Chapitre 3 - Le lac.
Ils regagnèrent leur domicile en silence sous les faibles rayons de soleil matinaux. La plupart des autres adeptes commençaient à mettre le nez dehors, mais les deux Aazu tachèrent de ne pas s'attarder en chemin. Sitôt chez eux, le garçon s'enferma dans sa chambre et rassembla lentement ses affaires. Il changea même la corde de son arc et fourra l'intégralité des flèches qu'il avait fabriquées dans son carquois de chasse.
Pour finir, il plia soigneusement sa toge beige et la rangea sur une étagère, sachant pertinemment qu'il n'en aurait pas besoin pour ce voyage – les Confrères optaient pour des tenues discrètes et passe-partout lorsqu'ils partaient en mission. Une fois son paquetage terminé, Makis retrouva son père dans le séjour, qui venait lui aussi de boucler son sac.
Il semblait avoir retrouvé un peu de vigueur depuis la fin de leur réunion avec le Sommet. Par-dessus ses affaires indispensables se trouvait le grand bâton qui ne le quittait jamais quand il voyageait. Homaï savait le manier avec une grande habileté, si bien que ce long outil de bois pouvait se révéler une arme redoutablement efficace. Mais même quand il ne se battait pas avec, il s'en servait souvent comme bâton de marche.
— Tu es prêt ? demanda le Confrère en plantant ses yeux marron dans ceux, bleus, de son fils.
Le Néophyte acquiesça, devança son père dans l'entrée et s'en alla attendre en bas des marches. Il entendit la porte se fermer, la clé tourner dans la serrure, puis un bruit de terre cuite. La clé avait été cachée sous le pot de fleurs qui ornait la fenêtre de la cuisine.
— J'arrive dans une minute, lança l'adolescent en désignant l'arbre, alors que son père atteignait lui aussi la terre ferme.
Cependant, alors qu'il s'était à peine retourné, le bâton de marche d'Homaï vint lui barrer la route.
— On y va, asséna l'homme en s'interposant à la place de sa hampe.
— Mais... Maman... Je ne lui ai pas expliqué, protesta le garçon en amorçant quelques pas vers le chêne.
La tige de bois lui heurta les tibias.
— On y va.
Face à ce ton sans appel, Makis ne put que capituler. Au fond, il saisissait bien la cause de cette dureté soudaine : il était aussi douloureux pour son père que pour lui se s'éloigner de leur foyer et de Kitana. Si les adieux traînaient en longueur, le départ n'en serait que plus difficile.
Sentant les sanglots lui nouer la gorge, l'adolescent jeta un dernier regard aux jacinthes mauves qui avaient commencé à faner dans l'alcôve du tronc, sans réellement savoir dans combien de temps il allait pouvoir remplacer ce bouquet. Maman, songea-t-il avec force, si tu savais dans quelle aventure je m'engage... Tu serais certainement très fière de moi. Je t'aime. Tu me manques. On sera de retour bientôt, je te le promets.
Le cœur aussi lourd que les jambes, il se hâta de rattraper Homaï qui s'était engagé sur le sentier sans se retourner. En dépit de son allure déterminée, ses yeux étaient encore brillants et sa voix rauque lorsqu'il rendait leurs salutations aux autres adeptes. Certaines familles semblaient même avoir guetté leur passage et se pressaient aux fenêtres des cabanes pour leur souhaiter bonne chance, ce qui toucha le Néophyte.
À mesure que les Aazu s'avançaient vers la lisière de la forêt, les constructions et la végétation se faisaient moins denses. Au bout d'environ dix minutes de marche, le Confrère lâcha :
— Nous devrions bientôt arriver à la limite du sortilège de protection...
Comme pour confirmer ses dires, à peine cent mètres plus loin, Makis sentit un courant froid glisser sur sa peau, le faisant frissonner. Cela ne dura qu'un instant, et l'air boisé vint de nouveau caresser son épiderme. En regardant en arrière, rien ne pouvait laisser supposer que la secrète Confrérie de Käyen avait élu domicile sous le couvert des arbres. Aucun sentier ni aucune cabane n'étaient visibles. Ce voile magique transparent qui entourait les bois rendait la base introuvable pour quiconque n'y était pas invité, et seuls les membres du Sommet pouvaient en réguler l'accès.
