11.
Charlène, zone sud de Gloria
Dans les couloirs amenant au centre de contrôle informatique, lieu où des milliers de caméras de surveillances sont disposées, je répète intérieurement et une fois de plus, le discours que je dois tenir à ma mère.
Je prends des risques en tentant de faire ça, mais j'ai l'espoir qu'un jour, cette manipulation mentale prendra fin sur elle, pour qu'enfin elle puisse se rendre compte qu'elle participe à la souffrance de son fils et de son mari. De mon frère et de mon père.
Moi, je fais croire que je suis les règles sans broncher. Que j'accepte cette société gynocratique qui tend à réduire l'homme au rang d'asservi.
Or, ce n'est pas ce que je veux. Je désire retrouver mon frère, Dane et mon père, Nicolas, ancien directeur du lycée Karl Marx, aujourd'hui plus connu sous le nom simpliste de l'établissement de Culpa.
J'entre dans la pièce avec appréhension. Il y a du monde ce mercredi-ci à cause de la préparation de la journée de la femme. Chaque surveillantes a environ dix caméras à contrôler et chaque soir, elles ont dix rapports très détaillés à faire.
Il y a une centaine de femmes travaillant dans cette immense pièce. Un sacré boulot ! Mais un boulot inutile et pitoyable.
– Maman ? Je peux te parler ? lui murmuré-je tel un secret confié.
– Je travaille, ne vois-tu pas ?
– S'il te plaît. J'en ai besoin.
– Bienn, vas-y alors ! soupire-t-elle en ne décrochant pas son regard des caméras.
– Il s'agit de Dane et de papa.
Cette fois, elle réagit. Sa mâchoire se crispe et son regard devient noir.
– Je t'ai déjà dit mille fois d'arrêter de me parler d'eux, souffle-t-elle tout bas, ne prononce plus jamais leurs nom, tu entends ?
– Mais maman...
– STOP !
Le son de sa voix résonne dans la salle. Des têtes se retournent vers nous, les autres femmes nous dévisagent et murmurent des paroles inintelligibles.
Je m'en contre fiche...
– Quand est-ce que tu vas comprendre que tu te fais manipuler la cervelle par cette pseudo Gloria ? Quand est-ce que tu vas ouvrir les yeux et voir que tu as un fils et un mari qui attendent que tu retournes auprès d'eux, que tu te rebelles et que tu abandonnes tout ça pour les sauver ? Ouvre les yeux, maman ! Fais-le pour moi. Fais-le pour Dane et papa. Je t'en prie...
– Je te conseille de retourner travailler, Charlène. Sinon...
– Sinon quoi ? Sinon je vais finir en prison ? Là où les femmes qui ne veulent pas suivre les règles sont envoyées ? Ou je vais finir à Alibi à crever de faim en essayant de survivre à votre jeu débile ? Tu sais quoi, maman ? Je ne te reconnais plus. Tu n'es plus celle que j'aimais et celle sur qui je prenais modèle. Je préfère crever à Alibi plutôt que de servir la Gloria qui t'a détrôné !
Une utopie ? Quelle baliverne ! Cette société s'est empirée de son but premier.
Une dictature ? Peut-être bien... c'est une société à l'arrière-goût de Thulé.
– Notre utopie est une utopie agissante et non seulement pensée. C'est une série de combats personnels et de combats collectifs. Une utopie concrète, Charlène. Elle prend du temps, mais elle en vaut la peine !
– Arrête de vouloir t'en convaincre. Tu ne fais que répéter ce qu'on te dit du matin au soir ! Elle te mange le cerveau ! Tu suis l'habitus de Gloria. Tu n'es plus toi, tu es ce que te fait devenir ce système ! Réagis, bon sang !
– Charlène, nous avons le contrôle maintenant. Nous ne pouvons plus et ne voulons pas faire marche arrière.
– Le but initial n'était pas du tout d'en venir à l'oppression et à l'endoctrinement. Tu le sais. Les hommes sont soumis maintenant ! C'est inquiétant ! Vous allez beaucoup trop loin et ça va mal finir.
– Ce n'est pas inquiétant. Ils ont ce qu'ils méritent, Charlène. Nous aussi, pendant le tout début de notre ère, nous avons subi leur supériorité et leur orgueil. Il était temps que tout cela change. Maintenant que c'est fait, ce n'est pas le moment de revenir en arrière. Même si nous le pouvons, nous ne le ferons pas.
Cette discussion ne sert encore à rien. C'est le serpent qui se mort la queue... j'avais tout de même un peu d'espoir, mais visiblement ma naïveté a une fois de plus prit le dessus.
- Tu n'es plus dans les rangs, ma grande. Tu vas mettre tout le monde en danger avec tes futiles idéaux. Alors il va falloir que j'en avertisse Gloria, c'est mon boulot et je suis fière de le faire, conclut-elle, comme si elle récitait un texte apprit par coeur.
Comme si elle était devenir à son tout un robot manipulé et manipulable au bon vouloir de la reine.
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