
XI - Une vie extraordinaire
Le lendemain, dernier jour avant les vacances, ceux qui avaient décidé de lutter contre Lila Rossi tinrent une réunion. Le visage fermé, Marinette attendit en silence que tout le monde soit là avant de demander :
— Où en est-on ?
— On ne peut pas laisser passer ce qu'elle a dit hier, déclara Chloé.
— Non, mais c'est en cours, répondit Marinette. Alya va faire un article dans le Ladyblog pour expliquer pourquoi ce qu'elle proclame est dangereux et irresponsable. Vous pourrez en discuter dans les couloirs à la rentrée.
— L'article sortira en janvier pour ne pas passer inaperçu au milieu des fêtes de fin d'années, précisa Alya.
— Sabrina, tu as pu trouver quelque chose ? reprit Marinette.
— Je l'ai suivie jusqu'à chez elle. Je sais où est sa boîte à lettres et le code pour entrer dans l'immeuble.
— Très bien. Il serait intéressant de discuter avec ses voisins pour savoir ce qu'ils pensent de la famille. Vit-elle avec ses deux parents ?
— Je ne sais pas. Il y a juste leur nom de famille pour le courrier et sur l'interphone de la seconde porte.
— Merci, Sabrina, c'est un bon début. Je pense qu'il serait intéressant d'identifier ses parents et de les suivre un matin pour savoir où ils travaillent. Je suis certaine que connaître leur position sociale permettrait de prouver qu'elle n'a tout simplement pas pu bénéficier des opportunités dont elle se targue. Qu'avons-nous d'autre ?
— Parmi ceux qui traînent dans son groupe, indiqua Sundar, il y en a un qui est dans le même club de sport que moi. On discute de temps en temps. Je vais amener la discussion sur Lila la prochaine fois qu'on aura l'occasion de discuter là-bas. Je laisserai entendre que je ne sais pas trop quoi penser de mon histoire de devoir de français. J'espère l'amener à prendre sa défense, et ainsi savoir ce qu'elle raconte à ses fans. On pourra ensuite lui faire prendre conscience que c'est du vent, une fois qu'on aura creusé les sujets.
— Très bon plan, Sundar. Alya et Nino pourront potasser avec toi sur ce qu'elle raconte.
Adrien prit la suite :
— J'ai pensé à un truc. Comme Lila a posé pour mon père, un dossier administratif doit avoir été créé. Il est sans doute dans le bureau de Nathalie. Je vais voir si je peux le trouver.
— Mec, fait gaffe ! protesta Nino. Si tu te fais prendre, ton père va t'enfermer jusqu'à ta majorité.
— Je vais faire attention.
— Il n'y a pas de système de surveillance ? s'inquiéta Marinette. Si Nathalie garde des données sensibles, il peut y avoir des capteurs, même quand elle n'est pas là.
— Et tout est dans son ordinateur, je suppose, continua Nino. Tu ne vas pas hacker le système informatique de ton père, quand même ! Quoique je me demande si Markov pourrait...
— Non ! trancha Marinette. On tente de régler un problème, pas de nous en créer d'autres. Adrien, pourquoi ne pas questionner directement Nathalie pour voir ce qu'elle sait de la famille de Lila ? Tu peux prétendre t'inquiéter pour elle ou te poser des questions à son sujet.
— Prétends que tu as entendu des rumeurs très négatives sur sa famille, propre à porter atteinte à la marque Agreste, proposa Chloé. Avec un peu de chance, cela convaincra ton père de demander au mien de faire une enquête, on saura tout ce qu'i savoir. Je peux t'inventer toutes les rumeurs que tu voudras.
— Pas mal, décréta Marinette. Très malin, même ! Je vote pour.
Tout le monde approuva.
— Parfait, on avance, conclut Marinette. On refera un point après les vacances.
Ils se séparèrent en se souhaitant de bonnes fêtes.
oOo
Le premier jour des vacances de Noël, il y eut une alerte et les trois héros de Paris firent leur devoir. Une fois de plus, ils réussirent à libérer la victime du Papillon. Méli-Mélo demanda alors à ses coéquipiers de rester un moment. Ils nourrirent leur kwami puis se retrouvèrent de nouveau transformés. La porteuse du Singe commença par les informer qu'elle partait en vacances au ski, deux jours plus tard.
