
IV - Reconnaître ses torts
Les deux héros se retrouvèrent deux jours plus tard. Ils s'installèrent confortablement contre la cheminée du toit qu'ils avaient choisi pour leur réunion. À partir du yoyo de Ladybug, qui intégrait les mêmes fonctionnalités qu'un smartphone, ils regardèrent les vidéos du combat, filmées par des amateurs et la télévision. Chat Noir compléta, ensuite, en racontant toutes leurs tentatives ratées, effacées par la dernière version de l'affrontement, grâce au procédé de la Seconde Chance. Globalement, ils avaient fait peu d'erreurs. Leurs adversaires étaient coordonnés, rapides, efficaces, ce qui leur avait permis de gagner à plusieurs reprises. Cela ne rassura pas les héros. Au contraire. Ils auraient difficilement pu faire mieux. Le Papillon et sa complice avaient monté d'un cran le niveau des attaques.
Les deux partenaires discutèrent des diverses options qui s'offraient à eux pour y faire face. Ils avaient les amalgames. Devaient-ils les utiliser en même temps ou alterner pour ménager leurs forces ? Devaient-ils changer régulièrement de kwami secondaire, pour surprendre leurs ennemis, ou au contraire garder le même pour apprendre à l'utiliser de mieux en mieux ?
— Il va falloir essayer toutes les combinaisons, soupira Ladybug.
— Il y a un autre angle à explorer, fit remarquer Chat Noir.
— Lequel ?
— Confier un Miraculous à une autre personne, pour être plus nombreux sur le terrain. Cela permettrait de varier nos pouvoirs, sans nous épuiser à en gérer deux, avec des porteurs qui auront une maîtrise particulière de leur magie.
— Enfin, tu n'es pas sérieux ! Tu as bien vu ce que cela donnait ! Nous ne pouvons pas mettre en danger d'autres personnes ni perdre le contrôle sur les Miraculous.
— Irais-tu jusqu'à te passer de Bunnyx ?
Ladybug se donna le temps de réfléchir.
— Eh bien, dit-elle finalement, je suppose que je n'ai pas le choix et que je dois absolument lui donner son Miraculous un jour. Mais ce n'est pas pressé. Tu as bien vu qu'elle avait à peu près vingt ans. On peut encore attendre. Ensuite, rien ne presse, puisqu'elle peut arriver au bon moment, quoiqu'il en soit. Et puis la Ladybug du futur est passée par les mêmes expériences que moi et je ne peux que faire les mêmes choix, Chaton.
— Oui, ça se tient, reconnut Chat Noir. Si j'ai bien compris, tu penses ne lui confier un Miraculous que si tu en ressens le besoin.
— C'est exactement ça. Je suppose qu'il y aura un événement qui va me décider à le faire.
— Et si, l'événement, c'était Timetagger et que c'est déjà arrivé ? supposa Chat Noir.
— Ce ne peut pas être ça. Si ça l'était, je le lui aurais déjà donné ou bien j'aurais l'intention de le faire. Mais ce n'est pas le cas.
— J'avoue que j'ai du mal à concevoir des faits non linéaires, confia Chat Noir.
— C'est compliqué pour moi aussi, admit Ladybug d'un ton soucieux.
— Dis, tu te souviens qu'elle a parlé d'une bande de héros ? Cela veut dire que tu vas bien finir par choisir des alliés, continua Chat Noir.
— Sans doute dans le futur, convint Ladybug.
— Justement. Pourquoi pas maintenant ?
— Tu connais la réponse : Chloé Bourgeois.
— Mettons-la de notre côté et le problème est réglé.
— Jamais plus je ne pourrais faire confiance à Chloé ! Et même si elle était hors-jeu, le Papillon choisirait une autre personne pour découvrir qui sont nos alliés, c'est tout.
— Je n'en suis pas certain. Tu as remarqué, je pense, que chaque akumatisé a des pouvoirs différents.
— Oui, bien entendu.
— Je doute que ce soit juste pour la performance artistique. Cela doit tenir à la nature des akumatisés. Si tu te faisais akumatiser, ton pouvoir serait créatif, Milady. Et le mien destructeur. Chloé impose ses volontés aux autres, Lila les induit en erreur pour les manipuler. Mes amis, Nino et Max, qui aiment être entre copains, ont voulu obliger les autres à jouer, tu vois ce que je veux dire ?
