2- Un choix selon son Coeur
Je me regardais devant la glace depuis une éternité, dans cette robe noire toute neuve. Ces derniers jours, tout m'a paru plus fade, plus long.
L'atmosphère qui regnait était pesante et l'on ne s'adressait plus la parole. Les heures passaient dans un lourd silence, parfois brisé de sanglots... Mais ce n'était pas les miens... Depuis cet événement, je n'avais réussi à pleurer aucune larme. Cela n'était pas commun. Même impensable. J'était triste, évidemment, mais alors pourquoi... ?
Je me sentais comme omniprésente, mais impuissante et invisible. Je restais là, à contempler ma famille éffondrée, sans comprendre vraiment pourquoi. Est-ce que j'étais trop petite pour savoir ce qu'est la mort ?
J'observais mon reflet plus attentivement, puis secouai la tête.
Durant longtemps j'ai pensé que le jour où un de mes proches partirait, j'allais ressentir la même douleur que je vois dans les films ou autres, sûrement plus fort encore. Cela me préoccupait...
Seulement, lorsque ce jour est arrivé...
J'ai ressenti un pincement au coeur, mais seulement parce que je voyais les autres pleurer leur douleur sans rien comprendre. Et j'étais là, au milieu de leurs larmes, ne sachant que dire ou faire.
Je me sentais terriblement angoissée. Et pour une raison quelconque, j'étais en colère. Contre moi-même et contre tout le monde. Je ne parvenais à comprendre ces gens. À comprendre pourquoi ils pleuraient. J'en vins à penser que leur chagrin n'était qu'une simple hypocrisie, mais étant donné que la majorité gagne, j'en déduis que le problème venait de moi.
N'étais-je donc pas capable de ressentir ma propre douleur ? Alors c'était ça la mort ? Un simple caprice passager ? Je ne comprenais plus rien... Dans les films, les livres ou la vraie vie, la mort était représentée comme étant la pire chose qui puisse arriver. Mais est-ce vraiment le cas ?
Toutes ces questions s'entassaient dans mon esprit.
La mort est la dernière étape de la vie, alors pourquoi s'en soucier ?
Lorsque l'on a quitté l'hopitâl, personne ne s'était adressée la parole, tous était prisonnié de leur propre pensées. Et j'étais près d'eux, à tendre des mouchoirs, sans rien dire. C'était comme si je n'existais pas. Que j'étais étrangère à ma propre famille. Et lorsque ma mère s'est apperçue que je ne pleurais pas, elle m'a simplement lancé entre deux sanglots : "Tu es forte... Mais tu n'es pas obligée de te retenir..."
Mais je n'ai rien répondu. Alors qu'en moi, j'étais rongée par la culpabilité de ma façon de percevoir les choses. Est-ce que ce sera pareille quand ma mère mourera ? Est-ce que je resterai là, devant le miroir, le jour de son enterrement, ignorant les appels répétés de ma famille, en bas des escaliers ?
"T'es qu'un monstre !" M'avait crié l'horrible enfant de 9 ans qui me sert de cousin.
J'essayais sans cesse de faire disparaître cette phrase de mon esprit. Mais peut-être qu'il a raison après tout. Un monstre, hein ? Est-ce que j'avais perdu mes sentiments dans ces longs couloirs blancs de l'hopitâl ?
Ou alors j'avais tellement pleuré que je ne crée plus de larmes ? J'espérais que cette réponse soit la bonne.
Je me tenais toujours au même endroit, me fixant dans la glace. Scrutant mon visage à la recherche de mes sentiments disparus. Mais tout ce que je vois, c'est une enfant cernée, au regard perdu.
Je ne voulais pas y aller.
Il n'était pas réelement mort, n'est-ce pas ? Sinon j'aurais pleuré, non ? C'est impossible de mourir comme ça.
Je l'attendais pendant la nuit. Je savais qu'un jour il serait au seuil de la porte. N'est-ce pas ? Mais alors pourquoi... ?
"Eden... on t'attend."
Je regardais Jacob, dans ce costume qu'il détèste tant. Mon oncle était vivant. Je voulais y croire.
...
Mais alors pourquoi n'en étais-je soudainement plus autant convaincu ?
