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II - 10. Le général



28 décembre 2018 – 2500 mots


L'efficacité du général Viktor en tant que chef de guerre fut indéniable. Pour beaucoup d'entre nous, il est le vampire qui sauva la Salvanie, l'Orkanie, et le reste du monde.

Ces faits n'empêchent pas de s'interroger sur les crimes de guerre commis sous son commandement.

Il est intriguant de constater à quel point les peuples – mais aussi leurs dirigeants – se construisent l'image de héros purs, auxquels ils prêtent toutes les vertus les plus estimées dans la société du moment. Quiconque tente de tempérer ces accès de lyrisme, c'est comme s'il brisait la magie du conte. Pourquoi n'avons-nous pas le droit de douter de nos héros ? De modérer la façon dont nous écrivons l'histoire ? La vérité est-elle trop dure à entendre ?

Le général Viktor n'a pas vaincu parce qu'il se situait du côté du bien. Nous estimons qu'il se situait du côté du bien, et nous pouvons justifier cette appréciation de diverses manières. Mais Viktor a vaincu parce qu'il n'a fait l'économie d'aucun moyen à sa disposition, quitte à se salir les mains.


Bill Velt, Mémoires de guerre


Twinska, 25 août 2010

Le général Viktor était de ceux qu'un rien agace, parce que tout les agace. Ce n'est pas qu'ils pensent réellement que le plat est arrivé froid, que la soupe est fade ou le dessert trop sucré ; car on sait bien qu'aucun de ces détails ne suffirait même à éveiller la moindre lassitude chez un empereur décati. En réalité, Viktor appartenait à une catégorie de personnes qui sont déjà agacées et qui recherchent simplement a posteriori des raisons de l'être, fussent-elles d'un ridicule consommé.

Ces personnes apprennent par la suite à exercer un aplomb tel qu'on leur reconnaît toujours raison. On se prend à trouver soi-même ce plat glacial, cette soupe terriblement fade, ce dessert doucereux ; et ne souhaitant pas demeurer la cible de cette colère, on cherche un subordonné à qui la faire passer. Qui donc, en cuisine, a préparé cette soupe, quel serveur a fait passer ce plat ? Virez-les, c'est immangeable !

Le général Viktor ne pouvait pour ainsi dire pas prendre conscience des dommages que causait son attitude, car de son point de vue, ses agacements perpétuels étaient justifiés ; il distribuait son insatisfaction comme une critique bienvenue qui aide à l'amélioration.

Ayant observé le cours de Tatska jusqu'à sa fin, Viktor se sentit de nouveau agacé, comme un signe avant-coureur, avant de se souvenir où il avait déjà rencontré la vampire qui donnait le cours. Leam Fédorovitch. Dans d'autres circonstances, certes, moins professionnelle et plus maquillée. Le bal du comte Pavlov, la nuit de la chute d'Eden sur Daln.

À cette époque, il n'était encore que colonel, mais déjà second dans la hiérarchie de la garde nationale salvane. Il n'était pas allé à cette réception par goût, car le faste de la noblesse twinskayenne l'agaçait plus que tout (tout l'agaçait plus que tout, il ne savait pas choisir). La plus grande patience avait été nécessaire pour alpaguer le général Marien, le chef des forces d'autodéfense fallniriennes, ce gros homme en bleu aux éperons de cavalier. Marien ne refusait pas sa présence, mais fuyait ses paroles et son regard : il s'en fichait. Tout ce qui l'intéressait dans ce bal, c'était la gent féminine, humaine ou vampire. Aussi le passage en coup de vent de mademoiselle Fédorovitch avait-il douché ses chances d'en apprendre plus sur les projets de l'armée fallnirienne. Ce souvenir l'agaçait plus que tout.

Depuis qu'il était entré dans la garde nationale, le général Viktor ne faisait pas que se rêver généralissime : il agissait comme. À peine entré aux ordres du général en chef de ces forces exsangues, qui ne servaient alors à rien d'autre que parader, il avait fait installer une grande mappemonde de Daln dans le bureau désormais sien ; toutes les semaines, il donnait à son supérieur un cours de stratégie militaire. Car si Eden avait étouffé toute velléité de guerre dans les derniers siècles sur Daln, le monde sœur de cette planète, la Terre, racontait une toute autre histoire.