— Je comprends, mais où veux-tu en venir ?
— Je pense que le Papillon aura besoin de Chloé pour refaire ce qu'il a fait. Il peut inciter les akumatisés à faire certaines choses, mais il est lié par la personnalité de ses victimes. Qu'il trouve une personne ayant une psyché identique à celle de Chloé est peu probable.
— Même si tu as raison, Chloé est là.
— Je la connais très bien. Je sais comment la rendre loyale vis-à-vis de nous.
— Moi aussi, je la connais ! Elle n'est pas fiable.
— Tu ne vois d'elle que ce qu'elle laisse paraître.
— C'est bien suffisant.
— Milady, tu n'as jamais été objective à son égard ! On en a déjà discuté. Tu sais parfaitement pourquoi elle nous a trahis. Elle n'est pas la seule à avoir fait des erreurs dans cette histoire.
Ladybug détourna le regard. Chat Noir avait la nette impression qu'elle était partagée entre l'animosité qu'il avait notée chez elle envers Chloé et la douloureuse conscience des fautes dont elle s'était rendue coupable durant ce difficile combat.
— Peut-être, finit-elle pas admettre. Mais comment penses-tu mettre Chloé dans notre camp ?
— Elle vit très mal d'être rejetée par ceux et celles qu'elle apprécie. Si tu vas la voir, que tu lui dis que tu lui as pardonné ce qu'elle a fait, que tu es désolée de ne pas avoir pu lui confier de nouveau le Miraculous de l'Abeille et que tu lui demandes pardon de ne pas le lui avoir expliqué avant, je pense que nous ne risquerons plus rien.
— Tu veux que j'aille demander pardon à Chloé ? s'étouffa Ladybug.
— Simplement que tu reconnaisses les torts que tu as eus envers elle.
Ladybug se leva brusquement et fit quelques pas pour s'éloigner. Chat Noir pensa qu'elle allait le planter là, mais elle resta à quelques mètres de lui, lui tournant le dos. Il garda le silence. Il avait déroulé tous ses arguments et elle était manifestement trop en colère pour l'écouter. Soudain, elle se mit à faire des allers et retours sur le toit et il la suivit des yeux. Il lui était reconnaissant de rester et de tenter de tempérer ses sentiments. Elle finit par revenir vers lui et s'asseoir de nouveau à ses côtés, le visage fermé.
— Tu crois qu'il suffirait de... (sa bouche se tordit pour prononcer la suite) que je m'excuse pour qu'elle soit de notre bord ? demanda-t-elle manifestement peu convaincue.
Chat Noir comprit qu'il devait révéler ce qu'il savait de son amie pour convaincre sa partenaire.
— Chloé a été abandonnée par sa mère quand elle avait cinq ans. Depuis, elle a une telle peur d'être de nouveau mise de côté par quelqu'un qu'elle aime, qu'elle rejette les autres de manière préventive. Elle accepte très peu de personnes dans son cercle et vit très mal d'être trahie.
— Je ne l'ai pas trahie ! protesta Ladybug.
— Je sais, ma Lady, mais c'est ainsi qu'elle l'a vécu. Et je suis certain qu'elle continue à être sensible à ce que tu penses d'elle. Au fond, elle serait vraiment heureuse de pouvoir, de nouveau, te compter parmi ses familiers.
— Animaux familiers ? releva Ladybug avec ironie.
— Non, dans le sens, « personnes de sa famille ou de son cercle de proches » ; précisa Chat Noir en souriant, sachant que sa partenaire l'avait parfaitement compris.
— Tu es un de ses amis, nota Ladybug.
Chat Noir ne répondit pas. Ce n'était pas une question et il attendait de voir ce qu'elle voulait souligner par cette affirmation.
— Tu ne crains pas de ne pas être objectif parce que tu l'apprécies ?
— Pas plus que toi qui ne vois d'elle que ses mauvais côtés, répondit Chat Noir.
Ladybug médita cette réponse. Chat Noir la laissa réfléchir un moment et ajouta :
— Je pense qu'il est difficile de la comprendre sans avoir été abandonné soi-même. C'est quelque chose qui ébranle profondément. Je sais qu'elle a un caractère difficile, mais je sais aussi qu'elle souffre énormément et qu'elle se donne beaucoup de mal pour le cacher aux autres et à elle-même.
