En même temps que les mutants envahissent le Black Pearl, les hommes de mon équipage avaient aussi pris d'abordage le Hollandais, pendant que les deux navires s'échangent des coups de canons et de pistolets.

Être témoin de cette scène en personne, et surtout la subir ici-même, cela me provoque une sensation étrange. J'esquive le coup de sabre d'un membre de l'équipage de Davy et lui claque un coup de pied le poussant jusqu'à la balustrade. Je me dépêche de réduire l'écart entre lui et moi pour le balancer par-dessus bord.

— {Comment cela se passe, déjà ?}

En essayant de me souvenir, un ennemi me prend en chasse, levant son sabre pour m'abattre. Un coup de feu lui fait sauter la boîte crânienne, par un homme que je connais aussi bien que Jack : un homme aux longs cheveux noirs descendant jusqu'à sa nuque, sa tenue mouillée et par la pluie et agitée par la forte bourrasque.

— {Will ? Il est censé être sur le Hollandais avec Eli...}

Le temps de terminer ma pensée, je me rends compte d'un souci dans le scénario : Elizabeth n'était pas présente, je ne l'ai jamais vu sur le bâteau. Où peut-elle être ? Will se dépêche de me rejoindre, après avoir repoussé un nouveau matelot maudit du Hollandais.

— Tout va bien, moussaillon ?

— Oui. Où se trouve Elizabeth ?

Le regard de l'homme en face de moi prend un air confus.

— De qui tu parles ? Il n'y a pas d'Elizabeth ici.

Cette réponse bouscule toutes mes pensées sur les films. Non seulement Jack n'a pas son coffre avec lui, mais en plus, Elizabeth n'est pas là... Comment pourrais-je savoir ce qui va advenir ?

Le temps de me poser cette question, je bloque un coup de sabre de l'adversaire et lui tranche le torse avant de le pousser jusqu'au bord du pont, le dégageant dans l'eau

— {Si l'histoire n'est pas la même... Alors je dois obtenir la fin que je veux...}

Alors que je redonne mon attention vers l'équipage, tout l'assaut des mutants est repoussé avec une facilité plus qu'étrange. En regardant dans les airs, Jack descend du mât en tenant une corde, son sabre plantant Davy Jones au cœur alors que mon capitaine à ses pieds sur le torse de son ennemi.

Il retire son épée de son adversaire et le pousse dans les fonds marins. Les canons du Black Pearl envoient une dernière salve qui perfore violemment la coque du Hollandais, entraînant une descente dans les profondeurs de la mer.

Jack atterrit au pied du mât central, remettant son chapeau en place et s'adressant à son équipage.

— On met les voiles !

"Cela va vraiment se terminer comme cela ?" Le temps de me poser cette question et d'imaginer les possibilités, nous avons mis les voiles pour nous éloigner du lieu de conflit, et la pluie diluvienne ne nous a pas suivis. En peu de temps, on récupère le soleil et nous approchons de notre destination, une grande île où on peut voir des petites silhouettes humaines.

— {Ma présence a modifié ce que je connaissais... Que se serait-il passé si j'avais refusé de rejoindre Jack dans la salle de navigation ?}

Alors que j'observe la terre ferme où j'allais devoir faire mes adieux à Jack et à cette simulation, mon capitaine pose une main sur mon épaule, attirant mon regard vers lui.

— Navré de ce contretemps. Tu t'es quand même amusée ? avec un large sourire.

Je lui adresse un sourire en retour.

— Oui.

Il se met face à moi, s'abaissant pour être à ma hauteur.

— Comme l'équipage t'aime bien, ils veulent te laisser un souvenir. Tu voudrais quoi pour te rappeler de nous ?

Sa demande était spéciale, mais en ce moment, je n'ai pas envie d'un objet matériel, juste d'un geste de sa part.

— Est-ce que... Je peux te faire un câlin ?

Je ne peux pas m'empêcher de rougir suite à ma demande. Sans répondre de vive voix, Jack me dépose un bisou sur le front tout en me caressant la joue.

— C'est un cadeau de la maison, allez viens.

Il me fait signe pour que je me rapproche de lui. Je tends mes bras à son attention et effectue deux pas vers lui.

— [Fin de la simulation.] s'exprime une voix robotique externe.