Devant eux s'étendait à présent une vaste plaine verdoyante. La région d'Ysana, au Sud-Est du Royaume, bénéficiait d'un climat doux et ensoleillé, favorisant le développement des élevages et des exploitations agricoles. Des moulins et quelques hameaux de fermiers parsemaient ce tableau de prairies et de forêts.
Ils marchèrent environ un kilomètre sans croiser personne et tournèrent à gauche à l'embranchement en patte d'oie, dont la troisième voie menait à un petit lac qui jouxtait la frontière. Des fermes se découpaient de temps à autre au sommet des collines, et des troupeaux broutaient paisiblement dans les prés. Les routes au Sud de Triëm, le village le plus proche, étaient très peu fréquentées, et les deux voyageurs ne rencontrèrent les premiers habitants qu'en apercevant le clocher, une bonne heure plus tard.
Makis essayait de profiter pleinement malgré la contradiction qui persistait en lui : il se sentait partagé entre la joie de cette expérience nouvelle, l'appréhension d'être confronté au danger et le déchirement à l'idée de laisser toute sa vie derrière lui. Après tout, il ne quittait que très rarement la protection rassurante de sa forêt natale. Les semaines à venir promettaient de ne pas ménager ses émotions.
— Sois discret, recommanda Homaï alors qu'ils croisaient passaient les murs du village.
Makis aimait bien Triëm, il en gardait de bons souvenirs pour les rares fois où il y était venu. Le bourg était animé, et les fermiers se mêlaient aux conteurs, aux marchands et aux voyageurs un peu égarés dans cet endroit aussi reculé. Des poules couraient dans les allées boueuses, les enfants chahutaient sur la place de la chapelle et les ragots allaient de bon train entre les murs de chaux et les toits de paille.
— Nous devons d'abord trouver des capes de voyage, lâcha le Confrère. Ce sera plus confortable et c'est le meilleur moyen de nous faire passer pour de simples voyageurs...
Il l'envoya chercher des vivres tandis qu'il s'occupait des pèlerines, négociant fermement le prix avec un vendeur qui tenait son échoppe près de la tannerie. Il avait strictement ordonné à son fils de s'en tenir à la liste qu'il lui avait fournie, souhaitant contrôler les dépenses. Les deux Aazu n'avaient pas beaucoup d'argent à disposition et la Confrérie ne leur avait octroyé que cinquante pièces supplémentaires, en partie pour les chevaux.
Makis quitta donc son paternel et s'engagea dans une ruelle sinueuse qui semblait être reliée à une artère plus large. Soudain, il entendit une voix juste à côté de lui, qui lui murmura d'un ton mystérieux :
— Bonjour, mon ami...
Le Néophyte bondit deux mètres plus loin en étouffant une exclamation de frayeur. Son corps était parcouru de tremblements incoercibles et il sentait son cœur tambouriner violemment dans sa poitrine.
— Je viens de recevoir un arrivage de plumes de phénix, poursuivit l'homme de sa drôle de voix, toujours à-demi caché dans l'ombre. Première qualité, prix négociable. Tu es intéressé ?
Makis ne répondit pas, déglutit difficilement sans cesser de le fixer puis prit ses jambes à son cou. Il retrouva avec soulagement la rue passante et lumineuse, au bord de laquelle il s'accorda une petite pause pour refouler sa soudaine montée d'adrénaline. Vagabondant ensuite quelques minutes entre les stands, il acheta le nécessaire pour leur voyage : fruits, viande séchée, gourdes, cordes, couteaux...
Une fois cela fait, l'adolescent s'attarda peu, préférant retrouver son père au plus vite. Il évita soigneusement d'emprunter le même chemin qu'à l'aller, souhaitant s'épargner une mauvaise rencontre supplémentaire – quitte à marcher deux cents mètres de plus. Le Confrère venait tout juste de terminer ses propres emplettes et tendit une ample cape brune à son fils.
— Met-là tout de suite, ordonna-t-il. Mieux vaut nous faire le moins remarquer dès maintenant...
Il avait également acquis une carte du Royaume et se mit à la rouler avant de la ranger dans son paquetage.
— Que nous manque-t-il, à présent ? demanda Makis en parcourant la rue et ses passants du regard, angoissé à l'idée de tomber nez-à-nez avec l'inconnu et ses plumes de phénix.