— Tu... tu ressens la même chose, Chaton ? demanda Ladybug d'une voix adoucie.
— Non, ma Lady. Ma mère m'aimait. Elle n'est pas partie volontairement. Et mon père se soucie de moi. C'est parfois compliqué, mais jamais il ne m'abandonnerait sans se préoccuper de ce que je deviens.
— Mais le père de Chloé cède à tous ses caprices, il me semble, opposa Ladybug. Elle n'est pas totalement abandonnée.
— Il fait de son mieux, mais malheureusement Chloé considère que c'est de sa faute si Audrey est partie et elle n'arrive pas à le lui pardonner.
— Chaton, ce que tu me dis me permet de mieux la comprendre, mais cela ne me rassure pas vraiment. Comment avoir la certitude qu'elle pourra me pardonner, à moi ? Qu'est-ce qui me garantit que je pourrai lui faire confiance ensuite ?
— Vous avez un long chemin à faire toutes les deux, convint Chat Noir. Mais cela ne coûte pas grand-chose de faire le premier pas. Peut-être qu'un jour tu devras absolument demander de l'aide à quelqu'un et lui confier un Miraculous. En ayant parlé préventivement à Chloé, tu augmentes les chances qu'elle n'agisse pas contre nous. C'est mieux que d'être persuadée qu'elle va le faire, tu ne crois pas ? Cela ne coûte pas grand-chose et ça peut nous sauver la mise plus tard.
— C'est Chat Noir ou Adrien qui voudrait que je fasse cette démarche ? insista Ladybug.
— Les deux. Chat Noir qui a peur de ne pas pouvoir être là pour t'aider un jour et Adrien qui voudrait que Chloé soit dans son camp.
— Je vais y réfléchir, céda Ladybug. Je vais prendre en compte tes arguments et on en reparlera plus tard. Cela te va ?
— Oui, Milady. Je te remercie de m'avoir écouté.
— Je me trouve généralement bien de t'écouter, Chaton. Même si, là, c'est un gros morceau que tu me donnes à avaler. On fait comme d'habitude, je te laisse un message sur répondeur.
— Oui, ma Lady. Je me transforme généralement chaque soir vers 21 heures pour vérifier que de nouvelles instructions ne m'attendent pas.
— Si un jour tu ne peux pas, ne t'inquiète pas trop. Tu as le droit d'avoir une vie privée. Je suppose que j'arriverais toujours à te joindre, maintenant que je sais qui tu es.
— Je peux te donner mon emploi du temps. Il est réglé comme du papier à musique.
— Tu n'es pas en vacances ?
— C'est un mot que mon père ne comprend pas. J'ai des cours pratiquement tous les jours.
— Tu n'as pas de temps libre ?
— Assez peu.
— Tu peux voir tes amis, j'espère.
— Pas souvent, mais on communique beaucoup à distance. Avec ma petite amie aussi.
— C'est bien, approuva Ladybug. C'est important de se sentir entouré.
— J'espère que cela se passe bien de ton côté, avec ton amoureux, lui souhaita Chat Noir.
— Oh, il ne se passe rien du tout. Mais c'est mieux ainsi. C'est plus calme.
— Tu n'es plus avec ton petit copain ? s'étonna Chat Noir.
— Je n'ai jamais été avec lui. Il ne s'est jamais intéressé à moi de cette manière. Nous sommes amis et cela me convient parfaitement.
— Il t'a... repoussée ? questionna Chat Noir choqué.
— Même pas. Il n'a jamais su que j'avais ce genre de sentiments pour lui.
Chat Noir regarda sa partenaire avec stupéfaction.
— Attends, tu veux dire que non seulement il ne se rend pas compte à quel point tu es fantastique, mais qu'en plus il n'a jamais remarqué qu'il te plaisait ? questionna-t-il d'un ton incrédule. Mais quel crétin ! Non mais, moi, à sa place...
Chat Noir s'interrompit, se rendant compte que Ladybug le contemplait, bouche bée, comme si elle n'en croyait pas ses oreilles.
— Désolé, dit-il d'un ton contrit. Je n'ai pas le droit de dire du mal de ton ami.
— En fait, dit Ladybug, qui paraissait choisir ses mots avec soin, ce n'est pas totalement de sa faute. Je suis assez différente dans ma vie normale. Comme toi, il y a des aspects de ma personnalité qui ne sont pas très apparents quand je ne porte pas de masque. Je suis assez transparente, à vrai dire. Il n'y a rien qui me distingue des autres filles.
