Chapitre 6 - La naine rouge.
Il hurla, réveillant en sursaut son père qui était à deux doigts de se faire maîtriser par leur second agresseur. Instinctivement, le mage activa son pouvoir, et ses iris changèrent de couleur. D'un coup de pied, il fit reculer son assaillant, puis se leva et brandit son bâton d'un air menaçant.
— Touchez à un cheveu de mon fils et vous êtes des hommes morts, gronda-t-il.
L'adolescent se demanda comment ils avaient réussi à entrer malgré la porte fermée, mais se dit ensuite qu'il avait d'autres problèmes plus préoccupants à gérer, à commencer par garder la tête sur les épaules.
— Rassure-toi, je n'ai pas l'intention de lui trancher le cou tout de suite, il y a quelques questions auxquelles j'aimerais que tu répondes avant, rétorqua celui qui tenait Makis. Mais si tu n'es pas assez clair à mon goût, je n'hésiterai pas à le délester de sa caboche, et ensuite ce sera ton tour, voyageur... Ou plutôt devais-je dire Confrère de Käyen !
— Qu'est-ce qui vous fait croire ça ? demanda ce dernier en faisant jongler son regard entre les deux hommes.
Le Néophyte sentit la dague s'appuyer un peu plus sur sa peau.
— Ici, c'est moi qui pose les questions, pas l'inverse, répondit l'autre avec un sourire diabolique. Alors, par quoi pourrais-je commencer...
Mais il n'eut pas le temps d'y réfléchir davantage. Homaï s'était jeté sur lui d'un bond. Le jeune Aazu sentit la lame entailler légèrement sa chair et le sang perler lorsque son ravisseur le lâcha afin de se protéger. Sautant sur l'occasion, il roula hors du lit et se recroquevilla dans le coin de la pièce, en proie à des tremblements incoercibles et le cœur battant la chamade.
Le deuxième homme, sans plus prêter attention à lui, se rua également sur le Confrère. Makis songea qu'il ne devait pas être suffisamment impressionnant pour que l'on jugeât bon de lui régler son compte, et c'était mieux ainsi. Il savait qu'il avait plus de chances de mourir de trouille que d'un coup de couteau s'il se retrouvait mêlé à la bagarre. D'ailleurs, son père s'en sortait très bien malgré son infériorité numérique : son pouvoir d'anticipation l'aidait à esquiver les attaques.
Au prix d'un violent effort sur lui-même, l'adolescent parvint à attraper son arc et son carquois qui gisaient au pied du matelas. La peur le paralysait et lui faisait perdre tous ses moyens, et il dut s'y reprendre à plusieurs fois avant de parvenir à encocher convenablement une flèche. Même bander son arc s'avéra d'une difficulté sans nom. Lui qui avait toujours été un excellent tireur et qui ne manquait jamais sa cible, voilà qu'il craignait désormais de décocher. Quel comble !
L'arme pesait de plus en plus lourd dans ses mains incertaines. Il devait vite agir et ne pas laisser son père se démener seul face à leurs deux adversaires ! Maman, songea-t-il, j'ai besoin de ton courage...
Makis crut alors sentir la présence familière et rassurante de Kitana à ses côtés, qui lui soufflait des paroles d'encouragement dans le creux de l'oreille. Il inspira profondément et relâcha la corde. Le trait siffla et vint se planter dans le mollet de l'un des hommes qui, hurlant de douleur et déséquilibré, chuta sur l'un des lits. Homaï en profita pour lui asséner un violent coup à la tête, laquelle fut projetée en arrière dans un craquement sinistre, et l'agresseur s'effondra au sol. N'ayant plus qu'un ennemi, le Confrère eut tôt fait de s'en débarrasser de la même manière.
Il se tourna ensuite vers son fils qui, toujours prostré dans son coin, se fit tout petit sous son regard noir. Tout compte fait, il eût peut-être été préférable de mourir de trouille...
