Sa planche de surf virevoltait sur les vagues lorsqu'un violent malaise le saisit. À l'instant même où sa tête plongeait dans l'eau chaude de ce mois de février, il sut ce qui avait causé ce trouble.

Il regagna bien vite le rivage, prit à peine le temps de ranger ses affaires puis quitta la plage en ignorant superbement ses admiratrices. Il n'avait pas le temps de jouer avec elles aujourd'hui.

Il ne pouvait pas jouer tout court.

Il se mit en route sous le ciel menaçant, ruminant ses pensées.

Une goutte, puis deux, puis dix s'écrasèrent sur son visage et sur son crâne. Les flaques grossissaient sous ses pieds, les lui mouillant un peu plus à chaque pas.

Le jeune homme avait envie de hurler. Il pensait que c'était terminé les déménagements, qu'ils en avaient fini, qu'ils étaient enfin en sécurité !

Mais apparemment non.

À présent, il devait aller le lui dire. Et l'enfer recommencerait.

Une idée s'insinua sournoisement dans son esprit. Et s'il ne lui disait rien ? S'il gardait ça secret ? La vie poursuivrait son cours et advienne que pourra !

Mais ce serait lui désobéir... le renier en quelque sorte...

Impossible. Impensable même !

Il en avait tellement fait pour eux. Il lui devait tout car sans lui il ne serait rien.

Non, il ne pouvait pas faire cela.

Quelque chose le heurta soudain. À moins que ce ne fusse lui qui heurte quelque chose ? Dans tous les cas, la chose poussa un petit cri lorsqu'ils tombèrent.

Une fille...

Une seconde, peut-être deux, avant de toucher le sol, il pivota de manière à la protéger de l'impact. Le choc ne lui fit rien. Il avait tellement l'habitude des coups.

Il se redressa en époussetant ses vêtements et adressa son sourire que les demoiselles estimaient ravageur sans même lui adresser un regard.

-Excuse-moi, je ne regardais pas où j'allais, tu n'as rien ?

Pourquoi posait-il la question alors qu'il connaissait parfaitement la réponse ? Un petit rire gêné accompagné d'une négation timide tandis que dans ses yeux brillerait sa joie de rencontrer un garçon ''parfait''. Ces êtres étaient tellement prévisi...

-Oublie ça tu veux ? Ça ne marche pas sur moi tes petits trucs

Surpris, il prit le temps de l'examiner... et manqua de s'étrangler.

-Qu'est-ce que tu fais là toi ?

-Je rentrais à la maison, ça te pose un problème ?

-Non, laisse-moi passer.

-Et toi ?

-Pareil ! Mais laisse-moi passer enfin !

Il la bouscula et continua son chemin, tourna dans la ville et finit par s'enfoncer dans le taudis qui leur faisait office de maison.

Derrière lui résonnaient les cris de sa compagne mais il n'en avait rien à faire. Une main le saisit et c'est en vain qu'il essaya de se dégager de cette étreinte. Mine de rien, cette fille avait de la poigne.

-Lâche-moi Élia, tu m'énerves !

Élia... une personne qui lui était semblable autant physiquement que mentalement. L'objet de sa haine et de son amour. Sa moitié, sa jumelle.

Sa sœur.

S'élevant alors au milieu des ombres, une voix familière ordonna.

-Arrêtez un peu tous les deux... Que se passe-t-il Shan ? Pourquoi viens-tu de ce pas décidé ?

Le jeune homme, libéré de l'emprise de sa sœur, fixa droit dans les yeux l'homme qui venait de surgir des ténèbres.

L'homme qui lui avait donné la vie.

Il prit un air le plus déterminé possible et dit une phrase.

Une simple phrase.

-Ils arrivent.