"Jack... ?"
Il me regardait longuement, sa bonne humeur habituelle avait disparu.
"Ouais... ? Marmonna-t-il dans un soupir.
- T'en penses quoi, toi ? De tout ça..."
Il ne répondit pas, me toisant un moment avant d'hausser les épaules.
"Ça te servirait à quoi de le savoir ?"
Puis il descendit tranquillement.
Frère indigne.
Je soupirai et descendis à mon tour, l'estomac retourné...
En bas, tout le monde m'attendait, vêtu de noir, le regard souligné de cernes.
Je les suivis sans un mot, le coeur lourd et le regard river au sol.
On sortit de la maison, nous dirigeant vers la pente menant à la route du village.
Je trébuchai et me rattrappai de peu en m'accrochant à ma tante.
《Ces talons sont assortis à la robe.》
Oui maman... mais pas les bleus qu'ils genèrent...
Une fois sur le chemin, je sentis l'angoisse m'envahir.
"Je ne veux pas y aller... murmurai-je."
Les visages interloqués de ma famille se tournèrent vers moi.
Je regrettai aussitôt mes paroles.
"Eden, ne fait pas la difficile, commença ma mère, nous allons être en retard..."
Je continuai de me plaindre : "J'arrive pas à comprendre ça... Je veux dire... Comment cela a pu arriver ? Je ne veux pas voir ça... Ce n'est pas réel..."
Mon père s'emporta :
"Comment ça : "ce n'est pas réel" ?! Tu ne vas pas à l'enterrement de n'importe qui, jeune fille. C'est ton oncle !
- Et alors ? Tu penses que mon oncle voudrait que je garde sa mort comme dernière image de lui ? C'est insencé ! Vous êtes tous insencés !
- S'il te plait, c'est difficile pour nous comme pour toi et il ne faut pas faire mauvaise impression."
Les mots de ma mère me contrariaient.
"Mauvaise impression ? Comme peux-tu te soucier de ta réputation dans un moment pareil ?!"
Ma mère allait de nouveau répondre, mais fut coupée par Laurent.
"Peut-être qu'on ne devrait pas la forcer...
- Mais on ne peut pas la laisser là ! Toute seule ? Elle posa son regard sur moi. Cherie, je suis sûre que ton oncle aurait été heureux de te voir près de lui dans ces derniers instants, avant qu'on ne l'enterre...
- Ses derniers instants, il les a passé dans un bloc opératoire avec une poignée d'inconnus !"
Mon parrain s'accroupit et posa ses mains sur mes épaules :
"D'accord Eden... reste calme. Tu ne veux pas y aller, on ne va pas te forcer. C'est ton choix. Aujourd'hui on ne peut pas savoir s'il sera bon ou non. Là, je te demande de réfléchir vraiment selon ton coeur. Est-ce que oui ou non, tu viens à l'enterrement ?"
Je regardai derrière lui.
Tout le monde me fixait, comme si ma réponse était le sommet de leur préoccupation. Sauf que mes sentiments sont maitre de ma voix et mes lèvres. Ce sont mes propres émotions et ma volonté, alors, pour une fois, les autres ne comptent pas.
"Non."
J'entendis les parents émettre un petit râle.
Il n'en fallut pas plus pour que mon frère en rajoute une couche :
"Ok bah, je reste aussi. J'aurais voulu venir mais... en tant que grand frère je peux pas la laisser seule, hein ?"
Ma mère lui lança un regard noir.
"Hors de question ! Elle est assez grande. Tu viens."
Il râla et prit le chemin de la route avec le reste de ma famille. Je les regardai s'éloigner et disparaître au loin.
Je restais donc là, devant la maison. Seule...
Je remontai dans ma chambre et jetai mes chaussures à travers la pièce. L'une d'elle passa par la fenêtre et disparut dans les hautes herbes du champs à côté. Tant mieux, je n'aurais plus à les mettre. Je sautai dans mon lit et étranglai mon coussin de toutes mes forces.
Tout ça parce qu'ils ne comprènnent rien...
...
Tout ça parce que je ne leur donne pas une chance de comprendre quoi que ce soit...
