∅4 | Liberté
Une chose avait hâté mon départ. À vrai dire, je n'eue jamais osé partir rien que pour vérifier une idée oubliée une fois formulée. Pourtant j'y suis allée. J'ai visité les quatre autres regroupements, et ce à peines à mes 8 saisons. C'est le rêve de tout crépusculien, et j'y suis allée malgré moi.
Car un jour, alors que je retournais chez moi après plusieurs temps passé à veiller chez les soigneurs, je découvris avec étonnement un faucon blanc, ce genre de grand animal à plumes que seuls les aides du gouveneur, ceux chargés de la sécurité et des malfaiteurs, avaient l'habitude de monter, parqué devant ma grotte. Quatre hommes en habits noirs à grades blancs fouillaient mon lieu de vie. L'un d'eux s'approcha de moi et s'assura de mon identité.
«- J'ai fais quelque chose ?, demandai-je. Mais aucune réponse ne me vint, ce qui augmenta mon appréhension. Car je ne savais pas quel méfait j'ai commis pour me valoir la visite de ses uniformes noires. En attendant, je passais mon regard sur leurs habits non sans jalousie, car ceux-là étaient du corps le mieux équipé de toute l'île.
L'un d'eux fit tomber un rocher de la paroi et poussa un cri de triomphe, puis extrait du trou un manuscrit aux feuilles jaunâtres.
« - Aha, lança l'un d'entre eux, voilà donc le fameux bouquin anti-gouverneur du plus grand anarchiste du pays.»
Il l'agita devant moi et me dit :
« - Vous êtes convoquée devant la justice dans les brises qui suivent. Sinon, on reviendra vous chercher nous-mêmes.»
Et ils repartirent, me laissant à mes questionnements sans réponse. Je m'assis et pris ma tête entre mes mains.
Anarchiste....
Ce manuscrit.... une œuvre de mon porteur sûrement, bien que je ne l'avais jamais vu avec un encrier. Peut-être l'avait-il écrit dans sa jeunesse. Ou une de ses connaissances l'avait laissée là et a rejetée tout sur lui.
Anarchiste ??
Plusieurs scénarios tournoyaient devant mes yeux et tenaient d'expliquer l'inexplicable, car pour moi, mon porteur était le plus gentil être au monde, et ne pouvait pas penser du mal de qui que ce soit, encore moins l'écrire.
Anarchiste !!!
J'avais en tête ces récits qu'on racontait de ceux qui avaient osé dire du mal du gouverneur et qui finissaient dans des fosses sous terre dans un état pire que les pilleurs et les malfaiteurs, et la plupart meurent sous les coups et les privations.
Telle est la chose, et j'avais depuis en horreur tous ces juges qui jugeaient qui est criminel et qui ne l'ai pas. Tout ceci n'est peut-être qu'un concours de circonstances, mais pour l'esprit humain limité, il leur faut un coupable. Mon porteur était un anarchiste. Il est mort, c'est donc moi qui sera accusée, moi l'anarchiste née.
J'en ris maintenant, je me revoie debout, confuse et tremblante craignant le pire. Tout cela parait absurde, mais il ne l'était pas à cet instant, à mes 82 saisons. J'avais peur de mourir. Je voulais ma liberté entière, l'avoir, la sentir, la caresser, en disposer si j'en avais envie, et personne pour me l'ôter.
Retour dans le passé. Je repensai à mon travail chez les soigneurs, de mes connaissances peu importantes mais que je ne tenais pas à perdre, aux relations à peine naissance qui me liait à mes voisins, et surtout ma solitude. Cette languissante solitude où je pouvais m'éloigner du réel et vivre dans mon imaginaire, je refusais de laisser tout ça à cause d'un manuscrit. Puis moi-même, enchaînée à un mur sale dans un trou sombre aux relents d'excréments, les membres en sang et la tete pendante, attendant qu'on vienne m'achever.
Refusant finir ainsi, je ramassais mes hardes, attendis cet instant où tout le monde était au repos, et profitais de la migration d'oiseaux sauvages pour m'évader.
C'était une bande de rapaces majestueux au cri strident, au dos orange, à l'intérieur des ailes verdâtre, tous tachetés de marrons, au bec petit et crochu et à l'œil attentif et captivant contourné de jaune. Ils semblaient flotter avec agilité et grandeur en volatiles immenses.
Et pétrie dans le dos d'une de ces bêtes qui ne devait pas me ressentir, je m'endormis.
C'était des oiseaux respectés qu'on n'asservissait pas et dont on ne se servait pas, car on savait pertinemment qu'elles pouvaient s'attaquer aux hommes qui s'approchent de leurs territoires.
Mais en plein vol, et avec le courant qui froissaient leurs plumes et qu'ils doivent suivre pour atteindre leur destination, une corde attachée à une griffe, mon escalade sur leurs pattes et ma faible étreinte sur le duvet de leurs dos ne devaient même pas les déranger. Ma présence ne se fit pas sentir, et je m'aidais de leur aptitude à voler pour partir.
Étrange que personne n'y a pensé, car cachée entre le plumage de l'une d'elles comme je l'étais, personne ne pouvait me voir, encore moins m'arrêter et je quittais l'île sans encombres. Je ne suis pas mieux que les autres d'avoir fui à cet instant, mais l'envie de liberté et la peur pour ma vie étaient trop forts.
Ma direction, la leur. Le plus loin possible de toute chose connue, loin de cette île, de ce regroupement, des gens qui y habitent. Loin de tout.
J'aurais aimé voler comme eux toute ma vie, mais c'est impossible, je ne suis qu'un humain. Une humaine. Et je suis en train de fuir ma propre espèce. Il n'y a que les humains pour faire ça.
Mon prochain arrêt, La plus lointaine terre qu'on connaisse.
Celle des contrées au delà des montagnes.
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