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Chp 12 - Rika : le dernier chant de Mebd (1)

Vaisseau-monde ældien Ráith Mebd, orbite de Taranis


Lathelennil n'eut pas le loisir de fêter l'arrivée des armées de son frère. Impossible de savoir vraiment ce qui se passait, dans ce chaos : pour moi, nous étions attaqués par les Desséchés et les dorśari. Et Lathelennil, né et élevé sur les champs de bataille, accoutumé aux flots de sang et se repaissant de souffrance, réagit immédiatement.

La superbe salle principale du Ráith Mebd fut bientôt envahie par des hordes de contaminés. Les arbres noircirent et flétrirent, se recroquevillant sur eux-mêmes à mesure de la destruction des canaux les irrigants. Les splendides murs de marbre furent gagnés par un crépi noir, qui les rongeait comme des flammes. Des hurlements d'outre-tombe vrillaient nos oreilles, paralysant la plupart des ældiens encore debout. Les yeux des petits sortant littéralement de leur tête, je les fis monter rapidement dans mon sac, que je refermais sur eux. Isolda eut l'idée de boucher les oreilles de Naradryan avec un bout de tissu déchiré de son shynawil.

Autour de nous, où que nous posions les yeux, les ældiens tombaient comme des mouches, écrasés par des colonnes de plusieurs centaines de mètres de haut, soufflés dans l'espace par une brèche dans la coque, ou éventrés par des créatures-machines décomposées sorties des cauchemars les plus noirs d'un dorśari sous acides.

Voir toutes ces belles personnes dans leurs vêtements lumineux tomber les unes après les autres me paraissait déjà suffisamment horrible. Pour moi qui étais née dans une société grise et noire, le monde haut en couleur des ældiens était d'une telle magnificence que cela me paraissait le pire des crimes que de le détruire. Surtout ce vaisseau superbe peuplé de gens innocents.

Je sentis soudain qu'on me passait quelque chose autour du cou. C'était Ren, qui venait de me donner une gemme d'un bleu lumineux et transparent.

— Ne l'enlève pas, murmura-t-il. Si tu es tuée... Tes compagnons la prendront. Tu feras la même chose pour eux, lorsqu'ils tomberont.

Je hochai la tête, émue qu'il se préoccupe ainsi de moi.

— Et toi ? lui demandais-je. As-tu une nouvelle sauvegarde, Ren ?

Il me regarda.

— Je n'en ai plus besoin, me répondit-il. De toute façon, le mal est déjà fait.

— Mais si ton cristal est perdu de nouveau ? glapis-je. Je ne parle même pas de la perte de mémoire, mais de ta réincarnation. Lathelennil m'a tout expliqué sur le rôle réel de ces cristaux !

J'avais en effet compris, grâce aux explications simples et directes du dorśari, la véritable fonction de ces cristaux. Les ældiens ne les portaient pas comme un riche citoyen, un colon ou un légionnaire porte une capsule ISB-4, mais plutôt comme les fidèles des anciennes religions portaient leurs colifichets. Ils les portaient pour s'assurer qu'après leur mort, leur essence ne soit pas absorbée dans le néant pour toujours. Ces pierres étaient leur seule garantie de réincarnation.

— Je porte le masque de l'Étranger, asséna alors Ren. Pour cette raison, je n'ai pas besoin de cristal-cœur. Mais toi, et nos enfants également, vous êtes en danger. Vous ne pouvez pas rester en ma compagnie, sous peine de partager mon sombre destin. Nul ne le peut : cette Voie, je dois l'arpenter seul.

Je le regardai, effondrée. Ren était devenu Aonaran ! Tous autour de moi me regardaient avec une commisération pire que tout à l'heure. Śimrod gardait le visage baissé, gêné. Isolda affichait un visage d'une tristesse indicible. Quant à Lathelennil, il posa un genou à terre, son épée plantée devant lui.

— Désolé pour toi, et merci pour ta protection, grinça-t-il du bout des dents. J'ignorais que tu marchais sur le chemin de la damnation.

Sa piètre tentative de création de rimes amena un sourire fantomatique sur les lèvres de Ren. Nul doute que la toute jeune carrière du poète Lathelennil ne connaîtrait pas de suite.

