IV - Une alliée de poids
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Objet : Grand merci
Chère Nathalie
J'espère que vous vous portez bien.
Je vous remercie pour les délicieuses conserves que vous avez données à Adrien le mois dernier. Nous nous régalons avec.
Je pense qu'un grand pas a été fait lors de cette visite. Malheureusement, comme nous l'avions identifié lors de notre dernière conversation, je reste le point bloquant d'une réconciliation totale.
En ce qui me concerne, je désire avant tout ne plus être l'enjeu de cette brouille qui les fait souffrir tous les deux. Mais je sais qu'Adrien ne cédera jamais là-dessus. Quoi que j'en dise, il pense que venir vous voir de nouveau sans moi serait une trahison.
Il faudrait donc que Gabriel me considère comme une quantité négligeable et qu'il puisse me tolérer sans que ce soit pour lui ni une concession ni une défaite. Sachez que je suis prête à dire ou écrire ce qu'il faut pour cela.
Dans l'espoir de vous revoir bientôt.
Marinette
oOo
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Objet : Re : Grand merci
Ma chère Marinette,
J'ai été très heureuse de lire votre message.
Pourriez-vous personnellement envoyer des photos de vos enfants à Gabriel ?
Il est possible qu'il soit sensible à l'attention.
Nathalie
oOo
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Objet : Re : Re : Grand merci
Ma chère Nathalie
Je vous remercie pour votre implication. Je m'en occupe au plus vite.
Amicalement,
Marinette
oOo
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Objet : Photos et dessins
Monsieur Agreste,
Veuillez trouver ci-joint nos photos les plus récentes de Benoît, Amandine et Émilie. Ils ont tenu à y ajouter des dessins qu'ils ont faits spécialement pour vous.
Cordialement,
Marinette
benoit. jpg , amandine. jpg , emilie. jpg , dessin_benoit. jpg , dessin_amandine. jpg , dessin_emilie. jpg
oOo
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Objet : Fêtes de fin d'année
Bonjour Adrien
As-tu prévu ce que tu allais faire pour les fêtes de Noël ?
Si toi et ta famille passez dans les environs, vous pouvez séjourner quelques jours à la maison.
Gabriel
oOo
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Objet : Tr : Fêtes de fin d'année
Ma Lady
Comment as-tu fait ?!
Chat curieux
PS : bien joué !
oOo
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Objet : Re : Tr : Fêtes de fin d'année
Rentre à la maison, mon chaton, je t'expliquerai.
Buguinette
PS : nous avons une alliée de poids
oOo
Adrien tourna au croisement conformément aux consignes de son GPS et annonça :
— On arrive les enfants !
Deux cents mètres plus loin, il repéra la grille ouverte.
— Nous sommes attendus, commenta-t-il en mettant son clignotant.
Alors qu'il s'engageait dans la propriété, Marinette rappela :
— N'oublie pas, tu ne te mêles pas des relations entre ton père et moi. Quoi qu'il dise, tu me laisses gérer.
— Oui, Milady.
Il fit virer la voiture pour la garer et coupa le contact.
— Pitié, souffla Marinette. Si je me mets à bégayer, assomme-moi.
Cela n'arrivait que très rarement, mais il arrivait encore à la jeune femme de se laisser submerger par son stress. Quoi qu'il en soit, c'était la première fois, depuis qu'ils avaient décidé ce voyage, que Marinette laissait paraître la moindre nervosité.
Adrien posa sa main sur le genou de sa femme :
— Tu vas assurer, je le sais.
La porte de la maison s'ouvrit et Nathalie et Gabriel sortirent pour les accueillir.
— Bon, c'est parti, lança Adrien en débouclant sa ceinture de sécurité.
Il sortit de la voiture, fit un signe en direction de son père et sa belle-mère avant d'ouvrir la portière arrière pour faire sortir ses enfants. Marinette en fit autant de l'autre côté.
Il libéra Amandine de son siège auto pendant que Benoît se débarrassait de sa ceinture et sautait de son réhausseur. Le père de famille se redressa avec sa cadette dans les bras. Nathalie arriva auprès lui.
