturel et une socialité qui lui permettait de s'adapter facilement d'un groupe à l'autre.

-Ne me répète pas que tu as fait une bêtise, soupira Farhan en s'asseyant au bout du lit de Charlie.

-Je vais tuer Lauren.

Farhan lui donna un coup dans la jambe pour le faire taire. Ils étaient peu à réellement savoir pour l'homosexualité de la jeune fille : elle restait discrète sur la question sans pour autant de se cacher, mais généralement tous évitaient d'ébruiter la chose. Charlie jeta un coup d'œil à Nicholas retranché derrière son magasine et se redressa pour pouvoir chuchoter :

-N'empêche que si elle ne m'avait pas dit...

-Elle te l'a dit parce que tu es venu chercher les informations, rappela Farhan d'un ton sec. Alors arrête de lui remettre tout sur le dos, ce n'est pas de sa faute si tu as encore du mal avec l'idée d'être asexuel.

-Mais on ne sait même pas si c'est un vrai truc !

-Non, mais je pense que si on se met à douter de ça, on peut aussi douter de la pertinence de l'homosexualité et là c'est Lauren qui va te tuer. Dis-moi si tu comptes lui en parler que je prévoie de me préparer du pop-corn.

Sans pouvoir s'en empêcher, Charlie s'esclaffa et face à ce signe d'hilarité, il vit les épaules de Farhan se détendre. Il replia ses jambes en tailleur et desserra le nœud de sa cravate qui se relâcha sur sa poitrine.

-Non, sans déconner Charles, arrête de ruminer. Hier elle n'avait pas l'air d'aller si mal. En tout cas, elle a mis beaucoup d'application à tenter de viser mon chaudron avec des baies de belladone.

-Mais aujourd'hui elle sèche ...

-Charlie ...

Charlie ne répondit pas au soupir de Farhan, tiraillé. Une semaine plus tôt, il aurait tout fait pour être libéré du poids que représentait Joséphine, que ce soit sur lui, sur les questions qu'ils se posaient à cause d'elle ou les restrictions qui s'imposaient mais la vérité c'était qu'il ne prenait même pas la peine de goûter à cette liberté retrouvée. Le poids de sa petite-amie s'était muée en inquiétude sincère à son égard et pour la centième fois, il se demanda si son passage dans la vie de Joséphine n'avait pas fait plus de dégât que de bienfaits ... Lui qui avait espéré la reconstruire ... Mortifié, il se laissa aller contre ses oreillers, les mains nouées à l'arrière de la tête et son regard tomba sur la lettre de son frère.

-Ah. Tu comptais faire quoi à Pré-au-Lard samedi prochain ?

-Faire un tour, aller aux Trois-Balais ... rien de très excitant, pourquoi ?

-Parce que je vais devoir t'abandonner. Bill vient.

Malgré la grimace initiale qu'avait provoqué l'annonce, Farhan finit par sourire.

-Parfait, ça va te changer les idées. Pas de problème, j'irais avec Tonks.

Dès que le nom de la jeune fille eut passé ses lèvres, Farhan parut comprendre qu'il aurait dû se taire. Car non seulement le visage de Charlie se fendit d'un grand sourire entendu, mais les yeux de Nicholas dépassèrent de son magasine avec un air inquisiteur. Farhan rentra la tête dans les épaules au moment où Charlie s'exclamait, triomphant :

-C'est donc un rancard !

-Non ! Rôh mais c'est pas vrai, qu'est-ce que tu as avec ça ? Je n'ai pas le droit d'être juste ami avec Tonks ?

-Tu n'essaies même pas de faire plus, O'Neil !

Farhan leva les yeux au ciel et se laissa aller contre le pilier du baldaquin derrière lui. Il n'avait pourtant pas l'air particulièrement contrarié, juste ... songeur. Son regard s'était perdu au loin, perçant la fenêtre qui donnait sur les cieux d'un bleu irréaliste compte tenu de la météo que l'Ecosse leur offrait depuis le mois de septembre.

-Tu te trompes, je sais ce que je fais. Tonks et moi, on est fait pour être ami et c'est tout. Plus ce serait ... bizarre. C'est tout, c'est comme ça : tu as des amitiés qui n'ont pas à bifurquer.

La fixité de son regard sur la fenêtre interloqua Charlie et il finit par songer qu'en quelque sorte, c'était une maxime qui s'appliquait à Joséphine et lui. Ils avaient été ami longtemps avant qu'elle ne décide d'accélérer les choses. Et si cette bifurcation avait été l'erreur originelle ? Il l'avait toujours clamé haut et fort : il adorait Joséphine, parler avec elle, rire avec elle, voler avec elle. C'était quand il avait commencé à l'embrasser et la toucher que tout s'était détraqué dans son esprit. Aurait-il été plus sain pour eux d'en rester au stade amical ? Pourquoi tu te poses cette question ? se morigéna-t-il intérieurement. Il est trop tard – beaucoup trop tard. Il se sentait de nouveau sombrer dans la morosité quand la porte de son dortoir s'ouvrit de nouveau. Et cette fois, ce fut une fille qui émergea de l'embrassure, sa queue-de-cheval blond-roux effleurant son épaule alors qu'elle se penchait dans l'ouverture, une main couvrant ses yeux.

-Tout le monde est visible ? demanda Lauren à la volée.

-Tu pourrais demander avant d'entrer, fit remarquer Farhan, vaguement amusé. Vas-y.

Satisfaite, Lauren retira sa main et entra plus franchement dans la pièce. Elle était vêtue de sa robe écarlate de Quidditch et tenait son balai sur l'épaule. Elle écarquilla les yeux en découvrant Charlie avachi sur son lit, toujours en uniforme et pointa son balai par les brindilles sur lui d'un air menaçant.

-Tu n'es pas habillé ?!

-Quoi ? Ma cravate est de travers ? J'ai un trou dans mes chaussettes ?

Farhan étouffa un rire dans une toux mais Lauren plissa les yeux.

-Mais quel Capitaine en carton ! Oh, le rouquin, on a entrainement ! Tu sais, celui que tu as fixé la semaine dernière déjà ! Toute l'équipe est déjà partie sur le terrain !

