Chapitre 6 : Petit indice. Ou comment faire comprendre à sa proie qu'on est là tout en laissant un doute.

Le soir tombe, je suis appuyé contre un mur dans une ruelle sombre, Yuko est allongé à mes pieds. Il grogne. Oui, je sais, Coyle vient de sortir du bar en face de nous. Je le regarde. Il a l'air aux aguets, il jette des coups d'œil de tous côtés. Une voiture grise se gare devant lui et il monte rapidement.

- Yuko. Suit le. Mais discrètement.

Il s'élance sur la route, tout en restant dans l'ombre des bâtiments. Je lui fait confiance, il le retrouvera quitte à s'éloigner un peu de sa piste pour que personne ne le voit. L'intelligence de ces animaux m'a toujours impressionnée. Ils sont bien plus efficace que certains humains.

Je dois faire savoir à Coyle que je suis là. Mais petit à petit. Je veux que la peur monte lentement en lui, je veux qu'il stress de plus en plus jusqu'à n'en plus pouvoir. Je veux que cette semaine soit un tel enfer de peur qu'à la fin il me supplie de le tuer plutôt que de continuer de jouer avec lui.

Je sais déjà qu'après ce coup, sans grande importance, il va quitter la ville et pour me semer va passer par le Missouri, là où je suis le plus activement rechercher. Cependant il ne s'y arrêtera pas et il continuera tout droit jusqu'en Louisiane. Mais je sais aussi qu'il va éviter de s'approcher de la frontière Mexicaine. Il n'a pas que des amis là-bas. Je devrai donc le retrouver toujours dans une grande ville entre la Louisiane et le Mississippi. Une fois, il a fait un meurtre avec une équipe qui venait de Natchez. Il va probablement essayer d'obtenir leur aide.

A mon avis il y restera deux ou trois jours mais ils vont refuser. Ils m'ont vu travailler et savent qu'il vaut mieux pour eux ne pas se mettre en travers de mon chemin. Il va donc repartir et pour lui faciliter la conduite il remontera le fleuve. Il devrait s'arrêter à Memphis pour dormir.

Alors puisque je n'aurais pas besoin d'aller le déloger de Natchez, plutôt que de faire des kilomètres de route j'irai l'attendre à Memphis. Mais en attendant il faut qu'il quitte cette ville et pour ça, je vais lui laisser un tout petit indice. Suffisamment grand pour qu'il comprenne que je suis là mais suffisamment petit pour qu'il est un doute. Et ce doute fera augmenter son stress, quoi de mieux ?

Je m'approche du bar dont il est sortit il y a quelques minutes. Il y a principalement des hommes. Le peu de femme que je vois sont des serveuses, les pauvres...

Je m'assois au comptoir et demande une bière. Mon blouson en cuir cache mon tatouage, personne ne sait qui je suis réellement et ce soir, personne ne le saura. Je décompte environ vingts personnes armés. Quinze s'en vente et leurs armes sont visible mais sur cinq autre on distingue une petit déformation au niveau de la ceinture. Pour plus de sécurité je décide d'agir comme si il y avait vingt-cinq armes dans cette pièce.

Il faut que tout le monde sache que quelqu'un cherche l'homme blond qui vient de sortir pour que l'information lui arrive, Coyle devrait faire le lien. Je commence à poser quelques questions aux hommes assis à côtés de moi, ça se voit qu'il se demande qui je suis et ce que je peux bien vouloir à ce gringalet. Le barman intervient.

- Tu ne devrais pas te mêler de ce qui ne te regarde pas. Surtout concernant cet homme.

- Pourquoi ?

- On raconte que la Louve Noire le cherche.

- Ah bon ?

Je jubile intérieurement. Ils savent que je suis sur sa piste et même à trente dans ce bar, ils ont peur de moi. Je ne dégainerai pas mon arme ce soir, d'ailleurs pour ne pas éveiller les soupesons je ne suis pas armée. Je commande une autre bière, que je boirai pas, c'est pas bon de boire en service, on se laisse rapidement emporter et on finit par devenir complètement vulnérable.

Mais pour être sûre que l'un l'information ira jusqu'aux oreilles de ma proie je décide de continuer à me renseigner. L'un des hommes au comptoir s'en va discuter avec un homme au fond. Il fronce les sourcils et se lève. Je vais enfin faire la connaissance de l'un des acolytes suffisamment débile pour aider Coyle. Il s'approche de moi la tête haute et les muscles contractés. Il fait deux têtes de plus que moi et il est probablement bien plus puissant musculairement mais sa démarche est lente, traînante. Je suis bien plus agile et rapide que lui. Pourquoi savoir ça ? Pour fuir ? Laissez-moi rire, non pour l'affronter au corps à corps si l'occasion se présente.

La montagne, se sera sont nouveau surnom, me toise de haut en bas. Je souris et un peu décontenancer de voir que je n'ai pas peur, il s'assois sur un tabouret.

- Alors comme ça tu cherche des informations sur mon pote ?

- Oui. J'aimerai pas être à sa place, d'après le barman la Louve Noire le cherche. Ça sent pas bon pour lui et ses potes, tu crois pas ? Pourquoi tu l'aide ?

- J'ai pas peur de cette sauvage. Elle fait pas le poids, c'est juste une gamine.

Raté. Tu as déglutit et cherché mon regard avant de parler. Tu as peur de moi mais tu tiens à la caché. On va jouer un peu.

- Pourtant vu son palmarès... On dit qu'elle est capable de tuer n'importe qui, n'importe où et n'importe quand. C'est vrai ?

- Non, elle est largement pas à l'aise dans les grandes villes. Avec son allure de fille non civilisé on la retrouve tout de suite et en ce moment elle est en cavale.

Merci beaucoup, tu viens de confirmer ma théorie selon là quelle vous allez rester dans les grandes villes.

- Vu comme ça, tu dois avoir raison. Et tu sais pourquoi la Louve se casserai la tête à chercher ton pote ?

- Ça ne te regarde pas. Maintenant arrête de poser des questions et dégage.

Je souris et paye le barman avant de m'en aller. Ce n'est pas bien Coyle de faire des cachotteries à ceux qui t'aide... Tu va devoir t'expliquer avec lui ce soir. Et tu partira dès que tu aura finit, tu comprendra que la jeune fille au bar que tu venais de quitter c'était moi.

Je reconnais que si votre discussion dérape et que tu tue la montagne, ça me facilitera la tâche, tu sera alors beaucoup plus vulnérable. Mais ça m'étonnerai, tu sais très bien que sans lui tu ne peux pas me tenir tête.

Je siffle Yuko qui me réponds d'un hurlement à glacer le sang. Je ferme les yeux et le laisse m'emplir, il calme mon pouls, résonne à l'intérieur de ma tête et se propage dans tout mon être. Ce son m'avait manqué. Tout mes muscles ne réclament que de retrouver leur travail : ce soir un petit footing s'impose. Dans les bois et avec un tamaskan aussi noir que la nuit, quoi de mieux ?