Viktor, comme il arrive à certains officiers qui, dans la gestion d'affaires courantes qui leur paraissent ridicules, ont le sentiment de passer à côté de leur véritable métier, rêvait d'ajouter son nom à la liste de ces stratèges, qui commençait à Périclès et se finissait à Napoléon. (L'histoire terrienne leur étant parvenue par bribes, il était déjà heureux qu'elle ne commence pas à Napoléon pour se finir par Périclès.) Chose rare à souligner, il s'en donnait les moyens. Plutôt que de passer la moitié de son temps à signer des baux d'expédition pour des ballots d'essuie-touts destinés aux casernements, et l'autre moitié à tourner dans les bals twinskayens, Viktor revivait l'histoire de la Terre et essayait d'en extraire des enseignements.

Tout ses raisonnements se concluaient par la certitude suivante : sans Eden, Daln aurait connu la même histoire tumultueuse que la Terre. Il ne jugeait pas s'il s'agissait là d'un bien ou d'un mal, car Viktor ne pensait qu'en terme d'action et de devoir. Son devoir consistait à protéger l'intégrité de la Salvanie et de ses habitants, tâche que ne réalisait pas le Ministrat et l'état-major, selon lui, en s'appuyant toujours sur l'aide des anges. L'Empire Namane tentait de grignoter une province éloignée du Sud ? Ne vous tracassez pas, colonel, Eden fera une médiation diplomatique, ce sera réglé en quelques jours.

Certes, c'était réglé en quelques jours !

Devant sa mappemonde, Viktor avait réfléchi à ce qui se passerait si Eden venait à disparaître, ou si l'influence diplomatique des anges se réduisait. Il avait conclu que le premier point de conflit naîtrait à l'Ouest de leur grand continent, entre Fallnir et la Wostorie, deux pays qui n'avaient cessé de se chamailler. La situation s'y prêtait particulièrement : le président de Fallnir était un crétin mégalomane, qui secouait ses forces d'autodéfense pour s'en faire une armée « prête à défendre les intérêts de Fallnir », y compris dans l'action. Quant à son voisin, il ne valait guère mieux ; il attendait presque avec impatience que l'on vienne gratter à ses frontières.

Tout ceci, avait répondu le général, ne nous concerne pas. Trois mille lieues séparent Twinska de Rema. Que fallniriens et wostores s'entre-tuent gaiement ne m'empêchera pas de dormir.

« Et à votre avis, d'où vient le grain qui alimente Twinska ? Nous avons du pétrole, mais nos champs son gelés la moitié de l'année. Nous dépendons de la Wostorie. Or si la Wostorie entre en guerre, nous approvisionner sera le dernier de ses soucis. »

Ce à quoi le général avait répondu que, de toute façon, cette guerre n'aurait jamais lieu.

Arrivé enfin au poste suprême, Viktor venait de goûter la satisfaction d'avoir raison avant les autres. Oui, peu après la chute d'Eden, Fallnir déclarait la guerre, comme il l'avait prédit ! Cette saveur avait été de courte durée : Igora Matiev l'avait appelé en urgence pour lui remonter les bretelles. N'aviez-vous pas prévu tout ceci ? Comment allons-nous faire ?

Sa situation avait donc commencé à l'agacer. Quelle que soit l'efficacité de ses mesures, personne n'en serait satisfait et on continuerait de le critiquer.

« Berevitch ! Berevitch ! »

Son aide de camp accourut. Il en changeait tous les mois, aussi avait-il commencé à ne plus retenir leurs noms, pour leur apposer le générique « Berevitch », le nom de son premier assistant. Inversement, toute l'armée savait que quelqu'un que l'on appelait « Berevitch » d'un air agacé ne pouvait être que l'aide de camp du général en chef.

« Pas nouvelles d'Orkanie ? grommela Viktor.

— Non, général, aucune nouvelle.