Charlie se redressa si brusquement qu'il heurta un pilier de son épaule et étouffa un grognement. Il se la massa en dévisageant Lauren et son visage furieux avant de se rappeler brusquement qu'ils étaient mardi et qu'il avait effectivement prévu une séance ce soir et qu'il avait même insisté lourdement auprès de ses frères et d'Angelina qui avaient cours tard d'être à l'heure. Et occupé à se morfondre et à perdre le décompte des jours, ça lui était complétement sorti de l'esprit.

-Et merde ! glapit-il en sortant de son lit.

Il posa son pied sur des livres posés devant son lit, glissa, et se rattrapa in extremis à sa table de nuit. Lauren se frappa bruyamment le front du plat de la paume et Charlie se précipita dans sa salle de bain après avoir récupéré sa robe de Quidditch, pestant contre lui-même. Depuis quand il négligeait ses devoirs de Capitaine ? Il avait fait travailler son équipe d'arrache-pied et plus en septembre ! Polly s'était même endormie en cours tant ils les avaient poussés à bout ! Cette semaine il avait presque passé plus de temps sur un balai que les pieds sur terre. Et maintenant il oubliait un entrainement ? C'était indigne de lui.

Il ressortit toujours énervé de la salle de bain, mais vêtu de sa tenue de Quidditch, à moitié en train d'attacher ses cheveux. Farhan lui tendit son balai qu'il avait déniché dans son placard et Charlie s'en saisit avant de le faire tournoyer avec un flegme qui fit pousser un profond soupir à Lauren.

-Je vais te donner son emploi du temps, tu as plus de tête que lui, lança-t-elle à Farhan avant de suivre Charlie dans les escaliers.

Charlie s'efforça de ne pas la fusiller du regard. Il descendit la volée de marche au pas de course et réajusta le brassard qu'il avait enfilé rapidement en s'habillant. Les élèves dans la Salle Commune levèrent la tête à leur passage et certain sifflèrent et applaudirent. Gêné, Charlie croisa quelques regards brillants, notamment chez les plus jeunes et son estomac se contracta douloureusement. C'était plus de que des étoiles qu'il voyait étinceler dans leur prunelle : c'était un véritable espoir, des centaines de petites attentes, envers lui, envers l'équipe et qui lui pesait sur les épaules comme une chape de plomb. Parfois, il se demandait comment il s'était trouvé dans cette position de star dans sa Maison, à accumuler les fonctions prestigieuses et provoquer cette admiration parmi ses camarades. La plupart du temps, tout coulait sur lui comme de l'eau : il avait fini par s'habituer à l'attention, à passer outre et à rester lui-même. Mais parfois, il la percevait cette attente, des étoiles dans les yeux des autres et le doute revenait.

Charlie fut alors soulagé de quitter la Tour de Gryffondor et de se mettre à descendre les étages de Poudlard. Profitant de l'espace qui s'ouvrait, Lauren se porta à sa hauteur et Charlie se raidit. La poursuiveuse et sa chevelure de feu irlandaise était un cuisant rappel de tout ce qui tournait en lui depuis quelques semaines. Elle n'attendit pas par ailleurs pour le gratifier d'une piqure de rappel :

-Donc ... C'est fini avec Abbot ?

Charlie serra les dents. La rumeur s'était répandue comme une traînée de poudre dans tout le château, facilité par l'humeur passablement exécrable de Joséphine et si beaucoup se contentaient de chuchoter derrière le dos de Charlie, d'autres comme ses camarades de dortoirs n'avaient pas ce tact et se drapaient de bonnes intentions qui cachaient en réalité une viscérale curiosité. Et il ne savait pas à quelle catégorie appartenait Lauren. La jeune fille parut prendre son mutisme pour une confirmation car elle enchaina :

-C'est ... à cause de ce dont on a parlé au bord du lac ?

-Je n'ai pas envie d'en parler, Lauren.

Il avait conscience que son ton était trop froid, mais elle était la dernière personne avec laquelle il avait envie de parler de Joséphine. Quelque part, il lui en voulait de lui avoir embrouillé le cerveau et fait perdre ses repères. Il savait aussi que c'était parfaitement injuste de sa part : ses repères avaient déjà valsé bien avant, dès qu'il avait commencé à expérimenter l'intimité avec Joséphine et qu'il avait compris que cela ne lui apportait rien. Asexualité ... Sur cette question aussi, il était bipolaire. Un jour à rejeter la notion, à vouloir retrouver un semblant de normalité et un autre à l'accepter comme l'unique solution de son absence de sensation. Et là, proche de Lauren et des conséquences de leur discussion, sous les regards étoilés de ses camarades plein s'attente, son esprit fatigué se rangeait à la première option et au rejet. Il accéléra le pas mais Lauren était grande et sportive et n'avait aucune difficulté à se maintenir à sa hauteur.

-Ça ne servait à rien de faire l'autruche, Weasley ... En tout cas si tu lui en as parlé, c'est vraiment très courageux de ta part.

La sollicitude de Lauren lui assécha la bouche. Sincèrement, il avait plutôt l'impression de se conduire comme un lâche, d'avoir abandonné Joséphine et renoncé à son combat. Il se sentait lâche également de se cacher à elle, même si c'était son souhait ... Lauren ajouta avec une certaine douceur :

-Tu veux que je te prenne ton tour de ronde de ce soir ?

-Quoi ? Non, c'est bon. Je ne vais pas abandonner mes devoirs de préfet non plus ...

-Je ne sais pas, tu as bien négligé ceux de Capitaine ... Oh, ça va, calme-toi, lui enjoignit-t-elle quand il poussa un son à mi-chemin entre le grognement et le soupir. C'est la première fois que tu oublies, dédramatise, le monde ne va pas s'arrêter de tourner !

-Pourtant tu avais l'air contrarié ...

-J'ai toujours l'air contrarié, rétorqua Lauren. Je veux qu'on gagne la coupe des Quatre Maisons, Weasley. Marre que les Serpentard la confisque. Je me mets la pression et je pense que toi aussi. Je te dis de dédramatiser mais la vérité c'est que je ne sais pas le faire moi-même.

Charlie lui jeta un regard oblique. Ils venaient d'atteindre le Hall et d'enfin cesser leur descente infernale faite au pas de course et qui avait rendu Lauren légèrement haletante. Elle faisait sauter son balai d'une main à l'autre dans un geste nerveux.

-Mais je comprends qu'on ait besoin de souffler. C'est idiot, mais ... j'ai un peu vécu la situation dans laquelle tu es – la rupture en moins – et je dis juste que tu veux je peux prendre ta ronde et tu ...