Homaï fronça les sourcils.
— Des chevaux... maugréa-t-il.
Makis éclata de rire devant l'air renfrogné de son paternel et jugea préférable de ne plus penser à son étrange rencontre. Il le devança en direction des écuries, situées à la sortie nord de Triëm. Au sein de la Confrérie, certains membres possédaient leurs propres montures et les laissaient aux stalles lorsqu'ils n'en avaient pas besoin. Mais le père du Néophyte, lui qui détestait les animaux, préférait ne pas s'en encombrer. C'est pourquoi il devait s'en procurer au village à chacune des missions qu'il effectuait, même si cela lui en coûtait – tant financièrement que psychologiquement.
Les hennissements ainsi que l'odeur de paille et de crottin leurs parvinrent avant même d'apercevoir bâtiment. Ils longèrent les boxes et, alors qu'ils s'apprêtaient à passer devant un dont la porte était restée ouverte, Homaï s'arrêta.
— Que se passe-t-il ? s'inquiéta son fils en s'immobilisant à son tour.
Les yeux du Confrère virèrent soudain du marron au jaune et Makis comprit qu'il utilisait sa magie. Le pouvoir de mage de son père était d'anticiper et de visualiser les actions à venir. Seul inconvénient : il lui changeait la couleur des iris, ce qui n'en permettait pas un emploi discret. C'était d'ailleurs pour cela que le garçon voyait rarement Homaï s'en servir. L'homme scruta le box quelques instants, puis ses yeux reprirent leur aspect habituel.
— Rien d'important, je vérifie simplement si ce satané canasson n'a pas l'intention de me donner un coup de sabot quand je vais passer.
Makis fut pris d'une crise de rire.
— Décidément, tu apprécies toujours autant les animaux, hoqueta-t-il. Je me demande ce que ça va être, dix jours à cheval !
— Oh, toi, arrête un peu ! répliqua l'autre avec mauvaise humeur. Tu as la chance de ne pas les craindre, ce qui n'est pas mon cas. C'est d'ailleurs bien la seule chose dont tu n'as pas peur...
Les deux Aazu passèrent donc devant la stalle sans encombre et s'adressèrent au guichet. Leurs richesses actuelles ne leur permettant pas de se payer des chevaux jeunes et vigoureux, ils durent se contenter de deux étalons proches de la retraite. L'un avait une robe grise mouchetée de blanc, quant à l'autre il possédait une robe beige et une crinière tressée. Makis les jaugea rapidement et préféra réserver le plus calme des deux, le beige, pour son père. Cependant, la monture piaffa dès que l'homme s'approcha d'elle.
— Il ressent ta panique ! expliqua le Néophyte d'un ton légèrement excédé. Calme-toi et il en fera de même !
— Je... je suis parfaitement calme, répondit son père d'une voix saccadée, tout en caressant maladroitement le flanc de l'équidé. Après tout, ce n'est pas la première fois que je monte à cheval... C'est juste que je ne le connais pas encore, alors il va peut-être essayer de me mordre...
Le Néophyte soupira et finit par prendre leurs deux brides pour les conduire un peu plus loin, hors du village. Après quelques minutes de marche, il les arrêta sur le bord de la route et incita son père à le rejoindre. Ce dernier s'exécuta d'un air réticent, ses yeux jaunis fixant les montures sans ciller.
— Je t'assure qu'il ne te fera pas le moindre mal, lança Makis. Vois-le comme un ami, et tout ira bien.
Le Confrère continua de s'agiter une fois en selle, mal à l'aise. Le garçon remarqua même une goutte de sueur qui perlait sur sa tempe. De son côté, il sangla son paquetage puis bondit sur sa monture grise et blanche avec agilité ; elle ne bougea pas d'un poil et se laissa faire sans même renâcler. Il prit les rênes en main puis claqua la langue, et les deux bêtes se mirent en marche. Les deux cavaliers prirent la route qui longeait la rivière et remontait vers le Nord, marquant le début de leur périple qui ne devait pas durer moins de dix jours jusqu'au pied des montagnes d'Anunosh.
Homaï parvint enfin à se détendre après une demi-heure de route. Le Néophyte se permit donc de lui demander :
— Pourquoi n'avons-nous pas pris le bateau ?