Les deux adultes se firent la bise. Nathalie salua ensuite la fillette portée par son père puis se pencha vers Benoît :
— Bonjour, je suis Nathalie. Tu veux bien me donner la main ?
Intimidé, il hocha la tête en silence et tendit sa menotte pour qu'elle la prenne. Marinette les rejoignit avec Émilie dans les bras. Nathalie posa sa main libre sur l'épaule de Marinette et l'embrassa sur les deux joues.
— Je suis ravie de vous voir ici.
— Je vous remercie de m'avoir invitée.
Elles échangèrent un sourire de connivence. Adrien songea que son père et lui n'avaient qu'à bien se tenir. Ils rejoignirent le perron où Gabriel les attendait.
— Bonjour, Père.
— Bonjour, Adrien. (Il fixa la petite que son fils tenait dans ses bras.) Tu dois être Amandine.
La fillette se serra contre la poitrine de son père sans répondre.
— Et voici Benoît, compléta Adrien en se tournant vers Nathalie et son aîné.
— Bonjour, dit le grand-père.
L'enfant marmonna un salut relativement inaudible.
— Et Émilie, continua Adrien et montrant la petite qui était dans les bras de sa mère, les yeux encore bouffis du sommeil dont on venait de la tirer.
Le regard de Gabriel glissa vers Marinette.
— Monsieur Agreste, dit celle-ci.
Il répondit d'un signe de tête très raide et se détourna pour rentrer dans la maison. Marinette avança rapidement pour que son bras frôle celui de son mari. Il fit un léger signe de tête pour montrer qu'il avait compris le message. Il suivit son père dans le vestibule sans exprimer son mécontentement.
— Entrez vite dans le salon, il y fera plus chaud, les engagea Nathalie.
Un immense sapin, enguirlandé et lumineux, se dressait près de la cheminée.
— oOooh ! fit Benoit qui lâcha la main de Nathalie pour le voir de plus près.
Amandine s'agita dans les bras de son père qui posa à terre pour qu'elle puisse rejoindre son frère. Émilie chantonna à son tour « ohhohhhohhh » et Marinette suivit le mouvement.
— C'est sûr, le père Noël va venir, décréta Benoît, en regardant la cheminée avec approbation.
Il se pencha pour admirer les santons qui avaient été disposés au pied de l'arbre et tendit la main pour en prendre un.
— Attends, Benoît, l'arrêta sa mère. Tu dois demander d'abord si tu peux les toucher. C'est une décoration.
— Ils ne craignent rien, assura Nathalie. C'est du bois et du tissu, ils ne sont pas fragiles. Nous les remettrons en place après.
Après avoir vérifié qu'il n'y avait pas de petits objets susceptibles d'être avalés, Marinette posa sa benjamine près de son frère et de sa sœur. Puis, avec un sourire d'excuse, elle prit place sur une chaise qui se trouvait entre le sapin et la cheminée pour que la petite ne puisse pas s'en approcher et se brûler dans le feu qui y flambait joyeusement.
— La maison n'est pas vraiment adaptée pour les tout-petits, s'excusa Nathalie. Nous avons fait notre possible pour mettre hors de portée tous les objets dangereux et fragiles dans le salon et les chambres.
— Tout ira bien, assura Marinette. Nous allons les surveiller.
— Je vais chercher le parc dans la voiture, proposa Adrien. On pourra s'en servir comme barrière et l'empêcher d'approcher de la cheminée.
Il ressortit, suivi par Nathalie qui proposa de l'aider à décharger la voiture. Ignorant Marinette, Gabriel s'approcha des enfants et entreprit d'expliquer aux deux plus grands la signification des figurines. Au grand soulagement de sa mère, Benoît écouta calmement malgré les heures de voiture. Il était sans doute impressionné par ce « Grand-père » inconnu dont ses parents semblaient faire si grand cas.
Quand Adrien revint, il suggéra de faire courir les enfants dehors. Il sortit dans le jardin avec ses deux aînés et Gabriel se joignit à eux. Des cris joyeux parvinrent rapidement aux oreilles des deux femmes qui se retrouvèrent entre elles avec Émilie qui avait choisi de rester avec sa mère.