-Et je quoi ? Réfléchirais absurdement sur ma vie à m'en démanteler le cerveau ?

Ils étaient entrés dans le parc, presque désert à cette heure où beaucoup filaient dans leur Salle Commune, soit à la bibliothèque. Lauren eut un sourire espiègle.

-Tu le démontes et tu reconstruis après.

Excédé, il s'immobilisa au milieu de la pelouse et fit prestement volte-face pour se retrouver face à Lauren. La jeune fille se retrouva brusquement baignée dans son ombre et eut un mouvement de recul devant le visage fermé de Charlie.

-Arrête ! Je te jure, arrête ! Je ne suis pas comme toi, moi, je ne démonte rien ! Je n'en ai pas l'envie, je n'en ai pas la force et je ne vois même pas l'intérêt ! Par le caleçon de Merlin, tu as conscience de ce que j'ai joué simplement parce que je t'ai fait un peu trop confiance ? J'aurais pu essayer d'arranger les choses et au lieu de ça je t'ai écouté !

Le visage de Lauren se retrouva crispé par la colère. Elle plaqua le manche de son balai sur le torse de Charlie d'un air menaçant.

-Non mais je rêve ! C'est toi qui es venu me chercher, toi qui cherchais des réponses ! Si celles que je t'ai donné ne te vont pas, trouves-en ailleurs, Weasley ! Si tu n'es pas « comme moi » ... Oh mais au juste, c'est quoi être « comme moi » ?!

-Différent !

Il se mordit la langue dès qu'il laissa échapper le mot et il vit l'éclat blessé dans les prunelles de Lauren. Mais dans son esprit, c'était quelqu'un d'autre qu'il avait heurté. « Ne lui dis jamais ça. Parce qu'on dit la même chose des arabes. Ou des Irlandais. Qu'on invente des choses bizarres ». Et alors qu'il se souvenait ce que Farhan lui avait promis s'il entendait pareille chose, sa joue droite se trouva affligée d'une douleur cuisante : Lauren venait de le gifler à toute volée.

-Celle-là, c'est celle que Abbot ne pourra pas te mettre, ragea-t-elle avant d'armer de nouveau sa main. Tu veux sa jumelle ?

-Non ... Non, désolé Lauren ...

Il n'avait pas attendu la gifle pour réaliser la violence de ses propos mais les excuses ne parurent pas calmer sa poursuiveuse qui le fixait toujours, les yeux brillants de dépit.

-Désolé, ça ne marche plus, Weasley ! Et si tu veux mon avis, tu n'as pas attendu d'être asexuel pour que ton histoire foire avec Abbot : c'était bancal dès le départ !

-Je ...

Mais elle appuya plus franchement son balai sur son torse pour l'inciter à se taire.

-O'Neil n'osera rien te dire parce que ce garçon ne sait pas ouvrir la bouche, mais je t'assure que c'est ça. C'était joué d'avance, vous étiez ensemble pour les mauvaises raisons, elle et toi ! Beaucoup pensaient que tu allais « remettre Joséphine dans le droit chemin » mais bon sang ce je riais ! Qu'est-ce que c'est le droit chemin ? Pourquoi elle n'y est pas ? Pourquoi la forcer à prendre un chemin dont elle n'a pas envie ? Pour qu'elle soit plus respectable ? C'est pour ça qu'elle sortait avec toi, Weasley, pour être plus respectable ?

Charlie se dégagea sèchement de son balai pour ne plus se sentir menacer, mais le poids qui s'était abattu sur sa poitrine depuis qu'elle y avait plaqué son manche ne s'envola pas pour autant. Au contraire, il grossissait à chacun des mots de Lauren : elle les assénait avec véhémence et ils avaient la force de la vérité.

-Alors ne viens me mettre ça sur le dos, Weasley ! Que tu sois perdu et en colère, je le conçois mais ne le sois pas contre moi ! Défoule-toi sur le terrain ou sur O'Neil, mais pas sur moi et surtout, poses-toi les bonnes questions !

Elle fit furieusement demi-tour et se mit à dévaler la pente à grands pas furieux, sa queue-de-cheval blondes agitée par le vent. Charlie aurait aimé la rattraper, et à la fois d'excuser de l'avoir ainsi stigmatisée tout en lui assurant qu'elle avait tort sur sa relation avec Joséphine, mais ses cris lui mirent le doute. N'avait-il pas songé dans un premier temps que c'était sa posture avec elle qui clochait ? Et sa mention à Farhan, si présent et surtout si silencieux ... Qu'est-ce que son meilleur ami n'osait pas lui dire ?

Tiraillé et vaguement honteux de la façon dont il avait traité Lauren, il finit par se mettre en marche et à la suivre à distance jusqu'au stade où tous ses joueurs s'échauffaient déjà. Angelina et Polly faisaient quelques passent à terre avec le Souafle quand ses frères faisaient des courses dans le ciel sous l'œil scrupuleux de Dubois. Assise sur un banc à les observer et toujours l'air singulièrement furieux, Lauren évita soigneusement de tourner le regard en direction de Charlie. De toute manière, Olivier s'était précipité vers lui dès qu'il avait posé un orteil dans le stade. Son balai freina à quelques centimètres de Charlie, qui malgré sa connaissance de la grande dextérité de son Gardien, ne put s'empêcher de faire un bond sur le côté.

-Oh t'inquiète, je maîtrise ! lui assura Olivier avec un grand sourire. On s'est déjà tous échauffé – enfin, Fred et George se sont surtout amusés sur leurs balais mais je pense que c'est bien aussi qu'il travaille la vitesse et les virages, ils ont des trajectoires encore trop rectilignes et ...

-On peut y aller ? le coupa Polly.

Elle semblait déjà avoir trop entendu les analyses d'Olivier pour en supporter un mot de plus. Devant son regard plus qu'ennuyé et la mine enthousiaste de son Gardien, Charlie sentit un sincère sourire effleurer ses lèvres. Il jeta un regard de coin à Lauren, toujours assise sur son banc et décida de purger un peu ses doutes, sa colère et sa frustration avant de lui demander pardon. Alors il porta son sifflet à ses lèvres et souffla dedans un grand coup dont le son strident roula dans le stade.

-On y va !