— Écoute, dis-je en cherchant à attraper la main de Ren. Je me fiche que tu sois l'Aonaran, l'As sidhe d'Æriban, ou la réincarnation de Malenyr ou je ne sais quoi encore... Je ne suis pas ældienne. Vos superstitions et autres tabous ne me concernent pas. Je ne te laisserai pas, Ren. J'en ai marre de te perdre ! Tout ce que je demande, c'est de passer ma courte vie à tes côtés. Je t'en prie ! Ne m'abandonne pas encore, alors que je viens juste de te retrouver. J'ai besoin de toi.

Du coin de mon œil humide, j'aperçus que Śimrod se mordait la lèvre de dépit. Il était révolté par la situation, comme je l'étais, moi.

Mais Ren, comme d'habitude – plus que d'habitude, même – se montra inflexible.

— Pense à nos enfants, alors, asséna-t-il sévèrement. Tu veux qu'ils suivent ce chemin sanglant à mes côtés, et prendre le risque qu'ils soient un jour consumés par Arawn ou Shemehaz ? Nous devons nous séparer. C'est trop dangereux.

— Mais qu'est-ce qui a changé, par rapport à avant ? m'écriai-je.

— Avant, je pensais ma mission terminée. Mais je sais aujourd'hui que ce n'est pas le cas. Adieu, Rika.

Il détourna la tête. Lathelennil, qui s'était relevé, s'adressa à lui.

— Je protégerai ton ex et tes gosses, Silivren. J'en fais le serment. Tu peux compter sur moi.

Ren lui jeta un dernier regard, qui me parut plutôt hostile. Comment savoir ce qui se passait au fond de son cœur ? S'il ressentait de l'amertume et de la jalousie, de toute façon, il ne pouvait pas l'exprimer.

— Si tu leur fais du mal...

—Je ne leur ferai rien, grimaça Lathelennil. Je suis dorśari, certes, mais pas idiot !

Il ajouta, plus bas, à ma seule intention cette fois :

Enfin, sauf si tu me le demandes.

Je baissai la tête sans réagir à sa remarque. Une fois de plus, tout s'était décidé sans moi.

Śimrod, qui partait avec son fils, me jeta un dernier regard.

— J'étais ravi et très honoré de te connaître, Rika, me dit-il gentiment. Même si ce fut bref... Je suis fier que tu sois la femelle de mon fils, et je me réjouis que ma lignée perdure grâce à toi. Merci : je pourrais partir en paix, maintenant.

Je voulus répondre quelque chose, mais je n'en eus pas le temps. L'ennemi, encore loin il y a quelques minutes, se rapprochait. Il y avait des humains parmi eux, mais pas seulement : je reconnus quelques orcanides. Comment ces derniers, qui n'avaient pas accès au Crypterium, avaient pu être contaminés par le virus qui souillait le Réseau ? Je couvris les yeux de Naradryan : il n'avait pas à voir cela.

Ces créatures n'avaient plus rien d'humain. À voir leurs silhouettes décharnées, arborant les mutilations les plus infâmes, ils ressemblaient aux zombies des vieux holofilms. Certains, le crâne à demi ouvert, portaient encore leurs câbles de connexion, et étaient reliés à de barbares terminaux ressemblant à des organes qui pulsaient d'une vie impie. Des hordes de damnés titubant, sans bras, la peau horriblement écorchée, blanche de putréfaction.

Lathelennil, dont le visage cruel exprimait à la fois horreur et fascination à cette vue, me prit le bras.

— Viens, murmura-t-il. Il faut partir, maintenant.

À côté, Roggbrudakh avait déjà saisi Isolda et Arda dans chacun de ses gros bras.

— L'ylfe bicolore a raison. Nous partir, répéta-t-il, catégorique.

Pour ma part, j'étais en proie à une intense fascination.

— Qui sont ces malheureux ? D'où viennent ces légions démoniaques, et de quelle espèce sont-ils ?

Lathelennil me regarda.

— À ton avis ?

— Ne me dis pas que...

Soudain, je compris. C'était des ædhil desséchés !

— La technologie des tiens représente un poison pour nous, confirma Lathelennil. C'est pour cela que les nôtres ont fini par abandonner définitivement votre monde. Regarde ce que ça nous fait !

Il émit un ricanement désabusé.

— Bien sûr, c'est différent pour moi. Dorśa a été exclue des Cours pour s'être mêlée aux humains, et la plupart des ædhil ne nous considèrent pas mieux que ces Marcheurs de Mort. Ils pensent que nous sommes corrompus, impurs. C'est peut-être vrai... Mais j'ai juré à l'Aonaran de te sauver de la souillure. Allez, viens. Il faut partir.