— Je ne peux pas croire une chose pareille.
Sa partenaire eut l'air de trouver sa dénégation amusante. Elle insista :
— Mais si, je t'assure ! Je suis certaine que, si tu me croisais, tu n'imaginerais pas une seconde que je puisse être Ladybug. Et ne t'en fais pas. Finalement, c'est moi qui ai décidé qu'il valait mieux qu'on reste de simples amis. Ce que je ressentais pour lui n'était pas justifié.
— Comment ça ?
— J'ai... j'ai appris des choses sur lui et je me suis aperçue que je ne le connaissais pas autant que je ne le croyais. J'ai réalisé que... enfin, qu'on ne peut pas prétendre réellement aimer une personne si on ne la connaît que partiellement.
— Il n'était pas aussi bien que tu le pensais ?
— Oh si, là n'est pas le problème. Mais maintenant que j'en sais davantage sur lui, je pense que la simple amitié est une meilleure option, tant pour moi que pour lui.
Chat Noir resta un moment pensif avant de dire :
— Je ne suis pas certain de comprendre mais, si cela te convient, je suppose que c'est bien.
— Oui, c'est bien. Tu sais, Chaton, je ne pense pas être capable de gérer une relation amoureuse avec tout ce qui se passe de ce côté. Je préfère attendre que les choses se soient un peu stabilisées.
— Et tu crois que je... enfin que je ne devrais pas, de mon côté...
— Non, Chat, je n'ai pas dit ça. Je pense que c'est bien pour toi d'avoir une petite amie. Nous ne sommes pas obligés de réagir à la pression de la même manière. Je suis très heureuse que tu aies trouvé ton bonheur.
— Merci, Buguinette. J'espère que, de ton côté, tu trouveras la bonne personne.
— Je ne suis pas pressée. Je me sens vraiment bien comme je suis. (Elle bâilla.) Je crois qu'il est temps que j'aille me coucher. À une prochaine fois, Chaton. En attendant, profite bien de ceux qui comptent pour toi.
— Pareil pour toi, Buguinette.
oOo
Le vendredi de la seconde semaine de vacances, Alya se présenta chez les Dupain-Cheng après le déjeuner pour passer l'après-midi avec Marinette. Les filles s'installèrent dans la chambre du haut et Marinette demanda à Alya ce qu'elle avait pensé des derniers épisodes d'une série qu'elles regardaient en parallèle toutes les deux.
— Avant tout, j'ai quelque chose à te dire, commença Alya d'un ton un peu embarrassé.
— Quoi donc ?
— Je te dois des excuses.
— À quel propos ?
— À propos de Lila. J'ai suivi tes conseils et j'ai un peu enquêté sur elle. Plus je creuse, moins ce qu'elle dit me semble vraisemblable.
— Ah ! enfin, s'exclama Marinette.
— Je suis vraiment désolée de ne pas t'avoir fait confiance et d'avoir pensé que tu pouvais être assez jalouse pour médire d'elle.
— Elle ment très bien, tempéra Marinette pour montrer à son amie qu'elle ne lui en voulait pas. Alors, dis-moi, qu'as-tu découvert ?
— Eh bien je suis partie de son traité pour la paix. Je l'ai appelée et je lui ai demandé des précisions en disant que je faisais un récapitulatif de tous les exposés et que je voulais l'inclure, même si elle n'avait pas eu l'occasion de le présenter devant nous. Elle a éludé chacune de mes questions, prétextant qu'elle ne pouvait pas me parler à ce moment-là, qu'elle était en train d'embarquer dans un avion pour le Pérou. Je lui ai donc envoyé un mail lui demandant de me faire un bref résumé de son exposé. Je n'ai pas eu de réponse. J'ai insisté en disant qu'elle ne serait pas dans le compte rendu si elle tardait trop. Toujours rien. Ensuite, j'ai appelé le consulat français au royaume de Kowar. J'ai dit que j'avais eu un problème de passeport il y a quelques mois alors que j'y étais en visite, qu'un certain monsieur ou madame Rossi m'avait aidé et que je voulais le remercier. On m'a répondu qu'aucune personne portant ce nom n'avait jamais travaillé au consulat. J'ai ensuite commencé à appeler tous les Rossi sur Paris, sache qu'il y en a plus de deux cent cinquante. Je sais que ses parents peuvent ne pas avoir de téléphone fixe ou être sur une liste rouge, mais cela valait le coup d'essayer. À chaque fois, je demandais à parler à Lila, de la part de Chloé Bourgeois. Et tu sais quoi ?