***

Jeudi 18 octobre 1990

Au son strident qui perça les voiles de son sommeil, Joséphine grimaça. A l'aveugle, elle abattit la main sur son réveil avant de rabattre sa couverture sur sa tête. Au chaud, dans l'obscurité rassurante de ses couvertures au parfum de jasmin, Joséphine sentit ses muscles se détendre. Elle avait l'impression d'avoir dormi sur un balai tant elle était crispée. Pendant de délicieuse secondes où son esprit appartenait encore au sommeil, tout fut d'un calme et d'une sérénité déconcertante. Puis peu à peu, les souvenirs émergèrent et à chaque flash, les mains de Joséphine se crispèrent un peu plus sur les draps. Charlie dans le parc, déchiré mais résigné. La pluie qui battait les vitres de la serre de Botanique avec un acharnement aussi fascinant que déroutant. Charlie sur sa table de Sortilège, tendu, lui tournant soigneusement le dos. Sans un regard, sans un mot, comme si Joséphine était invisible derrière lui. Effacée.

Elle poussa un long gémissement qu'elle étouffa en pressant son visage contre l'oreiller. Pourtant, c'était elle qui avait demandé à être invisible. « Je veux être seule » avait-elle assuré à O'Neil devant les portes du château. La brume présente dans le parc à cet instant avait dû s'introduire dans son cerveau : ça avait été une idée stupide. Seule, Joséphine était paralysée par ses pensées. Et elle avait besoin de Charlie. Il faisait parti intégrante de sa vie depuis des mois, des années : tout un pan de son existence venait de s'écrouler en une fraction de seconde.

Il était parfait et tu l'as brisé.

Joséphine resta longuement prostrée dans son lit, à laisser ses pensées lui grignoter lentement le cerveau jusqu'à ce qu'enfin la colère s'attise au creux de son ventre. Il lui avait fait porter toute la responsabilité de ce chaos. Il était venu la voir avec sa « solution », son explication à leurs difficultés des dernières semaines en décrétant que les choses étaient ainsi et qu'elle devait faire avec. Joséphine ne pouvait pas faire avec : est-ce que ça faisait d'elle la méchante dans l'histoire ? Encore une fois ? A la fois furieuse et dépitée, elle se redressa sous sa couette et se prit les cheveux à pleines mains. Il ne peut pas me mettre tout ça sur le dos. Je n'ai rien fait, je n'ai rien fait, je n'ai rien fait ... Elle tentait de s'en persuader, de gommer désespérément tous les doutes qui l'assaillaient depuis plusieurs jours quand elle réalisa subitement qu'elle n'avait jamais mis de réveil, hier. Elle s'était endormie tard dans la nuit, épuisée et à bout de souffle après avoir passé des heures à chercher le sommeil et elle n'avait pas pris la peine de mettre un réveil. Ça faisait trois jours qu'elle vivait entre les rideaux à baldaquins de sa chambre, qu'elle réduisait son univers à cet espace pour pouvoir mieux le contrôler et elle ne comptait pas quitter son refuge de sitôt.

Suspicieuse, elle émergea enfin de ses couvertures et écarta brutalement son rideau, l'arrachant presque de ses anneaux. Assise par terre contre sa table de nuit à lire L'histoire de la magie, Bérénice lui adressa un sourire éclatant.

-Ah ! Je pensais que le réveil n'aurait pas suffi !

-Qu'est-ce que tu fiches ici ?

-Je prends soin de ma grande sœur. Chocolat ?

Elle lui tendit un Chocogrenouille devant lequel Joséphine fronça du nez. Sans se décourager, Bérénice attrapa le réveil de Joséphine et tripota quelques boutons. Sa sœur découvrit avec une froide indifférence qu'il était plus de midi et que la jeune fille loupait vraisemblablement son déjeuner pour elle.

-J'en avais prévu un deuxième, mais inutile de nous percer les tympans une seconde fois. Si tu ne veux pas de chocolat, tu veux peut-être du thé ? Café ? Je crois que Maya cache des biscuits au gingembre dans son armoire ... Elle sait que je n'aime pas ceux à la fleur d'oranger.

-Berry, je ne veux pas de biscuit. Je veux que tu quittes ma chambre et que tu arrêtes de mettre des réveils en douce.

Sa voix restait rauque et basse, marquant qu'elle n'était pas parfaitement éveillée et que sa gorge demeurait serrée, mais la colère et l'agacement parvenait tout à fait à s'infiltrer dans son ton. Pourtant, Bérénice demeura insensible aux mauvaises ondes de sa sœur et tourna négligemment une page de son livre. Elle était en uniforme, impeccable, parfumée d'un léger parfum qui parvenait par effluve à Joséphine. Ses cheveux étaient tirés en une queue-de-cheval haute qui balayait ses épaules dès qu'elle faisait un mouvement.

-Désolée, mais ce n'est pas possible. D'ailleurs tu ferais mieux de te dépêcher de te préparer, Aidan compte venir te voir après manger.

-Je ne veux pas aller à l'entrainement.

Bérénice lui jeta un petit regard exaspéré.

-Ce n'est pas une question d'entrainement. C'était par rapport au vol des premières années, je crois. Bref, il a dit qu'il viendrait te sortir du lit, j'ai préféré prendre les devants pour le faire en douceur.

-C'était ça la douceur ? grogna Joséphine.

Elle bascula ses jambes hors du lit. Les cours de vol des premières années. C'était son idée et elle lui était complétement sortie de l'esprit. Repérer tôt pour ne pas être pris au dépourvu l'année prochaine. Repérer celle qui lui succéderait au poste d'Attrapeur. Le livre de Bérénice se ferma dans un bruit sourd.

-Je crois qu'Aidan envisageait d'ensorceler tes couvertures pour sortir du lit...

-Très bien, soupira Joséphine en se laissant retomber dans ses draps. A ses risques et périls.

Elle ferma les yeux et massa ses tempes douloureuses. Midi ? Elle avait donc dormi six heures ... C'était beaucoup trop peu pour son cerveau en surrégime. Elle sentit avec agacement son matelas s'affaisser non loin d'elle et le parfum floral de sa sœur se faire plus présent. L'odeur qui était très vaguement familière.

-Jo, il faut que tu sortes de cette chambre. Je t'ai laissé te remettre pendant deux jours mais là ... Ce n'est même pas pour aller en cours, je ne te demande même pas ça. Juste de sortir.

Je te demande. Joséphine pressa les paupières, intérieurement bouillonnante. Je t'ai laissé ...

-Tu te penses le droit de régir ma vie, Berry ?