— Je peux avoir le Miraculous qui permet de se téléporter ? demanda-t-elle.
Ladybug hésita puis, sous le regard insistant de Chat Noir, accepta. Elle ouvrit son yoyo et en sortit les lunettes du Cheval.
— Je suppose que je n'ai pas à préciser que tu ne dois surtout pas le perdre, ne put-elle s'empêcher de dire.
— On sait que c'est difficile pour toi de confier les Miraculous dont tu as la garde, exprima Chat Noir qui avait vu Méli-Mélo s'offusquer de ce qu'elle prenait pour un manque de confiance. C'est une lourde responsabilité.
— J'en prendrai soin, ne t'en fais pas, assura Méli-Mélo d'une voix qui n'était presque pas agacée. Dites, je voudrais vous parler d'autre chose.
Elle leur rapporta alors ce qu'avait dit Lila à leur sujet. Chat Noir s'efforça de se monter aussi réactif qu'il ne l'avait été quand on lui avait raconté cette conversation la première fois.
— Elle ne sait pas de quoi elle parle, commenta-t-il. Elle a dit ça pour se rendre intéressante, je suppose.
— C'est ennuyeux, jugea Ladybug. Il ne faudrait pas que d'autres personnes pensent la même chose. Le Papillon pourrait les exploiter.
— La rédactrice du Ladyblog va faire un article pour expliquer pourquoi vous ne pouvez pas donner vos Miraculous au Papillon, annonça Méli-Mélo, visiblement fière d'apporter une solution.
— Oh, très bien, approuva Ladybug. C'est toi qui lui as demandé de faire ça ?
— Non, c'est une fille de mon lycée. Une de tes fans, Chat Noir.
— Elles sont toutes folles de moi, assura le concerné d'un ton nonchalant, ce qui amena ses deux coéquipières à échanger un regard désabusé.
— D'ailleurs, avec d'autres personnes, on pense faire sa fête à Lila, continua Méli-Mélo. En attendant, on pourrait peut-être lui rendre une petite visite. Histoire de lui inculquer un peu de respect pour notre boulot.
— C'est hors de question, répliqua sèchement Ladybug.
— Il n'est pas question de lui faire du mal, juste un peu peur, insista Méli-Mélo.
— J'ai dit « non » ! Nous ne pouvons pas utiliser nos pouvoirs contre les gens. Même quand on ne les aime pas. Même quand ils agissent contre nous. Si on le fait, on ne vaudra pas mieux que le Papillon.
— C'est pas parce qu'on est des héros qu'on est des saints et qu'on doit être gentil avec tout le monde ! protesta Méli-Mélo.
— C'est justement parce qu'on n'est pas des saints qu'on fait des erreurs, répondit vivement Ladybug. Et parce que nous sommes des héros, nos fautes ont des conséquences graves et irréparables. Si tu n'as pas ça en tête, je serai obligée de te reprendre ton Miraculous, Méli ! Alors, fais attention à ce que tu dis et à ce que tu fais !
Là-dessus, Ladybug lança son yoyo et abandonna brusquement ses deux équipiers. Ils restèrent une seconde ébahis, avant de se regarder.
— Mais quelle mouche l'a piquée, s'agaça Méli-Mélo. Elle est dingue ou quoi ?
— Non, elle a des remords, expliqua Chat Noir d'une voix préoccupée. Elle ne se pardonne pas de t'avoir ignorée en juin dernier et d'avoir provoqué la perte de Maître Fu. Si quelqu'un est bien placé pour prendre ses paroles au sérieux, c'est bien toi, Méli.
Celle-ci ne répondit pas tout de suite. Les deux héros restèrent un moment silencieux, puis Méli-Mélo dit :
— Je dois y aller.
— Prends soin de toi, répondit doucement Chat Noir.
— Toi aussi.
oOo
Les fêtes de Noël furent agréables et chaleureuses pour Marinette. Comme chaque année, elle aida ses parents en boutique pour qu'ils fassent face à l'afflux de commandes. Elle prit aussi du temps pour envoyer des messages à Adrien et jouer en ligne avec lui. Elle savait qu'au manoir Agreste, l'ambiance n'était pas festive. Il y avait la fashion week de février à préparer et le jeune homme lui confia qu'il n'attendait même pas de cadeau de Noël de la part de son père. Il devrait sans doute se contenter d'un présent acheté par Nathalie, à l'initiative de cette dernière – tout comme l'avait été le sapin qui décorait le hall.