— Vous direz à la commandante de cette caserne que le bâtiment, là, à gauche, est une porcherie. À droite, on dirait qu'il va s'effondrer sur place. Dites-lui de faire les réfections nécessaires. Quant à la nourriture du réfectoire, c'est un scandale.

— Elle m'en a parlé, dit le vampire en sortant un carnet de notes. Il paraît que ce sont les premières restrictions alimentaires... la Wostorie a coupé toutes les lignes de communication vers Twinska. Ils sont en train de se recentrer sur leur effort de guerre.

— Je l'avais prédit » marmonna Viktor en regardant dans le vague.

L'Orkanie l'agaçait. Dans ce pays fédéré autour de trois grands États, l'Alagor et l'Octanie menaçaient sans cesse de faire sécession, comme une incessante querelle d'enfants pour savoir quel jouet appartient à qui. Le système parlementaire était d'une lenteur proverbiale, le président de la Fédération un épouvantail, et l'actuel Bill Velt, un ivrogne notoire. Pourtant, l'Orkanie, plus grande économie de Daln, avait son indépendance industrielle et alimentaire ; on ne pouvait pas en dire autant de la Salvanie, qui se serrait déjà la ceinture. La plupart des archanges rescapés de la chute d'Eden s'étaient réunis à Verde, où l'Orkanie constituait une armée de défense. Twinska ne voulait pas être en reste des miracles qu'accompliraient là-bas les anges et les ingénieurs orkaniens, aussi Viktor attendait-il avec impatience qu'on réponde à ses sollicitations.

Pour peu qu'on leur envoie aussi un archange, la Salvanie s'associerait de manière officielle avec le continent d'en face. Ce serait un gage de stabilité.

« Général Viktor !

— Qu'est-ce qu'il y a, Berevitch ? »

La vampire était une autre Berevitch, sa deuxième aide de camp. Elle sortait de l'inspection du bâtiment des communications, au sommet duquel était juchée une sirène d'alarme, tocsin des villes modernes.

« Un appel de l'état-major. Fallnir vient de déclencher l'assaut sur la Wostorie. Ils ont passé la frontière. »

Recevoir cette nouvelle alors qu'il n'était pas à son bureau l'agaça.

« Trouvez-moi un téléphone » ordonna-t-il en choisissant au hasard un bâtiment, puis un bureau.

Il chassa un secrétaire vampire de sa chaise et appela Igora Matiev.

« Vous devez être au courant, dit-il sans même passer par les salutations formelles, tant il parlait sans cesse avec la cheffe du Ministrat.

— Quels sont vos pronostics ?

— Fallnir attaque en pensant que la guerre sera rapide et leur profitera. Mais le président dirige lui-même les opérations. C'est un crétin mégalomane et il va rapidement déchanter. La chancelière wostore est une personne plus fine, plus stratégique.

— Je ne voudrais pas vous contredire, Viktor, mais la radio fallnirienne suit l'avancée en direct et, pour l'instant, ils n'ont rencontré aucune résistance.

— C'est évident, madame Matiev. La zone frontalière de la wostorie est un réseau de petites villes dispersées sur un sol plat. Aucune position stratégique, rien que des habitations qu'ils ont déjà évacuées. C'est indéfendable et les Wostores n'ont aucun intérêt à y rester. Je subodore qu'ils attendent le bon moment pour une contre-attaque éclair.

— Les anges... les autres anges, les déchus d'Eden, ont annoncé qu'ils apporteraient leur soutien à Fallnir. Ce qui m'inquiète, général, c'est que Fallnir pourrait écraser la Wostorie en quelques jours et poursuivre dans son élan. La prochaine étape sera Twinska.