Il y avait des éclats furieux dans sa voix qu'elle ne chercha même pas à endiguer. S'il y avait bien une chose que Joséphine détestait, c'était qu'il y ait la moindre ingérence dans sa vie et Bérénice le savait pour avoir subi comme elle les pressions parentales. Sauf que miss Parfaite y répondait parfaitement quand face aux exigences, Joséphine avait fini par perdre pied. Depuis qu'elle s'était défaite des attentes, elle réagissait à chaque ordre avec un frisson de dégoût.

-Mais non, protesta Bérénice, outrée. Je veux juste dire que je t'ai laissé tranquille ... mais un jour, il faut bien quelqu'un pour te secouer ...

-Et qui de mieux que Sainte-Bérénice pour secouer la loque qu'est devenu Joséphine ? ironisa-t-elle.

Elle ouvrit un œil pour voir sa sœur la fusiller du regard, chose qu'elle lui rendait bien. Elle aurait dû prévenir également Bérénice qu'elle allait être injustement de mauvaise humeur avec elle, comme elle avait prévenu Farhan. Mais elle n'avait aucune envie de préserver sa sœur et son comportement d'aujourd'hui la confortait dans son choix. Je t'ai laissé ... Bérénice semblait malgré tout blessée par le ton acide de Joséphine.

-Désolée, mais il faut bien une sainte dans l'histoire, rétorqua-t-elle fermement. Tu imagines si on était toutes les trois comme toi ?

-Sauf que c'est tout, sauf naturelle, ce que tu es ! Tu t'enfermes dans un rôle, Berry ! Merlin, tu as vu comment je suis infecte ? Comment tu fais pour rester avec moi, pour « prendre soin de moi » ? Je préfère penser que c'est juste pour te délecter de ma déchéance : c'est petit mais au moins ça prouverait que tu es humaine. Pas parfaite. La perfection, ça n'existe pas. C'est une négation de l'humain.

Les iris de Bérénice flamboyèrent et après une seconde de battement où Joséphine crut sincèrement que sa sœur allait se jeter à sa gorge, elle finit par s'arracher à son lit et donner un coup de pied dans la table de nuit qui fit valser le réveil sur le sol.

-Mais laisse-moi être parfaite, Jo ! Je suis la dernière, c'est ma seule façon d'exister : vous surpasser ! Ophélia se marie, tu te rebelles, il ne me reste qu'un rôle : la perfection. Vous ne m'avez pas laissé le choix !

Bérénice passa une main dans ses cheveux qui décoiffa les mèches impeccablement avant que ses doigts n'enserrent la base de sa queue-de-cheval. Elle prit une grande inspiration qui décrispa ses traits avant de poursuivre d'une voix plus calme :

-Ecoute, Jo. Je sais que papa te disait d'être parfaite et qu'à force de ne pas y arriver tu as baissé les bras mais ... Tu as tort, la perfection, ça existe. On a tous notre forme de perfection. Tu l'es en un sens, parfaite. Parfaite pour quelqu'un et surtout parfaite pour toi-même. Alors ne me demande pas comment : comme tu l'as souligné tu es actuellement infecte et j'ai plus envie de t'enfoncer ton oreiller dans la gorge. Alors je vais faire appel à ma perfection qui m'est propre et qui est loin d'être une perfection universelle pour (Elle soupira profondément et exécuta une petite révérence) laisser couler et me rappeler que tu vis un moment difficile. Maintenant, je vais déjeuner et toi, essaie de prendre ton balai.

Malgré les exercices de respiration et sa volonté manifeste, elle paraissait toujours raide et furieuse : elle shoota dans le réveil avant de s'en aller sans un regard pour sa sœur qui s'était redressé sur ses coudes, le regard planté sur elle qui la suivit jusqu'à ce qu'elle disparaisse dans l'escalier. Et alors qu'il lui semblait entendre les échos d'un cri de rage, Joséphine sourit. Réellement, c'était agréable de constater que Bérénice n'était pas parfaite, une caricature d'elle-même. Et surtout, de l'entendre admettre que cette carapace était bien un rôle qu'elle jouait, le seul costume que lui avait laissé ses sœurs ainées. Mais combien de temps encore avant que le masque ne tombe et que les voiles se déchirent ?

Ragaillardie par sa dispute avec sa sœur, Joséphine consentit à enfin poser ses pieds sur le parquet qui tapissait le sol de son dortoir. La pièce munie de six lits à baldaquins aux rideaux d'un velours bleu était impeccablement rangée : Elisa détestait le désordre, au point de parfois elle-même nettoyer les parties de ses camarades. Un jour, Gabriella avait sans le faire exprès renverser son vernis à ongle sur ce même parquet et la préfète était entrée dans une rage folle. Comment Aidan faisait pour supporter cette harpie ? La mention de son Capitaine força Joséphine à s'activer. Aidan McColley était l'un des rares membres de sa Maison à avoir continué de lui laisser sa chance et elle était sensible à cet effort. Avec ses retards et sa négligence, beaucoup l'auraient viré de l'équipe depuis longtemps, mais Aidan avait persisté à vouloir la garder. Il comprenait, disait-il, l'importance du sport dans une vie tourmentée. Alors quand il frappa dix minutes plus tard sur le panneau de bois pour annoncer sa présence, Joséphine était prête, occupée à lacer ses bottines sur ses tibias. Aidan haussa les sourcils.

-Je m'attendais à devoir te trainer du lit ...

-Berry t'a devancé ... Pas si vite, beau gosse (Elle pointa son balai sur Aidan qui avait fait un pas dans la chambre). Je suis célibataire, maintenant. Si ta copine apprend que tu t'es retrouvé seul dans cette chambre avec moi, ça va barder pour ton joli cul.

-Ravi d'apprendre que mon cul est à ton goût.

La touche de moquerie dans la voix d'Aidan arracha un sourire à Joséphine. C'était pour cette auto-dérision, cette façon de toujours prendre la vie de haut, avec légèreté, que la jeune fille avait toujours plutôt apprécié son Capitaine. Il resta sagement dans l'encadrement de la porte à laquelle il s'adossa, un petit sourire aux lèvres, la cape jetée négligemment sur son épaule.

-T'as l'air plutôt en forme.

Joséphine leva les yeux au ciel. Pour s'être vue dans le miroir, elle savait qu'elle avait une mine affreuse que l'anticerne et le fond de teint n'avaient pas suffi à masquer. Elle se concentra sur ses lacets et fit un nœud de trop qu'elle serra beaucoup trop fort comme si la gorge de Charlie se trouvait entre les fils.