Marinette, qui suivait l'enquête de son amie avec fascination, secoua négativement la tête.
— Eh bien j'ai fini par tomber sur la mère de Lila, qui m'a dit que sa fille n'était pas à la maison, car elle faisait des courses. J'ai dit que j'allais l'appeler sur son portable et, bien entendu, je ne l'ai pas fait. Par contre, je sais qu'elle n'est pas partie au Pérou, que ses parents ne sont sans doute pas diplomates et qu'ils ont une ligne fixe ce qui est étrange pour des personnes qui voyagent autant. Mon enquête est loin d'être terminée, mais je t'accorde qu'on peut trouver les affirmations de Lila sujettes à caution.
— Tu me tiendras au courant de la suite ?
— Oui, bien entendu.
oOo
C'est sans enthousiasme que le lundi suivant, Marinette rejoignit Chat Noir sur le toit du Grand Paris.
— Ça va, ma Lady ? lui demanda-t-il avec un sourire encourageant.
— Je crois que je préférerais me faire arracher une dent, lui avoua-t-elle, mais je suppose que c'est comme avec le dentiste, on n'a pas le choix.
— Je peux faire le médiateur, si tu veux.
— Chat Noir en conciliateur ? s'étonna-t-elle. J'avoue que je ne m'y attendais pas. Mais entre moi et Chloé, c'est sans doute une bonne idée.
— Avant qu'on y aille, j'aimerais te poser une question.
— Je t'écoute.
— Est-ce que Chloé connaît le nom de tous ceux qui ont reçu un Miraculous ?
— Non. Elle était akumatisée quand elle les a obligés à se révéler. Elle a tout oublié quand nous l'avons délivrée.
— Et le Papillon ?
— J'ai bien peur que, lui, s'en souvienne, soupira Ladybug. C'est pour ça que je ne veux plus reprendre d'alliés.
Chat Noir hésita quelques secondes avant de continuer :
— Si le Papillon les connaît... Est-ce que j'ai le droit de savoir, moi aussi ? S'il les attaque pour ça, il vaut mieux que je comprenne ce qui se passe, tu ne crois pas ?
— Oh, je n'y avais pas pensé.
Ladybug soupesa l'argument.
— Entendu, fit-elle finalement. Bon, voilà. Alya, la fille du Ladyblog, était Rena Rouge. Carapace est son petit ami Nino.
— Alya et Nino ? s'étonna Chat Noir. Mais ce sont mes meilleurs amis !
— Oui, c'est ce que j'ai compris.
— C'est dingue ! Mais d'un autre côté, j'ai moins de regret de devoir leur mentir. Ils ne m'ont jamais rien dit, tu sais !
— J'espère bien !
— Je sais que Ryuko est Kagami Tsurugi, compléta Chat Noir, que Max Kanté est Pégase et que Luka Couffaine est Vipérion. Oh, il y a aussi Marinette Dupain-Cheng en Multimouse. Qui est le Roi-singe ?
— Kim Chiên Lê.
— Dis, c'est une impression ou je les connais tous ? Pourquoi as-tu choisi pratiquement que des élèves de ma classe ?
— Eh bien... (Elle chercha désespérément une explication qui exclurait tout lien entre elle et eux.) Je ne sais pas si tu as remarqué, mais ton collège a souvent été un lieu d'akumatisation. Je suppose qu'entre Lila Rossi et Chloé, cela peut s'expliquer. Proposer à des anciens akumatisés de nous aider m'a paru une bonne idée. Et j'ai préféré demander à des personnes jeunes. Tu imagines avoir quelqu'un comme ton proviseur dans l'équipe ?
— Ah oui. Logique. C'est pour ça que tu m'avais proposé le Miraculous du Serpent à l'époque ?
— Tout à fait, mentit-elle avec aplomb.
— Je vois. Merci de m'avoir mis dans la confidence, Buguinette. On va voir Chloé ?
