Un dîner avec les plus grands dignitaires de l'arielda, ça signifie un repas d'une lenteur ahurissante, d'un défilé de compliments hypocrite et de discours endormants où chacun se félicite d'être le maître du monde... C'est ce qui m'attends ce soir. Certaines seraient enthousiasmées à l'idée de pouvoir exhiber leurs nouvelles robes ou leurs bijoux ! Mais moi, je ne vois qu'un empêchement de plus pour aller gambader dans les bois... Je m'y résous cependant, sachant que faire un scandale ne m'amènera à rien, sinon a me faire punir. Je lisse ma jupe, rectifie une dernière fois ma coiffure et m'avance d'un pas mesuré dans la grande salle en compagnie de mes parents. Le silence se fait tandis que nous nous approchons de la table et nous asseyons. Les invités s'assoient et le dîner commence.

Je ne vous fournirai pas de détails supplémentaires : la soirée étant assez pénible en elle-même, je ne tiens pas à vous faire mourrir d'ennui pour le reste de la journée !

Dès le repas terminé, je m'élance vers les escaliers qui mènent à l'étage. J'espère regagner ma chambre en échappant aux discussions prolongées sur l'éducation ou autres âneries mais une main m'attrape par l'épaule, manquant de déchirer la manche de ma robe. Je me retourne pour me retrouver face à ma mère, le visage déformé par la colère.

"Ranessa ! Comment as-tu osé !"

Je n'aurais vraiment pas dû montrer tant de presse à quitter la table, c'est vrai j'aurais dû me contenir, c'était un manque de respect envers les invités.

"Te rends-tu compte de ce que tu as fait ?! Tu as dévoilé tes chevilles !"

Pardon ?! Je ne m'attendais pas du tout à ça ! Il est vrai que c'est pour bon nombre de gens de notre statut, montrer ses chevilles est un affront impardonnable ! Mais je n'en tiens pas rigueur... Si ma mère avait connaissance du nombre de fois que je bas la forêt les mollets à l'air...elle tomberait en pâmoison. Mais je ne suis pas dans la forêt mais dans un château, en compagnie non pas d'animaux mais de hauts dignitaires.
Ma mère me giffle et nous retournons à la fête. Beaucoup de ceux qui m'avaient complimenté sur le choix de ma robe et autres sottises me regardaient avec un air de dégoût et d'indignation. L'ambiance était froide, difficile à supporter. Elle ne se prolongea d'ailleurs pas et je fus rapidement libérée. Je m'écroule dans mon lit, en face de la cheminée. Je fond en larme et pleure doucement. Je me calme au bout de quelques minutes, et me perds dans la contemplation du feu en face de moi. Je ressens soudain une brûlure au niveau de mon poignet qui, lorsque je m'approche du feu pour m'éclairer, s'intensifie. J'approche mon visage et voie un petit R flamboyant sous mon portrait qui s'illumine comme une torche un bref instant. Je regarde les flammes qui encadrent mon visage s'estomper lentement puis reporte mon attention sur l'initiale de mon prénom, toujours aussi brillante. La même vague d'espoir que l'autre soir me traverse mais c'est la colère qui me fait trembler cette fois.

Je ne peux pas rester ici. Tout d'abord parce que je n'y ai pas ma place; ensuite parce que mon secret sera découvert tôt ou tard. Je dois partir, c'est maintenant que je dois agir.