♪ : Lover - Taylor Swift

Septembre 2017

Même après un (presque) an d'amitié, ou du moins ce que je pensais être de l'amitié, j'avais finalement eu un déclic.

Taehyung ne connaissait que vaguement ma mère qu'il croisait parfois au restaurant ou lorsqu'il m'aidait à fermer, mais jamais encore je n'avais eu le réel plaisir de lui faire rencontrer ma famille.

J'avais pensé que cela aurait pu être délicat, après tout ce qu'il m'avait raconté. J'avais eu peur de lui donner de nouvelles raisons de regretter ce qu'il n'avait pas connu, mais Jimin avait fini par me convaincre que ça ne pouvait qu'être bénéfique, autant pour lui que pour moi.

J'étais très proche de ma mère et cette dernière me posait toujours beaucoup de questions sur mon aîné. Elle ne cessait de dire qu'il était très beau et surtout qu'il avait apporté une vague de renouveau à ma personne, qui m'avait rendu plus vivant.

Alors, j'avais eu l'idée de l'inviter à notre repas habituel que nous organisions toujours après mon anniversaire, afin de marquer le coup. Cela avait été instauré par mes grands-parents bien avant qu'ils ne décèdent, une occasion de se retrouver tous ensemble, utilisant cet argument comme une excuse parfaite.

Pour rendre la chose moins gênante, j'avais d'abord invité Jimin et Hayun qui avait déjà pu rencontrer nos mères de façon assez informelle. Cela dit, elle s'était facilement intégrée à notre grande famille, trouvant même un réel repère.

Bo-yun, la mère de Jimin, l'adorait. Comme elle n'avait toujours qu'un fils, elle avait trouvé en Hayun une sorte de rêve de gamine et la chouchoutait comme sa propre fille. Ma mère, elle, se considérait presque comme sa tante et ne manquait jamais de lui servir ses meilleurs plats lorsqu'on se rendait au restaurant pour travailler ensemble.

Hayun avait alors été ma meilleure arme pour convaincre Taehyung de passer ce repas chez nous. Cela n'avait pas été si facile, puisque ce dernier s'était souvent défilé, et même ses amis lui avaient remis les pendules à l'heure, lui rappelant que ce n'était qu'un repas chez les parents de son "meilleur ami".

Je n'avais pas spécialement relevé les paroles de Yoongi, mais j'avais presque eu mal au coeur d'entendre que Taehyung pouvait me voir juste comme son ami, même si l'appellation du "meilleur ami" me rendait plus spécial, car pour moi, il était tellement plus que ça...

Le jour même du repas, j'avais passé la journée à tourner en rond de peur de ne pas le voir arriver ou bien de recevoir un message me disant qu'il préférait annuler, mais à ma plus grande surprise, il était venu, en avance, aux côtés de Hayun qui avait filé dans la cuisine de ma mère pour l'aider.

Comme à son habitude, Jimin était déjà au salon avec ma soeur et mon père en pleine partie de godori.

– Salut Kook, me dit Taehyung en plongeant ses yeux dans les miens.

Je lui avais dit de ne pas en faire des caisses et d'être lui-même, mais il fallait avouer que le voir dans cette tenue un peu plus chic et décontractée à la fois le rendait encore plus mature qu'il ne l'était déjà. Il avait mis ses jeans amples ou à trous et ses pulls de côtés pour un jean un peu plus serré muni d'une jolie ceinture qui attirait le regard sur une belle chemise beige à boutons noirs.

Je le regardais un peu surpris avant de le voir me faire la grimace, se demandant certainement pourquoi je l'observais autant avant de lui faire signe d'entrer. Cordial, il avait d'abord retiré ses chaussures puis s'était légèrement abaissé pour me remercier.

Il avait vite pris ses marques.

Notre maison n'était pas un palace, ni même très luxueuse mais je l'aimais beaucoup pour tout ce qu'elle pouvait dégager. Comme pour le restaurant, les personnes qui mettaient un pied dans notre foyer étaient toujours ravis et s'y sentaient comme chez eux, appréciant la légère décoration de ma mère et les touches traditionnelles de mon père.

Cette ambiance chaleureuse avait le don de réchauffer les cœurs, et on pouvait, sans même les voir, ressentir les forces des liens qui unissait les membres de ma famille. Derrière Taehyung qui se dirigeait dans le salon, je fixais son dos en me demandant si lui aussi pouvait ressentir toutes ces choses ou bien s'il ne se sentait pas à sa place, comme il avait pu de nombreuses fois en faire l'expérience.