Mais comment aurais-je pu leur faire comprendre quelque chose si moi même je ne comprenais rien... ?
Et puis d'abord... qu'est-ce que j'essayais de comprendre ?
J'étais dans une spirale infernale et cherchais sans succès une sortie. J'avais mal au crâne et une horrible envie de vomir.
Je n'ai pas toujours été quelqu'un qui ne fait que broyer du noir. Avant, je voyais toujours la vie du bon côté. Je pleurais, oui, mais pour un rien. J'étais juste une enfant gâtée. Juste la petite fille qui souriait tout le temps et que tout le monde trouvait mignonne et gentille.
Qu'est-ce qui est arrivé à cette petite fille si innocente ?
Je me levai et retourai me regarder dans le miroir.
Mais elle n'y était pas. Ou plutôt, plus.
Je voulais pleurer. Je savais qu'ainsi je pourrais évacuer cette frustration. Mais au lieu de ça, je restais devant la glace, au point de départ, à observer les cernes violettes sous mes yeux.
Je sortis de la maison, pieds nues, après avoir enendu les cloches de l'église. Souvent dans les films, les enterrements ont lieu un jour de pluie. Aujourd'hui il y a un grand soleil et le sol et brûlant.
Je restais donc là, allonger dans l'herbe à écouter les petites cascades d'eau. Je repense à mon oncle. Ce bon monsieur qui ne venait jamais les mains vides. Cet homme qui avait organisé la fête de mes 12 ans... Et puis après, l'on a déménagé dans cette campagne pour être "une famille unie" et voilà qu'à peine un mois après il meurt. Ce n'est pas possible... je repense à ma mère en larmes. A ma tante. Et à Laurent qui m'a toujours compris. Comme s'il savait qui j'étais mieux que moi-même. Il aurait été un père parfait. Mais...
Mes pensées divaguent et je réfléchis au comportement de Jacob ces derniers jours... Je ne l'ai pas vu pleurer. Juste triste. Quand ma famille sechait leurs larmes dans la cuisine, il en profitait pour regarder ses films à la télé.
Petit con.
《Ça te servirait à quoi de le savoir ?》
Ces mots me revinrent immédiatement. Est-ce que, comme moi, il avait une vision des choses qui le gênait trop pour en parler ?
De plus, s'il aurait pu, il serait resté avec moi. Cette événement ne l'aurait pas influencer ?
Je me redressai, comme si être assise me permetterait de mieux comprendre.
Mais rien ne vint. J'étais toujours perdue dans mes pensées... Mon oncle...
Alors voilà, hein ?... Il est mort.
Juste mort.
Et bientôt il sera à six pieds sous terre dans une boîte. Et alors ? Tout le monde passera par là un jour ou l'autre. Il est inutile d'essayer de me convaincre qu'il est en vie. À quoi ça sert de voir sa pierre tombale ?
Ce n'est que des mots gravés. Ce n'est que ce qu'il reste en sa mémoire...
Qu'est-ce que j'ai fait ?...
Je sentie une goutte glisser sur mon visage. Puis une autre. La pluie était donc finalement arrivée ?
Ma vue se troubla et un torrent de larmes ruissela sur mes joues. Des larmes chaudes et salées reflettant toute ma culpabilité.
Je pleurais enfin, pour la première fois depuis cette fameuse nuit.
Mais je ne ressentis pas le sentiment de libération auquel je m'attendais. Juste une douleur horrible, qui s'intensifiait chaque seconde. Un mélange de dégoût à mon égard et de colère, submergé par une vague de tristesse.
J'entendis de nouveau les cloches sonnées au loin. Je repensais à cette enterrement où je devais me rendre. Je me rememorais les expressions de chacun des membres de ma famille, les imaginant à cet instant.
Il était trop tard pour les rejoindre.
Alors peut-être que j'aurais dû les suivre...
Peut-être...
J'avoue que ce chapitre a mis du temps. La vérité c'est que je ne savais pas vraiment comment écrire tout ce que je voulais que le personnage ressente, du coup, j'ai un peu baclé le travail. Désolée.
Je suis vraiment touchée par vos commentaires et j'espère que vous aurez aimé ce deuxième chapitre :)
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