Chapitre 2
Leau brûlante lui agressait la peau : Axe Marcel soupira de bien être – tout en faisant taire la petite voix qui lui conseillait d'économiser leau. Il était d'accord avec ça, mais sentir les gouttes ruisseler sur son corps, la chaleur pénétrer son épiderme jusqu'à – presque – réchauffer son cœur, tout cela avait le mérite de le distraire de ses ombres, de ses cauchemars qui le suivaient même alors que l'astre solaire se levait. Longtemps, il croyait, avec une naïveté quil qualifierait d'infantile, que ses monstres d'horreurs et d'effrois ne vivaient que dans ses songes ; il se trompait, ils étaient partout, déguisés et cachés sous des masques hypocrites et des sourires trompeurs.
Il se saisit dune serviette.
La douche le retenait il pouvait presque entendre sa voix qui lui susurrait de rester. Mais il n'avait le choix : il devait changer sa façon de vivre pour économiser, il ne pouvait pas se permettre de rester sous leau plus de dix minutes par douche. Et puis l'eau ne parlait pas.
Il se sentit exposé, presque à nu quand il passa devant le miroir embué. Axe n'eut besoin de voir son reflet pour visualiser sa silhouette. Il la connaissait par cœur, les moindres méandres du passé, ses côtes saillantes, résultats directs de sa maigreur maladive, ses joues creusées et ses yeux – bien trop sombres, bien trop noirs – si écarquillés qu'on le croyait drogué à chaque instant. Il le savait. Il l'acceptait. Ils le voulaient – pour démontrer quils ne s'étaient pas trompés sûrement.
Lorsqu'il fut dans sa chambre, il prit un long pull blanc – presque deux fois sa taille – si long quil ressemblait à un drap géant. Il s'en foutait. Cétait confortable et cela lui suffisait. Un pantalon noir lui servit de bas, un bonnet pour cacher sa tignasse indomptable et ses lunettes de vue. Il était prêt.
Quelques heures plus tard, Pixie, son amie et aussi son assistante personnelle - un rôle auto-proclamé par celle-ci depuis l'hospitalisation de son unique parent - le trouva, scotché devant son ordinateur, le nez fourré dans des dossiers.
– Oh salut Pixie, je ne tai pas entendu arriver.
Il déposa ses feuilles et se leva pour se faire une autre tasse de thé.
Il avait fait les comptes, il pouvait y arriver, il pouvait sauver son oncle à condition de bien gérer l'héritage de ses parents. Oncle Alt lui avait fait promettre de ne pas utiliser cet argent pour lui, mais, à quoi lui servirait tout l'argent du monde s'il se retrouvait seul et malheureux ? L'argent pouvait contribuer au bonheur certes, mais ne ranimait pas les morts ; il en avait plus que conscience. Pour réaliser son plan farfelu, il lui faudrait travailler plus, bien plus quil ne le faisait jusqu'à présent ; il devrait mettre au placard ces états dâme et tout faire pour aider sa seule famille. Au fond de lui, il savait aussi que si par malheur son oncle meurt, il mourait avec lui. Il avait trop lutté, il avait trop donné pour en sortir indemne. Cétait en quelque sorte sa seule chance de sortie ; une forme de rédemption.
– Dis Pixie, tu ne connais pas un moyen de gagner plus dargent ?
– Hum, c'est pour monsieur Thur cest ça ?
Il hocha la tête.
– Pourquoi pas un prêt ? Tu es jeune et talentueux.
Il rit. Jaune.
– Tu rigoles ? Je nai même pas de diplôme. Aucune banque n'accepterait de me faire un prêt et puis laisse tomber ; je n'ai même pas d'âme soeur.
Il souffla. Du moins il en avait plus, mais cela, cétait une autre histoire dont Pixie ignorait l'existence.
– Oui, cest embêtant, mais et si tu cherchais ton âme sœur ? Elle serait sûrement ravie de t'aider, non ?
Était-ce le moment de tout avouer à sa meilleure amie ?
Il secoua la tête. Plus pour se convaincre de ne pas flancher tout de suite que de répondre à son amie.
– Non, et il y a trop variable dans cette équation. Impossible, ça ne marchera pas ! Je n'ai pas le choix. Jai beaucoup réfléchi au problème tout à l'heure.
La vérité ? Il n'avait pas fermé l'œil l de la nuit, mais il n'allait pas l'avouer à son amie, car celle-ci lui ferait inévitablement la morale. Il y avait une multitude de chose dont la jeune fille méconnait le concernant.
– Il faut organiser plus de prestations à ThAxe, des soirées de lectures, des clubs de lectures, des événements spéciaux ! Ce genre de chose ! Cest à la mode en ce moment ! s'exclama le libraire, enchanté par son idée.
– Je... je croyais que vous n'aimiez pas tout ce qui est à la mode ?
– Nous n'avons pas le choix ! Si nous ne le faisons pas, Alt risque de mourir et je refuse ! Sil faut que j'ouvre tous les jours à toutes heures de la journée et de la nuit, je le ferai ! Sa vie n'a pas de prix ; il est le seul qui s'est jamais occupé de moi. Le seul qui sest dévoué pour ce fils de dégénéré !
– Axe, je comprends mais il faut penser à toi ! je ne veux pas que... que...
La suite de sa phrase mourut dans sa gorge.
Elle désigna de ses doigts le bras dAxe tandis que celui-ci tira sur sa manche déjà bien longue pour cacher ses cicatrices.
– C'était une erreur, d'accord ? Je ne recommencerai pas, je peux supporter la pression ! Pour Alt je peux le faire !
Il donnerait tout pour convaincre son amie, car il avait besoin, maintenant plus que jamais, du soutien inébranlable de celle-ci. Quitte à lui mentir. Ce n'était pas bien grave ; sa vie, il sen contre-fichait, il avait cessé de vivre depuis bien longtemps. Il n'était qu'un morceau d'âme éparpillé dans le vaste espace de l'univers attendant que son éclat disparaisse. Il s'en fichait de mourir demain ou dans dix ans, mais il refusait que celui qui lui avait tout donné, celui qui le considérait comme son propre fils alors ses propres parents l'avaient abandonné meurt et disparaisse, petit à petit, inexorablement des souvenirs. Il en faisait des cauchemars toutes les nuits et pour fuir ces démons, il n'avait dautres choix que de subir l'implacable insomnie et ses effets – comme pouvait le démontrer ses poches de cernes et son teint de cadavre. La seule personne qui l'eût jamais aimé, son âme-soeur et sa muse n'était plus là pour le convaincre de lutter, de combattre ses démons.
Pixie ne pouvait pas le comprendre. Elle était trop pure, elle ne pouvait ne serait-ce imaginer sa douleur. Axe ne pouvait la blâmer, il lui cachait tous de son passé, de ses pouvoirs. Axe savait quil ne pouvait pas perdre son oncle sans se perdre lui-même.
Il était prêt à tout pour parvenir à ses fins. Même à renouer les liens avec sa famille maternelle. Même à vendre ThAxe.
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