-C'est mal de mentir, McColley. On y va ?

Aidan parut hésiter sur le pas de la porte et Joséphine le lorgna, interloquée et bientôt vite agacée par la compassion manifeste qui brillait dans les yeux de son Capitaine. Ce qu'il renvoyait d'elle, qui faisait échos aux mots de Bérénice. Je prends soin de ma grande sœur. Depuis quand était-elle devenue une petite chose fragile qu'il bordait et qu'on contemplait avec pitié ? Ce regard lui hérissa l'échine et elle se leva d'un bond, bouillonnante mais déterminée.

-Bouge-toi un peu, McColley. Tu vas devenir une statue à rester statique comme ça...

Aidan parut surpris par son énergie soudaine mais lui emboita le pas. Leur Salle Commune était déserte, hantée uniquement par le chat noir de Maya Tabet qui jouait avec une plume abandonnée sur une table. Joséphine ralentit en le remarquant et vit presque la silhouette de la jeune fille se dessiner aux côtés de l'animal, son sourire, ses traits si semblables à ceux de Farhan. Son hypothèse se fraya un chemin laborieux dans son esprit encore embrumé par le sommeil et la douleur sourde. Ce n'était pas la première fois qu'elle y resongeait, mais chaque fois Farhan amenait forcément Charlie dans son esprit. Dès que son visage s'imprima dans les rouages de son cerveau, Joséphine serra les poings et allongea le pas, comme pour fuir les images qui la hantait.

Ce n'est pas ta faute, tu n'as rien fait. C'est lui qui l'a décidé. Lui, pas toi. Tu n'as rien fait.

Malgré tout, elle ne parvenait pas à se défaire de ses réflexions, des mots de Charlie, des émotions diffuses qui bouillonnaient au creux de son ventre. Alors qu'elle se retrouvait au milieu de la foule d'élève et qu'elle apercevait un morceau de ciel bleu balayé par les vents à travers la fenêtre, elle regrettait soudainement d'être descendue. Elle détestait être seule au milieu d'une foule : tous les regards, sourire ou paroles aimables étaient adressé à Aidan. Elle n'était que l'ombre silencieuse qui s'accrochait à ses pas. Avec un pincement douloureux au cœur, Joséphine réalisa que la configuration n'avait pas forcément était différente avec Charlie. Alors cette rupture, c'était pour un bien ? Cesser de rester l'ombre, redevenir elle-même en pleine lumière ? Sans pouvoir s'en empêcher, elle se prit la tête entre les mains et poussa un grognement de frustration dans ses paumes. Quelques pas devant elle, Aidan ne remarqua rien, mais attendit que la foule s'égraine et qu'ils atteignent le parc pour lancer avec douceur :

-Je pense que ça va te faire du bien de sortir ...

-McColley ? le coupa Joséphine. Je n'ai pas envie, mais alors pas la moindre envie d'en parler. On va voir les premières années voler pour que je sois certaine que vous ne profiterez pas de mon absence pour remettre un gars dans l'équipe. Après je retourne dans mon lit.

Aidan grimaça et Joséphine roula les yeux au ciel devant sa réaction. Qu'on la laisse être une larve, ça lui évitait d'être un ouragan. Si elle se nourrissait de l'extérieur, de ses tensions et de tout ce que ça amenait dans son esprit, tout exploserait en elle. Elle fut soulagée d'atteindre enfin le terrain de Quidditch pour que son cerveau se fixe sur quelque chose : les silhouettes volantes dans le ciel, en uniforme et de façon chaotique sous les cris de Madame Bibine. De loin, Joséphine avait le plus grand mal à reconnaître les différentes Maisons mais Aidan avait apporté des jumelles qu'il vissa immédiatement sur ses yeux. A la lueur pâle du soleil automnal, ses cheveux perdaient toutes leur rousseur et leur éclat et le vent ébouriffait leur coiffure impeccable. Il ne portait qu'un polo au-dessus de sa chemise et Joséphine ignorait comment il faisait pour tenir par ce froid qui nécessitait qu'elle s'emmitoufle dans sa cape, la capuche rabattue sur sa tête pour la protéger du vent.

-Bon, si tu ne veux pas en parler ... Concentrons-nous sur la mission. Et désolé de te décevoir, mais je refuse de ne m'intéresser qu'aux filles au seul motif qu'elles sont des filles. Je sais que tu souffres d'être la seule dans le groupe, Jo, mais si toutes les filles sont nulles je ne vais pas forcer pour les intégrer.

-Les filles sont nulles parce qu'elles ont intégré que le sport n'était pas fait pour elle, que c'était pour les garçons. Regarde, certaines volent en jupe. Comment tu veux te sentir à l'aise en volant en jupe ?

Les jumelles d'Aidan s'inclinèrent vers la fille que Joséphine pointait d'un doigt, une fillette blonde qui tenait son balai que d'une main, l'autre étant occupée à maintenir les pans de sa jupe sur ses cuisses. Elles étaient peu à avoir gardé leur uniforme au complet : certaines avaient anticipé et enfiler un jogging mais Joséphine sentait qu'elles lorgnaient leurs homologues masculins avec envie. Ils étaient plus à l'aise, dut admettre Joséphine, amère. Evidemment : les parents étaient plus facilement enclins à mettre leur garçon sur des balais plutôt que de risquer de blesser leurs petites princesses. Beaucoup d'entre eux devaient avoir les bases du vol quand les jeunes filles avaient eu leurs ailes coupées.

-Ce n'est pas très malin, admit Aidan avant de tendre les jumelles à Joséphine. Regarde le petit blond à gauche, il est habile, non ?

Joséphine attrapa les jumelles de mauvaise grâce et les braqua sur le garçon que désignait Aidan. Elle reconnut l'écusson de Serdaigle sur sa poitrine. Il manipulait son balai avec assurance, ses virages étaient précis mais très vite elle douta de sa capacité à jouer au Quidditch : il perdait toute sa confiance dès qu'il se trouvait dans une situation délicate. Elle secoua la tête, les jumelles toujours vissées aux yeux.

-Non, trop fébrile. Attends, elle vole bien elle ... Oh non, c'est une Gryffondor.