— Oui, oui, on y va, accepta-t-elle d'une voix morne.
oOo
Ladybug et Chat Noir descendirent d'un niveau pour se trouver sur la terrasse privée de Chloé. Chat Noir désigna les volets qui donnaient sur la chambre à coucher de son amie. Sur un signe de tête de sa partenaire, il toqua pour signaler leur présence. Il ne se passa rien et recommença :
— Chloé, souffla-t-il à mi-voix.
— Qui est-ce ? répondit une voix méfiante.
— C'est Ladybug et Chat Noir !
— Quoi ?!
Ils l'entendirent se lever et s'approcher. Le volet remonta et la jeune fille les inspecta à travers la vitre. Quand elle se fut assurée de l'identité de ses visiteurs, elle ouvrit la croisée.
— Il y a une alerte ? demanda-t-elle.
— Non, on est venus te parler.
Chloé se raidit et les dévisagea suspicieuse :
— Et si, moi, je n'ai pas envie de vous parler ?
— On n'est pas venus régler nos comptes, assura Chat Noir. On est venu discuter.
Chloé hésita encore un instant et s'écarta pour les laisser entrer. Chat Noir se dirigea sans hésitation vers le coin de la pièce où se trouvait un canapé et s'y installa. D'une démarche un peu raide, Ladybug le suivit et s'assit à ses côtés. Chloé prit place sur un fauteuil face à eux.
— J'ai l'impression qu'il y a eu beaucoup de malentendus entre nous, commença Chat Noir. Tu as fait un excellent travail en tant que Queen Bee, Chloé, et nous t'en remercions. Malheureusement, par la suite, nous avons dû renoncer à te confier le Miraculous de l'Abeille, car le Papillon connaissait ton identité et on craignait qu'il ne profite du moment où nous viendrions te le donner pour organiser un guet-apens. Ce qu'il a d'ailleurs fait, le jour où ton amie Sabrina s'est fait akumatiser. Nous aurions dû prendre le temps de t'expliquer tout ça.
La bouche de Chloé tressaillit. La défection des héros avait été douloureuse pour elle.
— Et vous êtes venus juste pour me dire ça ? douta-t-elle.
— Eh bien, cela nous a choqués que tu prennes le parti du Papillon, le mois dernier, et nous avons tenté de comprendre ce qui t'avait motivée. Nous ne voulons pas faire la même erreur deux fois.
Chloé regarda vers Ladybug qui n'avait pas desserré les dents.
— Vous êtes venus vous excuser ? demanda la fille du maire.
Ce fut au tour de Ladybug de tressaillir. Elle leva des yeux furibonds vers Chloé, mais Chat Noir bougea la main et serra brièvement celle de sa partenaire. L'héroïne avala sa salive et se força à dire :
— Je regrette la manière dont cela s'est passé. J'aurais dû venir en parler avec toi. Je ne l'ai pas fait.
Chloé la contempla sans répondre, avant de plisser les yeux et de répliquer :
— D'accord. Et maintenant, si vous me disiez pourquoi vous êtes là en réalité.
Ladybug et son partenaire échangèrent un regard. Une fois de plus, ce fut Chat Noir qui se chargea de parler pour eux :
— Eh bien, nous espérons ne plus avoir à nous battre contre toi. Nous avons assez d'ennemis pour ne pas avoir, en plus, à nous méfier de ceux qui sont de notre côté.
Comme Chloé continuait à le fixer les yeux plissés, il continua :
— Si nous avons de nouveaux alliés, nous aimerions être certains que tu n'offriras pas au Papillon le service de les lui amener.
La fille du maire hocha la tête, satisfaite d'avoir le fin mot de l'histoire.
— Donc vous comptez confier des Miraculous à d'autres personnes, comprit-elle. Mais oui, bien sûr, c'est toi qui as la boîte, maintenant ! se souvint-elle en fixant Ladybug.
Cette dernière ne répondit pas. Elle n'avait pas envie de discuter de ses plans avec la fille du maire.
— Je ne vois pas pourquoi je vous aiderais à distribuer les Miraculous, alors que vous ne voulez plus de moi, leur fit savoir Chloé. Surtout si c'est pour choisir des minables, comme vous l'avez fait jusqu'à maintenant ! Vous avez eu de la chance que je tombe sur Pollen.
Ladybug se raidit et commença à se lever. Chat Noir la rattrapa par le bras et la fit se rasseoir.
— Que demandes-tu en échange ? demanda-t-il calmement à Chloé.