— Je ne me plains pas, tint-il à préciser quand ils se parlèrent au téléphone. J'ai au moins une personne qui se soucie de ça chez moi. Chez les Tsurugi on ne fête pas Noël du tout.
— Tu auras au moins un repas de fête ? s'inquiéta Marinette.
— Oui, il faut bien faire plaisir au cuisinier, ironisa Adrien.
— Si ton père n'est pas libre le 24 au soir, appelle-moi, lui proposa Marinette. Nous, on ferme la boutique à 20 heures et mon père va directement au lit après, car il se relève à 3 heures pour préparer les bûches commandées pour le 25. Je pourrais te tenir compagnie pour le réveillon.
— Vous ne fêtez donc pas Noël non plus ? s'étonna Adrien.
— On le fait le 25 au soir, avec mes grands-parents, car on ferme le 26. Comme ça, j'aurais deux réveillons, dit gaiement Marinette. Mais si ton père est avec toi, profites-en, hein.
— Tu es adorable, Marinette, estima Adrien, reconnaissant.
— Ne dis pas de bêtises. On est amis, c'est normal. Nino ferait pareil, s'il était libre. D'ailleurs, on pourrait tenter de se voir tous, la semaine suivante, si tu peux t'échapper un moment. Enfin, je suppose que Kagami a la priorité.
— Je vais voir avec elle et négocier une sortie avec Nathalie.
— Je dois y aller. À demain, Adrien
— À demain, Marinette.
Finalement, Gabriel Agreste prit une heure pour dîner avec son fils le soir du réveillon, puis Adrien et Marinette regardèrent en parallèle des films de Noël en les commentant tout du long. Ils passèrent tous les deux une excellente soirée – et Marinette eut bien du mal à se lever le lendemain pour aller travailler à la boulangerie.
Dans la semaine, Adrien réussit à sortir avec Kagami, Nino et Alya. Marinette ne put se joindre à eux. Sa grand-mère lui avait proposé de faire les magasins avec elle, et la jeune fille appréciait de passer du temps avec sa Nona.
oOo
Adrien se déclara satisfait de ses vacances. Ses amis étaient restés en contact avec lui durant les deux semaines, son père lui avait consacré un peu de temps et il avait pu passer la soirée du Nouvel An avec Kagami. Graduellement, il était arrivé à circonvenir sa petite amie aux bienfaits des câlins. Ils avaient donc passé un moment, non seulement à s'embrasser, mais aussi à exprimer tactilement leur tendresse. Ils avaient également joué et ri ensemble. Objectivement, c'était les meilleures fêtes qu'Adrien avait passées depuis la mort de sa mère.
Il fut cependant content de revenir au lycée et de retrouver Sundar, les quelques personnes de sa classe avec qui il avait de bonnes relations, ainsi que tout le groupe du collège.
Trois jours après la rentrée, l'article d'Alya parut sur son blog.
Des bruits courent ces jours-ci, laissant entendre que, pour mettre fin aux attaques du Papillon contre Paris, il suffirait de lui donner ce qu'il désire : les Miraculous de Ladybug et Chat Noir. Cette idée semble tomber sous le sens, puisque le but ultime du Papillon semble effectivement être la récupération de ces deux objets magiques.
Penchons-nous cependant sur ce que cela implique :
Pour commencer, nul ne sait ce que le Papillon voudrait faire de ces deux items. Ce que nous savons, toutefois, c'est ce qu'il fait actuellement de celui qui est en sa possession : manipuler d'innocents Parisiens, détruire nos monuments les plus emblématiques, interrompre à sa guise notre vie. Serait-ce vraiment une bonne idée que de lui confier des pouvoirs supplémentaires ? Comment ne pas penser qu'il ne les utiliserait pas pour nous faire encore davantage de mal ? Nous savons déjà que les scrupules ne l'étouffent pas et qu'il ne se soucie pas de notre sécurité.