Aidan s'esclaffa devant le grognement de Joséphine qui suivit. C'était dommage : de tous les élèves, elle était sans doute celle qui volait le mieux, dans lequel la jeune fille décelait le plus de potentiel d'un seul coup d'œil. Elle repéra les filles de Serdaigle assez difficilement et dût difficilement se rendre à l'évidence : aucune n'avait le don de la Gryffondor. Elles étaient toutes soit gauche, soit en jupe (ce qui ne démontrait pas d'un grand sens de discernement), soit timorées dans leurs mouvements. Par Merlin, elle allait missionner Bérénice pour qu'elle leur apprenne que ce n'était parce qu'elles étaient des filles qu'elles ne pouvaient pas être libre de leur mouvement, de leur vitesse, de leur destiné. C'était réellement le Quidditch qui avait fait prendre conscience de cela à Joséphine, quand elle avait été prise en Attrapeur durant sa troisième année. Très soudainement, alors que rien ne le présageait, qu'elle n'avait jamais rien demandé, le champ des possibles s'était trouvé décuplé.

Après quelques minutes de longue observation, Joséphine finit par en trouver une qui sortait du lot. Elle était moins à son aise que certains garçons, moins souple dans sa position mais contrairement à beaucoup elle regardait droit devant elle et non le sol comme les peureux ou le ciel comme les curieux. Elle était concentrée, appliquée sur ses mouvements et Joséphine avait l'impression qu'elle s'améliorait de virage en virage. Intriguée, elle tendit les jumelles à Aidan.

-La brunette près des buts, tu en penses quoi ?

Désabusé mais résigné, Aidan saisit les lunettes pour les braquer sur la jeune fille qui s'amusait à présent à voler entre les poteaux de buts, comme si elle avait compris que ces mouvements pouvaient la faire progresser. Les lèvres d'Aidan se tordirent.

-C'est pas mal mais ... Limité ...

-Ce n'est que la deuxième fois qu'elle monte sur un balai.

-Mais ...

Il s'interrompit quand la jeune fille descendit brutalement en piqué avant de remonter en vitesse jusqu'à atteindre l'anneau gauche qu'elle traversa avec un éclat de rire qui se répercuta sur le stade. Un léger sourire effleura les lèvres d'Aidan et il décolla les jumelles de ses yeux. Ce faisant, il croisa le petit sourire satisfait de Joséphine qui savait pertinemment ce qu'il avait lu dans le geste.

-OK, elle est téméraire, elle ose, admit-t-il. Et c'est exactement pour cette raison que Tybalt t'avait pris alors tu ne valais pas un clou en vol.

-Sympa ...

-Jo, c'est la vérité : tu n'étais pas la meilleure en vol, loin de là. Tu avais juste un meilleur balai que les autres, que tu étais instinctive et que tu osais. Et l'Attrapeur, c'est le poste qui demande le plus d'initiative.

Joséphine darda un regard furieux sur la jeune fille qui continuait de voler autour des poteaux en essayant visiblement d'améliorer chacune de ses trajectoires. La plupart volaient en ordre chaotique dans le stade, simplement pour voler, simplement pour crâner mais elle s'entrainait.

-D'ailleurs, poursuivit Aidan avec douceur. On a un entrainement après-demain soir. Et euh ...

-Je ne suis pas venue aux deux derniers, je sais, soupira Joséphine avant de lui arracher les jumelles des mains. Désolée, mais honnêtement ma présence aurait été préjudiciable pour le bon déroulé de la séance ...

Littéralement. A la fois furieuse et désespérée, elle savait qu'elle aurait été également troublée de retrouver l'élément qui l'avait sans doute le plus rapprocher de Charlie. Déjà debout à observer ces enfants de onze ans, à voir passer dans son champs réduit au cercle des jumelles des écussons de Gryffondor, des tâches de rousseurs, des mines enthousiastes, elle se sentait chavirer. Ça lui rappelait le manque cruel dont elle souffrait autant que ce la ravivait la colère et la douleur.

-Peut-être, poursuivit Aidan avec prudence. Mais il faut que tu reviennes et que tu remontes sur un balai, Jo. Le match est dans un mois, il faut qu'on soit prêt. Si on veut avoir la moindre petite chance de remporter la coupe, il faut qu'on écrase Poufsouffle. C'est la plus faible de nos trois adversaires ...

Je me fiche de remporter la coupe, faillit répondre Joséphine d'un ton sec. Elle se fichait pertinemment de la compétition que se livraient les quatre Maisons, de cette lutte qui apportait plus de pression et d'aigreur qu'autre chose. Ce qu'elle attendait du sport c'était de la liberté et un moyen d'expression. Gagner, c'était secondaire. Aidan paraissait lire tout cela dans son silence et finit par s'agacer :

-Jo, les gens commencent à en avoir assez. Ce n'est peut-être pas important pour toi, mais ça l'est pour nous, pour l'ensemble des Serdaigle. Alors si tu ne veux pas y mettre du tiens ...

-... Tu me vires de l'équipe, c'est ça ?

Aidan soupira et Joséphine le sentit faire quelques pas de côté. Elle gardait elle les jumelles vissées à ses yeux mais ne regardait plus rien. Les mots avaient provoqué un roulement de tambour, sourd et puissant dans sa poitrine.

-Ecoute, je ne veux pas te menacer, te mettre la pression. Je sais que ce que tu vis est difficile et que tu es une très bonne attrapeuse. Même si tu n'as pas les mêmes aspirations que nous, je sais que tu donnerais toujours le meilleur de toi-même pour trouver le Vif d'or le jour venu ...

Lentement, Joséphine baissa les jumelles et observa Aidan de coin. Il fixait les premières année, les lèvres pincées, visiblement tiraillé. Ses cheveux blonds-roux étaient plaqués contre ses tempes et son regard vert étincelait d'une lueur déterminée qu'elle avait souvent vu dans ceux de Charlie.

-Donc quoi ? insista-t-elle.

-Donc je n'ai pas envie de te virer et je ne pense pas que tu le mérites. Mais il faut que tu viennes à l'entrainement après-demain. Pour nous mais aussi pour toi. Ça va te faire du bien de voler dans tous les sens et te concentrer sur une balle plutôt que sur Weasley.

-Qui te dit que je me concentre sur lui ?

Aidan lui jeta un regard entendu et Joséphine roula des yeux avant de plonger son regard à travers les jumelles. C'était d'une telle évidence, elle n'avait pas d'énergie à perdre à prétendre le contraire. Et en réalité, elle n'avait pas la moindre envie d'en parler et souhaitait macérer sa rage en paix.

