2.
Mathilde devait prévenir qu'elle allait devoir prendre une voire deux journés de plus. Elle profita de la cohue, lors du dépôt des cendres dans le cimetière de souvenir pour s'éclipser afin de téléphoner. Elle descendit l'allée du cimetière pour se retrouver sur le parking en terre battue. Et malgré, l'éclaircie du moment, des flaques d'eau jonchaient toute la surface. Le ciel était magnifique, d'un bleu reposant. Elle s'arrêta quelques instants pour profiter du paysage qui s'offrait à elle, car malgré la pluviométrie abondante et la fraîcheur saisissante, même à la mi-juin, cette région n'avait pas que des mauvais côtés. Clothilde allait reposer dans un havre de paix, quelque peu féerique. Cette vallée avait un de ces versant boisé avec à cette période de l'année, une palette de vert exceptionnelle. L'église du XIIIème siècle s'incorporait très bien dans ce tableau avec ce ruisseau dont le bruit lent et régulier venait s'ajouter naturellement à cette harmonie.
Elle décida d'aller s'asseoir sur un des bancs disposés devant l'enceinte pierrée du cimetière abritées par d'immenses pins. Là, elle continua l'expertise visuelle de ce chef-d'oeuvre réel. Une mouette surgit dans ce tableau, ce qui la fit sortir de sa rêverie. Elle sortit son portable de sa poche, commença à composer, lorsqu'elle s'aperçut qu'une silhouette dans l'ombre des pins l'observait. Celle-ci vit sa réaction et sortit à ce moment. C'était une femme agée, elle s'approcha lentement et elle lui fit un signe de la tête.
- C'est beau, n'est-ce pas ?
- Oui, vraiment
Mais Mathilde n'eut pas le temps de continuer qu'elle l'interrompit.
- Vous n'avez pas ça à Paris ?
- Non, il y a bien d'autre...
Encore une fois, elle lui coupa la parole. Comment savait-elle d'où elle venait? Ce n'était pas écrit sur son visage !
- Pollution, bruit et populace tout, pour être bien dans sa tête. N'est-ce pas ?
Mathilde la regardait sans pouvoir lui donner un âge approximatif. Elle avait un visage marqué par le temps mais était bien conservée. Elle portait un tailleur sombre, bien coupé. Ses cheveux étaient bien coiffés. Des boucles d'oreilles pendantes étaient accordées à son pendentif et elle était légèrement maquillée.
- Je m'appelle Jacqueline Morgin, je suis, enfin j'étais la meilleure amie de Clothilde. Elle expira lentement et reprit, je suis désolée, Mathilde, mais c'est la vie. Tu sais...., Je peux te tutoyer ?
Mathilde lui répondit simplement par un signe de la tête.
- Tu sais, elle n'a pas souffert, elle s'est endormie et voilà.... cent huit ans c'est quand même beau !
Mathilde ne pouvait plus parler, une pince invisible lui enserrait la gorge. Cette vieille femme venait de lui balancer la réalité en pleine face, son arrière grand-mère était morte, sa famille était morte, enfin tout ceux de sa ligné. Les autres ? Elle se sentit mal. Cette pince invisible se désserra et un poids s'enfonça dans son estomac, accompagné d'une sueur froide qui lui courut le long de la colonne. Elle venait de réaliser qu'elle était seule. Seule. Elle venait de comprendre ce que pouvait ressentir une personne sur une île déserte, comme Robinson Crusoé ou Tom Hanks, dans Seul au monde. A la différence qu'elle, elle n'était pas sur une île déserte et personne ne la recherchait. Des larmes se mirent à couler le long de ses joues. Et, ce n'est qu'en passant sa main machinalement sur sa joue qu'elle se rendit compte qu'elle pleurait. Elle n'était pas si insensible qu'elle l'avait pensé quelques heures auparavant et puis il lui restait tout de même son beau père, Jackie et son fils Hugo. Jacqueline mit sa main sur son bras et le serra amicalement.
- Tu sais, je comprends. Pleure ça soulage.
Jacqueline l'observait, l'analysait. Mathilde s'en aperçut et se ressaisit. Jacqueline se rendit compte de son mal être et reprit.