Ensuite, admettons que le but ultime du Papillon ne nous causerait pas de préjudices. Qu'il utilise à des fins personnelles les Miraculous de nos héros, sans répercussions sur nos vies. Que se passerait-il ensuite ? Que pourrait faire quelqu'un qui sait qu'il a une telle puissance à sa disposition ? Ne serait-il pas tenté de l'utiliser pour satisfaire un autre de ses caprices ? Que pourrions-nous faire alors contre lui, une fois nos défenseurs désarmés et incapables de jouer leur rôle protecteur ? Ne regretterions-nous pas la folie qui nous a poussés à nous mettre à sa merci ?
Ne cédons pas aux idées faciles ! Ne nous divisons pas ! Restons unis derrière Ladybug, Chat Noir et Méli-Mélo. Ils sont notre rempart contre la folie destructrice d'un être dangereux et manipulateur.
L'article fut largement commenté dans l'établissement. Adrien entendit avec plaisir certains s'étonner qu'on ait pu imaginer la reddition des héros de Paris. D'autres discutaient sérieusement des arguments.
L'équipe anti-Lila fit le point :
— J'ai discuté avec celui qui fait du foot avec moi, indiqua Sundar. j'ai juste dit en passant que Lila affirme parfois des choses sans savoir. Je le laisse méditer là-dessus.
— Parfait, le félicita Marinette. Il ne faut pas en faire trop.
— Il faut quand même reconnaître qu'elle a soulevé un point important, fit remarquer Sabrina. Certains semblent d'accord avec elle. Au fond, c'est grâce à elle qu'on peut réfuter ces arguments-là.
— Tu veux aller la remercier ? fit aigrement Chloé.
— Sabrina a raison, Lila a finalement rendu service à Ladybug et Chat Noir, même si elle espérait le contraire. Cela ne sert à rien de le nier, défendit Sundar, attirant le regard reconnaissant de Sabrina.
— C'est vrai, reconnut Alya. j'avais déjà lu ça sur les forums, mais, comme c'était généralement contredit, je n'ai jamais voulu entrer dans ces débats où tout le monde parle sans écouter les autres. Je n'avais jamais réalisé à quel point cette idée était partagée. Enfin, c'est fait maintenant. Et si ça peut agacer Lila, tant mieux.
— Tout à fait, conclut Marinette. Adrien, je te laisse exposer ce que tu as appris sur elle.
— J'ai discuté avec Nathalie au début des vacances, et j'ai raconté ce qu'on avait décidé avec Chloé. Que son père était affilié à quelqu'un de la mafia et qu'il voyageait beaucoup.
Chloé hocha la tête pour confirmer.
— Elle a donc enquêté sur la famille.
— Désolé tout le monde, interrompit Sundar, mais c'est qui, au juste, cette Nathalie ?
— C'est le bras droit de mon père, expliqua Adrien. Elle est responsable de tout ce qui n'est pas lié à la création pure : sécurité, commercial, confection, RH, image de la marque. Enfin, bien sûr, elle dirige des personnes qui sont spécialisées dans ces domaines. Elle a donc demandé à des spécialistes de faire une enquête.
— D'accord.
— J'ai été très déçu d'apprendre que ce qu'a inventé Chloé... est pure invention. Va falloir que tu changes ta boule de cristal, Clo !
— Mais oui, Adrichou !
— Sa mère travaille bien à la Chancellerie, mais n'a aucune fonction diplomatique et ne voyage jamais pour son travail. Elle est comptable. Rossi semble être son nom à elle. Aucune trace du père de Lila. Il est évident que lorsque Lila parle de lui, c'est pure affabulation.
Un silence un peu lourd suivit cette révélation.
— Ça change un peu l'image qu'on peut avoir de Lila, finit par énoncer Sundar.
— On devrait tout lui pardonner parce qu'elle a été abandonnée par son père ? répliqua vivement Chloé d'une voix acide. Et puis quoi, encore ?
Nino et Alya lancèrent un regard étrange à Chloé qui leva le menton avec un air de défi. Marinette, Adrien et Sabrina regardèrent volontairement ailleurs. Sundar choisit de ne rien dire, sentant, une fois de plus, qu'il lui manquait des éléments.