Ren et Śimrod faisaient déjà face, une dizaine de pas devant nous. En les regardant, je m'aperçus que, par un habile tour de passe-passe, ils avaient revêtu leurs armures, et surtout, le masque de l'Aonaran. Deux lames surgirent de leurs manches, et ils coururent sur l'ennemi de concert, comme deux images symétriques.

Je secouai la tête, me sentant soudain très bête. J'aurais dû comprendre dès le début.

Au moins, ils seront ensemble, me surpris-je à penser.

Les légions de contaminés se rapprochaient. Beaucoup trop vite. Lathelennil, comprenant qu'on allait avoir du mal à leur échapper, me tira par la manche : Roggbrudakh était déjà loin derrière. Un son lourd et fantomatique se fit alors entendre, dominant les cris, râles et autres hurlements qui faisaient office de nappe sonore : on pouvait y discerner un chant exsudant une malice d'un autre monde, tel que je n'en avais jamais entendu. Le visage de Lathelennil afficha une grimace de souffrance. Quant à moi, je sentis mon cœur se rétracter, et je tombai à genoux. En l'espace de cinq secondes, j'avais perdu toute envie de vivre.

— Shemehaz est ici, murmura Lathelennil, un inquiétant éclat de fascination dans les yeux. Je le sens. Il est ici pour l'Aonaran !

Au fond du corridor cyclopéen, une lumière d'un éclat aveuglant enflait et grandissait, son avant-garde composée de corps mutilés se contorsionnant en une infâme parodie de danse.

— Aux yeux de Shemehaz, rien n'est plus jouissif qu'une âme filidh, chuchota Lathelennil, comme moi hypnotisé par l'apparition. Si difficile à ravir... Quand il s'agit de l'Aonaran... C'est la prise du millénaire.

Ni lui ni moi n'étions capables de bouger. C'était trop fort pour Lathelennil et moi. Comme lui, j'étais sensible à cet attrait.

— Maman ! gémit Cerin au fond du sac. J'ai peur !

Mais même la petite voix effrayée de ma fille fut impuissante à me faire bouger. Nous avions trop hésité. Désormais, les premières lignes d'horreurs titubantes étaient à moins d'un mètre, s'agitant dans notre direction en se dandinant comme de gros vers. Ren et son père étaient déjà loin, taillant une ligne droite dans les rangs des Desséchés pour se jeter à la rencontre de ce qui se cachait dans l'immense corridor.

Soudain, une silhouette bondit devant nous, découpant trois atrocités qui se répandirent sur le marbre souillé. C'était une jeune ældienne portant un masque au sourire tragique, orné d'une queue de cheveux rouge. Une filidh.

Une silhouette revêtue du même attirail apparut devant moi. Le sourire dentu et agressif de son masque occupa mon champ de vision pendant un moment, et je me sentis aspirée par ses yeux abyssaux. Lorsqu'il se releva, j'avais repris mes esprits.

Un grand mâle se tenait debout devant moi, faisant barrage alors qu'une comparse secouait Lathelennil pour le sortir de sa transe.

— Ne restez pas là, dit notre sauveur de sa voix spectrale. Les hordes impures ont déferlé sur le Ráith Mebd : aujourd'hui, son chant résonnera pour la dernière fois. Vous devez fuir.

Des ældiens inconnus étaient venus à la rescousse. Un bataillon d'élite efficace et synchronisé. La voix du meneur, qui donnait ses ordres en langue antique et rythmée, sa voix profonde et mélodieuse résonnant dans les immenses arcades de la salle, couvrait explosions et hurlements. Les filidhean de l'Aleanseelith, avec leurs masques souriants, semblaient prendre plaisir à la bataille : les voir dans toute leur flamboyance me remonta immédiatement le moral, et je compris soudain la raison d'être de tels costumes. Au milieu de la désolation, lorsque tout semblait perdu, avec leurs couleurs et leurs rires, ils représentaient l'espoir.

— C'est mon mari qui se bat là-bas, dis-je d'une voix tremblante à l'ældien à la glorieuse crête rouge qui m'avait sorti de ma transe. Avec son père, un semi-orc. Je vous en prie, il faut aller l'aider !

Le masque se tourna vers moi, avec son visage inquiétant, son rictus jusqu'aux oreilles et son regard sans fond.

