34.
Brian : 00h45
Cela fait maintenant quelques heures que Willy, Chris et moi réfléchissons à un plan un peu plus concret que celui proposé par l'insensible lui-même : celui de fabriquer des clés en bois. Mais ça, ça ne marche que dans les films.
On débat sur diverses idées qui pourraient être à notre portée. Car dans cette cellule, nous n'avons rien du tout, hormis la pierre qui nous entoure et cette ferraille qui nous sert de rempart vers notre liberté.
– Soyons logiques et censés. Regardez autour de vous, commente Chris, il nous faut plein de bouts de pierre.
– Après le bois, tu veux t'attaquer à la pierre ? Ton père était architecte dans le passé ? se moque Willy, amer.
– Willy, s'il te plaît, ne commence pas à mettre la zizanie, le préviens-je gentiment.
– Très bien ! Je vous écoute, je ne dirais plus un mot à présent.
Ce dernier lève les mains en l'air en signe de capitulation. Décidément, son caractère est un vrai obstacle dans la galère où l'on se trouve. Ça nous mine le moral parfois.
– On a rien, alors revenons du temps où les hommes n'avaient rien et faisaient avec les moyens du bord, continue Chris, imperturbable.
– Donc, si je comprends bien, tu comptes frictionner ces deux pierres l'une contre l'autre afin de créer du feu ? le sondé-je, afin qu'il éclaire ma lanterne.
– C'est exactement cela. Les sentinelles ne pourront rien faire d'autre que de nous évacuer. Et à ce moment là, nous pourrons agir et fuir. Courir sera notre but premier. Vous avez compris le plan ?
– Ce n'est pas si compliqué que ça, râle Willy dans un coin de la cellule tel un ermite, et si elles nous laissent moisir ici ?
– Willy, essaye d'y mettre un peu du tien, lui lancé-je, à bout de nerfs.
– Tu as saisis ce qu'il fallait faire ? l'interroge Chris, à son tour.
– C'est bon, j'ai compris ! s'écrit-il, soudainement sur la défensive.
– Chut !
Chris et Willy me lorgnent, leurs regards inquiets, dans l'attente d'une explication de ma part.
– Fausse alerte, je les rassure, deux gardiennes arrivaient vers nous, mais elles se sont ravisées.
Le don que je possède est un poids de tous les jours. Entendre des gens sans pouvoir échapper à leurs pensées est une oppression qui embrume mes propres pensées et mes agissements. Cela me gène, c'est même un calvaire, mais dans ce contexte, je suis fier d'avoir cette capacité, car elle me permet de prévenir le danger ou non. Cette qualité me permet de détecter n'importe quelle personne dans les environs. Or, si j'avais à choisir, je préférerai ne pas vivre avec ce poids. C'est un enfer d'entendre la conscience des autres ruminer à longueur de journée.
Chris reprend là où il en était, frappant inlassablement sur l'un des trois murs un peu fissuré qui nous entoure, et qui nous retiennent prisonniers ici. Quant à moi, je fais le guet, afin qu'on ne nous surprenne par mégarde. Ce qui serait un énorme échec pour nous. Ou, tout du moins, pour moi et l'insensible, car Willy n'a pas, a priori, l'air de se soucier de sa détention plus que cela.
– Les gars, j'interviens, en entendant le mégaphone s'allumer et les hauts parleurs grésiller, je crois que ça recommence.
Mes deux compères se postent chacun à mes côtés, tendant l'oreille et scrutant le mégaphone accroché au mur face à nous.
– Vous pensez comme moi ? questionne le psychopathe, d'un air moins maussade.
– Oui, nous répondons en cœur avec Chris.
– C'est le jeu. Tu crois qu'elles vont révéler l'identité du participant ? demandé-je ensuite, en observant Willy.
Mais au lieu cela, les hauts parleurs continuent de grésiller au point de faire mal aux oreilles. Et puis sans crier gare, une voix mélodieuse se fait entendre.