— Cela n'excuse rien, mais c'est un début d'explication, finit par exprimer Marinette. Il est évidemment exclu de l'utiliser contre elle.
— À un certain niveau, la gentillesse devient stupidité, évalua Chloé. Tu crois que si tu avais un secret honteux, elle hésiterait une minute à l'utiliser contre toi ?
— Il se trouve que j'ai une conscience et, qu'au final, j'ai des amis, alors qu'elle n'a que des admirateurs, répondit tranquillement Marinette. Je préfère être à ma place que la sienne, même si cela me prive de moyens d'action.
— Donc, on arrête tout et on la laisse se moquer des autres ? s'agaça Chloé.
— Pas totalement, répondit Marinette. On ne révèle rien sur son père, c'est tout. Par contre, on s'arrange pour faire remarquer, en passant, que, vu la situation de ses parents, c'est étonnant que Lila ait toutes ces opportunités. On laisse les autres en tirer leurs conclusions et poser des questions. Quand elle verra qu'elle doit justifier tous ses mensonges, elle en fera moins.
— Ça me va, confirma Adrien.
Il regarda tout le monde alternativement et chacun hocha la tête.
— Parfait ! approuva Marinette. Allons-y, maintenant, la cloche va bientôt sonner.
Ils se séparèrent, Marinette, Alya et Nino partant d'un côté, Adrien et ses camarades de classe de l'autre. Alors qu'ils traversaient la cour, Sundar retint Adrien par le coude, pour qu'ils prennent un peu de retard par rapport à Sabrina et Chloé. Obligeamment, son ami ralentit et Sundar demanda :
— Y'a un truc que j'ai raté avec Chloé et ses parents ?
— Eh bien, la mère de Chloé n'est pas souvent à Paris. Elle est rédactrice en chef d'un magazine de mode très connu. Elle vit la plupart du temps à New York. On ne peut pas dire qu'elle soit une mère très présente pour sa fille.
— Ça a un rapport avec le fait qu'elle soit aussi... hautaine avec les autres ? chercha à comprendre Sundar.
— Disons, comme l'a joliment exprimé Marinette, que cela explique son caractère, à défaut de le justifier. Mais elle s'améliore avec le temps, je dirais. Le fait qu'elle ait arrêté d'être à couteaux tirés avec Marinette est reposant. Tu peux ajouter ça au crédit de Lila, ajouta Adrien avec un petit sourire.
— On va finir par se féliciter de l'avoir avec nous, ironisa Sundar.
— Ce serait bien, mais j'y crois pas trop, commenta Adrien alors qu'ils arrivaient dans leur classe.
oOo
Fin janvier, Adrien rejoignit Marinette, lors de la pause. Il lui tendit une enveloppe en disant :
— C'est ton cadeau d'anniversaire en avance.
— Mais Adrien, tu me l'as déjà donné l'année dernière, opposa-t-elle.
— Ce genre de choses ne se renouvelle pas chaque année ? fit-il mine de s'étonner.
— On avait dit que le cadeau précédent valait pour dix ans, rappela-t-elle.
— Oups, j'avais oublié ! Tant pis, tu en auras un autre quand même.
— Moi, je le veux bien, si Marinette le refuse, intervint Alya, taquine.
— C'est une solution, fit semblant de convenir Adrien.
— Bon, d'accord, je le prends ! céda subitement Marinette. Mais c'est bien parce que c'est toi.
Alya fit un clin d'œil à Adrien qui se mit à rire. Leur petit stratagème avait parfaitement fonctionné. Marinette prit l'enveloppe et l'ouvrit. Elle mit quelques instants à identifier le contenu. Devint toute rose. Elle regarda Adrien pour confirmation, lut de nouveau le papier, puis demanda :
— C'est une invitation ?
— Tout à fait.
— Pour où ? s'intéressa Alya.
— Un défilé à la Fashion Week du mois prochain, la renseigna Adrien.
— Pas un défilé, mais le défilé prêt-à-porter de la maison Agreste, souffla Marinette avec un sourire extatique. Je vais voir en exclusivité la nouvelle collection du père d'Adrien.
— Accessoirement, j'y défile, précisa Adrien en se penchant vers Alya comme s'il lui confiait un secret. Elle ne le remarquera sans doute pas, mais ce n'est pas grave.