— J'ai pensé à cette éventualité. Nous suivrons la situation. Madame Matiev, les anges déchus ne vont pas soutenir Fallnir. J'en mettrais ma main au feu. L'attaque sur la frontière est un test. Ils vont déterminer qui, des deux belligérants, est à même de recevoir leur soutien, qui le mérite plus ou que sais-je. »

Leur seule contrainte : se placer à côté du vainqueur sur la photo de groupe. Que ce soit le président fallnirien terrassant la chancelière wostore ou le contraire. Car ils montreraient alors au reste du monde que leur puissance facile permettait de renverser le cours d'une guerre. Voilà qui secouerait encore ces édifices fragiles sur leurs fondations, qui jetterait le doute dans les esprits, qui contribuerait à renforcer la suspicion. Fallnir, la Wostorie, tout cela n'était qu'un jeu, un test, un prototype ! D'autres guerres étaient à venir.

« Dans mon allocution demain, reprit Igora Matiev, je parlerai du rationnement alimentaire et j'en expliquerai la cause. Je veux aussi pouvoir dire que la garde nationale a été déployée à la frontière wostore. Je compte sur vous, général.

— Je n'attendais pas que vous le demandiez pour le faire, madame, dit Viktor avec irritation, car il avait l'impression qu'on faisait son travail à sa place.

— Vous êtes un vampire précieux pour la Salvanie, général. Vous seul avez pris la mesure des défis auxquels nous sommes confrontés. Comme vous ne l'ignorez certainement pas, je suis malade. Il est possible que cette maladie me coûte la vie dans les prochains mois. Je m'attends à ce que la situation à l'Ouest dégénère entre-temps et que notre voisin du Sud s'agite. »

L'Empire Naman ! D'aussi loin que Viktor pouvait se souvenir, seuls les diplomates d'Eden parvenaient à faire entendre raison à son Empereur bouché – un personnage factice cachant un réseau d'intrigues de cour. Les Namanes n'attendaient que cela, la liberté de jouer la turbulence aux frontières lâches qui séparaient l'Empire de la Salvanie Orientale, liberté d'occuper des territoires préservés autrefois interdits à la présence humaine, liberté de brasser le chaud et le froid au gré de leurs envies passagères. Quand on dispose d'un Empereur invisible prétendument immortel, ces délires montent vite à la tête.

« Aussi, général Viktor, nous ne serons pas en mesure de convoquer de nouvelles élections. Si Twinska est menacée, le Consultat ne pourra peut-être même pas se réunir pour nommer un remplaçant temporaire. Je suis en train de prendre des mesures pour que la Salvanie reste entre de bonnes mains... »

L'esprit du général Viktor était occupé par des mouvements. La guerre, dans ses tenants et ses aboutissants, dans son tout et dans ses parties, se décrivait pour lui en terme de flux de propagande, de vivres, de matériel, de troupes, et ces mouvements atomiques se combinaient à une si vaste échelle que seule la science de la guerre pouvait expliquer le résultat final. Viktor imaginait que cette science, ou cet instinct, était l'arme secrète des stratèges célèbres. Avec trois cent hommes, on pouvait en arrêter un million ; il était possible de réaliser de grandes choses avec peu de moyens ; tandis que des armées entières pouvaient s'épuiser dans de vaines tentatives.

« Oui, entre de bonnes mains, hâta-t-il, prêt à raccrocher.

— Vous n'entendez pas ce que je dis, général ? Si mes médecins échouent, vous serez automatiquement nommé chef du gouvernement par intérim. Vous aurez toute latitude pour dissoudre le Consultat et je veille à ce que le Ministrat ne vous pose pas de problème. »

Un gouvernement ? Que pouvait-il bien faire avec un gouvernement ? Viktor sut qu'il ne pouvait pas contredire Igora Matiev, mais son annonce le laissa froid. Son rôle tel qu'il se le représentait était de commander l'armée, pas le pays.

« Cela veut dire que, jusqu'à la fin de l'état d'urgence en Salvanie, vous aurez le commandement de toute nos forces armées et de toutes les extensions de l'état sur le territoire. Les fonctionnaires seront également tenus d'obéir à vos ordres. »

Viktor traduisit ces perspectives en actes : il n'aurait plus besoin de secouer un préfet comme un prunier pour installer un nouveau poste-frontière. Il n'aurait plus besoin de s'excuser pour faire des exercices militaires en rase campagne. Le pays consacrerait toutes ses ressources à sa défense !

« Parfait » conclut-il froidement.

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