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I - 8. Le retour du fils oublié


27 octobre 2018 – 1600 mots




Toute société suffisamment large d'esprit pour que puisse s'y dérouler un « débat d'idées » finit tôt ou tard par voir surgir la clique de ses fossoyeurs. Selon ces époques, ces derniers se prétendent sophistes, philosophes, décadentistes, polémistes, essayistes ; et chaque société, en chaque époque, semble redécouvrir leur existence pourtant documentée par des milliers d'années d'histoire.

Ces individus sont des agents propagateurs d'idées, c'est-à-dire, au sens strict du terme, des influenceurs. Ce sont des êtres de papier et de théâtre ; entre deux inspirations, ils parlent et ils écrivent. Leur originalité ne tient pas à la forme, mais au fond : ils se mettent ainsi en tête de défendre les opinions les plus indéfendables.

L'intellectuel les savoure comme un fruit défendu, car il lui semble que le reste de la société s'est, au fil du temps, perclus de tabous inutiles et incapacitants. Peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse : ainsi la pauvreté du langage, l'indigence de l'argumentation, même l'esprit le plus exigeant passe outre, tant qu'il peut se sentir à rebours de son temps. Après tout, si l'on polémique et si l'on ratiocine, c'est bien qu'on a touché quelque chose de vrai. L'homme le plus sceptique, le plus cultivé, finit par se prendre à ce jeu : rien n'excite plus la vanité que de croire que l'on a compris.

Que disent ces opinions coupables ? Rien de nouveau. Le spectre se déploie de « c'était mieux avant » à « ça ne sera jamais mieux », en passant par « notre monde s'effondre, nous sommes perdus ». Le fait que, depuis des millénaires, les mêmes Cassandre en toc aient proféré les mêmes inepties, ne semble guère éclairer l'auditeur ; il est déjà captivé. Au procès de la société, l'accusation parle en premier. Personne n'écoutera ce qu'a à dire la défense, car une ombre de doute plane déjà sur elle.

L'homme d'idées n'est, après tout, que quelqu'un dont le confort matériel est déjà assuré, qui cherche ensuite à s'occuper l'esprit ; depuis son fauteuil et ses chaussons, les briseurs de tabous ne sont qu'une lubie comme une autre. Plus ils sont obscènes, plus ils sont savoureux. Hier ils prouvaient par Aristote que les roux étaient diaboliques, aujourd'hui ils disent qu'il faut renvoyer les dryens chez eux. Il ne croit pas plus à leurs racontars qu'au réchauffement climatique, car il ne croit à rien, ce qui lui semble le suprême état d'esprit d'un homme éclairé.

La polémique enfle. Comme des enfants dans la cour d'école, il faudrait séparer les pugilistes, hélas on ne peut empêcher un homme de parler. On échange les diffamations et les injures ; à force de s'opposer verbalement, on finit par croire à ce qu'on dit ; l'objectif n'étant pas d'avoir raison, mais bien de triompher de l'adversaire. Le polémiste en culotte courte serait capable de déclencher une révolution dans une maison de retraite, car tel est son métier. Seul, il ne peut rien dire ni faire, mais le moindre caillou dans sa chaussure peut être érigé en monolithe du complot, placé là par les forces obscures qui contrôlent tout -- sauf lui, qui veulent l'empêcher de défendre... que défend-il ? Identité nationale, valeurs démocratiques, liberté d'expression, il reprend tous ces termes en faisant semblant de les inventer. Comme le voisin d'en face qui emprunte une perceuse pour ses travaux et la rend inutilisable, sitôt passés entre ses mains, les mots sentent le soufre. Son exégèse à trois sous ne résiste pas un instant à l'épreuve de la réalité ; le monde sous sa plume est une caricature. Si vous lui faites remarquer, il s'énerve – vous n'avez pas compris, je répète pour vous : valeurs ! Liberté ! Identité ! Etc. Oui, mais tous ces mots, à quelles actions mènent-ils ? Oh, il n'y a pas d'actions pour cet homme, il n'y a que des mots, car tel est son métier.

Coup de théâtre. La révolution prend racine. Elle a lieu. Il n'est plus temps de savourer la douce prose vénéneuse du polémiste, car la voici mise en application. C'est donc que j'avais raison, avance-t-il. C'était inévitable, ajoute-t-il encore. Cependant, rien ne se passe comme prévu : au lieu d'être transformé, le monde prend feu. Ah, les forces obscures, dont j'avais théorisé l'existence, confirment leur présence. Elles résistent encore, conclut-il en fermant les yeux. Il ressemble à un occultiste dépassé par le démon qu'il a lui-même invoqué, qui prétend ensuite que ce n'était pas de sa faute, mais de l'inclinaison de la Lune, etc, qu'il s'attendait à tout autre résultat, qu'on l'a mal compris.