Ma sœur venait tout juste de hurler sa victoire quand nous arrivâmes devant eux. Mon père la reprit un instant d'un mauvais regard avant de se lever pour saluer notre dernier invité.

– Jiwoo, tiens toi un peu tu veux, nous avons des invités, lui fit-il remarquer sur un ton plutôt doux avant de reporter son attention sur mon aîné. Bonsoir, tu dois être Taehyung, le grand frère de notre petite Hayun, pas vrai ?

– Bonsoir Monsieur Jeon, le salua Taehyung en se courbant. Je suis enchanté de vous rencontrer et je vous remercie de nous ouvrir les portes de votre maison à ma sœur et moi.

– Voyons, mon garçon...lui dit mon père en l'aidant à se relever. Pas besoin de tant de cérémonie, tu risques d'avoir aussi mal au dos que moi, tu es encore jeune. C'est un plaisir de vous voir ici.

Mon père lui accorda un généreux sourire avant de s'excuser de devoir finir de préparer la table, nous laissant avec ma petite sœur qui, même âgée de quatorze ans, n'avait pas sa langue dans sa poche.

– C'est toi le Hyung super beau de Kookie ?

– Kookie ? répéta mon aîné, sans même faire attention à la prétention de ma sœur qui le fit plutôt rougir.

– Hm hm mais oui, de Jungkook !

– Je n'avais même pas pensé à ce surnom...

– Tu l'appelles comment toi, Oppa ?

Une nouvelle fois, ma soeur me laissa sans voix devant autant de témérité, mais Taehyung sembla apprécier son courage et se rapprocha un peu plus près d'elle pour lui chuchoter assez fort pour que je l'entende :

– Juste Kook, mais je veux bien reprendre ton idée si tu es d'accord.

– Il déteste ! se moqua ma sœur en partageant un regard complice avec mon ami.

– Je pense pouvoir changer ça, dit-il en croisant mon regard.

Il me semble avoir rougit à cette interaction pourtant anodine, mais j'avais vite fini par me reprendre et avait envoyé balader ma petite sœur pour lui avoir donné une nouvelle raison de m'embêter.

Avant de passer à table, je présentais Taehyung à ma mère qui l'avait déjà vu plusieurs fois, puis nous prîmes place autour de tous ces plats qu'elle avait préparés avec amour.

Comme je lui avais demandé, Jimin avait animé la plus grande partie du repas afin de faire naître les rires et la confiance entre chaque personne présente, et peut-être que voir sa sœur se sentir à sa place fit plaisir à Taehyung qui finit par être plus avenant durant les différentes discussions.

Évidemment, ma sœur ne manqua pas de faire revenir le sujet de ma petite vie sur la table, faisant apparaître les photos des vieux albums et les souvenirs gênants. Pourtant, j'avais adoré voir la réaction de Taehyung à chaque anecdotes de mon père ou de ma mère.

– Il paraît mon grand que tu es celui qui prend soin de ton foyer ? lança soudainement mon père tout en servant les desserts.

– Oui Monsieur, je suis étudiant à la fac et je fais des petits boulots à côté pour ça.

– Tu es très courageux, les études supérieures demandent beaucoup d'investissement...

– Effectivement Madame, mais il est très important pour moi que Hayun puisse étudier à sa convenance jusqu'à son entrée à l'université. Je suis encore plus rassuré maintenant de la savoir aux côtés de Jimin et Jungkook, qui sont de bons camarades.

J'avais lâchement baissé les yeux à son compliment, sentant mes mains devenir moites.

– Oh crois-moi Taehyung, ce n'est pas ces petits garnements qu'il faut remercier mais bien ta tendre sœur qui a su motiver notre Jungkook !

– Maman !

– Je ne dis que la vérité mon chéri, Hayun est un très bon soutien pour toi et depuis que vous travaillez ensemble, tes notes s'améliorent.

– Jungkook m'aide beaucoup aussi Yeojin, je vous assure que j'aurai été perdu sans son aide à mon arrivée.

– Hayun, adresse-toi à Monsieur et Madame Jeon avec un peu plus de...

– Je t'en prie Taehyung, vous pouvez nous appeler par nos prénoms, le coupa gentiment ma mère. Je ne vois qu'une grande famille réunie dans cette maison, sentez vous comme les bienvenue à n'importe quel instant.