-Très bien. Mais je veux qu'on envisage de faire passer un essai à cette petite.

-Accordé. Si on fait la même chose pour le blond.

-C'est toi le Capitaine.

Sa voix devait être un peu froide car Aidan soupira une nouvelle fois. Il mit une main sur l'épaule de Joséphine qui se crispa à en enfoncer les jumelles dans ses orbites.

-Tu es sûre que tu ne veux pas en parler ?

Alors là, certainement pas. C'était bien la seule chose dont Joséphine était certaine : ne parler de sa conversation avec Charlie à personne. Beaucoup de gens s'interrogeaient et elle entendait les rumeurs qu'alimentaient son silence. C'était Charlie qui l'avait quitté pour Lauren – non, il l'avait quitté à cause des crises à répétition de Joséphine – non, c'était Joséphine qui l'avait laissé froidement tomber ... Elle avait tout entendu, mais préférait laisser Poudlard se faire sa propre version de leur rupture plutôt qu'ils apprennent la vérité. Chaque fois qu'elle resongeait à tout ce que Charlie avait pu lui dire sur lui-même, elle ressentait un mélange d'humiliation et de mortification. L'asexualité de son désormais ex-petit-ami continuait de retourner son cerveau. Pourtant, elle devait être l'une des personnes les plus ouverte sur la question dans cette foutue école. Mais voilà qu'à présent, ça la touchait, la concernait. Elle n'avait pas envie de comprendre, d'être ouverte : elle était juste blessée par ce que Charlie avait sous-entendu. Elle ne l'avait jamais attirée. Jamais. Il avait sans doute dû être dégoûtée par chacun de leurs contacts. Leur première fois avait dû être un supplice qu'elle lui avait infligé comme un bourreau. Elle avait envie de rentrer sous terre dans les réflexions l'humiliaient et lui donnaient envie d'hurler. Non seulement ça la faisait douter sur sa désirabilité, mais en plus ça démontait toute l'idée qu'elle avait pu avoir de leur relation. Parfois, elle se refaisait le fil de leurs moments et se retrouvait à pleurer et à retenir ses cris. A présent, tout prenait un sens différent. A présent, tout prenait un goût de cendre.

-Je serais là à l'entrainement.

-Jo ...

Mais elle lui flanqua les jumelles contre le torse et tourna résolument le dos au terrain pour s'éloigner en direction du château. Son quota de calme et d'amabilité était écoulé : elle se sentait bouillir à l'intérieur et ses tourments se faisaient de plus en plus sentir dans sa voix, ses gestes, le voile de larme qui venait inopinément couvrir son regard. Il était temps qu'elle retourne dans sa Tour, qu'elle dessine des phrases furieuses dans son journal à en percer le papier et qu'elle profite que ses camarades soient absente pour vider son placard de chacun de ses vêtements et les disperser dans toute la pièce. C'était le meilleur moyen qu'elle avait trouvé de se défouler.

Elle traversait le parc à grand pas, emmitouflée dans sa cape comme un fantôme, quand une nouvelle vision vint lui mettre un coup au cœur. Près des serres de Botanique, Farhan O'Neil tenait étrangement un télescope dans les mains, un sourire aux lèvres. Machinalement, le regard de Joséphine chercha Charlie avant de constater avec un mélange de soulagement et de déception qu'il n'était cette fois pas accroché aux pas de son meilleur ami. Elle s'apprêtait à passer son chemin, les entrailles nouées quand elle remarqua qui Farhan cachait vu de cet angle. Et avec son hijab et son sourire rayonnant, Maya Tabet était reconnaissable entre mille.

Joséphine ne se rendit même pas compte qu'elle s'immobilisait et qu'elle les dévisageait ouvertement. Merlin ce qu'ils se ressemblaient, réalisa-t-elle une nouvelle fois, frappée par l'impression. Les cheveux noirs de Farhan ondulaient au lieu de boucler et les yeux de Maya étaient une teinte plus claire mais là s'arrêtaient les différences. Elle ne savait même pas qu'ils s'étaient mis à parler depuis cette rencontre aux essais de Gryffondor ... Comment pouvaient-ils rester l'un en face de l'autre ainsi sans remarquer l'évidence ? Peut-être que l'un avait observé la ressemblance sans en faire part à l'autre ? Sans doute Farhan. Lui ne savait pas que Maya avait été adoptée comme lui, à la même époque que lui.

Mais Joséphine, elle, savait. Comme Bérénice, mais Bérénice ne ferait rien par peur de faire du mal. Elle avait voulu suivre sa sœur. Mais sa sœur était trop lente, Maya trop butée, trop aveugle. Farhan trop timide. C'était évident de là où Joséphine se plaçait : rien ne bougerait. Tout resterait enfoui et la vérité également. Inacceptable.

Là encore, elle ne réalisa pas tout de suite qu'elle se remettait en mouvement, et ce ne fut qu'en voyait leurs silhouettes se rapprocher qu'elle comprit qu'elle avançait droit sur eux, animé par un mélange étrange de curiosité, de soif de savoir, mais aussi de fuite en avant. Pour la première fois, elle n'avait pas songé à Charlie en regardant Farhan. Juste au mystère qu'il renfermait. Maya la vit la première et écarquilla les yeux en la reconnaissant.

-Jo ?

Farhan parut se figer et se tourna vers elle avant un temps de retard, pris au dépourvu. Ils se retrouvèrent tous les deux à la contempler, stupéfaits, comme si Joséphine était une inquiétante apparition qui les fascinait autant qu'elle les terrifiait. La jeune fille décida de passer outre en étudiant de nouveau leurs traits, leur complémentarité. Et une nouvelle fois, son corps alla beaucoup plus vite que son esprit :

-Il faut que vous consultiez vos dossiers d'adoption. 

***

*se prépare pour le déchainement de violence et d'incompréhension sur Joséphine* 

Et vous avez raison, clairement ce n'est pas bien ce qu'elle fait. Je dirais même que c'est abusé. Mais Jo aime mettre des coups de pieds dans la fourmilière - et celle-ci avait besoin d'un sacré coup de pied. 

J'espère que le chapitre vous aura tout de même plu ! N'hésitez pas à me faire part de vos impressions :) 

 A la semaine prochaine pour O&P ! <3 

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