VII - L'hommage d'un fils
Les enfants arrivèrent la veille de l'enterrement, accompagnés par leurs grands-parents maternels. Même s'il y eut des pleurs et des explications difficiles à donner, cela apporta un peu de légèreté dans l'atmosphère de la maison.
Depuis trois jours, Nathalie, Adrien et Marinette s'étaient démenés pour organiser la cérémonie : textes, musiques fleurs, transports depuis les gares, confirmation des horaires. Ils étaient tous trois conscients qu'il fallait offrir à Gabriel une cérémonie parfaite dans ses moindres détails.
Ils avaient aussi parlé du testament que Gabriel avait déposé devant notaire. Il avait légué à Nathalie suffisamment de biens pour qu'elle vive à l'aise. Adrien ne recevait que sa part réservataire. Le reste était réparti à parts égales entre ses enfants. La veuve précisa qu'elle-même avait légué tous ses biens à Adrien et son épouse, excepté quelques menus dons aux personnes du voisinage qui étaient devenus ses amis.
- Je n'ai pas de famille proche, avait-elle indiqué. Et tout ce que je possède me vient de Gabriel.
Le commandant de la gendarmerie était passé les voir. Il avait indiqué que la route était verglacée ce matin-là et que les traces de pneus montraient sans conteste que le véhicule où se trouvaient Nathalie et Gabriel avait dérapé sans qu'aucune faute puisse être retenue contre la conductrice. Ni la vitesse ni la conduite n'était en cause. Si cela ne fit pas disparaître totalement le sentiment de culpabilité de Nathalie, elle fut cependant grandement rassénérée par l'analyse de la maréchaussée.
Les relations entre Nathalie et les Dupain-Cheng furent assez laborieuses les premiers instants. Les parents de Marinette ne la connaissaient pas et avaient longtemps considéré son mari comme une menace envers les deux jeunes gens qu'ils avaient sous leur toit. Mais le chagrin évident de la veuve les toucha et ils firent de leur mieux pour la seconder dans l'organisation de la maison. Le soir, ils allèrent dormir chez des voisins qui avaient proposé leur aide.
Le lendemain, ils déjeunèrent vers 11 h puis Tom alla déposer Adrien et Nathalie à Bordeaux pour la levée du corps. Marinette, en tailleur noir et chignon, fut accompagnée à l'église par les voisins qui logeaient ses parents. Sabine et Tom devaient les rejoindre plus tard, directement au cimetière, avec les enfants.
Marinette régla les derniers détails avec le prêtre et géra les couronnes de fleurs qui commençaient à affluer. Des personnes des environs commencèrent à stationner sur le parvis.
Puis les premières navettes en provenance des gares arrivèrent et avec elles les plus anciens amis de Marinette. Outre les plus proches - Nino, Alya, André et Chloé Bourgeois - il y avait toute leur classe de collège ainsi Kagami, Kylian et Luka. Ils restèrent avec elle, attendant que le prêtre les invite à entrer. Alya fit un tour dans l'assistance en laissant traîner ses oreilles. Elle revint annoncer à Marinette :
- Il y a un groupe qui t'a reconnue et qui se demande ce que « la petite Dupain-Cheng qu'Agreste ne pouvait pas blairer » est venue faire à son enterrement. La motion qui remporte le plus de suffrages est que tu es venue cracher sur son cercueil.
- Ils vont être déçus, prédit Marinette.
Un quart d'heure avant le début de la cérémonie, les portes de l'église s'ouvrirent et le prêtre accueillit l'assemblée. Marinette entraîna ses amis sur les deuxième et troisième rangs, juste derrière le banc réservé à la famille.
- Adrien sera content de vous voir tous là, justifia-t-elle.
Elle-même se plaça en bout extérieur du banc, ne désirant pas prendre sa place avant l'arrivée de son mari. Enfin, une musique s'éleva et tout le monde se mit debout pour accueillir le cercueil qui était suivi par Adrien et Nathalie. Beaucoup tendirent le cou pour dévisager le fameux fils qui avait disparu depuis plus de deux décennies.