Mon aîné sembla étonné par la demande de ma mère, peut-être n'avait-il jamais eu l'occasion de se sentir aussi bien accueillit et je pu le lire dans ses yeux lorsque son visage se détendit et qu'il offrit un beau sourire tout en hochant la tête, n'osant pas contredire la maîtresse de maison.

La soirée avait continué autour de quelques jeux de société qui avaient eu le don de surprendre Taehyung, lui qui n'avait jamais partagé de tel moment avec sa famille, ni même avec une famille tout court.

Je l'avais vu tout observer avec finesse, comme s'il avait essayé de marquer au fer rouge chaque sourire, chaque expressions qui avaient pu traduire ce moment synonyme de douceur et de symbiose dans sa mémoire.

Nous n'en avions pas reparlé, mais après cette soirée, Taehyung avait commencé à se rendre de plus en plus présent chez nous, laissant tout le soin à Jimin de s'occuper de sa bien aimée sous la tutelle de sa mère.

De ce fait, Taehyung était devenu très proche de ma sœur, Jiwoo, qui avait trouvé en lui, un réel confident. Il était un peu comme ces idols qu'elle adorait, sauf que lui était bien réel et à sa portée. Ma mère, elle, l'avait souvent pris sous son aile pour quelques cours de cuisine qu'il n'avait jamais refusé, heureux de pouvoir me surprendre derrière les fourneaux de notre restaurant lorsque nous nous retrouvions seul à seul.

Ce qui m'avait le plus étonné dans toute cette histoire avait été la facilité avec laquelle mon père l'avait intégré à notre famille et l'avait soutenu lorsque Taehyung nous avait confié avoir perdu ses jobs. Il s'était avéré que ses cours commençaient à lui prendre de plus en plus de temps et que se rendre disponible en journée lui était devenu presque impossible, alors, mon père, le seul et l'unique Jeon Dae-wo lui avait chaleureusement proposé de devenir serveur à notre service.

J'avais appris la nouvelle un soir, après être rentré de mes révisions, et l'avais vu en plein milieu de la salle, prenant le temps de servir chaque client avec grâce, partageant toujours un peu plus son sourire carré à quiconque voulait bien le voir.

D'ailleurs, sa présence n'avait pas manqué de nous attirer un peu plus de clientèles, comme ces filles qui se battaient presque pour pouvoir lui adresser un mot lors de ses fins de service, mais à chaque fois, il s'excusait et repoussait leurs demandes afin de passer son temps libre avec la seule personne qu'il appréciait, moi.

Ma mère l'avait entendue une fois, dire à une jeune fille qui lui avait demandé s'il avait une copine qu'il n'avait personne mais que son cœur était déjà pris depuis un moment déjà.

J'avais préféré joue l'idiot et lui avait caché ma déception, conscient que de réels sentiments étaient nés à son égard. Je n'avais pas réussi à lui en parler, même si mon comportement le surprenait parfois, lorsqu'il s'approchait un peu trop près de moi et que je finissais par m'écarter les joues rouges, ou bien encore lorsque sa main frôlait un peu trop la mienne et que je la retirais comme si je venais de me brûler.

Malgré tout, lui, n'avait pas changé, et plus le temps passait, plus il devenait tactile avec moi, m'encourageant pour mes examens avec de grandes accolades qui parfois me rendait perplexe, ou bien encore avec sa façon de me taquiner sous le menton lorsque je faisais la moue.

Un jour, il m'avait même observé un long moment avant de me confier très sérieusement que le grain de beauté sous mes lèvres l'inspirait, mais j'avais préféré en rire et m'étais éloigné vers la rive, de peur que mon cœur finisse par exploser dans ma poitrine.

Tout ce qu'il faisait, tout ce qu'il pouvait dire à propos de moi me faisait sentir comme le Roi du monde, alors que je continuais de voguer comme un malpropre sur un océan de doutes.

Après tout, je n'avais jamais vraiment eu de relations et le fait même d'aimer un garçon ne m'avait jamais effleuré, alors je m'étais renseigné et j'avais appris avec le cœur lourd que ce n'était pas toujours bien vu. Je ne comprenais pas pourquoi nous ne pouvions pas aimer qui nous voulions, et en fait, j'avais même décidé de m'en foutre.

Je ne savais pas vraiment ce que j'étais pour Taehyung, mais pour moi, il était autant mon meilleur ami que mon pire ennemi, mon confident, mais aussi, celui que j'aimais bien plus que tout les autres, d'une façon bien particulière.

