Trois ans après la fin de la guerre qui avait manqué de leur prendre la vie à tous, Chittaphon pouvait se vanter de s'en être très bien sorti. A présent âgé de vingt-cinq ans, et toutes ses dents, il se plaisait à vivre dans les royaumes obscurs où il avait appris à assimiler ses origines démoniaques et à tisser des liens avec son frère de sang dont il avait ignoré l'existence pendant presque toute sa vie. Si découvrir qu'il était un prince disparu avait tout d'abord été un choc, il ne pouvait nier que cette position lui plaisait et que parfois il en abusait un peu. Seulement Jongin était tellement heureux de le retrouver qu'il ne lui en tenait jamais rigueur à la différence de son petit-ami. Chittaphon glissa la tête dans l'embrasure de la chambre et coula un regard curieux vers ce dernier.

Doyoung travaillait depuis le lever du soleil, avec les rideaux fermés pour ne pas souffrir de la luminosité extérieure. Chittaphon savait que son vampire de petit-ami l'avait entendu arriver mais il faisait mine de rien, focalisé sur les documents devant lui. L'argenté fronça le nez et grogna, il détestait être ignoré et encore plus par son copain. Il se glissa donc dans la pièce en veillant à faire un maximum de bruit avant d'aller enlacer le noiraud par derrière. Son geste ne suscita aucune réaction chez son amant et il lui mordit le cou pour le punir de son manque de considération.

— Mais tu vas pas bien ? ronchonna Doyoung en se retournant brusquement.

Un sourire angélique ourlant ses lèvres pleines, l'incube papillonna exagérément des cils.

— Je travaille Chi, laisse-moi tranquille.

— T'es ronchon toi.

— Oui, parce que tu m'empêches de me concentrer.

— Je m'ennuie, pleurnicha Chittaphon en venant glisser son visage dans le cou du vampire.

Il en profita pour y déposer une nuée de baisers légers et pour grignoter la peau blanche du bout des dents. Il se pressa contre Doyoung et tenta de faufiler ses mains sous la chemise noire, sans succès. La poigne du vampire se referma sur ses poignets pour l'empêcher d'aller plus loin.

— Chi. C'est non.

— T'es pas marrant.

L'incube se recula et croisa les bras sur sa poitrine, vexé.

— Je comprends pas pourquoi tu restes avec moi si tu ne veux jamais qu'on passe du temps ensemble. Autant être célibataire.

Il se pinça la bouche, ses lèvres ne formant plus qu'une mince ligne pâle, et il détourna le regard. Il se racla la gorge et fit marche arrière sous le regard glacial de son amant. Doyoung ne pipa pas un mot et se contenta de se détourner de lui pour se reconcentrer sur son travail. Chittaphon se gratta la nuque une fois la porte refermée, il avait bien vu que son compagnon avait très mal pris sa remarque et lui-même regrettait d'avoir laissé ces mots s'échapper de sa bouche. Il fit claquer sa langue contre son palais, agacé, et décida que pour se remettre en forme rien de mieux que d'embêter son meilleur ami. Sehun était revenu d'une nouvelle escapade avec son fiancé deux jours plus tôt et ne devait pas repartir avant plusieurs semaines. Une aubaine pour Chittaphon qui ne demandait qu'à passer du temps avec le rouquin.

L'argenté partit donc à la recherche de celui avec qui il avait partagé une grande partie de sa scolarité en espérant qu'il ne soit pas avec son amant de sorcier. Il remonta les couloirs à vive allure et il finit par percuter de plein fouet celui qu'il cherchait. Sehun le rattrapa de justesse avant qu'il ne tombe au sol et l'aida à se stabiliser. Chittaphon grogna de déplaisir.

— Fais attention, ton copain déteint sur toi, rit la frimousse amusée de son ami.

— Me parle pas de lui...

— Vous vous êtes encore disputés ?

L'argenté releva fièrement le menton, vexé par la remarque du roux. Il avait conscience que sa relation avec Doyoung était ponctuée de hauts et de bas, qu'ils ne se mettaient d'accord que sur peu de sujets et que la moitié du palais avait déjà subi leurs crises de couple, mais il était vexé que Sehun ai eu l'air fatigué en disant cela.

— Dis-le si je t'ennuie surtout, grinça l'incube.