— Vous avez fait bon voyage ? demanda Nathalie. C'est un long trajet par la route.
— Nous nous sommes relayés au volant. Avec les enfants, difficile de prendre le train. D'ailleurs, on s'y est pris tellement tard, qu'on n'aurait sans doute pas eu de places. J'espère que cela n'a pas été trop fatigant pour vous de tout organiser à la dernière minute.
— Ne vous en faites pas, ce ne sont pas les provisions qui manquent. Et j'ai un peu d'expérience en organisation d'événements.
— Je suppose qu'on doit rarement vous prendre de court. Mais je vous préviens que trois tornades comme les miennes valent un photographe capricieux, ajouté à un mannequin en retard et à un traiteur qui a oublié la moitié de la commande.
— Oh, rien d'insurmontable, alors, fit Nathalie pince-sans-rire. Prendrez-vous un thé ou un café en attendant qu'on serve le goûter ?
— Je boirais volontiers un thé.
Elles s'installèrent sur le canapé, tout en gardant un œil sur Émilie qui s'était remise à jouer avec les santons. Elles papotèrent, profitant de la tranquillité temporaire qui leur était offerte.
Puis la petite troupe rentra et on évita de justesse les traces de boues sur la moquette du salon. Benoit semblait très à l'aise avec Gabriel, qu'il appelait « Grand-père » conformément aux instructions qu'il avait reçues avant d'arriver mais qui avait totalement oublié la consigne du vouvoiement. Cela ne semblait pas déranger le styliste qui le prit par la main pour visiter la maison et lui montrer où serait sa chambre.
Marinette resta au rez-de-chaussée avec Nathalie et l'aida à dresser la table du goûter. Pain d'épice maison, cake à l'orange, chocolat chaud étaient au menu. Ensuite, Nathalie avait prévu des images à découper et colorier pour occuper les enfants. Les jeux amenés par les parents achevèrent de faire patienter les enfants jusqu'au dîner.
Le repas du soir se passa bien. Les adultes réussirent à trouver des sujets de conversations neutres. Marinette parla peu et jamais directement à son beau-père. Une fois qu'ils eurent terminé, Adrien et Marinette couchèrent leurs enfants. Une chambre avait été préparée pour les deux aînés et Émilie dormait dans un lit parapluie dans la chambre de ses parents. Ils redescendirent ensuite, laissant les portes ouvertes pour entendre les éventuels appels.
Gabriel n'était pas dans le salon quand ils y revinrent. Nathalie servit des tisanes et s'installa sur le canapé avec Adrien en parlant de leur programme du lendemain.
Marinette resta debout pour observer un jeu d'échecs qui se trouvait sur une table placée dans une pièce adjacente au salon, dont la cloison avait été ouverte après le départ des enfants. Elle semblait analyser la partie était en cours.
— Que joueriez-vous ? demanda la voix de Gabriel que personne n'avait entendu s'approcher.
Le ton n'était pas spécialement aimable. Il était même plutôt cassant. Adrien dut se faire violence pour ne pas se lever et se mettre en soutien derrière sa femme. Celle-ci ne sembla pas se sentir agressée. Elle tendit simplement la main et fit avancer un pion blanc.
Gabriel parut étonné par son choix et la contourna pour se mettre du côté des noirs. Il réfléchit un moment avant de faire avancer son fou puis il saisit la chaise qui se trouvait devant lui pour s'asseoir devant la table. Marinette déplaça un autre pion avant de s'installer à son tour. Adrien et Nathalie se regardèrent, stupéfaits.
— Donc, nous disions, une petite promenade à pied le matin, et marché de Noël en début d'après-midi ? reprit finalement l'épouse de Gabriel.
Adrien lui donna la réplique et ils continuèrent à discuter, tout en jetant des coups d'œil réguliers vers la table où les deux joueurs, concentrés sur leur jeu, avançaient tour à tour les pièces, sans échanger un regard ni une parole. Finalement, un bruit sec les fit sursauter. Ils se tournèrent et constatèrent que Gabriel venait de faire basculer son roi.