— Nous n'avons pas à nous immiscer dans les affaires de l'Aonaran, me répondit-il d'une voix étonnamment jeune et claire pour un faciès aussi grimaçant. Il doit jouer sa partie seul.

Lathelennil me tira de ma contemplation désespérée.

— C'est pas le moment d'aller au spectacle, grinça-t-il, je crois qu'on en a assez vu. Laissons ces troubadours et ce qui reste des aios sauver les derniers morceaux de ce paquebot en perdition ! Mon cair n'est pas loin : il faut l'atteindre avant que ça pète. J'ai donné à l'orc les coordonnées du pont.

Je courus à sa suite. De nombreux obstacles sur notre chemin l'obligèrent à me prendre dans ses bras. Accrochée à son cou, je fus évacuée de l'immense salle devenue champ de bataille, abandonnant Ren une fois de plus.

Lathelennil courait comme un dératé dans les coursives vides, sautant de pont en pont, me tenant dans un bras et son immense sabre de l'autre. Il soufflait bruyamment sans rien dire, imposant à son corps épuisé des exercices, qui, selon moi, étaient trop intenses pour son état.

Nous trouvâmes Roggbrudakh, aux prises avec une horde de zombies, à peine quelques coursives avant d'atteindre le Rhaenya. Il ne nous restait qu'une poignée de sas à franchir. Là encore, Lathelennil me posa à terre pour pouvoir se joindre au combat. Même Arda s'y était mise : elle jetait des dwols explosifs sur les ennemis pour les déconcentrer et permettre aux deux autres d'attaquer. Pour ma part, n'ayant aucune arme, je me collai contre la paroi avec Isolda.

— Tu sais où en sont Ren et Śimrod ? me demanda Isolda de sa voix posée.

— Lorsque je suis partie, ils venaient de se précipiter dans le grand hall pour aller affronter un super boss, lui répondis-je.

Isolda soupira.

— Je m'inquiète pour Śimrod, m'avoua-t-elle. Il est vieux et fatigué, j'ai peur qu'il soit tué, cette fois.

Je me tournai vers elle, un peu étonnée. Puis lui prit l'épaule.

— T'inquiète pas. Il s'en sortira, comme d'habitude. C'est un vieil ylfe, mais il a de la bouteille.

— Je sais pas, je ne le sens pas, murmura-t-elle.

Pour ma part, je rongeais mon frein. Si seulement j'avais eu une arme !

Je fermais les yeux et calmais mon souffle, tentant de me concentrer. Mais j'avais beaucoup de mal, au milieu de ce pandémonium. Au loin, la voix de Lathelennil me parvint :

— C'est pas le moment de rêver ! Fais gaffe !

Je me relevai à temps pour repousser l'attaque d'un cyborg rouillé, qui m'arracha ma combinaison.

Lathelennil, surpris, faillit se faire transpercer par son adversaire. Mais ses réflexes de combattant aguerri lui permirent d'esquiver, et sans me quitter des yeux, il décapita le monstre qui lui faisait face. Je pense que le fait que je sois nue était pour beaucoup dans son étonnement.

— Donne-moi une arme ! lui hurlai-je. Vite !

Sans réfléchir, il passa sa main libre dans sa chevelure et y récupéra une dague effilée, qu'il me lança.

La poche de résistance fut vite matée, comme l'annonça bientôt Lathelennil d'une voix satisfaite. Puis, sans oser me regarder franchement, il se tourna vers moi.

— Tiens, dit-il en me tendant son manteau pourpre, qu'il avait décroché de son armure.

Je le pris et m'en couvris.

— J'ai droit à des égards de princesse, maintenant que tu as eu confirmation que je suis la femelle de l'Aonaran ? le tançai-je. Toi qui demandais à ton frère de me garder nue, attachée à ses pieds !

— C'était avant, reconnut-il. Mais enfin, tu es... (Il hésita). Tu n'es pas comme les autres.

Il avait lâché ce dernier mot férocement : cela lui posait visiblement un problème de le reconnaître.

— Si tu avais pris la peine d'apprendre à connaître tes esclaves avant de les torturer, tu aurais sans doute été pareillement surpris, lui dis-je. J'espère que cela te servira de leçon.

— Je suis obligé de me nourrir de souffrance et de sang, pour survivre, grinça-t-il, ennuyé. Sinon, je vais me retrouver comme tous ces ædhil pathétiques qui répriment leur nature à en devenir neurasthénique, enfermé dans une cage dorée et incapable de me défendre... !