— C'est pas ça Chi, tu le sais très bien. C'est juste qu'après trois ans vous pourriez apprendre à vivre ensemble et à lâcher prise. Je pourrais pas rester avec quelqu'un avec qui je me dispute aussi souvent.

— On s'aime, répondit simplement l'argenté. Enfin moi je l'aime, lui j'ai de plus en plus de doutes.

Sehun fronça les sourcils et il attrapa les joues de son meilleur ami pour les pincer. Il pouvait accepter beaucoup de choses de son meilleur ami, mais qu'il remette en doute les sentiments de Doyoung c'était trop. Le vampire avait quitté son clan, sa terre, pour venir vivre dans les royaumes démoniaques et tout ça juste pour le confort de Chittaphon. S'il ne l'aimait pas sincèrement jamais il n'aurait pu faire ça, surtout que Sehun avait une petite idée de ce qu'il se passait et savait donc que Chittaphon n'avait pas toutes les informations.

L'argenté traina son meilleur ami jusqu'à un petit salon où il se laissa tomber telle une masse sur une large assise rembourrée.

— Il passe ses journées à travailler, j'ai à peine le droit à un regard en ce moment. Je ne sais plus quoi faire pour avoir son attention, j'en ai marre, souffla le démon en gonflant les joues.

— Et tu ne t'es pas dit qu'en le laissant faire il terminera plus vite et pourra passer du temps avec toi ?

— T'es de quel côté ? demanda Chittaphon en lui adressant une œillade suspicieuse.

— Du côté de personne et je vais faire plutôt vite, Minjun m'attend. Chi, tu sais que je t'aime mais on a vingt-cinq ans maintenant, nous ne sommes plus des enfants et il faut aussi agir en tant que tel. Je sais que t'es un esprit libre, jeune, et c'est comme ça qu'on t'aime. Mais Doyoung est l'héritier de son clan, un proche de la famille royale, il a des responsabilités et doit s'en occuper. Tu sais que les vampires accordent une grande importance à leur famille, il s'est déjà éloigné de la sienne pour toi, parce qu'il t'aime justement, alors pense aussi un peu à sa place et pas uniquement depuis la tienne.

L'incube garda la bouche close un instant, son regard éberlué ne quittant pas la moue sérieuse de son ami.

— Bordel, te taper un vieux ça te fait parler comme un vieux, c'est fou.

— Chi ! rougit Sehun.

— C'est bon, je plaisante. J'ai compris Hunnie et je vais y réfléchir.

— Bien, c'est tout ce que je te demande.

Sehun se releva et alla ébouriffer la chevelure en pagaille de son meilleur ami.

— Passe une bonne soirée, tu me raconteras.

— Raconter quoi ? Que je suis resté enfermé dans ma chambre en espérant que mon mec se souvienne de mon existence ? Rien de plus passionnant, dit Chittaphon en levant les yeux au ciel.

Le rouquin ne releva pas et l'abandonna dans le salon avec un petit sourire gêné. L'incube soupira et continua à se morfondre pendant quelques minutes avant se décider à rejoindre les appartements qu'il occupait avec son petit-ami. Doyoung était dans la même position que lorsqu'il l'avait quitté plus tôt et Chittaphon passa sans lui accorder le moindre regard. Il alla s'écraser dans le grand lit à baldaquins, le nez niché dans un épais coussin. Il se cala sous les couettes, ces dernières passant par-dessus sa tête, et il attendit. Il finit par s'endormir et ne se réveilla qu'une poignée d'heures plus tard, alors que de douces caresses étaient effectuées sur ses cheveux. L'incube papillonna des yeux puis étira ses ailes tout en se redressant dans le lit.

Le vampire, assis sur le rebord du matelas, posa sa main sur la joue de son amant qui y appuya son visage comme un chaton, encore ensommeillé. Un léger rictus remonta le coin de la bouche de Doyoung qui vint embrasser son cadet au coin des lèvres.

— Tu as fini de bouder ? chuchota le noiraud.

— Seulement si tu as du temps pour moi, grommela Chittaphon en se blottissant dans ses bras.

Doyoung le serra contre lui avant de l'embrasser, une fois, deux fois, et une multitude d'autres juste après. L'argenté ronronna de satisfaction, un sourire illuminant son visage. Cependant ce dernier se fana quand son petit-ami se redressa et quitta le lit.