— Nous verrons la revanche demain, déclara Gabriel sans regarder son adversaire et allant s'asseoir près de sa femme.
— Très bien, fit Marinette en remettant placidement les pièces du jeu en place.
Elle resta ensuite sur sa chaise, prenant un magazine qui se trouvait à portée de main, laissant son beau-père discuter avec son fils, sans s'imposer.
Plus tard, une fois qu'ils eurent regagné leur chambre, Adrien demanda à Marinette en chuchotant pour ne pas réveiller Émilie :
— Ce n'était pas trop dur, cette première journée ?
— Non, pourquoi ? Je suis contente de faire davantage connaissance avec Nathalie.
— Mon père n'est pas très aimable avec toi.
— Tu pensais qu'il allait me sauter au cou ? Il me reçoit, c'est déjà beaucoup.
— Je ne veux pas que tu t'humilies devant lui.
— Je n'ai pas l'impression de l'avoir fait.
Adrien grogna. Ils avaient échangé leurs arguments maintes fois. Adrien ne pardonnait ni les menaces ni le dénigrement professionnel dont son père s'était rendu coupable. Marinette estimait que Gabriel avait toutes les raisons de lui en vouloir, étant donné qu'elle l'avait empêché de retrouver sa femme et qu'elle l'avait privé de son fils. À cela, Adrien répondait que non seulement il avait combattu son père autant qu'elle et que, même sans elle, il ne serait pas retourné au manoir Agreste. Il aurait été chez Chloé ou ailleurs. Là, Marinette balayait ces hypothèses et prétendait qu'il y avait un contentieux entre Adrien et son père sur lequel elle n'avait pas droit de regard, et un autre entre Gabriel et elle qui la regardait. Qu'elle avait le droit de pardonner ce qui lui avait été fait à elle. Généralement, la discussion s'arrêtait là.
— Qui va gagner demain aux échecs ? interrogea Adrien.
— Sans doute lui. Nous sommes globalement du même niveau mais il doit jouer plus souvent que moi. J'ai été avantagée par le début de jeu ce soir. Demain sera plus compliqué.
— Tu as aimé jouer contre lui, constata Adrien.
— C'est un échange comme un autre.
— Une partie d'échecs, c'est un affrontement, Madame-je-pardonne-tout.
— Ce que j'aime dans les échecs, c'est élaborer des stratégies. Si je perds, je serais quand même contente qu'on ait trouvé une manière de communiquer. Si pour lui ce n'est qu'un affrontement, c'est son problème, pas le mien. Allons, Chaton, on dort. On a une tornade dans notre chambre qui va nous réveille demain matin.
oOo
Le lendemain, ce fut Adrien qui se leva et qui descendit au rez-de-chaussée avec Émilie, Marinette n'étant toujours pas du matin. Elle descendit une heure plus tard avec les deux autres. Quand tout le monde fut prêt, Nathalie proposa une promenade à pied dans les environs. Gabriel devait rester à la maison, préférant garder ses forces pour l'après-midi. Adrien prit le porte-bébé pour harnacher Émilie dedans.
— Je veux jouer dans le jardin, déclara Benoît.
— Moi aussi, revendiqua Amandine.
Les deux parents se tournèrent l'un vers l'autre. Imposer leur propre programme à leurs enfants risquait d'être long et surtout très bruyant. Les circonstances ne s'y prêtaient guère et l'enjeu n'en valait pas la chandelle. Avoir trois enfants apprenait à choisir ses batailles. Un seul regard suffit pour qu'ils arrivent à la même conclusion : l'un d'entre eux allait rester là pour s'occuper des deux aînés. Et comme Gabriel serait présent...
Adrien commença à décrocher le porte-bébé pour le confier à Marinette.
— Je peux m'occuper des enfants tout seul, affirma Gabriel.
Adrien soupesa la proposition avant de consulter sa femme du regard. L'expression de Marinette fut parfaitement claire : c'est ton père, tu décides.
— Eh bien, pourquoi pas, accepta finalement Adrien.