— Tu pourrais au moins arrêter la drogue. Ce serait un bon début.

— Je peux pas, murmura-t-il. J'en ai besoin ! J'ai plus de trente millénaires. Tu te rends compte de ce que ça fait, que de vivre aussi longtemps ? Sans les drogues et les tueries... Je finirais comme tes Desséchés, tu peux me croire.

Il jeta un coup d'œil à Arda, qui le regardait d'un air dégoûté.

— C'est avec ce vampire à six doigts, qu'on doit aller ? demanda-t-elle en fronçant le nez.

— C'est ton grand-oncle, Arda.

— Je préférerais encore aller avec les clowns. C'est la guilde de ma sœur, le Chemin Voilé ! J'ai reconnu leurs couleurs.

Lathelennil vint se planter devant elle.

— Écoute, princesse, railla-t-il en croisant les bras. Il est fort probable que ces joyeux clowns se fassent tous étriper aujourd'hui, sourire aux lèvres, ravis d'aller retrouver leur cher Amadán. Bien sûr, tu peux toujours les rejoindre et demander à participer à leur petit spectacle. Mais si tu veux que je te prenne à mon bord... T'as intérêt à me montrer du respect !

Je m'approchai d'elle.

— Fais attention, Arda : il est très susceptible, et c'est un prince dorśari, un sombre seigneur des Ténèbres.

— Et moi, une princesse d'Hiver ! râla Arda. J'entends que les mâles me respectent, même ceux qui ont trente millénaires.

— Alors comporte-toi comme telle et prends sur toi, répliqua Lathelennil.

C'était la chose la plus sensée qu'il avait dite jusque-là.

Arda nous suivit sans se faire prier. Au fond, j'étais désolée pour elle : elle avait perdu sa mère, son père, et sa sœur jumelle.

Nous ne pûmes nous empêcher de jeter un dernier coup d'œil derrière nous, au moment d'embarquer sur le Rhaenya. Mais la wyrm nous attendait de pied ferme, et, toujours appliquée, elle nous fit passer devant elle, nous comptant un à un. Une fois que le compte fut bon, elle ferma le sas.

— Allez, murmura-t-elle, on s'en va.

Lathelennil jeta son épée par terre comme s'il ne s'agissait que d'un vulgaire bout de fer rouillé et il s'affala dans son trône avec un soupir las.

— Il faut décoller immédiatement, le pressa Rhaenya en venant le rejoindre. La situation ne fait que s'aggraver de minute en minute.

— Ouais, ouais, j'entends bien, grinça Lathelennil en se redressant.

Son armure était couverte de sang.

Les doigts courant sur la console holographique, il lança les procédures de décollage.

— Désarrimage, commenta Rhaenya. Le Mebd ne répond plus, Ennil.

— Force le système, répondit tranquillement Lathelennil, que les dommages probables n'avaient pas l'air d'inquiéter.

J'étais en train de sortir les petits du sac, qui s'éparpillèrent aussitôt sur le pont, découvrant leur environnement d'un air étonné. On avait enlevé son bandeau et ses bouche-oreille à Naradryan, qui regarda autour de lui.

— Où on est ?

— Sur notre cair. On quitte le Ráith Mebd.

Le petit ouvrit de grands yeux, choqués.

— Et papa ? Il est encore à bord, tout seul !

— Désolé Naradryan, mais on ne peut rien faire pour ton papa...

— Mais son cristal-cœur ! Il ne se réincarnera pas, et ne retrouvera jamais maman ! cria le pauvre petit.

Lathelennil se retourna.

— Voilà pourquoi je déteste les mômes... Il peut pas arrêter de hurler, un peu ? Je suis en train d'essayer de forcer le Mebd pour qu'on puisse se désarrimer avant qu'elle n'explose, j'ai besoin de calme.

— Attends, Lathelennil, dis-je en le regardant par-dessus la tête de Naradryan en pleine panique. Le petit a raison. On ne peut pas laisser le cristal de son père disparaître comme ça !

— Les clowns se chargeront de collecter tous les cristaux sur leur chemin, répliqua Lathelennil sans cesser de tripoter sa console. Ils le font toujours. Il suffit qu'il reste un filidh vivant, et il s'en chargera, même s'il ne lui reste qu'un bras. Et puis, ils ont deux Aonaranan, par les entrailles pourries de Lugdh ! S'ils n'arrivent pas à botter le cul de l'ennemi avec deux putains d'avatars d'Arawn, anciens As sidhe par-dessus le marché, alors, la race ældienne est foutue, et on a plus qu'à s'ouvrir la carotide tout de suite.