— Mieux vaut ne pas rester ici, grommela le mage, les dents serrées.
Ce n'était pas la leçon de morale à laquelle Makis s'attendait, néanmoins il savait qu'il y aurait droit tôt ou tard. Ils rassemblèrent leurs effets et quittèrent l'auberge le plus rapidement et le plus silencieusement possible. Les deux Aazu ne croisèrent personne, à croire qu'il n'était pas prévu qu'ils en réchappent. Dans les ruelles tortueuses, le Néophyte suivait son père, qui semblait sûr de sa destination, en épongeant régulièrement le sang de son estafilade.
Les fuillards se rendirent aux écuries, s'introduisirent dans le box où ils avaient laissé leurs chevaux – dont la porte était déjà ornée d'une enseigne « prix à négocier » – et se coulèrent dans l'ombre. Ils attendirent les premières lueurs de l'aube dans un silence pesant et angoissant, à l'affût du moindre bruit suspect. Dès qu'ils entendirent la grande porte s'ouvrir et la herse se lever dans un grincement métallique, les deux membres de la Confrérie sautèrent sur leurs montures et quittèrent Redsha au triple galop. Ils ne ralentirent l'allure que deux kilomètres plus loin, lorsqu'Homaï jugea qu'ils ne risquaient plus rien.
Le Néophyte gardait les yeux baissés et n'osait pas prendre la parole, par peur de représailles intempestives. Il n'eut cependant pas à s'en donner la peine très longtemps car, peu après, son père lâcha :
— Tu es un irresponsable.
Ces simples mots firent à Makis l'effet d'une douche froide. Il aurait presque préféré se faire crier dessus.
— À cause de toi, nous avons failli mourir tous les deux. Je t'avais bien dit de ne parler à personne et de rester discret ! Et puis, t'endormir pendant ton tour de garde...
Il secoua la tête, les yeux clos, comme résigné à poursuivre, et soupira finalement :
— On ne peut vraiment pas te faire confiance.
Le garçon aurait souhaité que sa mère fût là à ce moment précis, elle qui avait toujours su trouver les mots pour le soutenir et le réconforter. Au lieu de ça, il se retrouvait avec sa bêtise pour seule compagnie. Son cœur se serra et il finit par répondre avec amertume :
— Tu aurais dû écouter le Doyen et choisir un autre partenaire pour cette mission tant qu'il en était encore temps...
Le Confrère ne répliqua rien, laissant son seul silence accabler son fils davantage.
Le soleil poursuivit sa course, s'élevant toujours plus haut dans le ciel. La température grimpait elle aussi en flèche, si bien que Makis finit par retirer sa cape de voyage. Les terres alentours étaient arides, et le fleuve qu'ils longeaient toujours n'était presque plus qu'une simple rivière dans un lit de terre ocre. La carte n'indiquait ni relais, ni ville ou village à moins de cinquante kilomètres à la ronde.
Homaï l'avait prévenu qu'ils risquaient de rencontrer des bandits de grand chemin dans ces régions. Il n'en était rien, du moins pour le moment : c'est à peine s'ils avaient croisé d'autres voyageurs, ce qui rendait leur périple particulièrement ennuyeux. Makis ne s'en étonnait pas plus que cela, car l'Est de l'Adraendar était bien moins fréquenté que l'Ouest et ses grandes cités. Histoire de passer le temps, il comptait les fennecs en grignotant des dattes, sachant pertinemment qu'il était peine perdue d'engager la conversation avec son père.
Tandis que l'astre étincelant entamait lentement sa phase de déclin, le Néophyte commençait à piquer du nez, engourdi par la chaleur et la monotonie du paysage. Alors qu'il luttait pour maintenir ses paupières ouvertes, il crut être victime d'une hallucination. À une centaine de mètres devant eux, une large ombre s'était matérialisée après le passage d'un nuage de poussière, au beau milieu de la route jusqu'à présent déserte. Il se frotta les yeux, pensant à un mirage, mais se rendit bien vite compte que le mage s'était stoppé et agrippait fermement les rênes de son étalon beige.
