Là-bas chantent les oiseaux:
Dans le pommier de là où iel avait grandi, chantait un rouge-gorge.
Un piaf, tout petit, éclatant de couleurs, crachant une musique grosse trois fois comme lui.
A Londres, les oiseaux ne chantaient pas, et ça lui manquait.
Le matin, surtout, lorsque la cuisine était nimbée d'un presque jour et que la maison dormait encore. Mais pas iel, debout avant tout l'monde, et aux fourneaux sans attendre. Mettre la cafetière sur le gaz, le lait dans la gamelle, sortir confitures, beurre et miel, faire griller les toasts, dresser la table.
Mille et un petits gestes qui lae ramènent loin en arrière, à l'époque des pupitres en bois et des baignades dans le lac. Repartir là-bas, comme iel aimerait bien, mais partir d'ici, pour rien au monde iel ne le voudrait. Et puis, que savait-iel de chez iel, hein, au fond ? Juste le nom d'un village, même pas celui d'une région, et une langue qui aujourd'hui sonnait comme étrangère.
Comme il l'avait bien vendu, ce pays, le type qui était venu un jour dans la classe. Avec de grands gestes et une voix adorative, les yeux de tous les mômes avaient brillé comme des loupiotes, et puis il avait causé aux parents. Sa maman et son papa avaient huit autres mômes, et pas grand-chose à leur offrir, ni bouffe ni avenir.
Cela avait été vite réglé.
Ami.e secoua la tête en touillant le lait, et voilà qu'iel recommençait, les matins, ça ne lui réussissait décidément pas. Y avait eu une vieille, chez elle, qui ressassait toujours le bon vieux temps, d'la même manière, tout pareil. Fallait croire que la vie l'avait usée un peu trop vite, sans doute à cause de toutes les merdes qu'iel s'était prises sur le dos.
Et encore.
Comme un carrousel, c'était reparti pour un tour.
Plutôt penser au petit déj.
Tout bien préparé, des pensées simples, réconfortantes, au moins le reste arrêtait de tournicoter.
La table était prête, manquait plus que la nourriture, et normalement c'était là qu'elles devaient arriver, réglées comme des trains miniatures.
«'lut Ami.e. »
La grande, debout avant ses sœurs, une habitude. Neuf années au compteur et un milliard de boucles noires sur le crâne.
« B'jour Ami.e. »
La cadette, toujours là alors que l'autre finissait de beurrer sa première tartine, à croire qu'elles obéissaient à un signal invisible. Bientôt sept ans, et trois dents de lait en moins, bientôt faudra lui préparer de la bouillie.
« Bisous Ami.e ! »
Et la p'tiote, toujours à traîner des pieds et son doudou, elle n'apparaissait jamais avant que son chocolat ne soit prêt. Déjà cinq ans, Dieu qu'ça pousse vite ces bestioles, et une centaine de taches de rousseur.
Le ballet du petit jour commença, unique chaque fois, semblable à tous les matins.
Tapotement des pieds contre les barreaux de chaises, cliquetis des cuillères, colères contre les couvercles trop serrés, récitations de dernière minute des leçons des unes et des autres, toilettes sommaires et, hop, les fringues. Jupes bien plissées, chaussettes parfaitement tirées, cheveux attachés, chaussures cirées et veste avec écussons, un vrai trio de petites poupées.
Iel, l'école, iel y était allée vêtu.e des nippes de ses frères et dans la salle de classe, pas un môme n'avait les mêmes. Mais fallait dire que ce n'était pas aussi chic que l'école des petites, un vrai château en plein Londres, et que y avait pas eu plus de vingt gamins en tout.
Le petit bataillon était prêt, la route pouvait commencer.
Patronne affirmait que marcher un peu n'avait jamais tué personne, alors le voyage se faisait à pied, printemps comme hiver. Et les filles ne s'en plaignaient pas, c'était l'occasion de courir un peu, de jouer à la marelle imaginaire ou au funambule sur le trottoir.
« M'man vient nous chercher, ce soir ?»
Ami.e se tenait d'un côté de la grille, les mouflets de l'autre, iel hocha la tête.
« Elle vous emmènera au cinéma et manger un morceau en ville, si vous avez bien travaillé et si vous avez été sages. »
Trois baisers furent distribués, iel tourna les talons.
La journée allait être chargée, fallait qu'iel marchande avec de nouvelles clientes, trouver du lait était parfois une sacrée galère, des mois à l'avance qu'iel devait parfois s'y prendre.
« Excusez-moi... mademoiselle ? Jeune homme ?
— Ami.e.
— Amy. Excusez-moi... »
Une femme, très triste, se tenait devant elle, enveloppée dans un manteau couleur pigeon.
«Je vous ai entendue, l'autre jour. »
Pourquoi laissait-elle tant de silence entre ses mots ?
Comme si elle prenait le temps d'avaler un océan d'air avant de parler.
«A cet arrêt de bus. »
Qui n'allait pas tarder à arriver, d'ailleurs, faudrait qu'elle songe à accélérer un peu, sinon iel n'hésiterait pas à se tailler sans connaître la fin.
« Vous avez dit un prénom. »
Elle la regarda avec de grands yeux mouillés.
« Il n'était pas très commun. »
Elle renifla et Ami.e sentit son seuil de tolérance se rapprocher.
« Est-ce que vous la connaissez ? »
La femme lui colla une photo sous le nez, visiblement elle bougeait plus vite qu'elle ne blablatait.
Le bus arriva.
« Non, non, absolument pas. Au revoir. »
Merde.
Iel allait devoir en causer à Patronne.
Hello!
Quatre Péri, certaines plus réussites que d'autres.
Laquelle préférez-vous?
Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais je dessine uniquement Laz et Péri, c'est parce que l'androgynie d'Ami.e est dure à représenter et que je galère avec les personnes adultes comme Papy et Patronne.
Mais un jour j'essayerai de les gribouiller!
C'est bon, nous avons fait le tour des points de vues, lequel avez-vous préféré?
Et sinon, une petite hypothèse sur la femme? Et la personne sur la photo?
On se retrouve jeudi prochain avec Là où l'effroi n'existe pas, du point de vue de Péri!
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