Dane, dans Gloria à 03h15

– Dane ? Tu joues à quoi là ? me murmure Chris, une pointe d'appréhension dans sa voix.

– Ce que j'aurais dû faire depuis le début...

Je les regarde et ces femmes me regardent en retour. Je suis écœuré de converser avec elles, mais ai-je le choix ? Pour ce que j'ai prévu, pas vraiment.

– Ce que j'aurais dû faire depuis cette décennie... m'allier à sa Majesté la reine et ainsi protéger ma vie.

Je sais que je vais leur faire du mal et qu'ils vont croire que je les trahis. Je fais surtout ça pour eux, pour qu'ils sauvent leurs vies. Ils souffriront sûrement entre temps, mais ça en vaudra la peine. Si on ne tente rien, on n'aura rien. Nous ne vaincrons personne. Nous aurons juste le déshonneur et la honte de la race masculine.

J'ai une place privilégiée. Celui d'être fils de la reine de Gloria, créatrice de celle-ci. À mon rang, je peux peut-être faire quelque chose. J'étais voué, bien avant tout cela, à être prince et ainsi suivre les pas de mon père pour un jour, devenir à mon tour Roi. Ce que je ne serai jamais. Sauf si je change ce monde de l'intérieur. Sauf si je change ce monde grâce à ce qui était autrefois un privilège et celui-ci peut m'aider plus que d'être un banal étudiant comme mes amis. Tout ça sans prétention, aucune.

Si je fais ça, c'est avant tout pour ma sœur et aussi pour ce pouvoir que je convoite et que je compte bien soustraire à ma chère mère de substitution. Mais c'est aussi avant tout pour montrer que si on se bat, si on a un objectif, il ne faut jamais baisser les bras avant de les avoir levés.

Je me suis donc incliné devant ces trois sentinelles.

***

Devant le trône, je me demande quelle idée folle m'est passée par la tête. Je reprends vite mes esprits lorsqu'une voix stridente annonce son arrivée. Celle que j'attends de voir depuis un certain temps.

Elle arrive enfin et se trouve là, assise devant moi, me lorgnant comme elle regarde un repas peu ragoûtant. Bel accueil ! Cependant, je ne m'attendais pas à mieux venant de sa part.

– Nous avons trouvé ce lycéen dans les rues de Gloria, ma Reine, commence une des trois sentinelles, il a émis le souhait de vous servir et ceci... s'arrête la sentinelle avant de reprendre, jusqu'à sa mort.

– ASSEZ ! J'ai suffisamment entendu de sottises pour aujourd'hui. Vous toutes, sortez ! J'aimerais pouvoir converser seule avec ce jeune homme.

Quelques secondes plus tard, nous sommes que tous les deux dans la pièce. Un silence de mort s'est installé alors que nos regards ne se détachent pas l'un de l'autre.

– Quelle idée saugrenue t'est passé par la tête pour avoir le culot de venir jusqu'à moi, ici, à Gloria ? débute-t-elle, froidement.

– Je crois avoir le droit de venir là où j'ai été élevé, avant que ma mère ne m'abandonne à mon propre sort à un orphelinat, si je puis dire, pour vous servir au lieu de nous protéger de vous.

– Mon garçon, soupire-t-elle, il ne faut pas confondre le privilège et la chance. Certes, tu as eu la chance de naître dans une famille de haut rang, en somme d'être le fils du Roi et de la Reine de ce qui était autrefois la Belgique. Toutefois, tu as eu le malheur de venir au monde en tant que garçon. Je ne peux pas valoriser des enfants au sang bleu et malmener les autres habitants de Belgh. Je ne serai pas prise au sérieux dans mes desseins et si j'avais à refaire ce choix, à dire vrai, je referais le même et sans hésitation. Crois-moi.

– Et maintenant ? Vous comptez me traiter comme un vulgaire criminel ?

– Mais c'est ce que tu es, Dane, n'est-ce pas ? rétorque-t-elle, le sourire aux lèvres.

– Je pensais avant tout ne pas être un garçon ordinaire. Je pensais me racheter envers vous malgré ma condition...

– Tu as décidément mal pensé. Je n'ai pas de fils, je n'ai pas de mari et qui plus est, tu oses venir à ma porte avec des garçons de ton lycée. Avec tout cela, tu es loin d'avoir le droit à ma bénédiction ! dit-elle froidement. Je n'ai aucun lien avec toi, mon grand. Toutefois, puisque tu es ici, je vais profiter de ta présence pour te raconter une histoire, une longue histoire qui a commencé il y a dix ans...