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-J'ai beau retourner le problème dans tous les sens, dit Watson à Lestrade, je ne vois pas qui cela pourrait être d'autre que le majordome.
-Je ne suis pas convaincu, soupira l'inspecteur, son alibi est solide...
Une idée surgit soudain dans la tête du docteur, qui sourit.
-À moins que...
~
Une demi-heure plus tard, le majordome était emmené jusqu'au fourgon blindé de la police.
-Bravo, docteur ! Félicita Lestrade. Non seulement je n'aurais jamais pensé que ce puisse être le majordome, mais en plus, c'est grâce à vous que nous avons découvert la faille de son témoignage !
Watson rosit. Il était impatient de raconter ça à Holmes !
Mais, au premier pas dans la rue, il se fit assaillir par une foule de reporters
-Docteur Watson ! Docteur Watson ! Si vous êtes là, c'est que Sherlock Holmes est sur l'enquête ?
-Est-ce que Holmes a déjà trouvé le coupable ?
-Holmes est-il ici ?
-Vous agissez sur les directives de Sherlock Holmes ?
-Qu'est-ce que Sherlock Holmes mange au petit déjeuner ?
Watson sourit en songeant que son ami aurait détesté cette foule, et ouvrit la bouche pour chanter ses mérites – comme d'habitude – mais, au dernier moment, aperçut la figure renfrognée de Lestrade, que les reporters avaient superbement ignorés.
-Malheureusement, messieurs, dit-il avec un sourire éclatant (Watson n'avait pas conscience de son charisme, ce qui, de l'avis général, ne faisait que l'accentuer), Holmes est arrivé trop tard, cette fois. L'inspecteur Lestrade avait déjà résolu l'enquête !
Les reporters, d'un seul mouvement, se retournèrent vers l'inspecteur stupéfait, qui mit une demie seconde avant de se rengorger, les joues rosies de plaisir, et raconter par le menu comment son génie – et l'aide approximative du docteur Watson – avait permis de résoudre cette enquête.
Watson sourit, amusé de voir que les journalistes l'avaient totalement oublié. À croire qu'il n'existait que dans l'ombre des autres.
Mais le docteur avait trop bon cœur pour ne pas se réjouir du bonheur de ses amis et, tout guilleret, reprit le chemin de Baker Street. Il imaginait déjà, dans sa tête, comment il allait raconter l'histoire à Holmes. Et que dirait le détective ? Est-ce qu'il se contenterait d'un petit sourire en coin ? Est-ce qu'il le complimenterait ? Est-ce qu'il lui ferait plus confiance, à l'avenir ?
Distraitement le docteur leva la tête et remarqua que dans le ciel, jusque-là limpide, les nuages commençaient à s'amonceler, en prévision de pluie futur.
Rien de trop grave, certainement, songea-t-il en frappant à la porte du 221b.
Madame Hudson lui ouvrit, l'air vaguement soucieux.
-Ah, Docteur ! s'exclama-t-elle en le voyant. Vous tombez à pic !
-Il y a quelque chose que je peux faire pour vous, chère Madame Hudson ?
-Eh bien, je m'en voudrais de vous embêter...
-Voyons, chère Madame Hudson ! C'est à propos de Holmes ?
-Non, pas du tout. C'est juste... Ma petite nièce est malade...
-Rien de grave, j'espère ?
-Non, je ne crois pas, un simple refroidissement.
-Alors, que puis-je faire pour vous ? A-t-elle besoin d'un médecin ?
-Oh, elle a déjà le médecin de famille. C'est juste que... C'est un peu embarrassant, mais je vous ai entendu parler, l'autre jour, à Monsieur Holmes, de ce tout nouveau remède qui fait des miracles... Je ne voulais pas écouter, croyez-moi, mais...
-Madame Hudson, l'interrompit Watson avec un large sourire, je sais bien que vous n'êtes pas indiscrète. Vous voulez parler des pilules du Docteur Farrow ? C'est encore expérimental, mais les résultats sont en effet excellents ! J'en ai plusieurs boites, en haut, je vais vous en donner une. Non, non, l'interrompit-il alors qu'elle allait prendre la parole, inutile de me payer quoi que ce soit, voyons ! C'est bien le moins que je vous doive, pour votre constante gentillesse !