— Ne dis pas de bêtise ! protesta Marinette en rougissant encore davantage. C'est juste que...
— Tu es folle de mon père ou, plus exactement, de ses productions. On le sait Marinette, sourit le mannequin.
— Je t'assure, Adrien... commença Marinette, qui avait l'air embarrassée.
— Je plaisante, la coupa-t-il. Et je suis plutôt fier que tu apprécies à ce point son travail.
— Mais... s'inquiéta Marinette, tu ne devrais pas plutôt inviter Kagami ? Je suis certaine qu'elle serait heureuse de te voir.
— Elle a une place, elle aussi. J'avoue que j'ai pensé que ce serait plus sympa qu'elle ne s'y rende pas toute seule. Considère donc mon cadeau comme tout à fait intéressé.
— Si cela vous rend service, je ne peux pas refuser, dit enfin son amie.
— Tout le monde admire ta grandeur d'âme, se moqua Alya.
— Merci d'avoir pensé à moi, continua Marinette.
— Mon premier choix était Alya, prétendit-il, mais je ne voulais pas d'embrouille avec Nino. Alors je me suis rabattue sur toi.
Alya roula des yeux. Adrien, plutôt content de lui, se sauva pour ne pas être en retard au cours suivant.
oOo
Quelques jours plus tard, en arrivant le matin, Sabrina entendit un groupe de sa classe parler de Lila, qui avait été absente la veille.
— Elle était invitée au Sommet pour la reconversion écologique, confia une des filles. Elle a même eu une discussion privée avec Evergreen Washing, le président de la commission Écologie de l'Union européenne.
— Je me demande bien comment elle fait pour assister à tous ces sommets, s'interrogea un des élèves.
— Son père a été ambassadeur un peu partout, rappela un autre.
Sabrina fit une recherche sur son téléphone et demanda à celle qui avait donné l'information :
— Tu es sûre qu'elle a rencontré monsieur Washing hier ?
— Elle l'a confié à Daphnée.
— C'est étonnant, lâcha Sabrina.
— Oui, elle fait des choses dingues ! J'aimerais tellement être à sa place de temps en temps, commenta une élève.
Sabrina rectifia :
— Je veux dire que c'est vraiment étrange. Comme vous le savez sans doute, une partie des hauts fonctionnaires de l'Union européenne ont un agenda public. Evergreen Washing a bien ouvert le sommet avant-hier et il est prévu qu'il revienne pour la clôture dans trois jours. Par contre, hier, il était à Copenhague pour visiter une nouvelle usine de traitement des déchets.
— Lila a dû le rencontrer avant-hier, alors, insista la fille.
— Elle était en classe avec nous, réalisa celle qui avait souhaité être à la place de Lila.
— Après les cours, évidemment, insista celle qui avait introduit le sujet. C'est sans doute pour ça qu'elle n'est pas venue hier, car elle s'est couchée tard.
— Ça doit être ça, convint Sabrina d'un ton peu convaincu. Elle n'a aucune raison de mentir, après tout. Avec la vie extraordinaire qu'elle a déjà, pas besoin d'en rajouter.
L'amie de Chloé décida qu'elle en avait assez dit et elle s'éloigna. En partant, elle vit plusieurs membres du groupe sortir leurs téléphones. Elle espéra que c'était pour recouper certaines affirmations de Lila.
oOo
Plus tard, dans la matinée, la classe se rendit dans la salle de permanence, leur professeur de sciences étant absent. Sabrina et Chloé étaient en train de discuter, quand une voix connue leur fit lever les yeux. Lila, au milieu de sa cour habituelle, semblait sur la défensive. La main sur le cœur, elle paraissait prendre son entourage à témoin. Les deux filles se regardèrent, avant d'échanger un regard avec Adrien et Sundar, qui se trouvaient un peu plus loin. Les quatre adolescents sourirent. Leurs efforts commençaient à porter leurs fruits.