Le père de famille fit des recommandations à son aîné et rappela à Gabriel qu'il devait veiller à ce que les enfants retirent leurs chaussures avant de revenir dans la maison. Marinette emmena sa fille aux toilettes pour éviter à son beau-père de gérer cet aspect. Ils regardèrent les deux enfants, bonnets et gants bien en place, s'égailler dans le jardin avant de partir à leur propre promenade avec Nathalie et Émilie.
Nathalie les guida en leur donnant des informations sur la région. Au bout d'un moment, il parut évident qu'Adrien avait l'air chiffonné.
— Ne vous en faites pas, lui dit Nathalie. Tout va bien se passer avec Benoît et Amandine.
— Je suis surpris que mon père se soit proposé pour s'en occuper, exprima Adrien. Je n'ai pas le souvenir qu'il aimait jouer avec des enfants.
L'expression de Nathalie se fit désolée. Marinette intervint :
— Mes parents aussi font des choses pour les petits qu'ils n'ont pas faites pour moi. Non seulement ils n'ont pas la responsabilité de les élever, mais c'est un autre moment de leur vie.
— Votre père a beaucoup changé, appuya Nathalie.
Marinette tendit la main pour prendre celle de son mari. Elle savait qu'il était difficile pour lui de penser qu'il était arrivé dans la vie de son père à une période où ce dernier était incapable de lui offrir l'attention qu'il était en droit d'attendre.
La promenade continua. Quand ils rentrèrent, tout semblait s'être bien passé. Les enfants jouaient de nouveau avec les santons, sous la surveillance de leur grand-père. Nathalie avait prévu un repas froid qu'ils mangèrent rapidement. Ensuite, ils prirent les voitures pour aller à Bordeaux et se promener dans le marché de Noël.
Les enfants étaient très excités à leur retour. Ce qu'ils avaient vu les avait fait réaliser que les cadeaux arriveraient dès le lendemain matin. Pour les canaliser, Adrien leur proposa un jeu de ballon dans le jardin. Gabriel sortit avec eux et Marinette se replia dans la cuisine avec Nathalie pour préparer le repas de réveillon. La maîtresse de maison fit l'honneur de sa resserre et la styliste en fut aussi impressionnée que l'avait été son mari.
Avant le repas, tout le monde se mit sur son trente-et-un. Comme chaque année durant l'automne, Marinette avait dessiné et cousu les vêtements des enfants, sa robe, la chemise et la cravate d'Adrien, chacun étant assorti aux autres. Quand ils s'étaient tardivement décidés à aller chez Gabriel et Nathalie pour les fêtes, Marinette avait eu des scrupules. Elle ne voulait pas narguer son beau-père avec ses créations. Elle avait donc envisagé d'acheter en urgence des habits de fêtes pour toute la famille. Mais Adrien avait mis son veto. Il n'était pas question, avait-il dit, de tout modifier pour son père. Ils s'habilleraient comme prévu.
C'est donc avec un peu d'appréhension que Marinette descendit avec sa famille une fois qu'ils furent tous apprêtés. Leurs hôtes les attendaient dans le salon. Nathalie portait une robe longue très chic et Gabriel avait une magnifique cravate qui n'était vraisemblablement en vente dans aucun magasin.
Marinette n'osa pas trop regarder son beau-père pour juger de sa réaction. Sa résolution était de faire profil bas et d'être pour lui la plus transparente possible. Mais la réaction de Nathalie la rassura un peu. Le sourire de celle-ci fut immédiat :
— Vous êtes magnifiques, s'écria-t-elle. Marinette, l'ensemble est absolument ravissant.
— Me... mer ...merci, la remercia la styliste tentant de maîtriser sa voix.
Elle ne put s'empêcher de jeter un bref coup d'œil à Gabriel. Il hochait la tête d'un air approbateur. Elle sentit sa nervosité refluer. Elle vit qu'à ses côtés, Adrien souriait largement, visiblement très fier de leur petit effet. Elle le pinça discrètement pour faire disparaître son expression victorieuse.
Le repas fut délicieux, mais trop long pour les enfants qui s'écroulèrent avant la fin. On leur promit de leur garder le dessert pour le lendemain et on les mit au lit. Les adultes terminèrent tranquillement leur repas et rangèrent la cuisine.
