Prologue
- Chambre 28, comme toujours. Tu peux y aller Jeongin, la chambre est prête et ton nouveau coloc est déjà là.
- Je suis en chambre double ?
- Avec les collègues on s'était dit que ce serait bien... je sais que t'aimes pas trop ça, mais à la dernière hospitalisation ça a été compliqué pour toi... alors tu peux peut-être tenter le coup, juste pour cette fois ?
Jeongin soupira bruyamment tout en déposant son sac à dos à ses pieds. Il détestait être entouré et faisait toujours son maximum pour demeurer le plus seul possible. Pas de thérapie de groupe pour lui ni même d'atelier dessin où de toutes ces choses que les services inventaient pour faire passer le temps. Rien qui l'aurait forcé à faire semblant d'être heureux et jovial.
Tout ce qu'il voulait, c'était la paix, mais cette fois-ci c'était son infirmière préférée, une dite Dorotha, qui le lui demandait. Un coup probablement préparé d'avance par ailleurs il le savait bien..., mais comment lui refuser quoi que se soit alors qu'elle avait toujours été là ? Elle était de ces femmes rondes et toute en douceur qui vous donnez l'envie de vous blottir dans ses bras tout en l'écoutant vous prodiguer ses meilleurs conseils que vous auriez pris pour vérité absolue sans l'ombre d'un doute. Son visage était avenant et amenait une idée de profondeur et de gentillesse qui s'accordait à merveille au métier qu'elle avait choisi.
- Hum... Il est sympa, tu l'as déjà vu ?
- Oui c'est malheureusement un habitué des hôpitaux aussi, mais il est nouveau ici ! Et vous avez le même âge !
- Vraiment ?
- Oui ! C'est génial non ? Ça va te changer !
- Pas vraiment génial non... s'il est ici à 26 ans...
L'infirmière le regarda avec toute la compassion que pouvait lui transmettre son regard et elle lui frotta le bras d'un instinct maternel qu'elle n'était pas censée avoir et encore moins ressentir. Légalement, elle n'était pas autorisée à le toucher, de même qu'elle n'était pas censée tutoyer ses patients ou encore s'y attacher, mais comment faire lorsque l'on connaissait son patient depuis plus de 15 ans ? Comment faire alors que sa propre mère l'avait laissé, quelque temps après son père ?
Elle l'avait connu en oncologie pédiatrique alors qu'il n'était encore qu'un enfant, puis en service spécialisé pour les ados, pour terminer chez les adultes. C'est à ce moment que Dorotha fut mystérieusement mutée elle aussi dans le même service. Les coïncidences faisaient parfois bien les choses...
Ces deux dernières années n'avaient été pour Jeongin que des aller-retour incessants entre son petit appartement de « confort » comme on les appelaient dans le jargon, et le service qu'occupait la femme d'âge mûre. Les deux lieux se trouvaient quasiment accolés et se distinguaient uniquement par leur nom. De toute manière, pour le jeune homme, arrivé à ce stade, on pouvait considérer qu'il était un enfant né dans ces couloirs gris et interminables et qu'il s'y était construit, à sa manière.
Cet aller était de ceux qui seraient probablement sans retour, le service tout entier le savait et malgré les règles tacites et explicites, le staff et les médecins avaient fini eux aussi par se prendre d'affection pour l'allure toujours détachée du jeune homme que l'on entendait pourtant toujours pleurer très tard dans la nuit.
Ce genre de service était toujours difficile à tenir, encore plus à éprouver et l'on ne pouvait pas toujours se protéger de tout et encore moins de tous. Certains transperçaient notre armure professionnelle pour atteindre une autre, bien plus personnelle. Ces patients là finissaient invariablement par venir nous secouer comme un prunier, laissant tomber de nous quelques feuilles et fruits trop fragiles.
C'est ce que Jeongin avait été pour cette équipe médicale, la tornade que leurs pruniers n'attendaient pas.
Félix, lui, était un jeune homme bien différent. Orienté par un hôpital universitaire australien dans le but de tenter un nouveau traitement élaboré dans le centre de recherche de Séoul. Il avait été « l'heureux » gagnant d'une loterie médicale lui permettant de devenir patient témoin dudit traitement. Ce n'était pas vraiment glorieux entendu comme cela, mais ce type d'étude clinique induisait toujours un « peut-être ».
Alors avec cette positivité qui lui était propre, peut être que les médicaments marcheraient, peut être que cette trithérapie empêcherait les cellules cancéreuses de se développer toujours davantage et d'attaquer tout son système et peut être même encore, avec beaucoup d'espoirs, qu'elles arrêteraient de croîtrent.
Cela ne lui permettrait pas une vie facile, ni même normale, mais ça restait une vie. Alors c'est tout ce à quoi il s'accrochait.
Une vie de douleur valait mieux qu'une mort sans souffrance. C'est en tout cas ce qu'il avait retenu de son parcours personnel, et c'est généralement ce que tous les patients souffrants en retenaient. Voir un lever du soleil, une abeille se poser sur une fleur ou un enfant rire valait bien les moments où l'on pensait ne jamais pouvoir s'en remettre.
Félix était de ces personnes-là, de celles qui voient le verre à moitié plein quand Jeongin, lui, ne prenait même pas la peine de regarder le verre...
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