Comme un vieux chewing-gum sous une semelle :
Les embrouilles, les pires, jamais elles avaient des gueules d'emmerdeuses, v'là bien un truc qu'Ami.e avait appris tout au long d'sa vie. La sienne, elle s'était retrouvée l'nez dans l'herbe à cause d'un type bien habillé comme il fallait, avec une tête à faire confiance et un beau costard bien propret. Sûr qu'iel en avait connu, des qui payait pas d'mine mais qu'étaient les pires, la dame de l'agence, là par exemple, avec sa grosse poitrine et sa tête de gentille maman, celle-là, oh, celle-là, bien une qu'Ami.e buterait sans ciller si elle lui tombait dans les pattes.
« Et donc elle t'a suivi.e ? »
L'papy, c'était tout l'inverse, une trogne à faire peur, une odeur à s'boucher les narines, mais un cœur tout doux, comme l'ventre d'un chaton.
« Oui. »
Iel sirotait le café que le vieux lui avait servi en lorgnant la dame d'l'autre côté d'la rue.
La même qu'à l'arrêt d'bus, qui bougeait pas ses fesses depuis bien dix minutes, sérieux, elle n'allait quand même pas rester plantée là toute la journée, si ? Il neigeait en plus, et pas qu'un peu, tiens, p't'être qu'elle allait s'retrouver ensevelie avant ce soir, ça valait l'coup de rester pour voir.
« Elle a causé ?
— Non. J'suis descendu.e du bus, et elle était à l'arrêt, j'ai fait semblant de pas la voir, et quand j'suis passé.e devant une vitrine, bam, je la vois derrière moi. Pas moyen de descendre, elle aurait vu les entrées, pas moyen de la semer, j'suis passé.e là où il y avait de la foule, mais rien, à croire qu'elle a un radar dans la tête. »
Et maintenant pas moyen d'aller au Resto, ou de partir causer aux futurs clients, avec l'autre sur les baskets, c'était trop risqué. Elle avait pas l'air d'une flic, hein, mais bon, c'était une d'en haut et ces gens-là, ils pétaient facilement des câbles, manquerait plus qu'elle aille blablater à gauche et à droite.
« J'veux pas rentrer non plus, enfin, y'a les gamines à la maison quoi.
— Ouais, si t'amène des embrouilles dans son nid, Patronne va t'arracher la tête. Mais là c'est moi qu'tu gênes, si y'en a qui s'pointent pour passer, j'fais quoi moi ?
— J'savais pas où aller.
— Et si la môme s'pointe ? Nan, j'veux pas t'foutre dehors, mais va falloir que t'ailles poser ton cul ailleurs. J'sais pas c'qu'elle veut à ma gamine, mais sûr qu'elle lui mettra pas la pogne dessus. »
Il était bien gentil, l'papy, mais iel était censé.e aller où, hein ?
Ami.e soupira avant de se lever et d'partir, la femme sur les talons, p't'être bien qu'en marchant assez, iel allait la fatiguer, ouais, elle n'avait pas l'air de courir le marathon, ça pouvait être la solution. En ajoutant à ça quelques étapes bien pittoresques, ouais, de quoi chatouiller un peu sa morale, juste de quoi lui faire regretter sa petite maison confortable.
En avant.
Iel tournicota dans tous les recoins de Londres, squats de camés, petites ruelles à putes, bars à mafieux, toutes les places connues d'la police, mais qui ne coulaient jamais, les endroits qu'en haut tout l'monde savait pourris, mais qui vivaient quand même.
Bordel.
Rien à faire.
Iel avait eu un chien, comme ça, un vieux clébard miteux qui l'avait suivi.e alors qu'iel était sur le chemin de la maison et qu'était devenu son chien parce qu'il refusait de partir. Ami.e n'aimait pas les bestioles, mais l'autre, là, il s'était accroché, rien ne l'avait fait décamper.
Cette vieille, c'était du pareil au même.
Toujours sur ses talons.
Comme un chewing-gum.
Et ça commençait à bien faire, trois bonnes heures qu'iel la baladait dans toute la capitale, et iel était claqué.e. En plus iel caillait, bordel, si une maladie ne s'invitait pas, ça serait un coup d'veine.
Bon.
Direction, voyons voir, ouais, c'était l'occaz de rendre visite à un vieux pote, et si lui la faisait pas décamper, alors y'avait plus rien à faire.
Bingo, il était bien là, l'cul sur le même banc que d'habitude, en train de papouiller son doberman. Presque deux mètres de muscles, pas un gramme de graisse, un crâne comme un œuf, le nez bouffé par une mine pendant la guerre et l'air de pouvoir commettre un meurtre pour un souffle de traviole.
«Hello, Kitty, ça f'sait longtemps. »
Il lui avait manqué, le surnom beaucoup moins, pas ma faute si tu r'ssembles à un chaton, avec ta p'tite bouille et tes p'tites griffes, voilà c'qu'il lui disait toujours.
« 'lut.
— T'as pas la forme toi. Tiens, vas-y Honey, va lui faire des léchouilles. »
Le molosse se pressa contre iel, lui lapa la paume de la main avec une langue très rose avant de se mettre les quatre pattes en l'air.
« D'puis qu'elle est à la retraire, c'est devenu une vraie chiffe molle, l'autre jour elle a même eu peur d'un écureuil. »
Ami.e papouilla le ventre de la bête tout en jetant un coup d'œil à celle qui lui collait au train.
« T'as ton arme de service sur toi ?
— Pourquoi ? T'as des emmerdes ?
— Regarde derrière toi, et prends un air méchant, ouais, l'même que tu fais aux macs que t'arrêtes. »
Il s'retourna, avec sa gueule la plus horrible, celle qui garantissait de finir à l'hosto.