La logeuse rougie, et le Docteur laissa échapper un petit rire avant de grimper les marches de l'escalier, impatient de voir enfin son détective.
Lorsqu'il entra, Holmes paraphait une lettre avec énergie. Il tourna la tête en entendant la porte s'ouvrir, et Watson constata aussitôt qu'il n'était pas de bonne humeur.
-L'affaire avec votre frère c'est mal passé, Holmes ?
-Les politiciens sont tous des imbéciles, grogna le détective en se levant pour aller quérir sa pipe. Non seulement le problème était des plus simples à résoudre, mais en plus j'ai mis trois fois plus de temps que je n'aurais dû mettre, à cause de ces messieurs un peu trop lents, qui refusaient catégoriquement de me délivrer la moindre information, fusse au péril du royaume ! Une bande d'ânes bâtés... Pauvre Mycroft, avoir affaire à eux chaque jour !
Watson sourit à cette tirade et accrocha son manteau et son chapeau à une patère avant de se laisser tomber dans son fauteuil, devant l'âtre éteint.
-Je constate que votre humeur est plus élevé que la mienne, railla Holmes. Vous avez déjà résolu l'enquête ?
-Figurez-vous que oui, mon cher Holmes ! Répondit Watson, tout heureux.
Le détective fronça les sourcils. Avec une pointe de culpabilité, il s'aperçut qu'il n'avait pas envie que Watson ait résolu l'affaire à sa place. Comment allait-il impressionner son docteur s'il se mettait à résoudre des crimes, lui aussi ?
La moue encore moins amène, il se laissa tomber dans son fauteuil, en face de Watson.
-Racontez, lâcha-t-il. Et sans ajout romanesque, ajouta-t-il aussitôt, plutôt sèchement, au moment où le docteur ouvrait la bouche.
Sans se démonter, Watson raconta tout par le menu.
-Eh bien ? Dit-il lorsqu'il eut finis. Qu'est-ce que vous en pensez, Holmes ?
Un autre jour, Holmes aurait été amusé – ou même attendrit – devant l'expression de Watson, en tout point semblable à celle d'un écolier quettant l'approbation de son maître. Mais ce jour-là, son humeur avait réellement été mis à rude épreuve.
-Ce que j'en dis, Watson ? Que vous avez été remarquablement mauvais.
Il y eut un instant de silence. Watson eut l'impression de se prendre un seau d'eau glacé en pleine face.
-Remarquablement mauvais ? Répéta-t-il d'une toute petite voix.
-Remarquablement, répéta Holmes en mettant l'emphase, au fond de lui un peu rassuré de garder sa suprématie en la matière.
-Mais... argumenta le pauvre médecin.
-Vous m'avez bien dit qu'il y avait des taches blanches, sur la manche du majordome ?
-Oui... Mais je ne vois pas en quoi...
-Réfléchissez, pour l'amour de Dieu ! Est-ce que ça vous arrive, parfois ? C'est pourtant simple, Watson ! Même en ne se basant que sur votre piètre rapport, je suis capable de le déduire ! Le majordome, Monsieur Moutarde, a un amant. C'était quelqu'un d'autre qui était présent ce jour-là, déguisé en majordome !
-Mais s'il a vraiment un alibi, pourquoi...
-Il ne pouvait pas dire à un représentant de la loi qu'il avait un amant, Watson. Il me semble qu'il est marié ? Il ne pouvait pas exposer sa famille, ainsi que son ami, aux feux de la justice. Vous avez fait arrêter le mauvais individu.
-Mais le voleur...
-Était bien évidemment quelqu'un d'extérieur à la maison.
-Mais ce n'est jamais quelqu'un d'extérieur !
-Vous lisez beaucoup trop de romans, Watson. Bien sûr, que ce peut-être quelqu'un de l'extérieur. Quelqu'un d'habile, qui savait que la police et les gens en général – comme vous – penserait à un vol interne...
Honteux et blessé dans son amour propre, Watson fixait le sol. Holmes était déjà ailleurs, tout émoustillé par l'idée d'une chasse à l'homme avec un adversaire qui s'annonçait intéressant.
-Venez, Watson ! Dit-il en sautant sur ses pieds. Allons voir si l'on peut réparer vos bêtises !
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