[Chapitre 2]
Les jours passaient lentement et se ressemblaient. La plupart du temps, je m'entrainais avec Calista dans une salle tapissée prévue à cet effet. J'apprenais à l'apprécier malgré son sourire gentillet et sa patience inhumaine. Celle qui s'était déclarée mon mentor à mon arrivée à l'Ordre se trouvait être assez douée pour l'enseignement : elle avait remarqué dès mon premier jour la nature de mon pouvoir.
- Prends la bougie.
Et alors que je la fixais incrédule, elle ajouta :
- Je suis curieuse de voir si tu peux le refaire.
- Quoi ? Te menacer avec une vulgaire bougie ?
Elle sourit en se rappelant ce souvenir de notre première rencontre. Bon, peut-être que je ne trouve pas son sourire niais si atroce que ça... En réalité c'était une des seules personnes que je côtoyais : bien que je partageais ma chambre avec deux autres filles, je ne les croisais jamais car elles faisaient parties des soldats de nuit.
J'attrapais la bougie allumée sur la table sans aucune arrière-pensée.
- Tu vois tu l'as encore refait !
Et comme je ne comprenais pas, elle ajouta :
- La flamme est plus intense quand tu la tiens.
J'allais la contredire sur un ton moqueur mais je remarquai qu'en effet, je pouvais percevoir un changement infime dans la puissance de la flamme qui oscillait, comme animée. Alors que je la regardais avec plus d'attention, elle doubla de volume dans un crépitement vif. Je levais alors mes yeux sur Calista qui m'observait avec une lueur de fierté dans le regard, et je m'autorisai un sourire.
Depuis ce jour-là, je m'amusais à refaire ce tour à chaque fois qu'une bougie avait le malheur de se trouver à portée de main. Après quelques heures, il me suffisait de regarder le feu et de passer la main à moins d'une trentaine de centimètre d'elle pour la voir s'enflammer plus intensément.
Le feu. Un élément aussi fascinant par sa beauté insaisissable que par sa dangereuse instabilité. Maintenant que je me savais investie de son pouvoir, je le regardai comme une bête sauvage à apprivoiser, un inconnu à découvrir. Mais cette vision changea quand Calista m'appris que j'avais ce feu en moi.
- Toutes les personnes ayant un pouvoir d'exception peuvent voir les pouvoirs des autres.
- Comme les flux brillants de ceux qui maîtrisent l'air ?
- Oui mais pas seulement. En t'entrainant suffisamment, tu pourras voir la lumière des pouvoirs au niveau des cœurs des possesseurs de pouvoirs. Les différents types de pouvoirs ont des couleurs distinctes qui permettent de les identifier.
- Apprends-moi à les voir ! demandai-je avec enthousiasme.
- On te l'apprend déjà en fait... Les cérémonies servent aussi en partie à augmenter tes sens et ta perception des pouvoirs.
- Sérieusement ? J'étais convaincue que les cérémonies étaient une sorte de sieste...
Mais malgré mon ton sarcastique, je m'entrainai aussitôt le lendemain.
Dans la Grande Salle
- En honneur aux dieux qui nous ont accordé de nos dons, restons digne de leur Amour en...
« et blablabla... » pensais-je en cessant d'écouter. Les cérémonies étaient si longues et sans intérêt. Heureusement nous devions fermer les yeux et rester silencieux, ce qui me permettait de penser à autre chose tranquillement. « La moitié des aimés doivent s'être endormis, j'en mets ma main au feu...littéralement haha ! Faut vraiment que j'arrête de me faire des blagues aussi nulles... »
Les cérémonies avaient lieu trois fois par semaine dans la Grande Salle qui portait bien son nom et était richement décorée de feuilles d'or aux colonnes et de vitraux si colorés qu'ils laissaient à peine passer la lumière. Elles étaient des sortes de regroupements religieux auxquels aucun membre de l'Ordre ne semblait pouvoir échapper, ce qui me permettait au moins d'être à peine visible au fond de la salle. Les cérémonies étaient présidées par quelques cardinaux aux voix endormantes qui nous servaient avec des mots pompeux à peu près toujours le même discours :
1. Les dieux sont des êtres ultra puissants fondamentalement bons.
2. Les rares élus qui ont des pouvoirs d'exception ont été choisis par les dieux d'où le nom des soldats de l'Ordre, les Aimés des dieux (quelle modestie !)
3. Les Aimés des dieux se doivent d'utiliser leurs pouvoirs à bon escient en agissant pour le bien et en protégeant la famille royale d'Ostran.
Captivant. Pour l'instant je n'avais trouvé qu'une seule utilité à ces moments : c'était une des rares occasions qui me permettait d'observer les autres Aimés de l'Ordre. En tout, le quartier général devait abriter près de 300 soldats dont je ne connaissais qu'une poignée.
Il était toujours impressionnant de voir autant de soldats émérites rassemblés et religieusement silencieux, habillés pour la majorité dans leur tenue de combat comme préparés pour le champ de bataille. Quant à moi, j'avais rapidement quitté la robe blanche des nouveaux arrivés pour enfiler une tunique en tissu rêche gris foncé.
Mais à présent, plus question de se tourner les pouces, j'avais un nouvel objectif : voir les pouvoirs des autres ! « Concentre-toi » me répétais-je en fermant les yeux. Mais même en ouvrant grands les yeux sur les poitrines des Aimés du rang devant moi, je ne voyais rien qui eut pu ressembler à ce que m'avait décrit Calista. Je renouvelai ma tentative en m'efforçant de penser aux flux irisés que j'avais vus à mon arrivée à l'Ordre en observant les soldats ouvrir les portes. J'espérais voir quelque chose de similaire.
Au bout de quelques secondes d'effort, je vis en effet une légère luminescence émanée du torse du garçon devant moi à gauche. Mais le rayonnement était faible et sa couleur trop changeante.
- Tu dois regarder avec ton esprit et pas directement avec tes yeux, chuchota une voix féminine à ma droite.
Je tournai la tête et remarquai une fille aux cheveux courts et au visage fin qui me souriait. Il me fallut quelques secondes pour me souvenir que je l'avais déjà vue : elle faisait partie de l'équipe qui était rentrée au quartier le jour de mon réveil.
Intriguée, je tentai de suivre son conseil sans vraiment comprendre ce qu'elle venait de me dire. Je fixai la poitrine du soldat devant moi qui était trop occupé à prier pour me remarquer et arrêtai de me concentrer sur mes yeux. J'essayai de décaler ma vision de mes pupilles à mes pensées. Tout à coup, je vis une lumière vive d'un jaune orangé semblant sortir du cœur même du garçon. Réjouie j'échangeai un regard complice avec la fille qui engagea la conversation à voix basse :
- Je m'appelle Aurnia et toi ? murmura-t-elle aimablement.
- Lyria. Dis-moi comment as-tu su ce que j'essayais de faire ?
- Tes yeux. Ils brillent différemment quand tu essayes de voir les pouvoirs.
- Ah d'accord. Et moi alors ? De quelle couleur est mon pouvoir ?
Elle ferma ses yeux une demi-seconde avant de me scruter. Je vis en effet une légère lueur violette briller dans ses iris avant qu'elle me dise :
- Le rouge le plus ardent que j'ai jamais vu.
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