
Chapitre 4 - La persévérance de Duhamel
Le capitaine Duhamel et sa troupe, de retour à Saint-Chély le 10 janvier 1765, reprennent les chasses presqu'aussitôt, le 12.
C'est précisément ce 12 janvier que va se produire un évènement marquant dans l'histoire de la Bête :
Alors qu'ils gardent leurs troupeaux ensemble, suivant ainsi les conseils de prudence prodigués par le syndic du diocèse, cinq garçonnets et deux fillettes sont attaqués.
L'aîné n'a que 13 ans. Il s'appelle Jacques Portefaix.
Ils sont tous armés d'un grand bâton au bout duquel on a fixé une pique.
La Bête parvient, malgré leur posture de défense, à saisir l'un des plus jeunes, âgé de 9 ans, mais tous se ruent sur elle et lui font lâcher l'enfant, non sans que le monstre lui eût arraché une joue qu'il dévore sous leurs yeux épouvantés.
L'animal saisit alors le plus jeune de la bande et tente de l'emporter malgré les coups de pique que lui portent les autres.
L'un d'eux propose de fuir pendant que la Bête mangera le gosse, mais Portefaix s'y oppose et harangue sa troupe.
Ils poursuivent alors tous l'animal qui s'enfuit en emportant l'enfant, et l'orientent dans un bourbier qui va arrêter sa course.
Au prix d'un combat véritablement héroïque, la petite troupe, toujours exhortée par Portefaix, réussit à reprendre l'enfant au monstre qui se retire sans précipitation aucune.
De retour au village, Portefaix est acclamé en héros. Il sera récompensé pécuniairement par les autorités, comme ses camarades, et sera ensuite élevé aux frais de l'Etat jusqu'à suivre une école militaire.
Cette victoire a quelque chose de symbolique car elle montre aux paysans que la Bête n'est pas invulnérable et qu'on peut lui résister avec de la volonté et en restant soudés.
Mais la liesse est de courte durée car la Bête, sans doute rendue furieuse, s'en va immédiatement tuer un jeune de 14 ans un peu plus loin, au Mazel-de-Grèzes, dévorant le corps en partie.
On a vu plus haut que ce mois de janvier va de toute façon être un désastre, avec 30 attaques dont 11 morts et 8 blessés.
Le total des récompenses promises à qui tuera la Bête se monte désormais à 9400 livres (dont 6000 offertes par le roi lui-même), ce qui est une somme colossale.
Duhamel a abandonné ses idées de l'automne 1764, à savoir répandre partout des cadavres d'animaux empoisonnés qui n'ont eu d'autre effet que d'empester toute la région.
Il songe désormais à disposer des pièges et à poster autour des villages ses hommes de troupe déguisés en femmes.
Cela ne donnera rien, la Bête est trop rusée.
Mais surtout il continue d'organiser, comme à la fin de l'année 1764, de nombreuses chasses générales.
Celle du 7 février rassemble 73 paroisses et il s'en faut de peu que la Bête ne soit tuée : elle est tout d'abord débusquée à 10h30 vers le village de Prunières et s'enfuit en traversant à la nage la rivière (La Truyère) pour gagner la rive droite qui aurait dû être gardée à cet endroit par les hommes de la ville du Malzieu mais qui pour l'heure est déserte, ceux-ci n'étant pas venus à leur poste.
Puis, à 13h, elle est de nouveau repérée près du Malzieu et tirée par deux paysans. Elle tombe en poussant un cri, se relève aussitôt et fuit. On la poursuit mais la nuit survient et il faut se résoudre à rompre la chasse.
Le 11 février, nouvelle chasse, sur le même terrain. Cette fois, il y a selon M. Lafont 20000 rabatteurs et selon M. Duhamel 30000 !
Quoi qu'il en soit, il s'agit là, de très loin, de la plus importante battue jamais organisée de tous temps et par aucun pays du monde contre un animal.
Mais on ne verra pas la Bête. C'est un échec.
Pour ce mois de février, elle commettra 21 attaques, dont 8 mortelles et 5 blessés.
Et cela continuera en mars : à certaines périodes, la Bête déchaînée tue une personne quasiment chaque jour, le plus souvent avec une audace inouïe. Le 13 et le 14, elle attaque en tout 6 personnes, dont Jeanne Jouve et ses enfants comme on va le voir plus loin !
Elle semble lire dans les projets de Duhamel et celui-ci est désespéré, à bout de nerfs.
Ce n'est pourtant pas faute de s'employer car lui et ses hommes font à peu près tout ce qu'il est humainement possible pour mener leur mission à bien, bravant le temps exécrable, dormant sur la paille, soupant parfois au pain sec et à l'eau.
A Versailles, on commence cependant à douter qu'il vienne à bout du fléau et l'on songe déjà à une autre solution : faire venir M. d'Enneval, considéré alors comme le plus grand louvetier de France et qui s'est proposé.
Il faut dire que les gazettes se sont emparées de l'affaire qui fait désormais grand bruit, y compris à l'étranger où l'on commence à railler les français, et donc le roi, de ne pouvoir venir à bout d'un vulgaire loup...
Louis XV le Bien-Aimé, qui à cette époque n'a plus de bien-aimé que le surnom, n'avait diantre pas besoin de cette fâcheuse affaire.
D'Enneval a une longue expérience et se targue d'avoir tué plus de 1200 loups dans sa carrière.
La Bête n'a qu'à bien se tenir !
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