Bill Velt, Mémoires de guerre, Chapitre II


Rema, capitale de Fallnir – Janvier 2010


Tristan rentra chez ses parents pour une permission de deux jours. Sur le trajet de la gare de Rema à l'immeuble de son enfance, tout lui semblait avoir changé. Fallnir se transformait et cette mutation l'excitait. Il se gonflait de fierté nationale et s'imaginait que tous ces passants, en réalité plutôt occupés à leurs problèmes personnels, pensaient comme lui. Aussi chaque regard échangé par hasard lui semblait être un coup d'œil de connivence entre deux confrères. Toi aussi, lisait-il partout ; il ne manquait plus que l'accolade de deux frères d'armes qui se découvrent.

Il portait lui-même l'uniforme des sous-officiers de la force d'autodéfense, un complet bon marché d'un vert discutable, aux boutons de bakélite. La troupe avait déjà inventé sa propre science du renforcement des bottes, du raccommodage de la casquette, du remplacement des boutons ; mais Tristan se félicitait encore de garder intacte sa dotation de l'armée. Il avait laissé son fusil sur la base, pour des raisons légales, mais ces lois iniques reculaient à mesure qu'avançait la détermination du président Gérald. Aussi, quand il voyait des policiers en patrouille, Tristan se croyait-il semblable à eux, porteur d'une mission supérieure. Plus question de servir de sous-fifres aux anges gardiens d'Eden !

Une vie furieuse, un chemin bouillonnant d'aventures se déroulait devant lui. Les transformations annoncées seraient bien plus grandes que les affiches post-électorales vantant les mérites de Gérald étalées un peu partout. Or Tristan se trouvait à cet âge béni où l'on accueille les métamorphoses avec joie ; où il n'est rien de pire que de ne pas changer, de ne pas bouger, et où l'on croit souhaitable de porter des changements aussi radicaux à l'échelle d'un pays. Or cette radicalité s'était enracinée en lui. Le nécessaire faisait loi.

L'idée de recroiser sur le chemin des amis d'enfance le maintint en haleine. Non qu'il eût été jamais doué pour la parade ni perclus de narcissisme, mais il voulait que des yeux extérieurs soient témoins de sa transformation et s'en émeuvent ; il voulait que des effets extérieurs confirment ce qu'il ressentait en profondeur.

Le nez en l'air pour voir si les vitres de l'appartement de ses parents étaient ouvertes, il manqua de s'écraser contre un jeune homme qui traversait vivement la rue, en direction du même immeuble. L'insulte allait fuser lorsqu'il reconnut Armand. Tous les beaux discours par lesquels il s'imaginait déjà briller tombèrent à l'eau, éclipsés par le resurgissement du jeune homme, tel un Hollandais volant.

« Armand ! Armand Gillian ! Qu'est-ce que tu fais ici ? »

Sans répondre, le fils des Gillian cala sous son bras un sac de pain. Il était rentré chez ses parents et faisait les courses. Cette réalité triviale, sans commune mesure avec la surprise de son retour, gâchait tout, comme le discours du grand-oncle gâteux à une cérémonie de mariage. Tristan lui emboîta le pas et ne le lâcha pas d'une semelle. Le reste lui semblait désormais bien fade.

« Tu es revenu ? Tes parents ont cru que tu étais mort...

— Ouais, c'est ce qu'ils m'ont dit.

— Où est-ce que tu étais ?

— Je m'étais caché dans ton placard, je jouais aux cartes.

— Tu es parti à l'étranger, c'est ça ?

— Qu'est-ce qui te le dit ?

— Tu as pris un accent bizarre.

— Je suis enrhumé. »

Armand poussa la porte de l'immeuble, sembla redécouvrir la perpétuelle affiche jaunie qui, depuis cinq ans, annonçait la panne de l'ascenseur, et attaqua la montée des escaliers. Il avait vieilli et gagné en maturité.

« Tu peux tout me raconter, dit Tristan.

— Pourquoi ? Est-ce qu'on est particulièrement amis ? Et puis, c'est quoi cet uniforme ? Il y a deux ans, si je me souviens bien, tu appelais à dissoudre la police. Qu'est-ce qui a changé ? »

Comme Bénédicte, il déformait ses propos, car Tristan n'avait jamais dit quoi que ce soit de ce genre, en tout cas il ne l'avait jamais vraiment pensé. Il trouva néanmoins une parfaite réponse.

« C'était avant. Du temps où la police était contre nous, noyautée par les anges d'Eden et toutes les conspirations étrangères.

— Ah, c'est votre nouveau président, là... Gérard. Tu as voté pour lui ?

— Gérald, corrigea Tristan. Où étais-tu durant tout ce temps ?

— Si tu continues de me poser la question, je vais répondre à peu près la même chose qu'à mes parents : en vrai, tu t'en fous. »

Il n'avait pas tort. Son voyage n'avait de sens qu'avec une destination inconnue, qu'on ne pouvait ni placer sur une carte, ni critiquer, ni questionner, ni mettre en doute. Qu'importe si Armand avait passé deux ans à boire et à fumer dans les bas-fonds interlopes de Rema ou de Kimpa !

« Pourquoi tu es revenu ?

— Je n'ai pas eu le choix » maugréa-t-il avant de s'enfoncer dans l'appartement à reculons.

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