Alors que tout le monde s'asseyait, Marinette se glissa discrètement au premier rang près de son mari. Celui-ci lui prit la main. La musique prit fin et le prêtre parla du défunt, non pas du styliste à la renommée international, mais de celui qui était venu finir ses jours dans la région et qui soutenait discrètement mais généreusement les actions culturelles et humanitaires de la paroisse. Une fois les bougies allumées autour du cercueil, Nathalie fut invitée à lire le texte tiré de la Bible qu'ils avaient choisi ensemble, les jours précédents. Après la prière universelle et un Notre Père, un grand couturier qui avait beaucoup travaillé avec Gabriel rendit hommage à sa carrière et à son travail. André Bourgeois intervint ensuite pour rappeler les moments où les défilés signés par Gabriel Agreste faisaient de la ville de Paris la capitale du monde de la mode. Puis, ce fut au tour d'Adrien de se lever. Il dut se racler plusieurs fois la gorge avant de pouvoir commencer.
- J'ai beaucoup hésité à prendre la parole aujourd'hui car mon père était extrêmement discret sur sa vie privée et ne souhaitait pas la rendre publique. J'ai donc dans un premier temps pensé que je n'avais rien à partager avec vous. Mais j'ai changé d'avis. Je me suis dit que son fils unique ne pouvait pas être présent à ses obsèques sans se lever pour lui rendre hommage. Que je ne pouvais pas être là sans dire...
Adrien, ému aux larmes, dû s'interrompre avant de terminer d'une voix rauque :
- Sans dire à quel point je regrette qu'il nous ait quittés si tôt et si brutalement.
Il regagna sa place d'un pas aveugle et prit les mains de Nathalie et Marinette tandis que le prêtre bénissait le corps et l'encensait. Enfin, tous furent invités à venir se recueillir devant le cercueil, en commençant par la famille. Nathalie se leva, suivie par Adrien qui entraîna sa femme à sa suite. Quand Marinette fut à la vue de tous, la main dans celle de son mari, des chuchotement s'élevèrent, indiquant à la styliste que la profession avait enfin compris la raison de sa présence à la cérémonie.
Une fois que fut terminé leur dernier dialogue silencieux avec le défunt, Nathalie, Adrien et Marinette se dirigèrent vers la sortie, alors que l'assemblée se mettait en rang pour présenter à son tour ses hommages à Gabriel Agreste. Arrivés sur le parvis, Adrien et Nathalie se placèrent près de la porte pour recevoir les condoléances de ceux qui allaient sortir à leur tour. Marinette s'éloigna de quelques pas, attendant d'être rejointe par ses amis. Cela ne découragea pas un styliste qui vint l'aborder quelques minutes plus tard. Il faisait partie de ceux qui l'avaient blacklistée sous l'influence de Gabriel.
- J'ai été surpris de vous voir ici, Madame Agreste, commença-t-il en insistant sur le patronyme.
- Dupain-Cheng, le corrigea-t-elle sèchement.
Il allait répondre quand un homme râblé aux cheveux blancs le bouscula pour prendre sa place face à Marinette. Le styliste allait protester quand il évalua la carrure du nouveau venu et préféra tout compte fait lui laisser le champ libre.
Marinette lui jeta un regard reconnaissant :
- Bonjour, Monsieur euh...
- Le Gorille, compléta-t-il avec le sourire. C'est comme ça que vous m'appeliez.
- Je suis désolée. Nous ne voulions pas vous manquer de respect. C'est juste que je n'ai jamais su votre nom.
- Vous pouvez m'appeler Gilbert. Mais ce surnom ne me dérangeait pas, la rassura-t-il. Vous étiez bien mignons tous les deux.
- Votre voiture nous servait de refuge, se souvint Marinette. J'espère que nous n'avons pas abusé de la situation.
- Oh, j'étais content de voir sourire le gamin. C'étaient pas mes affaires, mais il déprimait sévère avant que vous n'arriviez. M'a fait plaisir de voir que vous étiez toujours ensemble. Vous avez trois mômes, à ce que j'ai compris.
- Tout à fait, confirma Marinette qui ne put s'empêcher de sourire à leur évocation. Entre douze et sept ans. Ils nous rejoindront tout à l'heure pour la suite de la cérémonie. Et vous, que devenez-vous ?
- Quand le patron est venu ici, Nathalie m'a trouvé une place tranquille pour que je puisse rester à Paris et maintenant je suis à la retraite. Et vous ?
Marinette lui résuma brièvement ce que faisaient Adrien et elle. Pendant ce temps, Adrien aussi reprenait contact avec une vieille connaissance.