— Si tu repars travailler je hurle, prévint l'incube.

Le vampire le toisa de toute sa hauteur, ses lèvres retroussées dévoilant ses canines tranchantes en un sourire carnassier. Il attrapa deux sacs à dos qui trainaient sur le sol et que Chittaphon n'avait pas vu avant d'en balancer un à ce dernier. L'argenté le récupéra maladroitement et observa son amant sans comprendre.

— Dépêches-toi, on est attendus.

— Attendus ? Mais où ?

Il fronça les sourcils et tenta de soutirer des informations au noiraud sans succès, le sang-pur était une véritable tombe qu'il était impossible de soudoyer. Même à coups de baisers, de promesses sulfureuses ou simplement avec son regard d'ange, Chittaphon ne parvint à rien. Frustré, il suivit Doyoung jusque dans le hall du palais et le pli qui barrait son front s'accentua en remarquant l'imposant portail de téléportation qui brillait en plein milieu.

— Minjun a prévenu qu'il ne serait actif que pendant cinq minutes, il avait autre chose à faire apparemment, alors si tu pouvais accélérer Chi ça serait sympa.

La voix cassante de son amant agaça l'incube qui passa près de lui en le bousculant volontairement. Doyoung l'avait bien cherché. Sans poser plus de questions il réajusta la hanse du sac sur son épaule et pénétra le portail. La sensation particulière du voyage lui serra l'estomac et il prit sur lui pour ne pas vomir à l'arrivée. Le transport ne durait que quelques secondes mais c'était bien assez pour malmener son ventre sensible. La main du noiraud qui frottait doucement sa nuque lui fournit un point d'attache pour reprendre ses esprits et il ouvrit les yeux. 

Ses paroles restèrent coincées dans sa gorge et les larmes lui montèrent aux yeux. Comment aurait-il pu l'oublier ? Cette maison traditionnelle à étages d'où s'échappaient de la lumière et des rires. Des citrouilles étaient disposées dans le jardin, ainsi que de fausses araignées géantes et autres décorations cauchemardesques.

— Je-

— Tu m'as tellement cassé les pieds avec ton halleewon ou je sais pas trop quoi, que je me suis dit que ça serait bien que tu le passes en famille, murmura Doyoung avant de l'embrasser sur la tempe.

Chittaphon ne reprit même pas le vampire sur son erreur, les cordes vocales nouées par l'émotion. Il n'avait pas revu sa famille humaine depuis des années, il y avait eu la guerre puis il avait eu besoin de se découvrir autant que de se reconstruire, il n'avait pas souhaité les inquiéter et il prenait pleinement conscience d'à quel point ils lui avaient tous manqué. Il renifla et se jeta au cou de son amant qui le réceptionna contre lui avec un petit rire supérieur.

— J'avais envie de te claquer et maintenant je veux juste t'embrasser, comment tu te débrouilles pour me faire passer par toutes les émotions comme ça ?

Le noiraud ricana en déposant rapidement sa bouche sur celle de son cadet.

— C'est mon petit talent, allez, dépêches-toi, tu es attendu.

— Tu viens avec moi pas vrai ?

Doyoung glissa sa main dans celle de Chittaphon et lui indiqua l'entrée d'un mouvement du menton.

— A ton avis pourquoi je me suis tué à la tâche ces dernières semaines ? On va pouvoir rester ici un petit peu, j'ai contacté tes parents et ils sont d'accord pour nous accueillir. 

Cette fois les larmes dégoulinèrent sur les joues de l'incube qui ne fit aucun effort pour les retenir. Il allait passer sa fête préférée à se gaver de bonbons, avec les gens qu'il aimait, dans la maison qui l'avait vu grandir. Et il allait pouvoir faire découvrir cette tradition humaine à son vampire coincé, il allait passer la meilleure des soirées, il n'avait qu'une hâte : entrer. 

Nda :
C'est un os qui aurait dû paraître pour Halloween mais je devais attendre qu'on soit déjà posté dans le recueil collaboratif. Bon, on arrive en décembre et il n'est toujours pas posté donc j'avoue que je transgresse un peu les règles mais... Ça n'aurait vraiment pas de sens de le mettre pour Noël mdr.

Bref, j'ai été très contente de retrouver ces petits gens même si ce n'est pas mon meilleur bonus !

Bye~