« Sérieux Kitty ? Une vieille toute minus, c'est ça ton souci ?
— Te fous pas d'moi, elle me file depuis c'matin, j'en peux plus. »
Le flic, ripou jusqu'à la moelle, se gaussa avant d'se lever et d'rouler des muscles, il s'étira, exhibant son flingue et se mit à gueuler bien fort ses derniers exploits dans les bars, comment il avait pété les dents d'un gars avec la tête d'un autre, ou la fois où il avait brisé une chope de bière droit sur la tête du barman.
La femme ne cligna même pas des yeux, pourtant elle avait entendu, tout l'monde dans le parc l'avait entendu.
« Bordel, c'est un robot ou quoi ta nana ?
— Bien possible, ça expliquerait des trucs.
— T'veux q'j'aille lui mettre un coup d'pression ? Avec insigne et tout l'tralala ? »
L'idée n'était pas mauvaise mais, et puis quoi ? Si elle ne bougeait pas, il ne pourrait pas l'embarquer, sans motif, nan, ça s'faisait pas, et puis, un jeunot on pouvait toujours inventer un truc, drogue ou vol, mais une p'tite quarantenaire ? Personne n'y croirait.
« Désolé Kitty, j'crois bien qu't'es tombé.e sur un sacré os.
— Ouais.
— Elle t'veut quoi au fait ? C'est pas une maquerelle quand même ?
— Tu crois qu'ça tourne aussi pas rond dans ma tête pour que j'retourne me jeter dans un bordel?
— Ouais, pardon, t'bosses dans l'Resto, c'est ça ?
— Ouep, et c'est pas demain que je lâcherai ce job.
— Et donc, la vieille ?
— Elle connaît une de mes potes, t'sais l'artiste aux cheveux verts.
— Ah ouais, j'suis allé voir l'Expo le mois dernier, un sacré boulot. »
Il hocha la tête, l'art, il aimait bien, mais les musées le f'saient chier. Toujours des p'tits cons qui pétaient trop haut dans ces endroits, alors une expo dans une vieille station à l'abandon, sûr qu'il avait adoré l'idée. Et puis fallait bien l'dire, ces mômes elles étaient pas douées à moitié.
« Laisse tomber, j'vais rentrer doucement, et si elle est toujours là lorsque j'arrive proche de la maison, j'lui mets les points sur i.
— Si j'lui fous pas la trouille, elle va t'rire au nez. »
Le con.
Il avait pas tort, m'enfin bon, iel verrait bien.
« A plus.
— Ouais, c'est ça. Ah, et Kitty ?
— Oui ?
— Y'a pas moyen que tu d'mandes à ta pote si on ne peut pas s'arranger sur l'prix d'une œuvre ? Pas un gros truc, c'est p'tit chez moi, mais juste une babiole, j'ai adoré La Baleine, m'enfin c'est qu'un exemple.
— J'vais voir c'que je peux faire. »
Iel gratouilla l'oreille d'Honney, colla une bise sur la joue de son maître et fila, même pas besoin de vérifier, la femme était derrière iel, bien sûr.
Amie.e ne chercha même pas à rallonger le trajet, iel avait perdu, vaincu.e par une gentille petite dame enveloppée dans un manteau en laine qui n'avait même pas l'air d'être fatiguée, à croire qu'elle n'était pas humaine.
Dans l'coin où iel avait grandi, ça pullulait de légendes, des trucs vieux comme le monde, pas crédibles pour un sou, sauf aux yeux des habitants, alors c'était p't'être ça, un monstre de son village était p't'être venu le.a visiter.
Et maintenant il ne voulait plus repartir.
Ami.e gloussa, au moins ça avait le mérite de l'amuser un peu.
« Périclès ! »
Iel sursauta d'un bon demi-mètre.
Bordel, il lui prenait quoi à la vieille de gueuler comme ça ?
Sa tête pivota en tous sens comme une girouette.
Oh.
Merde.
Les coïncidences, c'est jamais bon. On ne croise jamais par hasard un ami, toujours quelqu'un qu'on veut éviter, c'était là une règle universelle qui se vérifiait aujourd'hui. Parce que sur l'trottoir d'en face, deux pizzas dans les bras, il y avait P.
« Périclès ! »
Et la v'là qui poussait encore une gueulante.
Il en fallut pas plus à la môme pour attraper le bras de sa chérie, la pauvre, elle sortait tout juste du commerce, sûr qu'elle n'avait pas eu le temps de comprendre, et partir en courant, la femme sur les talons, gueulant comme une possédée.
Toute une journée à la balader, et pour que dalle, ça le.a faisait un peu rire jaune, mais au moins iel en était débarrassé.e. Et puis, fallait pas trop s'en faire, ces deux-là, des vraies lapines, un jour iels étaient à une fête ensemble, dans un squat et les flics avaient débarqués, bordel Ami.e n'avait jamais pu les rattraper.
« Excusez-moi ? Vous travaillez bien au Restaurant ? »
Un homme, pas d'la capitale au vu d'son accent, avec un joli col de curé, se tenait devant iel, tous sourire, et merde, ça puait les ennuis, pire que la vieille.
Hello hello!
Une petite pause dans les révélations, quoi que vous en savez un peu plus sur l'histoire d'Ami.e maintenant.
Dans le prochain chapitre c'est au tour de Péri de livrer son histoire, vous avez des théories?
Nop?
Bon et si je vous donne le titre du prochain chapitre, ça titille votre imagination?
Une enfant en cage se cabrera un jour.
Voilà voilà, à la semaine prochaine :)
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