40. La dernière question
[Pov Youmi]
"Je me suis posé les mauvaises questions".
C'est la pensée que j'ai eu au moment où l'Originel du Cauchemar a déployé cette illusion. Du moins, je pensais que ce n'était qu'un simulacre, comme Nouvelle Aube de Tempête, mais j'ai vite découvert que ce monde accueillait les introsphères.
Dès que je l'ai su, j'ai déployé mon désert de solitude qui s'est mélangé avec celui de l'épéiste blanc, ce qui a transformé le ciel écarlate en une nuit étoilée, et au sol couvert de sables. Cela dit, les bâtiments délabrés, la ville abandonnée de cette fausse réalité, les ombres pesantes et les rires lugubres continuent de troubler mes pensées et de me déconcentrer.
Le pire de tout cela, c'est que malgré le soutien de mon monde qui me permet de m'exprimer à pleine puissance, je ne suis qu'un moustique qui tente de vaincre un tigre. Après une nouvelle tentative d'attaque, l'Originel effectue un contre qui me propulse dans une des dernières maisons encore debout suite à notre conflit.
La vitesse de mon corps projeté me fait traverser la maison de part en part, continuant ma course en rasant le sol sur plusieurs mètres afin de conclure par un rocher pointu qui met fin à mon recul.
Mes habits partagent un point commun : ils sont déchirés à certains endroits, et mes avant-bras portant les cicatrices de mon passé sont également entaillés, rouvrant les anciennes plaies jusque-là endormies.
Ma double-lame a également rompu pendant le conflit suite à une attaque de Morblood, et mon épée, que j'arrive à tenir dans ma main droite malgré mon état, ne suffit pas à terrasser ce type. Je comprends mieux pourquoi Némésis n'a pas réussi à vaincre ce type. Il est complètement au-dessus des autres Exilés.
Je me suis bercé d'une illusion que l'on pourrait tous les vaincre, mais ils savaient que l'on allait venir, et nous ont séparés pour avoir l'avantage. Comment s'en sortent les autres ? Surtout Neo, qui a été le premier expédié dans un autre endroit. Est-ce que l'elfe est allée s'occuper de Barakabo ?
Ses questions me viennent en tête dans ce silence infernal, où les ombres des autres objets environnementaux se propagent, couplés aux rires moqueurs et démoniaques qui atteignent mes oreilles.
Si je veux espérer atteindre mon objectif, il faut que j'arrive à retourner au vaisseau. J'avais anticipé que la difficulté de notre invasion serait vouée à l'échec, mais avec l'aide de Barakabo, on a pu concocter une arme ultime, que j'espérais ne pas utiliser.
Devant moi, la terre et la poussière se soulèvent simultanément, provoquant une vague de ces dernières qui passe sur mon corps avant de partir au loin. J'aperçois la silhouette de mon adversaire surgir de la brume, marchant calmement vers moi.
[Pov Morblood]
— {Dire que c'est lui qui a pourfendu Némésis... Il mérite d'être présent ici.}
Néanmoins, le Souverain nous a transmis certaines informations sur ce chef, juste avant qu'ils ne débarquent dans notre monde. Il y a des questions que je veux lui poser, des choses que même ses amis ne savent pas. Je m'arrête face à lui et pointe mon épée vers son corps, ses jambes allongées et son dos contre le rocher.
— Hé.
L'ange relève difficilement la tête, ses yeux entrouverts et son expression de marbre. Je plante mon sabre dans le sol et pose un genou à plat pour être à sa hauteur.
— J'aurai une question... Pourquoi as-tu détruit le monde qui était ton foyer ?
[Pov Youmi]
Tout ce que j'ai enfoui en moi. Toutes mes émotions que j'ai éteintes pour ne pas me faire manipuler. Tous ces jours où j'ai voulu oublier ma condition d'humain. Ce cumul de ces sentiments enfouis se déchaînent au plus profond de ma conscience, comme un tourbillon.
Malheureusement, la douleur de mon corps m'empêche de me relever pour lui coller une droite, et même maintenir mon monde en mélange avec le décor chaotique. Je n'arrive pas à ouvrir les lèvres sans avoir envie d'insulter l'Originel, sans compter mes tout premiers souvenirs avant de devenir un Exilé qui viennent marteler ma conscience. Sans que j'ai l'occasion de dire un seul mot, Morblood baisse la tête avec une expression de pitié.
