Il ne pleurait pas. Heureusement, car la nuit était calme. Pas un bruit. Pas un véhicule dans les rues. Elles marchait tranquillement sous la lumière des lampadaires et de la pleine lune. Son visage était vide, fermé. Le couffin qu'elle portait, semblait la déstabiliser, elle n'avait qu'une idée en tête, aller à l'église, le déposer et partir. Elle avait le coeur lourd en pensant à ce qu'elle allait faire. Des larmes incontrôlables de douleur, de peur, de désespoir coulaient sur ses joues blafardes. Il fallait qu'elle l'abandonne sur le parvis de l'église, qu'elle laisse ce petit être sans défense, qu'elle venait de mettre au monde. C'était ce qu'il avait dit. Il fallait respecter Sa volonté.

Elle était fatiguée, épuisée. Elle le déposa endormi et bien emmitouflé dans la couverture de laine. Elle l'embrassa une dernière fois et laissa bien en évidence le papier où l'on pouvait lire "Jean".Elle descendit les marches, se cacha sur le côté et attendit. Elle ne voulait pas le laisser seul. Il était cinq heures trente, elle avait regardé sa montre machinalement. C'était plus fort qu'elle, elle ne pouvait pas partir sans savoir mais une douleur atroce lui déchira le bas ventre puis elle sentit un liquide chaud glisser le long de son entre-jambe. Elle inspira, expira lentement et se décida à partir en direction de l'hôpital.

L'angoisse montait en elle, ses jambes commençaient à se dérober, son pantalon de jogging semblait de plus en plus lourd. Dans la lueur d'un lampadaire, elle apperçut qu'elle saignait. Elle marchait ahurie et complètement perdue. Elle pensa qu'elle allait peut-être mourir, et si elle allait à l'hôpital, on lui poserait des questions, du style "où est l'enfant ?". Il fallait mieux qu'elle meure, là maintenant. Elle s'arrêta, regarda autour d'elle et vit un abri bus. Elle traversa la route et alla s'assoir. Les mains fermées sur son ventre endolori, la tête baissée, les yeux fermés, elle pensa qu'elle venait de vivre des évènements des plus étranges et des plus exceptionnels qu'une femme, qu'un être humain ne puisse imaginer. Et maintenant.... était-ce vraiment fini ou était-ce un commencement ?

Elle rejeta violemment sa tête en arrière et voulut hurler dans ce matin calme. Elle voulut se relever mais elle retomba lourdement sur le banc. Elle se dit que c'était la fin. Si Dieu en avait décidé ainsi pour elle. Ses oreilles bourdonnèrent et elle s'évanouit.