Le ton montait dans l'autre groupe. Désormais, Lila avait les larmes aux yeux. La plupart de son entourage paraissait gêné. Celle qui se prénommait Daphnée, qui avait reçu la confidence sur la rencontre avec Evergreen Washing, paraissait insister. Visiblement, les dénégations de Lila, tentant de lui faire croire qu'elle avait mal interprété ses propos, ne la convainquaient pas. Finalement, l'affabulatrice dut comprendre qu'elle ne l'emporterait pas. Elle feignit d'être submergée par l'émotion et sortit de la pièce la main sur la bouche, comme si elle retenait ses sanglots.
Un débat vif s'engagea entre ceux qui étaient restés. Certains soutenaient qu'on avait injustement accusé Lila de mensonge, mais Daphnée campait sur ses positions. Elle était certaine que Lila avait prétendu avoir vu le président de la Commission la veille. Ce n'était pas une rencontre par écran interposé et c'était bien dans l'après-midi, à l'heure où il inaugurait l'usine.
Soudain, un bruit sourd ébranla la classe. Une akumatisation. Sabrina se tourna vers Chloé, mais celle-ci n'était plus à côté d'elle. Elle était en train de se diriger vers la sortie. Sabrina s'élança à sa suite. Une main la retint, alors qu'elle allait passer la porte.
— Reste à l'abri, lui conseilla Adrien. Je vais la chercher.
À son tour, il sortit de la classe. Sabrina rejoignit Sundar.
— Tu crois que c'est Lila ? demanda-t-il.
— Y'a des chances, estima Sabrina, désolée de la tournure qu'avait prise la situation.
Sundar sembla comprendre son désarroi et il posa la main sur son bras. Sabrina tenta de ne pas rougir. Elle aimait beaucoup l'ami d'Adrien. Il était calme et bienveillant. Il travaillait sérieusement, mais prenait aussi du temps pour se distraire. Sabrina écoutait souvent ses discussions avec Alix. Elle regrettait de ne pas avoir davantage à partager avec lui (elle n'arrivait pas à s'intéresser aux mangas). En tout cas, elle le trouvait craquant.
Elle savait aussi qu'elle n'aurait pas vu l'intérêt de s'opposer à Lila, si cette dernière ne s'était pas attaquée à lui. Oui, Lila mentait et se la racontait. Mais cela arrivait aussi à Chloé. Par contre, Chloé ne s'en était jamais prise à Sundar. Sabrina espérait d'ailleurs que cela n'arriverait jamais.
Les murs tremblèrent à ce moment. Sundar exerça une pression pour amener Sabrina à s'accroupir.
— Tu ne crois pas qu'on devrait s'éloigner de Daphnée ? chuchota-t-il.
Sabrina acquiesça en silence, et ils se dirigèrent à croupetons vers le fond de la classe. Quand ils se tapirent dans un coin, Sabrina remarqua que Sundar s'était placé devant elle, en protecteur. Ah, ces garçons !
oOo
Soudain, une silhouette vêtue d'une combinaison brillante arriva en trombe dans la classe. Elle avait un sceptre à la main. Elle contempla les élèves qui se trouvaient dans la classe avec un sourire qui ne présageait rien de bon.
— Bonjour, tout le monde, grinça l'apparition. Je suis Révélator. Il paraît que nous avons ici des amoureux de la vérité. Voyons ce que ces personnes vont nous raconter. Je suis pressée de les entendre nous révéler des épisodes inédits de leur vie. Ma chère Daphnée, on va commencer par toi. Vu que tu sembles prendre plaisir à mettre les autres mal à l'aise, tu vas nous raconter ton souvenir le plus honteux.
Révélator pointa son sceptre vers sa victime qui ouvrit des yeux horrifiés. Visiblement malgré elle, elle ouvrit la bouche pour obéir à l'injonction.
— L'année dernière, j'ai...
— Si vous le voulez bien, je vais commencer, se superposa une voix joyeuse. Je me promenais dans la rue, quand je suis passé devant une crèmerie. Ah, si vous saviez la délicieuse odeur qui s'échappait...
— Ferme-là, abruti de matou, gronda Révélator, fâchée que les confidences de Daphnée soient devenues inaudibles. Je me fiche de ta vie.
— Eh bien, puisqu'on en est aux compliments, laisse-moi te dire que tu es une horrible fouineuse. Cela ne se fait pas d'obliger les gens à raconter ce qu'ils veulent garder pour eux.