— L'Arx Ultima que tu as ramené... Tu pensais nous le cacher ?
Cette arme capable de raser tout un monde tant qu'elle est là où elle doit tout ravager. En vérité, mon monde était gouverné par des tyrans qui abusaient de leur autorité, utilisant la force et la soumission sur les faibles. J'étais le seul capable de les vaincre, et quand mon pouvoir s'est éveillé en moi, j'ai pris d'assaut toute leur armée.
Au sein de toutes leurs armes, se trouvaient l'Arx Ultima, que ces souverains tyranniques ont voulu utiliser contre ceux qui refusaient la soumission. Au départ, je voulais l'utiliser pour tous les vaincre, mais j'ai provoqué l'extinction complète de mon foyer.
Pour vaincre l'Éclipsia, cette arme était l'unique solution, en sachant que dans la seconde où j'allais l'enclencher, mes démons silencieux referont surface pour me consumer. Malheureusement, l'ennemi avait cette information. Je ne vois plus aucun espoir pour nous. Face à moi, l'homme vêtu de blanc se relève.
— Ordonne à tes amis de ranger les armes. Nous les laisserons partir, mais toi... Tu devras rester ici.
Me sacrifier pour permettre aux autres de s'en aller ? Cela va à l'encontre de ce que j'ai tout le temps répété à mes partenaires : Peu importe s'il y a des morts, le combat se poursuivra tant que ce monde ne sera pas tombé. Même si je suis le premier à y laisser ma vie, les autres continueront de se battre jusqu'à la mort. Il n'y a que deux issues possibles : soit mon groupe périt de leurs mains, soit l'Éclipsia tombe.
Mais dans mon état actuel, je suis incapable de poursuivre le combat. Utiliser Finalité dans un monde mélangé est risqué, et déployer complètement mon introsphère est une bêtise sans nom car je sais de façon évidente que le monde de l'Originel prendra le dessus, sauf s'il décide de rompre lui-même son illusion pour me laisser le plein développement.
Du moins, c'est la pensée que j'aurai si Finalité était véritablement ma technique ultime. Pendant mon recrutement de tous ces Exilés, j'ai eu l'occasion de créer une technique encore plus puissante, mais avec un contre-coup horrible que je préfère ne pas penser, car le simple fait de savoir qu'il existe me suffit à ne pas vouloir le faire.
Face à moi, Morblood se relève et me fait dos, laissant la pointe de son arme frotter le sol, dégageant un liquide magique qui révèle une mer écarlate. Si je me suis fait écrasé par un seul Originel sans avoir eu l'occasion de lui faire une égratignure, alors que deviennent les autres ?
Ils n'ont pas tué Némésis quand ils ont attaqué l'Éclipsia, et ils veulent reproduire la même chose avec nous ? Par supériorité ? Par clémence ? Je refuse d'accepter une telle pitié, en sachant pertinemment que mes anciens camarades sont également dans ce monde. En plein dans mes pensées, j'entends la voix de Morblood.
— Sylvane a détruit ton Arx Ultima, d'ailleurs.
Cette phrase éteint la dernière braise d'espoir que j'avais. J'ai toujours fait attention à avoir une avance sur mes adversaires, mais ils étaient beaucoup trop au-dessus de moi pour que mes subterfuges marchent. Désormais, je n'ai plus le choix.
[Pov Morblood]
Mon lien avec les Originels s'est enclenché après que j'ai fait l'offre à cet ange bleu. Le Souverain semble encore être avec ce lecteur, pour ne pas nous avoir transmis d'informations. Il aime à ce point discuter avec lui ?
— [C'est bon, j'ai averti leur chef. Il n'y a plus qu'à attendre les ordres du Souverain, Sylvane.] prononcés-je dans notre réseau privé pour se parler sur de longues distance.
— [Le groupe des Ascendants est un peu trop téméraire, surtout la rejetée de Némésis et l'ange de la météo. T'as des nouvelles de Fran ? Elle ne répond pas.]
— [Elle affronte le kitsune ? Il n'est pas à sous-estimer, ce chacal, mais je ne m'en fais pas pour elle. Prends ton mal en pa...]