Quand ils retournèrent au salon, Gabriel se dirigea vers la table où se trouvait le jeu d'échecs. Docilement, Marinette vint se placer sur l'autre chaise. Elle avait les noirs cette fois-là et Gabriel ouvrit le jeu. Les coups se succédèrent relativement rapidement au début, puis s'espacèrent. Comme la veille, les deux joueurs étaient extrêmement concentrés. Adrien et Nathalie ne parlaient pas beaucoup, ayant chacun pris un journal, commentant simplement les articles susceptibles de les intéresser tous les deux.
Finalement, le rire perlé de Marinette s'éleva :
— Joli coup, Monsieur Agreste, reconnut-elle en faisant tomber son roi.
Il se leva, la laissant, comme la veille, remettre les pièces du jeu en place. Alors qu'il lui tournait le dos, en route vers le canapé, il laissa tomber comme à regret :
— Vous pouvez m'appeler Gabriel.
Marinette leva des yeux surpris, ouvrit la bouche, tenta de répondre, avant de la refermer, préférant renoncer à parler plutôt que risquer de bégayer.
— Merci, Père, répondit Adrien à sa place.
Gabriel s'assit comme s'il n'avait rien entendu. Nathalie lui montra une information dans le journal local, susceptible de l'intéresser.
Adrien suggéra ensuite qu'il était temps de sortir les cadeaux qu'ils voulaient mettre sous le sapin de leurs hôtes. Nathalie et Gabriel insistèrent pour organiser eux-mêmes la mise en scène du Père Noël. Une fois tous les paquets apportés dans le salon, ils se souhaitèrent bonne nuit et les deux jeunes parents montèrent se coucher.
— Tu es extraordinaire, commenta Adrien. Tu as réussi à apprivoiser mon père en moins de deux jours.
— Je n'ai aucun mérite. Il veut à tout prix te retrouver. Il avait seulement besoin d'une occasion de le faire sans perdre la face.
— Mais pourquoi a-t-il attendu si longtemps ?
— Il ne devait pas être prêt avant. Et je ne suis pas certaine que tu l'aurais été plus tôt. Et puis, c'est ainsi, Chaton. On est dans le présent et on veut tous que cela finisse bien.
Adrien resta songeur. Alors qu'ils se déshabillaient dans la salle de bain, il dit :
— Je pense que tu l'as impressionné avec ton ensemble de vêtements. Il a vraiment été bluffé.
— Tu exagères.
— Non, Marinette, je suis très sérieux. Je connais le regard qu'il a quand il juge qu'un vêtement est parfait. Tout à l'heure, quand il t'a demandé de l'appeler par son prénom, j'ai pensé que c'étaient les échecs. Mais en y repensant, je suis certain que ce qui a été déterminant c'est ton coup de crayon. Il a de l'estime pour toi.
— Adrien...
— Et pourquoi pas ? Tu as de véritables dons, ma Lady, et il sait respecter les talents des autres, même quand ce sont ses rivaux. Il apprend à t'apprécier.
— N'exagérons rien. Nous n'avons pas échangé plus de quatre phrases depuis que je suis arrivée.
— Il approuve l'éducation que tu as donnée aux enfants. Je pense même... qu'il n'est pas mécontent de ce que je suis devenu. Et ça, c'est grâce à toi, Milady.
Marinette sentit son cœur se gonfler. Le besoin viscéral que son mari éprouvait à obtenir la fierté et l'amour de son père l'émouvait terriblement. Elle espérait qu'Adrien ne se berçait pas d'illusions et que Gabriel avait enfin réalisé quel homme merveilleux était son fils.
— Bien sûr qu'il est fier de toi, assura-t-elle en enlaçant son mari. Tu es quelqu'un d'exceptionnel.
— On fait la paire, ma Lady, lui répondit-il avec ce sourire à la Chat Noir qui la faisait totalement craquer.
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Comment trouvez-vous cette rencontre ?
On se retrouve dans une semaine pour "Retisser les liens familiaux".
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