[Pov Neo]

La salle de simulation perd sa teinte noire pour nous montrer Louve en train de dormir sur le sol. L'écran de projection géant nous montre la salle globale vue depuis une caméra. Notre amie se réveille, se frottant les yeux, son regard confus. La porte en verre s'ouvre toute seule, Aza allant rejoindre son amie.

— {C'est assez spécial...}

Quand les deux filles sortent de la salle, Louve se dépêche de lancer un regard noir àFluvis, qui se retourne vers nous.

— Je me retiens de vous égorger. Mon rêve de faire un câlin à Jack n'était pas loin du réel.

— Si vous voulez, je vous ferai ce plaisir une fois que chacun aura fait son test. Vous aviez atteint la limite de temps, de toute façon.

Une fois que Louve s'est remise de la simulation, Aza se porte volontaire pour être la prochaine, choisissant le pantin éclairé.

— Je choisis celui-là.

Elle sort la figurine du bâteau pour y placer le pantin, refermant le couvercle en métal.

— [Scénario choisi : L'ombre perdue. Veuillez entrer dans la Virtuwave.]

[Pov Aza]

— {Le nom est un peu trop explicite...}

J'entre dans la Virtuwave, la porte en verre se fermant dans mon dos. La pièce commence à se teindre de noir, alors qu'un profond sommeil me gagne. Sans que j'ai le temps de réfléchir, je sens mon corps se pencher violemment sur le côté, sans que je ne puisse ressentir le moment où j'allais rencontrer le sol.

— Qui est cette femme ?

Je sens ma peau allongée contre un bois très dur, légèrement incliné vers l'arrière, ma tête sur mes bras. J'ouvre lentement les yeux, apercevant deux silhouettes d'un noir profond, sans habits, qui semblent me faire face.

Je bouge latête pour essayer de croiser le regard, mais la silhouette n'a aucun visage, juste du noir sur tout son corps, comme une ombre. Le ciel au-dessus de nous est plongé dans les ténèbres, sans étoiles, et il n'y a que des lampadaires pour éclairer la rue où nous sommes.

— {Des... Ombres ?}

— Vous allez bien ? me demande la silhouette de droite.

Je mets une main au niveau de ma tête, et me met en position assise, observant le sol rocheux absent de dalles. La silhouette s'agenouille face à moi, sa tête à mon attention, bien qu'il pourrait très bien me faire dos.

— Où suis-je ?

— C'est plutôt à nous de vous demander ce que vous faites là, et en tant qu'humaine.

— {Quoi... ?!}

Sa réponse me perturbe dans mes pensées. J'observe un instant mon corps, et je n'ai rien qui a été modifié depuis que je me suis évanoui. Le nom du scénario me revient un instant en tête, une ombre égarée...

Je relève la tête vers mon interlocuteur, étant donné sa voix masculine.

— Pourquoi êtes-vous tous couverts d'obscurité ?

Les deux êtres se croisent le regard en même temps, du moins, s'ils ont véritablement des yeux cachés. L'homme me redonne son attention.

— Hé bien, c'est comme cela depuis la fondation de notre royaume. Ce qui est étrange, c'est que vous-mêmes ne soyez pas devenue votre ombre.

— {Devenue mon... ?}

La question que je me suis posée dans ma tête fut interrompue par une autre : "qu'est-ce que j'ai choisi comme scénario, en fait ?". Je me secoue la tête et me relève, en même temps que mon interlocuteur. Je lance un regard vers la deuxième personne, où ses formes au niveau du torse laissent penser à une femme. Sa tête est abaissée pour observer le sol.

— Heu, madame... commence la jeune femme à mon attention.

— Quoi ?

Elle tend son bras vers le sol sous mes pieds, derrière mon corps. Je tourne la tête en baissant le regard, cherchant à comprendre ce qu'elle veut dire. Sous moi, le sol est éclairé par la lumière d'un lampadaire, mais c'est tout.

— Et donc ?

Une nouvelle fois, le nom du scénario me revient, et après un instant de pause, je comprends le problème et la signification de cet endroit. Avant que j'ai le temps d'ouvrir la bouche, l'ombre féminine s'exprime en premier.

— Où est... Votre ombre ?