Un frisson dans mon corps m'empêche de terminer ma phrase, ainsi qu'un ressenti de mon illusion qui entre en conflit avec un autre. Une lumière céruléenne émane du ciel étoilé, attirant mon regard. Les étoiles illuminées scintillent d'un éclat magnifique, et qui se relient par des traits lumineux afin de former des constellations.
— [Morblood ? Qu'est-ce qui t'arrive ?] me demande Sylvane.
— [Je te recontacte dans quelques minutes.]
Sans attendre de réponses, je mets fin à la communication et tourne la tête vers le commandant des intrus. Il n'était plus allongé comme une merde au solcontre son rocher, mais debout, les genoux pliés, ses bras tombant vers le bas, et sa tête abaissé. Au départ, j'ai cru voir un zombie, mais cette comparaison s'est effacée quand j'ai aperçu les cicatrices sur ses avant-bras en train de briller, couplée à des fissures sur son corps.
Ces failles de lumières se révèlent également sur ses jambes, visibles à travers ses habits. Je décide de mettre fin à mon illusion, lui permettant de déployer complètement son introsphère, ce qu'il ne tarde pas à faire. Une tempête de sable explose depuis les rochers, les arbres et les habitations, recouvrant le sol et en noyant les cris et les rires des ombres qui étaient spectatrices de ce combat.
Ses six ailes sont pleinement déployées, avec l'éclat identique à celui des constellations au-dessus de nous. Youmi lève subitement son visage dans ma direction, révélant des fissures d'un bleu azur sur ses joues et montantes jusqu'à ses yeux.
L'aura qui se dégage de son corps fragile n'a rien à voir avec ce que j'ai ressenti précédemment. Ce n'est plus le commandant des Lames de Célestia, calculateur, prudent et prêt à atteindre son objectif. Cette personne face à moi n'est qu'une brute absente de conscience qui ne veut que la mort de son adversaire. Malgré le fait que notre écart de puissance reste le même, il y a une pensée qui reste dans ma tête : "si je baisse ma garde, je suis mort."
Je ressens le poids d'une infinité de regards, alors que les seuls véritables yeux présents sont ceux de ce cinglé qui me prend pour une proie à abattre sur-le-champ. Dans le ciel nocturne, les constellations réagissent une par une, s'échangeant une seule lumière qui se balade entre elles. Soudain, l'ange ouvre enfin la bouche.
— Destruction des Constellations.
— {... !}
Une nouvelle fois, mon regard se pose vers le ciel, où j'abandonne toute prudence envers l'ange fou. Une à une, les constellations s'illuminent avant d'exploser, dégageant une onde d'un bleu turquoise à couper le souffle. Au départ une par une à un rythme lent, cela devient un spectacle de lumière où ces étoiles réunies cessent toutes existences.
Pourtant, ces particules libérées par les ondes tombent du ciel illusoire pour rejoindre leur hôte, comme des mouches attirées vers une source de lumière. Chaque goutte bleuâtre effectue un tour autour de l'hôte de cette introsphère avant de rentrer en son être, effectuant une réaction avec les fissures sur son corps..
A chaque particule, je sens sa signature devenir de plus en plus folle, sans doute similaire à l'état mental du jeune homme. Il a caché cette technique aussi longtemps ? Décidément, ce type ne cessera jamais de m'étonner, mais il reste l'unique personne où le Souverain à demandé sa tête, et je compte bien la récupérer.
A la toute fin, l'ange est complètement recouvert de ces fissures, ses ailes ayant atteint le nombre de huit, ses habits déchirés pour laisser visible toutes ces marques sur son corps. Derrière lui, je peux apercevoir les silhouettes des constellations qu'il a absorbé, mais aussi dans son regard où je ressens une atmosphère et une aura qui n'attend que de tout détruire sur son passage. Restant stoïque face à mon adversaire, je lève mon épée face à moi, la plaçant en horizontale.
— Très bien. en répliquant à la suite de ce spectacle de lumière.
Si Sylvane apprend ce que je vais faire, elle va se moquer de moi, mais ce n'est pas elle qui fait face à ce cinglé. J'ouvre ma main gauche en direction du sol, invoquant des tatouages de signes magiques de mon épaule jusqu'à ma main du même côté. Ma signature magique, qui est l'union des signatures de tous mes adversaires que j'ai terrassés, y réagit, et se sépare de l'une d'entre elles.