– À tous les citoyennes de Gloria, je suis dans le regret de vous informer que l'un de nos participants à l'émission The Human Beast est éliminé. Il ne reste qu'à présent deux candidats en liste qui jouent pour leur liberté, du moins c'est ce qu'ils pensent, ricane la femme d'un ton sournois, on se retrouve ce soir à dix-neuf heures, pour la suite de votre jeu quotidien.
De nouveaux grésillements apparaissent avant de s'estomper petit à petit.
– Éliminé ? répété-je, sans vouloir comprendre ce que ce mot peut signifie dans la bouche de cette femme. Vous croyez que ce type est...
– Mort ? C'est sans doute ce qu'elles veulent dire, répond Chris, avec franchise, il n'y a pas d'autres termes qui puissent expliquer ça. Surtout venant d'elles.
– J'espère que Dane n'est pas dans ce jeu. Si c'est le cas, je prie pour que ce ne soit pas lui qui soit mort.
– Aie confiance en lui. En se livrant à sa mère, il savait ce qu'il faisait. Et je pense qu'il a aussi fait ça pour qu'on est un sort moins épouvantable que lui.
– Tu parles ! peste le psychopathe, toujours aussi bougon.
– Tu es tellement pessimiste ! C'est agaçant. Tu ressembles plus à un fardeau qu'à autre chose, rétorque l'insensible.
– Chris ! le reprends-je. Ne dis pas ça.
– Quoi ? Que c'est un poids mort ? Eh bien, à vrai dire, je le dis et je le répéterais s'il le fallait. Ce type ne fait aucun effort, et ceci depuis le début. Tu ne peux pas dire le contraire, Brian ! s'emporte-t-il, brusquement.
– Vas-y, mec, dis tout ce que tu as à dire et tout ce que tu penses ! Crache ton venin ! ricane Willy. Je ne t'en voudrais pas.
Ce dernier ne m'aide pas à arranger leur relation. Je suis désemparé quand je vois ça.
– Pas maintenant, les gars, par pitié !
– Je te sens tellement faux depuis quelque temps. Qu'est-ce que tu as fait pour être aussi fourbe, William ?
– Fourbe ? Moi ? rigole ce dernier. Tu devrais aller jeter un œil à ton pote enfermé chez sa mère. Qui te dit qu'il n'a pas fait exprès de se rendre, afin de se retrouver tous en famille et de rigoler sous notre nez ? Après tout, monsieur Dane est un sang bleu, il peut faire ce que bon lui semble !
Un sang bleu ? Mais de quoi parle-t-il encore celui-là ?
– Ne retourne pas la situation ! C'est toi qui nous a trahis, je me trompe ? demande Chris, hors de lui.
– Va savoir !
– Espèce de...
Je les sépare brusquement avant qu'ils n'en viennent aux mains.
– Ça suffit, bordel !
– C'est pour ça que tu ne comptes pas sortir de cette cage ! Tu n'es qu'un crétin ! Dane n'aurait jamais dû te faire confiance. Les psychopathes sont réputés pour être des cauteleux ! J'aurais dû m'en douter.
– Eh bien tu t'en es rendu compte trop tard malheureusement. À présent, il va falloir faire avec.
– C'est à cause de toi qu'on est là. Pas vrai ?
– Effectivement. À un moment, je n'arrivais plus à garder tous ses petits secrets rien que pour moi. Je n'avais personne à qui parler dans mon département pour soulager ma conscience. Alors une nuit, avec trois types, je me suis confié. Et tu sais quoi, Chris ? Cela m'a fait du bien, et je ne regrette absolument pas. Si je devais recommencer, je le referais sans hésiter.
– Sale pourriture !
Je m'interpose de nouveau entre eux. La situation dégénère de plus en plus. Il faut à tout prix sortir d'ici, sinon je ne donne pas cher de notre peau.
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