— Parce que la rivière est à contre-courant, elle s'écoule du Nord au Sud. Certains passages sont assez techniques et il y a de nombreux barrages qui risqueraient de nous retarder, surtout avec toutes les formalités de passage à remplir... De plus, le bateau est plus cher et nous offre moins de liberté que le cheval, même s'il est plus... agréable pour voyager.
Il avait grimacé sur ces derniers mots, ce qui fit sourire son fils.
— Est-ce que nous allons devoir user d'une fausse identité ? enchaîna-t-il.
— Je ne l'espère pas. Évitons simplement de décliner nos noms ; nous n'en inventerons de nouveaux qu'en cas d'extrême nécessité.
Makis acquiesça une nouvelle fois et le silence s'installa entre eux pendant plusieurs heures. Ils avaient sûrement tous deux beaucoup à ressasser après leur départ précipité. De toute manière, cette route du Sud-Est du Royaume était plutôt animée, foulée par de nombreux convois marchands et quelques paysans avec leurs charrettes, même si ce n'était rien comparé aux voies pavées de l'Ouest.
À la tombée de la nuit, ils s'arrêtèrent à proximité d'une caravane qui avait établi son campement et Homaï descendit de son cheval avec un soulagement non dissimulé.
— Non seulement c'est moche et malodorant, mais en plus c'est très inconfortable, ronchonna-t-il.
Les Aazu attachèrent les montures à un arbuste qui poussait tout près, défirent leurs paquetages et allumèrent un petit feu. Ils mangèrent rapidement, abreuvèrent les montures et s'étendirent ensuite dans leurs couvertures, sous les milliers d'étoiles. La lune bleue, comme toujours, était pleine, et les récits populaires l'interprétaient comme l'œil de Käyen qui veillait sur le Royaume. Le Néophyte ne pouvait s'empêcher d'y croire, même si l'orange restait la plus belle à ses yeux. Il adressa une prière silencieuse à la Déesse puis, éreinté par cette chevauchée et cette aventure nouvelle, ne tarda pas à fermer l'œil.
Réveillé par les premiers rayons du soleil et le boucan que causaient leurs voisins en attelant leurs carrioles, Makis se rendit compte qu'Homaï était déjà penché sur la carte du Royaume.
— Nous sommes ici, annonça-t-il en tapotant le bord de la route. À une vingtaine de kilomètres de Triëm.
Il frotta sa barbe naissante et parcourut l'illustration des yeux.
— Si tout va bien, nous serons au lac de Basaän d'ici demain, poursuivit-il en faisant glisser son doigt vers le Nord, le long de la rivière.
Sitôt leurs affaires rangées et une rapide collation avalée, ils se remirent en selle, non sans réticence pour le Confrère. Leur voyage reprit, et dès le lendemain matin, ils quittèrent comme prévu la route principale puis ne tardèrent pas à arriver aux abords de l'immense étendue d'eau. Trois fleuves donnaient sur ce lac : l'un vers le Sud, celui qu'ils avaient suivi depuis Triëm, un autre vers le Nord et enfin un troisième vers l'Ouest, qui traversait tout le Royaume et que les grandes chaussées suivaient jusqu'à la mer. Depuis leur position actuelle, il leur était impossible d'apercevoir la rive opposée.
— Faire le tour du lac, même à cheval, nous prendrait au moins une journée, marmonna le Confrère en consultant la carte. Sans compter qu'il faudrait traverser des forêts non balisées... Oui, nous n'avons pas le choix, nous allons devoir louer un bateau...
Après une demi-heure à suivre la berge, ils trouvèrent par hasard un hameau au détour d'un bosquet, constitué de cabanons de bois et de pierre. L'endroit était plutôt calme et il n'y avait personne en vue. Alors qu'ils s'y avançaient avec prudence, une voix les interpella :
— Bonjour, je peux vous aider ? demanda la femme qui avait surgi de l'intérieur d'une cabane.
Son tablier était couvert d'écailles et de morceaux de viscères et elle tenait un seau rempli de sel à la main. Elle paraissait fatiguée.
— Où sommes-nous ? questionna Homaï en intimant à son fils de rester discret.
— Cet endroit est un campement de pêcheurs. Nous venons de la ville de Welzo, à vingt kilomètres d'ici. Lorsque le poisson se fait abondant, nous nous installons dans ces maisonnettes pour quelques jours avant de rentrer au bercail. Mais actuellement, tous les autres sont partis à l'embouchure de la rivière Sud.