— Qu'est-ce qu'elle nous veut... murmura Homaï.
L'adolescent plissa les yeux et fixa la silhouette, déformée par les ondulations de l'air chaud. Une femme, à en juger par la longue chevelure qui volait au vent, juchée sur un cheval noir.
— Prépare-toi à fuir hors du sentier, on ne sait jamais, recommanda son paternel alors que le duo s'avançait au pas dans leur direction.
La cavalière immobilisa sa jument, une superbe bête à la robe aussi sombre que le jais et à l'air vigoureux, juste devant eux. C'était une jeune fille qui devait être à peine plus âgée que Makis. Elle arborait de nombreux tatouages noirs sur les bras et le visage, et possédait également de longs cheveux d'un rouge pourpre ainsi que des yeux de la même couleur. Son regard était profond et pénétrant, et elle avait une beau bronzée par le soleil. Avant même qu'elle eût ouvert la bouche, le Néophyte se sentit intimidé.
— Je m'appelle Shamë Ktar, annonça-t-elle, et je suis une mage-guerrière du clan Wazkaëf. Les étoiles me prédisent votre passage depuis longtemps, voyageurs, et elles sont formelles : je dois me joindre à votre périple.
La détermination dans sa voix et la nature de sa requête piquèrent la curiosité du jeune Aazu, mais c'était sans compter sur l'intransigeance du Confrère.
— Je te remercie, mais nous n'avons nullement besoin d'aide, répondit fermement ce dernier.
— D'où viens-tu ? Depuis combien de temps guettes-tu notre passage ? questionna son fils au même moment, couvrant ses paroles.
— Le village de mon clan se situe un peu plus à l'Est d'ici, non-loin de la frontière du Royaume. Il n'est pas indiqué sur les cartes. Pour ce qui est de vous guetter, je n'ai eu qu'à attendre le message des astres. Je me suis alors mise en route et je vous ai trouvés.
— Nous n'avons nullement besoin de ton aide, répéta le mage, et tu ne sais même pas qui nous sommes. Rentre chez toi.
— Détrompez-vous, rétorqua-t-elle sans se laisser démonter. Les étoiles ont été très claires et m'ont tout révélé : deux voyageurs, sur deux vieux chevaux. Un père et un fils, qui ne sont pas ceux qu'ils prétendent être. En réalité, le plus âgé est bleu et le plus jeune beige. Ils viennent des contrées vertes du Sud, et se rendent au Nord, dans les montagnes blanches. Ils sont en mission pour l'accomplissement d'une prophétie, qui leur a été délivrée de par-delà les cieux, mais ce qu'ils ne savent pas, c'est qu'un grand danger les guette...
Homaï parut légèrement déstabilisé qu'elle sache tant de choses à leur sujet, cependant il reprit d'un ton implacable :
— Nous saurons très bien nous en sortir tous seuls, je t'assure. Nous avons parfaitement conscience des risques qui nous attendent, raison de plus pour ne pas t'avoir dans les pattes.
— Mon aide vous sera d'un grand secours, voyageur. Je te rappelle que je suis une guerrière du clan Wazkaëf, par conséquent je suis formée au combat depuis mon plus jeune âge. Mon destin est de vous accompagner dans votre quête, il est tracé depuis ma naissance. Je m'y tiendrai : il est hors de question que je contredise les étoiles.
Un duel de têtes de pioche. L'adolescent était curieux de voir qui allait céder en premier et il misa sur son père. Non pas qu'il ne le pensait pas capable de tenir tête à une fille trois fois plus jeune que lui, mais cette cavalière tatouée paraissait motivée par une volonté inébranlable. Quelques instants plus tard, effectivement, le Confrère soupira d'un air résigné et lança son cheval au petit trop. Les deux jeunes gens le suivirent et Makis vit du soulagement passer sur le visage de Shamë. Alors que son paternel se murait dans un silence entêté, le garçon, quant à lui, chercha à en savoir davantage sur leur nouvelle camarade.