- Vincent ! Cela fait si longtemps ! Je suis content de vous revoir.
- Moi aussi, Adrien. Ça fait quoi, vingt-cinq ans ?
- Au moins. Vous êtes toujours photographe ?
- Oui, mais j'ai un peu ralenti le rythme. Je t'ai regretté, Adrien. Je n'ai plus jamais eu l'occasion de travailler avec un gamin qui absorbait la lumière comme toi.
- Désolé de vous avoir laissé tomber sans prévenir. Vous n'étiez pas en cause, j'aimais travailler avec vous. Mais ma vie était un peu compliquée à cette époque.
- Je ne t'en veux pas. Je t'ai croisé quelques mois plus tard, dans la rue. J'ai vu que tu faisais tout pour ne pas être reconnu. Et tu paraissais très heureux avec la petite que tu tenais par la main. J'ai compris.
- Merci, Vincent.
- Et je vois qu'elle est toujours là. C'était le bon choix.
- Oui, le meilleur.
Du côté de Marinette, le Gorille avait laissé la place à Alya et Nino qui avaient réussi à s'extraire de la foule.
- La question du jour est maintenant « Comment diable la petite Dupain-Cheng a-t-elle réussi à mettre la main sur le fils Agreste », indiqua la journaliste à son amie.
- Ils ne sont pas près de deviner ! fit Marinette avec un petit rire de dérision.
- À ce propos, vous avez réalisé que tous les anciens porteurs de Miraculous se trouvaient dans cette église ? remarqua Nino.
Les deux filles vérifièrent nerveusement que personne ne pouvait les entendre.
- J'y ai pensé aussi, chuchota Alya.
- Assez logique qu'on soit tous venus enterrer le Papillon, compléta irrévérencieusement Nino avant de lever les mains en signe d'excuse devant le regard de reproche de ses amies.
Kagami et Chloé les rejoignirent puis, petit à petit, tous les autres amis proches du couple. Enfin, le cercueil apparut à son tour, porté par le personnel des pompes funèbres. Il fut déposé dans le corbillard, qui devait se rendre au cimetière voisin.
L'assemblée commença à se disperser. Adrien et Nathalie donnèrent le signal du départ pour ceux qui restaient avec eux pour l'enterrement. Ils n'étaient plus qu'une trentaine de personnes à suivre le convoi à pied : les amis d'Adrien et les voisins et connaissances de Gabriel et Nathalie qui habitaient dans les environs. L'ancien garde du corps avait été invité par Nathalie et Adrien à se joindre à eux.
Arrivés à destination cinq minutes plus tard, ils trouvèrent Tom et Sabine et les trois enfants. Benoît avait composé un texte qu'il lut avec l'aide de son père et qu'il jeta ensuite dans la fosse. Amandine fit l'offrande d'un dessin et Émilie avait tenu à sacrifier une des poupées Barbie que son grand-père lui avait offertes. Cette partie de la cérémonie fut plus courte que la première, plus intime et surtout plus émouvante. Nathalie était blanche de fatigue quand cela se termina.
Avant qu'ils ne se séparent, Alya dit à Marinette :
- On a tous prévu de rester cette nuit, car on ne voulait pas courir après le train du soir. On va aller dîner dans le coin. Tu veux nous rejoindre avec Adrien pour la fin de soirée ?
- Cela lui fera le plus grand bien, convint Marinette. Et à moi aussi. Vers 21 h 30, ça ira ? Il faut qu'on reste un peu avec les enfants avant.
- Oui, parfait. On s'appelle pour te dire où on est.
- Ça marche.
De retour à la maison, Nathalie voulut se coucher. Sabine lui fit rapidement réchauffer une soupe pour qu'elle ne dorme pas le ventre vide. Ensuite, Marinette et Adrien firent manger les enfants et leur proposèrent un jeu, pour passer un moment agréable et reposant avec eux. Ils les couchèrent à 21 h, leur firent de gros câlins et les laissèrent sous la garde de Sabine et Tom.
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Finalement, les mots du fils ont été brefs, mais je pense assez intenses.
Promis, le prochain chapitre sera plus marrant. Cela s'appellera "Les meilleurs amis". Ce sera le tout dernier chapitre de cette histoire. Je pense que vous l'aimerez (en tout cas, j'ai adoré l'écrire).
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