Alors je m'étais confié à mes amis, curieux d'entendre leurs retours.

– Qu'est-ce que tu veux dire Kook, je comprends pas tout là.

– Il est en train de te dire qu'il est tombé amoureux, gros naze, pouffa Hoseok en donnant un petit coup à Jimin.

– Hein ? Ah ouais ? Bordel Kook, j'y crois pas !

– Pourtant faut pas un doctorat pour comprendre Chim, c'était évident.

– Comment ça ? demandais-je en laissant tomber mon téléphone sur mon lit, après avoir répondu à Taehyung.

– Tu l'aimes beaucoup hein ?

– Qui ?

– A ton avis abruti, tu passes toutes journées à parler de lui quand tu ne le vois pas.

– Ah, Taehyung...Vous trouvez ça bizarre ?

– Quoi ? me reprit Jimin en attrapant la bouteille de soda qui traînait là pour boire au goulot.

– Que...Que je ressens autant de choses pour lui ?

– Parce que tu crois qu'on choisit de qui on tombe amoureux ?

– C'est pas ça Hobi mais...Je me suis jamais penché sur le sujet et aussi loin que je me souviennes, j'suis jamais sorti avec quelqu'un pour de vrai. Je sais même pas si j'aime plus les filles ou les mecs et...

– Jungkook, que tu aimes une fille, un garçon ou un pigeon changera rien à qui tu es tu sais, me dit mon aîné en posant une main sur mon épaule.

– En plus je suis sûr qu'il t'aime, quand on pense au cadeau d'anniversaire qu'il t'a fait cette année... Il a dû économiser vraiment pas mal d'argent. Et puis il te regarde toujours comme s'il veut te bouffer, continua Jimin.

– C'est pas vrai !

– Kook, je te connais depuis toujours et je te jure que je t'aime, t'es mon meilleur pote, mais j'ai jamais eu l'intention de bouffer tes lèvres. Tae, lui, par contre...

– Maintenant que t'en parles, j'ai jamais vu quelqu'un regarder une personne avec autant d'intérêt, partagea Hoseok.

– Vous pensez que... Que je devrais...?

– Si tu n'oses rien tu sauras jamais Kook, et puis au pire des cas Taehyung te dira que vous vous êtes mal compris. Vous êtes comme la mer et le sable, tu vois un peu ? Dans le genre inséparable, on a pas connu mieux et pourtant avec Jimin vous aviez le record.

– Eh, c'est Hayun que j'aime moi, pas Jungkook.

– T'es bête ou quoi ?

Cette discussion m'avait permis d'y voir un peu plus clair, et j'avais été assez rassuré d'apprendre que mes attirances ou mes sentiments ne changeraient pas les avis que mes amis avaient sur moi.

Quant à ma famille, je n'avais rien osé leur dire, mais ma mère, comme toutes les mamans qui se respectent, avait senti la chose venir et m'avait même poussé une fois à en profiter pendant que je le pouvais pour ne rien louper. Cela avait été un conseil assez abstrait mais avec le recul, je pouvais dire maintenant qu'elle avait compris que le lien qui nous unissait Taehyung et moi était plus fort encore que de l'amitié, et qu'il ne demandait qu'à être libéré de sa prison.

Avec l'aide de Namjoon, Taehyung avait fini par trouver un nouveau chez soi et l'avait aménagé avec nos soins à tous, nous avons fêté ça en grande pompe apprenant par la même occasion le rapprochement de Hoseok et Yoongi.

Ce dernier avait donc décidé d'aménager avec lui, tout comme Namjoon avait décidé de poser bagages dans le nouvel appartement de Taehyung et Hayun. Mes parents avaient été très fiers d'apprendre qu'il devenait un peu plus adulte encore et mon père l'avait glorifié auprès de son équipe en le considérant un peu comme son deuxième fils.

Bien que nous étions chacun un peu plus occupé, nous continuions de nous voir aussi souvent que possible, souvent chez lui, souvent à la plage, comme à notre habitude. Nos disputes elles aussi commencèrent à devenir plus fréquentes, mais à chaque fois, nous finissons dans les bras de l'autre, n'osant pas aller plus loin.

Puis, un beau jour, après s'être disputé au sujet d'une fille que je trouvais un peu trop présente dans la vie de mon aîné, nous avions fini par nous embrasser. Même si j'avais déjà eu des histoires avant lui, ce foutu bisous avait été comme une putain d'explosion dans mon coeur.

Comme si enfin, le bateau avait pu poser l'ancre.