— On ne pouvait pas mieux tomber ! Nous cherchons un bateau pouvant contenir deux personnes et deux chevaux afin de gagner la rive opposée, poursuivit le Confrère.
Le visage de la pêcheuse se décomposa.
— Vous voulez... traverser le lac ? balbutia-t-elle d'une voix blanche.
— C'est dangereux ? s'enquit Makis sans tenir compte du regard réprobateur de son père.
— Eh bien... Si j'étais vous, je ne m'aventurerais pas sur les eaux ces prochains jours... Les sirènes et les naïades sont de très mauvaise humeur ces derniers temps, et trois d'entre nous ont déjà disparus alors qu'ils pêchaient...
Sa voix se brisa.
— Mon mari en faisait partie, souffla-t-elle.
— Je suis navré, répondit sincèrement Homaï.
Il profita que la veuve lui tournait le dos, essuyant discrètement ses larmes, pour prendre un instant son fils à part.
— Nous devons traverser le lac, chuchota-t-il, tant pis pour les sirènes. Au moins, nous ne venons pas pour voler leur poisson... Ce n'est pas une méthode particulièrement honnête, mais je vais essayer de me servir de l'état de détresse de cette femme. Espérons qu'elle me croie ! Et ne t'avise plus de dire quoi que ce soit...
Le Confrère se tourna de nouveau vers la pêcheuse.
— Je vous propose un marché, déclara-t-il. Vous nous fournissez un bateau, et de notre côté nous allons tenter de retrouver les trois disparus.
Les traits de la femme s'illuminèrent et elle hoqueta avec espoir :
— Vous... vous feriez ça ?
Son interlocuteur hocha la tête et elle sembla retrouver son énergie. Cinq minutes plus tard, ils se tenaient à bord d'une embarcation de quelques mètres amarrée sur la berge et s'évertuaient à faire monter les chevaux par un ponton de bois.
— Vous n'aurez qu'à laisser le bateau de l'autre côté quand vous aurez fini de l'utiliser, lança la pêcheuse. De toute façon, il ne nous est pas utile pour le moment, et mon mari s'occupera de le ramener quand vous l'aurez retrouvé. Dites-lui de revenir vite !
— Nous n'y manquerons pas, sourit Homaï. Merci pour votre aide.
— C'est moi qui vous remercie ! Faites bien attention à vous, ajouta-t-elle avec un sourire triste.
Pendant que le père Aazu hissait la voile, Makis s'installa à la barre, laissant le faible vent les pousser par la poupe sans trop intervenir. Puis le Confrère s'assit à l'avant sur un tas de filets, le plus loin possible de leurs montures.
— Allons-nous vraiment chercher les disparus ? s'enquit le Néophyte quand ils furent à une distance raisonnable de la rive.
— Je ne me suis engagé ni sur ma vie, ni sur mon honneur, lâcha son paternel. Je n'ai donc pas de comptes à rendre à cette femme, même si je garde son affaire dans un coin de ma tête. Mais qu'il soit bien clair, son histoire ne doit pas interférer avec notre quête !
Le hameau rétrécissait peu à peu, à mesure qu'ils s'en éloignaient. Bientôt, même la berge ne fut plus en vue. Aucune barque ni aucun voilier ne voguaient malgré les conditions calmes et le temps magnifique, sans doute par peur de ces rumeurs sur les sirènes. En parlant d'elles, Homaï commençait vraiment à douter des paroles de la pêcheuse. Ces créatures des eaux ne s'en prenaient jamais aux humains – hors déclaration de guerre bien entendu – et n'avaient jamais défendu l'accès à la surface de leur territoire.
Le mage haussa les épaules et contempla son reflet brouillé. Le lac de Basaän paraissait parfaitement calme et il ne devait pas y avoir de raison de s'inquiéter.
Il se trompait. À peine cinq secondes après l'émission de cette pensée, deux bras l'agrippèrent et le firent basculer par-dessus le bord. Ce n'est pas une très bonne blague, Makis, songea-t-il amèrement. Mais juste avant de sentir sa tête plonger dans les eaux sombres et la panique le submerger, il vit que son fils avait le droit au même traitement.
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