— Toujours très constructif, tes solutions. Très utile !

— Qu'est-ce que tu veux, je suis dorśari, moi, railla-t-il. Le maître des licornes roses, tu l'as laissé sur le Mebd, et il est trop occupé à sauver le monde pour t'aider !

Malheureusement, les paroles acides de Lathelennil n'étaient que trop vraies. Une fois de plus, Ren m'avait abandonnée, pour poursuivre une mission qu'il jugeait prioritaire par rapport à nous, sa famille.

Et ce pauvre petit, lui, n'en a plus, pensai-je en regardant Naradryan, tellement choqué du sort de son père qu'il semblait s'étouffer avec sa propre respiration.

Merde, je suis pas comme Ren, moi ! Je ne peux pas sauver le monde, mais je peux au moins soulager ceux qui sont près de moi.

— Y a un truc qui ressemble à une armure ou une combinaison pour femme, ici ? demandai-je à Rhaenya.

Lathelennil se retourna en ricanant.

— T'as vu l'intérieur de mon cair, non ? Tu crois que c'est le genre d'astronef sur lequel on accueille des dames ?

Cet affreux goujat était hilare. Arda échangea un regard choqué avec moi.

— Je vais chercher une de ses armures, décida Rhaenya en passant devant moi. Le système l'adaptera à ta taille.

La wyrm me trouva de quoi me vêtir. Je n'eus qu'à tendre les bras, et la combinaison dorśari vint se coller directement à ma peau. Mes seins furent compressés par le plastron de cette armure pour mâles, mais au moins, je n'étais pas en slip clouté, le ventre et les fesses à l'air comme ces gladiatrices que Lathelennil affectionnait tant.

— J'espère que cette armure est propre ! grimaça Arda.

— Sur le champ de bataille, tu crois que je pisse où ? railla Lathelennil avant de me jeter un bref regard. Tu y vas vraiment !

Je ne pris pas la peine de répondre.

— Tu me prêtes ton épée ?

— Non. Je suis le seul à pouvoir la manier : même ton chevalier blanc de Ren, avec tout son pouvoir d'Aonaran, ne le pourrait pas.

— Ren n'en a pas besoin, il peut neutraliser n'importe quel ennemi à mains nues, répliquai-je.

Lathelennil se leva. Je crus un instant qu'il voulait m'en coller une, mais il vint juste m'arracher son épée des mains, avant de la faire basculer dans son dos.

— Bon. Je viens avec toi... Vu qu'il y a pas le choix, décida-t-il en jetant un regard vindicatif à Naradryan. Rhaenya, prépare-toi à faire décoller le cair à tout moment. Et vous deux, les orcanides – il pointa un doigt en direction d'Arda et Roggbrudakh – si vous voulez vous rendre utile, essayez de débloquer le système d'arrimage sur la console extérieure. Faudra peut-être y aller à coups de poudre d'araignée et de force brute.

Arda poussa un cri outré. On l'avait traité d'orcanide !

Je me retrouvai donc de nouveau dans le sas, avec Lathelennil. En attendant que la porte ait fini de s'ouvrir, il ouvrit un placard et décrocha un combifuseur à plasma, qu'il me lança.

— Tiens. Un petit joujou humain.

Ravie, je désarmai la sécurité. Enfin une arme que je connaissais !

Lathelennil se tourna vers le petit ældien, qui nous avait suivi dans le sas.

— Bon, le gosse. Où doit-on chercher le cristal de ton père ?

Le petit leva la tête vers Lathelennil.

— Je viens avec vous ! proposa-t-il.

Je posai une main sur son épaule.

— Naradryan, je suis désolée, mais tu ne peux pas venir avec nous. C'est trop dangereux.

— Mais je voudrais dire au revoir à mon papa...

Lathelennil roula des yeux.

— Écoute, je vais essayer de le ramener, ton papa, d'accord ? Je ne te promets rien. Mais je vais essayer. En échange, tu la fermes et tu te tiens tranquille.

Naradryan acquiesça, glacé. Le sas avait fini de s'ouvrir : Lathelennil releva ses yeux noirs sur moi.

— Allez. On y va.

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