— Tu sais ce que tu peux faire de tes conseils ? s'échauffa l'akumatisée en sautant sur Chat Noir.
Celui-ci lui échappa aisément en demandant :
— Laisse-moi deviner : les enregistrer pour que tu puisses les écouter en boucle ? Les inscrire au tableau pour que chacun puisse les lire et s'en inspirer ?
Alors que le héros continuait à badiner, Révélator continuait à le poursuivre, laissant échapper des rayons de son sceptre. D'autres élèves furent touchés, et chacun se mit à se confesser dans une cacophonie grandissante. Dans leur coin, Sundar et Sabrina, encore indemnes, se faisaient tout petits.
— Si jamais tu es touché, promis, je n'écouterai pas, assura Sabrina à l'oreille de son camarade.
— Pareil pour moi, souffla le garçon.
Méli-Mélo entra à son tour dans la classe. Elle grimaça en réponse au bruit assourdissant que faisaient une demi-douzaine d'adolescents en train de témoigner, auquel s'ajoutaient un matou plein de verve et les vociférations d'une akumatisée en rage.
La porteuse du Singe invoqua son pouvoir de Pagaille et récupéra une petite poupée représentant Pinocchio. Avec un sourire mauvais, elle le lança sur le sceptre de Révélator. La vilaine n'y prit pas garde. Au contraire, elle sourit victorieusement, car, juste après, le rayon de son sentimonstre touchait Chat Noir de plein fouet. Le héros s'interrompit brusquement, écarquilla les yeux et... se mit à entonner un air d'opéra :
— Figaro qua, Figaro là, Figaro su, Figaro giù...
Ladybug, qui les rejoignit à ce moment-là, contempla son partenaire avec ébahissement avant de tenter de comprendre ce qu'il se passait.
— Le sceptre est le sentimonstre, indiqua Méli-Mélo, mais je l'ai mis hors d'état de nuire, enfin, si l'on peut dire. Je ne sais pas où est son akuma.
— O Dieu ! que de bijoux ! ... est-ce un rêve charmant qui m'éblouit, ou si je veille ? Mes yeux n'ont jamais vu de richesse pareille ! entonna alors Chat Noir, passant du Barbier de Séville à l'Air des bijoux de Faust.
Ladybug hocha la tête et lança à sa coéquipière :
— Tu te charges du sceptre et, moi, de son médaillon, ordonna-t-elle.
— Compris, acquiesça Méli-Mélo avant de se ruer sur l'objet magique que brandissait toujours l'akumatisée.
Quelques minutes plus tard, les deux héroïnes, secondées par un baryton enthousiaste, avaient dégagé l'amok et l'akuma de leur support. Ladybug invoqua son Lucky Charm, un téléphone, et le lança en l'air pour tout remettre en ordre.
Elle se tourna ensuite vers les élèves pour vérifier qu'ils allaient bien. Daphnée était en larmes, aussi mortifiée que furieuse :
— Tu es une vraie garce ! s'exclama-t-elle en direction de Lila, qui avait repris sa forme première.
— Arrête ! protesta un des autres. Tu sais bien qu'on ne doit pas reprocher à quelqu'un ce qu'il a fait sous l'emprise d'un akuma.
— En théorie, grommela Ladybug entre ses dents avant de se détourner. On y va ? demanda-t-elle à ses coéquipiers.
Chat Noir et Méli-Mélo ne répondirent pas immédiatement, leur attention étant dirigée vers Sabrina et Sundar, qui se relevaient.
— Très bon réflexe, les félicita Chat Noir. J'espère cependant que vous n'avez pas raté ma prestation. Pour une fois que je n'avais pas un chat dans la gorge...
— C'était magnifique, assura Sundar avec un grand sourire, alors que Sabrina approuvait de la tête.
Chat Noir leur fit un clin d'œil et se dirigea vers la sortie, accompagné des deux héroïnes.
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Note : Étonnamment, j'ai réussi à écrire ce combat toute seule. Bon, ce n'est pas le plus ébouriffant, mais on va s'en contenter ;)
Est-ce que quelqu'un a noté le jeu de mots sur Evergreen Washing ?
Dans le prochain chapitre, on apprendra à Savoir regarder.
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