Le pouvoir séparé de ma réserve se manifeste dans ma main sous la forme d'une sphère instable rouge, se contorsionnant comme si elle se faisait envahir de l'intérieur. Je fais glisser cette sphère ainsi que ma main sur toute la longueur de ma lame, entraînant la puissance de la vie entière d'un Exilé dans mon épée. Voilà ma capacité unique : le sacrifice de signatures.
En résonance avec cela, mon sabre s'illumine jusqu'à ce que la lame ne devienne plus qu'une forme magique, où on ne distingue plus aucune trace de métal, juste de la lumière. Mon manteau s'agite, se relevant vers l'arrière. Dans mon dos, quatre faisceaux magiques se révèlent, deux partant vers le ciel et les deux autres partant dans le sable, dégageant une traînée écarlate derrière mes pieds. Mes cheveux subissent un dégradé allant du blanc neige à un rouge cramoisi foncé.
L'ange tient son sabre avec sa main droite, se mettant en position de combat. J'effectue la même chose, lui faisant complètement face, dans ce désert où nous sommes les uniques formes de vie. En même temps que l'ange, on prononce :
— Finissons-en.
Le premier pas que j'effectue souffle les grains de sable autour de nous, jusqu'à ce que je prenne une impulsion pour aller droit vers mon ennemi. Derrière lui, un serpent géant composé de cristaux de magie d'un bleu galactique, ouvrant grand sa gueule, révélant ses dents effroyablement aiguisées. Le jeune homme effectue un unique geste de main dans ma direction, ce qui envoie le serpent droit vers moi en se plaquant au sol.
Je place mon sabre la pointe vers l'avant et effectue un coup d'estoc dans la direction de l'animal, projetant une flèche magique vers le monstre qui avale mon projectile avant d'exploser de l'intérieur. Je traverse la fumée et me retrouve face à Youmi, mon sabre levé pour une violente attaque verticale.
Un violent coup me frappe sur le côté, me projetant lourdement sur le côté. J'effectue un salto pour me remettre droit pour l'atterrissage, tout en plantant mon sabre écarlate dans le sable. Un ours gigantesque se manifeste, beaucoup plus imposant que le précédent animal, aux pattes acérées où se reflètent des galaxies, tout comme son pelage d'un bleu profond.
— {Est-ce la Grande Ourse ?}
Mes connaissances en constellations sont limitées, car à mes yeux, les étoiles ne sont que des décorations invisibles pour ceux qui dorment la nuit. J'ignore combien de manifestations il peut appeler, mais en tout cas, la signature que j'ai sacrifiée risque de ne pas suffire.
Pendant mon interrogatoire personnel, l'ours me hurle dessus tout en chargeant, levant sa patte géante pour m'écraser. La force magique s'intensifie au plus profond de mon corps, me permettant de me propulser vers le monstre géant. Ma vitesse subit une croissance exponentielle, et en deux secondes, l'animal se retrouve entaillé sur chaque parcelle de son corps avant d'exploser.
Je me retrouve de nouveau au sol, mais je ne prends même pas le temps de souffler que j'effectue un assaut vers l'ange bleu. Il répond en se mettant lui aussi à se projeter vers moi, son épée prête à croiser le fer une nouvelle fois, accompagné de son regard meurtrier et absent de raison.
Au moment où nos épées se percutent, tout le désert se met à trembler. Des fissures écarlates et céruléennes se forment sous nos pieds et s'étalent sur plusieurs kilomètres. Le point de collision libère une bille d'énergie instable qui explose, nous repoussant tous les deux en plus de faire trembler le monde.
Au moment où je m'entoure d'une aura écarlate afin d'aller au-delà à l'apogée de mes capacités, l'ange solitaire effectue la même en se recouvrant de sa magie des étoiles. Ses failles corporelles brillent encore plus fortement, mais surtout, je vois ses pupilles et ses iris s'effacer, ne laissant que la partie blanche se transformer en une teinte bleu.