- Clothilde m'a chargé de te donner ceci.
Elle lui tendit un écrin noir en velours. Mathilde le saisit en la regardant interrogatrice, Jacqueline renchérit.
- Je ne sais pas ce qu'il contient mais elle me l'avait confié pour qu'il te parvienne directement. Tu sais, Clothilde était un sacré bout de femme. C'était une cachetière, on se racontait beaucoup de choses, mais elle ne m'a jamais vraiment dévoilé son coeur. Elle disait toujours, quand j'essayais de discuter de sa vie, surtout sentimentale que "le coeur d'une femme est un jardin dont elle seule connaît les secrets". Aujourd'hui j'ai exaucé son souhait. Qu'elle aille en paix.
Elle se leva et lui fit un geste bref de la main.
- Viens me voir, quand tu seras prête. Ma porte sera toujours ouverte.
Mathilde la regarda s'éloigner, elle était encore sous le choc de ce qui venait de se passer. Cette vieille femme était étrange, et elle n'avait pas été curieuse de savoir ce que contenait cet écrin ! Elle en doutait. Lorsqu'elle eut disparu de son champ de vision, elle constata qu'elle serrait cet écrin sur sa poitrine. Elle le contempla, le retourna dans ses mains quelques instants. Des questions commencèrent à émerger dans sa cervelle ébranlée. Pourquoi Clothilde avait-elle fait passer cet écrin par une tierce personne et non pas par le notaire ? Qu'est-ce qu'il pouvait bien contenir de si important ? Comment, cette Jacqueline savait qu'elle était bien la personne à qui elle devait confier cette boite ?
Elle allait ouvrir ce mystérieux cadeau, lorsqu'elle entendit quelqu'un l'interpeller. Elle tourna la tête en direction de la voix, le petit trapu à la voix aigrelette, il se dirigeait vers elle. Mathilde rangea l'écrin dans la poche de sa veste et lui fit signe qu'elle téléphonait. Il s'arrêta et se dirigea vers son véhicule. Elle composa le numéro du bureau tout en regardant l'heure. Elle espérait ne pas avoir Brigitte, la secrétaire qui allait vouloir être gentille mais allait lui poser un tas de questions pour satisfaire sa curiosité mal saine. Ce fut Bruno, son ex et patron qui lui répondit. Au son de sa voix, elle comprit qu'il voulait être compatissant car il connaissait ce par quoi elle venait de passer depuis deux ans. Ça faisait quatre ans déjà qu'elle travaillait dans ce bureau de maître d'oeuvre. Elle s'y plaisait mais l'ambiance était plutôt tendue depuis qu'elle avait rompu avec Bruno. Un an, déjà, et il était toujours après elle. Il essayait de temps à autre de la reconquérir mais elle n'était pas amoureuse alors elle préférait être claire, ami et collègue, c'était tout.
- Bruno, je vais avoir besoin d'une ou deux journées de plus. Il faut que je sois sur place pour la succession de ....
Il lui coupa la parole et son intonation de voix changea.
- Personne ne peut te remplacer?
- Heu... Non
- Tu as des dossiers en cours ?
- Oui, trois à traiter en urgence. Ils sont sur mon bureau, Rodrigue ou Lucie peuvent s'en charger ?
- Ils sont aussi débordés que toi...Je vais voir avec eux. Tu rappelles demain matin pour donner les consignes sur ces dossiers.
- Oui pour neuf heures trente, le temps que tu puisses voir avec lequel des deux, je boucle.
Mathilde ferma son portable surprise par le ton sec de Bruno. Ce n'était pas sa façon d'être surtout avec elle. Elle se leva du banc et partit rejoindre le personnage nonchalant à sa voiture. Elle arrivait près de son véhicule tout en slalomant autour des flaques d'eau et évitant de glisser sur les endroits boueux, lorsqu'elle l'aperçut. Il lui jeta un regard impatient au travers de sa vitre, lui montrant sa montre en tapotant dessus. Elle secoua la tête et haussa les épaules. Elle monta dans sa berline et il lui fit signe de le suivre.
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