Il apprit qu'elle avait dix-sept ans et qu'elle était la fille du chef de son clan. La jeune fille lui expliqua qu'en plus d'être des mages-guerriers, ses semblables pouvaient interpréter l'avenir grâce aux étoiles ou aux pierres sacrées – elle-même en transportait perpétuellement dans une sacoche. Elle savait depuis des années qu'ils allaient passer par cette route et que son devoir était de partir avec eux, en revanche elle n'en avait pas appris davantage sur la nature du danger qui les menaçait.
Le temps continua de s'écouler sans qu'Homaï daigne adresser la parole à la Wazkaëf. Il l'ignorait superbement, se contentant de lâcher quelques mots à l'intention de Makis de temps à autre. La jeune fille n'en avait pas l'air peinée le moins du monde, et ne se départait pas de ses airs fiers. Ils finirent par faire une halte au soleil couchant, étirant leurs muscles raidis et laissant se reposer les chevaux. Avec surprise, le Néophyte constata que leur nouvelle camarade était très petite : à peine un mètre quarante.
— Je connais bien la région, lança la mage-guerrière en voyant Homaï sortir la carte. Pour atteindre les montagnes plus rapidement, nous ferions mieux de couper par les terres plutôt que de suivre la rivière.
— C'est une bonne idée si ça peut nous permettre de gagner du temps ! la soutint Makis en interrogeant son père du regard.
— Nous n'en ferons rien, rétorqua sèchement l'homme. Ce n'est pas parce qu'elle s'obstine à nous suivre que nous devons appliquer ses conseils. Qui dit qu'elle ne nous ment pas...
Le regard de Shamë s'embrasa :
— Vous remettez en cause ma parole ? gronda-t-elle en redressant la tête.
— Oui, assena le Confrère, et ma méfiance est légitime. Je ne te connais pas, et tout ce que tu nous racontes pourrait très bien n'être qu'un mensonge habilement tissé. Maintenant, libre à toi de nous coller aux basques si ça t'amuse, mais n'essaie pas d'influencer nos choix.
Il lui tourna le dos et entreprit de dérouler la carte.
— Makis, ajouta-t-il, on repart dès que le soleil aura complètement disparu. Tâche de te reposer un minimum.
— Vous voulez cheminer après le crépuscule ? C'est n'importe quoi ! persifla Shamë. Les brigands profitent des voyageurs stupides comme vous pour s'en mettre plein les poches sitôt la nuit tombée !
— Tu n'as pas ton mot à dire, lui rappela le mage. Makis, fais comme j'ai dit. Si elle te propose quelque chose, même à boire ou à manger, refuse. Et si elle te quémande quelque chose, même à boire ou à manger, refuse aussi.
Blessée dans sa fierté mais apparemment pas décidée à abandonner, la Wazkaëf partit s'occuper de sa jument sans un mot. Dès que les derniers rayons furent absorbés par l'horizon, ils se remirent en selle et poursuivirent leur progression dans ce paysage désolé. Homaï ouvrait la marche, tandis que les deux jeunes gens cheminaient l'un à côté de l'autre. Le Néophyte voyait bien que la mage-guerrière était nerveuse. Malgré sa posture détendue et son visage neutre, elle ne cessait de jeter des coups d'œil aux alentours.
Il y avait, un peu plus loin, un amas rocheux sur le bord de la route. Alors qu'ils s'apprêtaient à le dépasser tranquillement, une ombre surgit devant eux, paniquant les chevaux qui se cabrèrent. Ensuite, tout se passa très vite.