Les mots du Souverain me reviennent face à ce spectacle. "Il y a une émotion qui nous échappe." et juste après, la retransmission du combat entre l'ange et le lecteur me revient. Qu'est-ce donc que cette émotion que je n'ai jamais connu ? Et pourquoi est-ce que je ne la découvrirais que maintenant ?
Suite à une nouvelle attaque, on se poursuit mutuellement dans toute la dimension. L'impact de nos épées, nos mouvements, nos diagonales, le choc de nos auras bleu et rouge. Les fissures dans le sol se propagent. Tout cela ne sont que les conséquences de cet affrontement.
Pourtant, au fil des secondes où je fais danser mon épée en tranchant les constellations que cet ange invoquent, une sensation étrange me traverse. Mon bras tremble alors que je n'ai pas peur. J'ai un sourire sur mon visage alors que je me bats pour ma vie. Mon sang bouillonne alors que j'essaie de rester calme.
"Il y a une émotion qui t'échappe."
En pensant à cette phrase et mes sensations actuelles, je me rends compte, suite à un nouveau coup vertical paré, que l'ange est dans le même état. Du moins, surtout son sourire terrifiant accompagné de ses failles sur la joue. Est-ce cela que je n'ai jamais ressenti, Souverain ? Le plaisir de l'affrontement ?
Au moment où je le repousse, je tiens mon épée de mes deux mains et effectue une attaque verticale bas-haut en rasant le sol, déployant une vague géante de magie rouge qui prend une hauteur digne d'un immeuble à l'attention de Youmi.
— {La signature arrive à bout...}
Ce combat n'a rien à voir par rapport à mon affrontement contre Némésis. Pourtant, cet ange est beaucoup plus violent, et avec une magie dont il dépasse les limites. Ma vague se fait tailler par le sabre galactique du jeune homme, avant d'effectuer une attaque par les airs que j'évite en me propulsant en arrière. L'impact sur le sable produit un vaste cratère se propageant jusqu'à mes pieds.
A mon tour, je reprends mes assauts sur l'ange en sacrifiant mon aura pour renforcer mon arme, ce que mon adversaire effectue aussi. Abandonnant nos courses poursuites, on se bat à pied ferme, avec juste nos bras, nos jambes, et nos lames dans un spectacle magique qui met la fausse réalité dans tous ces états.
Le temps lui-même se fige à chacune de nos actions. Nos mouvements sont si rapides pour lui qu'il n'arrive plus à suivre. Nos épées traversent les dimensions à cause du surplus de magie qu'elles doivent stocker. Nos corps dépassent les limites de l'espèce humaine, et nos signatures sont en ébullition.
Après un double coup d'estoc qui provoque une explosion de lumière, on se fait tous les deux repoussés une dernière fois. Ma signature sacrifiée prend fin au moment où mes pieds se reposent sur le sol, tandis que l'ange a son corps qui commence à trembler. Après un dernier échange de regard, on se comprend : ici et maintenant, l'un de nous deux va y laisser sa vie.
Je décide de sacrifier deux signatures magiques en même temps que je répands sur mon épée, tandis que l'ange concentre toute la force des déchirures de sa peau dans son arme pour cette ultime attaque. Le désert est complètement fissuré, avec des brèches rouges comme le feu et bleu comme les abysses. Même le ciel nocturne révèle des lignes en zigzag blanches, la preuve que l'illusion n'arrivait pas à supporter nos puissances destructrices.
Sans un mot, couvert d'un silence de mort, on entame tous les deux une ultime course en face-à-face, nos épées prêtes pour ce dernier croisement de fer. Au fil de mes pas, mes souvenirs de ma naissance, de la création de ce monde, des lois que nous avons rédigées, des mauvais moments de ma vie, de ceux où je me suis querellé avec Sylvane jusqu'à ne plus avoir assez de doigts pour les compter.
Au moment où on envoie nos épées se rencontrer, le temps se fige autour de nous, comme si nous avions dépassé cette loi inviolable de l'espace et du temps. Au moment de la collision, je lâche mon épée pour la laisser partir sans moi, la laissant se prendre de plein fouet le coup d'épée de l'ange pendant que je fige mes pieds au sol.
