Prologue
Assise, le dos contre la tête de lit, je regardais les flocons qui tourbillonnaient dans l'air, avant de se poser violemment sur le sol. L'hiver s'était brusquement installé, recouvrant le château et ses alentours de son manteau blanc.
Il n'y avait pas âme qui vivait dehors. Il fallait dire que la tempête de neige avait surpris beaucoup de monde. Personne ne l'avait prévu. Elle était survenue un matin, obligeant chaque personne à se retrancher activement chez elle. Et elle ne s'était jamais arrêtée depuis. Elle frappait sans cesse à nos portes et fenêtres, essayant par tous les moyens de rentrer. Heureusement, tout était parfaitement isolé et les cheminées nous réconfortaient de leur chaleur.
Sans cela, nous serions tous morts de froid. Cette tempête était violente, inarrêtable. Beaucoup d'arbres avaient cédé sous son poids et quelques tuiles s'étaient envolées, je crois. Cela faisait cinq jours qu'elle ne nous laissait aucun répit.
Tout comme mes pensées.
Cela faisait également cinq jours qu'elles me torturaient. Comme Meïga l'avait souhaité, j'avais retrouvé tous mes souvenirs. Et si au départ j'étais contente de pouvoir revoir le visage de ma mère, de pouvoir revoir celui de mon oncle, de me souvenir de mes cadeaux de Noël et de mes anniversaires, j'avais vite déchantée. Sur chacun de mes joyeux souvenirs, je revoyais mes sœurs, tristes, seules, abandonnées. Je revoyais leurs larmes et leur désespoir. Mais surtout, je me revoyais tourner la tête chaque fois que je les apercevais.
J'avais été ignoble.
Avec le recul, je comprenais pourquoi mes sœurs avaient exploitées mon père. Je comprenais qu'elles le faisaient courir à droite et à gauche pour avoir les plus élégantes des robes ou les plus raffinées des bijoux. Elles lui faisaient payer l'abandon dont elles avaient été victimes. J'avais également compris pourquoi elles me détestaient tant. Je leur avais pris l'amour de leur père, celui de leur mère également. Je ne les avais jamais écouté, ne m'étais jamais penché sur leur sort. Et je ressemblais à ma mère. Ma mère qui les avait également rejetées, dédaignées à mon profit.
Alors elles avaient rejeté toute la haine qu'elles ressentaient pour ma mère sur moi, en plus de tout ce que je leur inspirai. Mais comment leur en vouloir ?
Nous leur avions fait tellement pire...
Odieuses, méchantes, cruelles... Mes sœurs ne l'avaient jamais été. Nous les avions façonnées de cette façon.
La porte claqua, ce qui me sortit de mes pensées. Je clignai des yeux, deux fois, avant de regarder la tempête de nouveau.
Beaucoup de personnes passaient me voir, depuis ce qu'il s'était passé avec la sorcière. Je savais qu'Aby, Alfred, Antonio et Emett étaient venus. Mais celui qui restait le plus de temps, c'était Keylan. Ils me parlaient tous longuement, s'occupaient de certaines choses dans la chambre dont je n'avais aucune idée, mais leurs passages étaient flous. Je ne me souvenais pas de ce qu'ils disaient, ni de la personne qui était avec moi certaines fois. Je n'avais que des flashs, des bribes d'informations qui me revenaient pendant les rares moments où je ne pensais plus au mal que j'avais fait, ni à la douleur que j'avais enduré durant mes mois de captivité.
Mais Keylan m'aidait à ne pas perdre pied. Sa voix me rassurait. Elle était douce, chaude et je sentais sa présence pratiquement à chaque fois. Je pouvais faire tout ce que je voulais, mais je ne pouvais pas l'ignorer. Pas lui. Pas alors que chacune de mes terminaisons nerveuses réagissaient à sa voix, à son odeur, à sa vue. A lui, tout simplement.
Mais aujourd'hui... Je me demandais sincèrement si je méritais un homme tel que lui. Nous avions eu des débuts compliqués tous les deux. Je lui ai reproché beaucoup de choses, jusqu'à ce qu'il m'avoue être un loup. Un loup en manque d'affection qui ne savait pas comment se comporter avec les femmes.
Il avait peut-être une apparence de bête, mais il était loin d'en être une. Alors que moi...
Mon regard se perdit de nouveau dans la tempête quand les mots raisonnèrent en moi.
Horrible.
Abominable.
Monstrueuse.
Encore et encore.
Je savais que Keylan avait besoin de moi, je le sentais. Il était désespéré, triste, en colère aussi. Des fois, quand il me parlait, j'entendais les trémolos dans sa voix, ses hésitations et ses soupirs.
J'entendais. Mais j'étais pour le moment incapable de lui répondre, de le rassurer, de l'aimer comme il le méritait. J'avais besoin de temps pour me calmer, pour assimiler et pour essayer de me pardonner et d'avancer.
La porte claqua de nouveau et les souvenirs m'engloutirent aussitôt.
Du temps.
J'avais seulement besoin de temps.
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