Makis se fit désarçonner et sentit deux mains le maintenir au sol fermement. Une paire d'yeux brillants apparut au-dessus de lui, encadrée de longs cheveux sombres. Le garçon avait visiblement été le moins réactif des trois car son père et Shamë se tenaient campés sur leurs jambes, bien qu'encerclés par six autres personnes qui les menaçaient avec de lourdes armes. Celui qui clouait le Néophyte à terre prit la parole :
— C'est pas souvent qu'on croise du monde, par ici ! Alors, c'est pas bien compliqué... Vous nous donnez vos chevaux, votre argent, vos armes, vos fringues et tout le reste que vous trimballez. Vite fait, et en silence, sinon...
Il eut un sourire carnassier qui fit paniquer l'adolescent encore davantage.
— Nous vous tuerons, acheva-t-il. Le marmot d'abord.
Shamë avait elle aussi tiré son épée, une lame acérée mais légère et maniable à une main. Cependant, au lieu de s'en servir pour attaquer ou se défendre, Makis la vit fermer les yeux. Drôle de méthode, songea-t-il. Est-elle résignée à y passer ? Pendant un instant, rien ne se produisit. Et soudain, la prise que son agresseur exerçait sur lui se relâcha. En regardant vers le haut, il comprit pourquoi.
Un énorme bloc de roche tombait droit sur lui à une vitesse folle. Le bandit s'était déjà écarté de plusieurs mètres afin d'échapper à ce roc, abandonnant le jeune voyageur au niveau du point de chute. Le Néophyte se roula en boule, fataliste, tremblant de tous ses membres. Il sentit une larme couler sur sa joue, émit une ultime pensée à l'intention de sa mère puis attendit le choc.
Il n'eut pas lieu. Après plusieurs secondes, Makis eut le courage d'ouvrir un œil, puis l'autre, et constata qu'il n'avait pas bougé d'un pouce. En revanche, il n'y avait pas la moindre trace d'impact. Elle s'était tout simplement volatilisée en pleine chute. Il tourna le regard et constata, stupéfait, que les six hommes qui encerclaient auparavant ses deux compagnons gisaient désormais au sol. Leurs yeux grands ouverts fixaient des points invisibles dans le ciel étoilé. Ils étaient morts.
Son père semblait tout aussi estomaqué que lui et fixait Shamë qui, souplement et épée au poing, se dirigea vers le seul brigand restant, figé sur place. D'un mouvement vif et précis, elle l'envoya rejoindre ses acolytes puis rangea son arme et pivota vers les Aazu. Ses yeux rouges brillaient d'une lueur combattante dans la pénombre.
— Je vous avais prévenu que parcourir les environs durant la nuit n'était pas sans risque, siffla-t-elle sèchement.
Elle se dirigea nonchalamment vers les chevaux et tenta de les apaiser à l'aide de paroles réconfortantes. Se retournant à demi pour jeter un regard condescendant aux deux membres de la Confrérie, la Wazkaëf susurra :
— Même pas un « merci » ? Dois-je vous rappeler que je viens de vous sauver la vie, voyageurs ?
Homaï lâcha un vague remerciement, comme si cela le répugnait.
— Que... Que s'est-il passé avec le rocher ? balbutia soudain Makis. Je n'ai pas rêvé, vous l'avez vu, vous aussi ? Il allait s'écraser sur moi puis il a disparu, tout à coup...
La jeune fille redressa fièrement la tête et clama :
— Cette roche était de ma conception. Souvenez-vous, je suis une mage-guerrière, et par conséquent je ne sais pas seulement me battre... Je possède le pouvoir des mirages, des illusions si vous préférez. Je peux faire apparaître n'importe quoi, il s'agit juste d'une histoire de créativité et... de concentration. Une simple inattention et l'illusion n'est plus réaliste. Celle-là n'était qu'une diversion.
Elle eut un petit sourire en coin et ajouta avec orgueil :
— Vous voyez, vous ne pouvez pas vous passer de moi...
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