— Cette question ! fit-elle dédaigneusement. Un Miraculous, bien entendu.
— T'es bouchée ou quoi ! s'exclama Ladybug. On ne peut pas prendre ce risque !
— C'est toi qui es stupide. Tu n'as qu'à me donner un autre Miraculous et le Papillon ne pourra pas savoir que c'est moi. Et cette fois, tu me le laisses. Pas question que j'attende gentiment que tu daignes me l'apporter.
Ladybug resta bouche bée devant tant d'impudence. Elle aurait sans doute répondu par la négative si Chat Noir n'avait pas écrasé sa main dans la sienne.
— C'est une idée, reconnut-il. Cela mérite qu'on y réfléchisse.
— Ne me fais pas rire ! fit Chloé en levant les yeux au ciel. Elle ne voudra jamais. Et, toi, tu lui obéis toujours au doigt et à l'œil. Ce n'est pas un chat que tu es, mais un toutou.
— Elle n'a pas encore dit non, fit remarquer Chat Noir sans s'offusquer. Par contre, à ta place, je tenterais de donner des arguments en ta faveur. Pour le moment, on n'en a pas énormément.
Chloé coula un regard du côté de Ladybug qui regardait fixement devant elle, pas spécialement engageante. Cependant, le simple fait qu'elle restait offrait une ouverture.
— Eh bien, pour commencer, à chaque fois que j'ai eu mon Miraculous, je me suis toujours très bien battue, commença Chloé. J'ai toujours été la dernière à me faire neutraliser.
— C'est vrai, admit Chat Noir.
— Et puis j'ai déjà refusé une akumatisation. Le Papillon ne peut rien contre moi, tant que je ne décide pas de coopérer avec lui.
Le regard de Ladybug se tourna vers elle. Elle avait éveillé son attention.
— Vraiment, s'étonna Chat Noir. Tu as empêché un akuma de t'infecter ?
— Exactement. Il était dans la photo que je tenais à la main. Le Papillon m'a parlé. Il m'a proposé de me donner Pollen pour de bon si je lui donnais les vôtres. Je lui ai dit que cela ne m'intéressait pas. Je voulais un Miraculous, mais pas comme ça. Alors, l'akuma a quitté la photo et s'est attaqué à Sabrina.
Les deux héros se regardèrent. Qu'on ait la possibilité de refuser un marché proposé par le Papillon était une très bonne nouvelle.
— C'est pour ça, conclut Chloé, que vous ne trouverez pas meilleure alliée que moi.
— Je dirais que ton dossier de candidature s'est étoffé, reconnut Chat Noir. Par contre, il faut que tu prennes conscience de quelque chose, si jamais tu veux rentrer dans l'équipe.
— Ah oui ?
— C'est Ladybug qui nous dirige. On peut donner notre avis, mais c'est elle qui tranche. On ne peut pas se permettre de perdre du temps ni de l'énergie à nous disputer. Si tu n'es pas capable de la considérer comme ta cheffe, ce n'est même pas la peine d'essayer. Si jamais elle décide de te donner un Miraculous, tu devrais t'engager sur l'honneur à lui obéir et à lui rendre le Miraculous quand elle le te demandera. C'est non négociable.
Chloé regarda Ladybug. Les deux filles se dévisagèrent durement, se mesurant.
— Tu serais prête à me donner un Miraculous ? s'enquit finalement Chloé.
— Je n'ai pas encore décidé. Cela ne dépend pas seulement de toi. Et mets-toi bien dans la tête qu'un Miraculous n'est jamais confié sans condition.
— Mais je pourrai le garder entre chaque attaque ? Que ce soit clair : pour moi, c'est ça qui est non négociable.
— On verra, fit Marinette en se levant.
Elle se tourna vers Chat Noir et ajouta :
— Je pense que nous avons fait le tour de la question.
— Tout à fait Milady, confirma-t-il en se mettant à son tour sur ses pieds. Bonne nuit, Chloé.
oOo
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Dans le prochain chapitre, on verra comment "Semer le Chaos".
Sinon, je sens que vous m'en voulez un peu pour Adrien et Kagami. Bien entendu, les choses vont (lentement) évoluer, mais vous n'imaginez quand même pas que ce sera facile pour cette pauvre Marinette. La charge de gardienne est lourde. Laissez-la donc souffler un peu.
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