Malgré le souffle produit par cette collision, Youmi vient tout juste de réaliser le subterfuge. Je ferme mon poing droit et le charge d'une lame d'énergie. En une seconde, je me retrouve à sa gauche, de l'autre côté de ses mains tenant son épée, et lui porte cet ultime coup en plein dans son torse. L'impact génère un ultime souffle derrière lui, décollant les grains de sable derrière son corps.
Toute l'introsphère vole en éclat, nous ramenant dans le Cercle du Cauchemar, dans cette rue où j'avais déployé mon illusion en premier. Nos deux épées se dissipent en des particules de lumières, pendant que l'ange perd peu à peu ses forces, s'agenouillant. Je l'anccompagne dans ce geste, car il m'a fait ressentir cette sensation de me donner à fond dans un combat qui était à ma hauteur.
Je lui fais complètement face, tout en conservant ma lame d'énergie dans son corps. Ses failles bleues sur son corps ont disparu, ses yeux sont redevenus normaux, et ses habits encore déchirés sont encore sur lui. Son expression choquée se grave dans ma mémoire, lui qui a toujours été méticuleux dans ses actions, il s'est déchaîné comme une bête sauvage.
— Galactika Youmi... Ta mort était souhaitée par le Souverain... Mais comme je t'ai dit, nous épargnerons tes amis.
Il essaie de bouger ses lèvres, mais aucun son ne sort de sa bouche. Au fond de ma poitrine, je sens mon cœur éprouver une douleur aiguë, semblable à la perte d'une personne proche. Mais ce n'est pas logique, je le rencontre qu'aujourd'hui. Pourquoi est-ce que je ressens cette douleur ?
— Je me souviendrai de toi. Toi qui méprise l'Éclipsia, je t'offre dès maintenant ce repos que tu veux donner aux futurs Exilés qui perdront la vie.
Incapable de prononcer le moindre mot, j'envoie le message aux autres Originels ainsi qu'au Souverain, ce qui ne prend moins d'une seconde. Je me demande comment cela se passe pour eux. Lentement, je dissipe la lame d'énergie dans le torse de l'ange. Aucun sang ne coule, mais une marque profonde du lieu d'impact est présente.
— Tu as mérité de te reposer, maintenant.
[Pov Youmi]
Je ne peux même plus utiliser mes cordes vocales. Mon cœur bat de plus en plus vite, comme s'il cherchait à retarder l'inévitable. Je ne peux même plus communiquer avec mes amis. Etonnamment, j'ai pu entendre les mots de Morblood, que ce soit maintenant ou pendant l'affrontement.
Je me suis condamné dès que nous sommes entrés dans ce monde, mais pourtant, je ne le regrette pas. Le repos que me souhaite Morblood, je n'en ai pas besoin, car grâce à Louve, j'ai pu faire table rase de mon passé et lui faire face avant d'entamer cette opération. Si seulement je pouvais la remercier une dernière fois...
— {Louve...}
Ma main qui tient l'épaule du gardien, qui me sert d'appui pour ne pas tomber, se met à trembler. Mes forces me lâchent peu à peu, au point que maintenir les yeux ouverts est un effort qui me dépasse complètement. Le visage de Morblood, d'un air compatissant, m'est visible clairement.
— Je me souviendrai de toi, ange bleu.
Je peux sentir ma signature magique qui s'éclipse peu à peu, les dernières braises qui me laissent une opportunité pour un dernier assaut. Tenter maintenant ne servirait à rien, car de toute façon, j'ai confiance en mes alliés, et envers les Ascendants qui pourront vaincre leurs adversaires. Ma vue s'assombrit et se floute, cette lumière au bout du tunnel que je peux voir, avec une silhouette de Mona, ainsi que de Ermy... Mes premiers compagnons. Juste avant de m'en aller, j'arrive à adresser un message à l'Originel grâce à ma main sur son épaule en tant que connection.
— [Merci.]
[Pov Morblood]
Entendre ce dernier mot de la part de l'unique adversaire que j'ai toujours reconnu, cela soulage ma douleur au cœur qui refuse de s'en aller. Je le vois lentement s'écrouler au sol une bonne fois pour toute, sans jamais pouvoir se relever. Fermant les yeux, j'utilise ma magie pour communiquer dans tout l'Éclipsia.
— Le commandant des envahisseurs, Galactika Youmi... Est mort.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro