2084 - Métro de Paris.
— Raconte nous le monde d'avant, tatie ! S'il-te-plaît !
Je suis d'abord tentée de dire non comme je l'ai toujours fait. C'est douloureux de se souvenir, d'y repenser. Ça laisse un goût amer dans la bouche, parce que tout est perdu. Mais quand je vois ces pauvres gosses devant moi, serrés autour du feu, je change d'avis. Pourquoi ? Je ne sais pas vraiment. J'ai peur de leur insuffler un espoir désespéré. J'ai peur de les décevoir. Je repense à avant, quand moi j'étais jeune et encore innocente, comme eux. Est-ce que je n'aurais pas préféré qu'on me prévienne ? Qu'on m'annonce en pur et dur ce qu'il allait arriver ? Et encore, je me voile la face. Les scientifiques s'étaient évertués à nous alerter. Mais on les avait ignorés, on pensait que ce serait lointain.
Égoistes !
Et qu'en serait-il de nos enfants ? On s'en fichait. Alors quand c'est arrivé, personne n'a vraiment compris. Ça avait été la débandade vers tout ce qui était souterrain. Métro, laboratoires, mines, catacombes... Tout pouvait servir de refuge. Combien étaient morts pendant cette semaine-là ? Peut-être plus de la moitié de la population européenne, les trois quarts de l'Amérique du Nord... L'Asie, devenue un désert toxique, n'avait laissé que quelques centaines de survivants, traumatisés par ce qu'ils avaient vu. La plupart étaient morts ensuite de toute façon, tués par les radiations. Seule l'Afrique subsaharienne et l'Amérique extrême Sud n'avaient subi que peu de dégâts. À la fin de la Semaine Nucléaire, la population de la planète y était concentrée. La plupart des gens y avaient émigré, faisant ainsi de l'Afrique la première et seule puissance mondiale.
Futile et inutile !
Pas de concurrence, presque plus de population, aucun autre acteur économique au niveau planétaire... Pendant vingt ans, un chaos total régnait sur cette partie du globe. Et puis évidemment, un homme plus ambitieux que les autres s'était hissé au sommet de cette pyramide instable, avait remis de l'ordre à grand renfort d'assassinats. Ensuite, il s'était installé dans son confort et s'était proclamé guide.
Inconscient !
C'était l'un des NAG, les Natifs d'Après Guerre ceux qui ne se souvenaient que du nouveau monde. Il avait dû connaître un Ancien comme moi qu'il avait pu tuer ou emprisonner. Et avec les connaissances de cet Ancien, il avait promis un monde meilleur.
Balivernes !
Quand la nouvelle m'était parvenue, j'avais frissonné d'horreur. Je ne me berçais déjà plus d'illusions, l'Humanité n'allait pas se relever de cette catastrophe-là.
Je rouvre les yeux. Les enfants attendent ma réponse qui tarde bien trop à leur goût. J'envie leur insouciance ! Quand je les vois comme ça, serrés les uns contre les autres autour du grand feu, je prends ma décision. Ce sont tous des enfants du Cercle, la micro-communauté réfugiée sous Paris. Ils sont tous NAG et ne savent rien du monde d'avant. Pas plus que de celui d'aujourd'hui d'ailleurs. C'est mon rôle, comme c'était celui de tous les Anciens avant moi. Je suis la seule, la dernière et c'est le dernier jour, il n'y en aura pas d'autres. Alors je me lance.
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